[Photo : Vue générale des installations]
Du début du siècle jusqu’aux grondements de la révolte estudiantine, la Papeterie de la Seine fabrique toutes sortes de papiers sur son site de Nanterre : papier journal, papier kraft et même du papier sachet. En 1968, la société réoriente ses activités vers le papier cannelure mi-chimique pour l’emballage. Mais en 1980 la fabrication du papier journal est totalement arrêtée et l'ensemble de la production se concentre sur le papier ondulé. C’est de cette époque que datent les premières mesures pour lutter contre la pollution générée par ce processus industriel, qui conduira peu à peu à l’arrêt de l'utilisation de pâte mi-chimique au profit de cannelure entièrement fabriquée à partir de vieux papiers recyclés.
En septembre de cette même année, la Papeterie de la Seine investit dans un décanteur physico-chimique pour le traitement des matières en suspension contenues dans les eaux de fabrication. Les boues primaires récupérées étaient renvoyées en tête de pulpeur, et rentraient ainsi dans la composition
[Photo : Clarification et poste de reprise des boues]
[Photo : Réfrigération des effluents avant traitement en circuit fermé]
des feuilles de carton.
Le choix de la voie aérobie
Quinze ans plus tard, la Papeterie de la Seine décide de compléter ce traitement primaire par un traitement secondaire s’attaquant à la pollution dissoute, essentiellement sous forme carbonée. Étant donné les fortes concentrations de pollution contenues dans l’effluent, la voie anaérobie paraissait a priori être la plus adaptée. Elle était aussi la plus fréquemment utilisée sur ce type d’effluent.
Cependant, en raison de la nature de l’effluent (concentration très élevée en calcium engendrant des risques de colmatage et d’entartrage), Neyrtec Environnement, filiale de Proserpol, a privilégié la voie aérobie. Cet effluent est en effet riche en acides gras volatils, facilement dégradés en phase aérobie biologique. Sa richesse en calcium provient non pas de l’eau de la Seine, utilisée pour la fabrication du papier, mais des vieux papiers, matière première chargée en carbonate. La simplicité d’exploitation de la solution proposée a décidé la Papeterie de la Seine et son directeur Bernard Renard à choisir Neyrtec Environnement pour construire la station de traitement (génie civil, électricité et automatismes) et l’équiper d’un système de déshydratation des boues. Cette installation aérobie devient de fait l’une des rares en France qui fonctionne avec des charges habituellement traitées en anaérobie.
La station a été conçue pour une production de papiers de 600 tonnes/jour, soit 25 % de plus que la production actuelle. Elle est d’ailleurs prévue pour pouvoir évoluer jusqu’à 1 500 tonnes/jour.
Description de l’installation
L’installation se compose d’un bassin d’aération suivi d’un clarificateur et d’un système de déshydratation des boues. En amont du bassin d’aération, l’effluent est tout d’abord refroidi de 40 °C (maximum 45 °C) à 30 °C. Ce refroidissement s’effectue grâce à un système d’échange thermique en circuit fermé pour éviter de pomper en continu l’eau de la Seine. L’eau de refroidissement, prélevée une seule fois dans la Seine, est d’abord stockée dans une cuve de mise en charge, puis alimente un échangeur thermique liquide-liquide. Cette eau est maintenue à 25 °C par passage dans un aéro-réfrigérant atmosphérique (tour de brumisation). L’ensemble a été calculé pour refroidir au maximum 250 m³/heure, ce qui correspond au débit horaire maximum, le débit horaire…
[Encart : Historique de la Papeterie de la Seine
Le Petit Parisien, le plus fort tirage « du monde » avec près d’un million et demi d’exemplaires, souhaitait au début du siècle s’affranchir des fabricants de papier. Son propriétaire, Jean Dupuy, décida donc de créer sa propre fabrique de papier. Le choix se porta sur Nanterre, alors gros bourg paysan. Dès 1906, la fabrique de papier de Nanterre commença d’alimenter le Petit Parisien et d’autres journaux de la capitale. Un an plus tard naissait officiellement la société anonyme de la papeterie de la Seine. La société n’aura de cesse durant les quatre-vingt-dix ans suivants d’améliorer ses procédés de fabrication. En 1933, c’est le démarrage de la fabrication de pâte mécanique. Dix ans plus tard, la papeterie de la Seine se diversifie avec l’installation d’une sacherie et d’un atelier fabricant du matériel d’ensachage. Vingt ans plus tard, la pâte mécanique est blanchie. 1968 marque un tournant important dans l’histoire de la Papeterie de la Seine avec une orientation vers un nouveau marché, celui du papier d’emballage, et notamment le papier cannelure mi-chimique. La société arrête progressivement les autres activités, sacherie en 1978 et papier journal en 1980, pour se consacrer entièrement au papier cannelé. Mais celui-ci est désormais fabriqué entièrement à partir du recyclage de vieux papiers. La production n’a depuis cessé d’augmenter, en passant de 320 tonnes/jour en 1984 à 445 tonnes/jour l’an dernier.]
Paramètres de base fournis par les papeteries de la Seine
|
Valeur moyenne |
Valeur maximale |
Débit quotidien |
3 400 m³/j |
5 000 m³/j |
Débit horaire |
142 m³/h |
250 m³/h |
DCO |
6 600 mg/l |
7 000 mg/l |
DCO quotidienne |
22,44 t/j |
23,81 t/j |
DBO₅ |
2 600 mg/l |
2 800 mg/l |
DBO₅ quotidienne |
8,84 t/j |
9,52 t/j |
Température |
45 °C |
[Ca] estimée |
200 mg/l |
[Photo : Performances du traitement aérobie : rendement d’élimination de la DCO]
[Photo : Évolution de la DCO en amont et en aval du traitement biologique]
moyen étant de 142 m³/heure.
Après avoir été refroidi, l'effluent alimente le bassin d’aération. D'un volume de 10 000 m³, celui-ci comporte un système d’aération immergé. Une attention particulière a été portée à la sélection de ce système pour répondre aux contraintes suivantes :
- assurer l’aération et le brassage d’un volume important sur une forte hauteur d'eau (10 mètres),
- garantir l'absence de colmatage de la distribution d'air.
Neyrtec Environnement a donc sélectionné une technique d’aération par moyennes bulles à haut rendement. Cet effluent secondaire est ensuite dirigé vers le clarificateur, d'un diamètre de 36 mètres, équipé d’un bras sucé.
Le traitement des boues
La déshydratation des boues s’effectue au moyen d'une centrifugeuse susceptible de tourner jusqu’à 40 m³/heure.
L’adjonction d’un floculant permet de produire des boues d'une siccité d’environ 20 %. À l'heure actuelle, une partie de ces boues est renvoyée en fabrication. Cette quantité devrait atteindre 4 tonnes de matières sèches par jour, correspondant à la totalité des boues en excès générées par le traitement aérobie. C’est une solution originale au problème de gestion des boues. Une solution de valorisation par épandage agricole est parallèlement en cours d’étude en cas d'excès.
Des rendements importants
Le traitement biologique devait permettre d'abattre jusqu’à 80 % de la DBO. Un tiers du débit total est réutilisé dans le processus de fabrication, ce qui favorise la déconcentration de cette pollution dans les circuits de fabrication du papier, comparativement à la réutilisation précédente d’effluent primaire, très chargé.
Le rendement attendu pour la DCO était de 75 %, et de 84 % pour l’abattement des matières en suspension.
En fait, les résultats obtenus se situent bien au-delà des rendements espérés (>90 % pour la DCO).
L'importance des rendements obtenus, la réutilisation d'une eau moins chargée dans un procédé de fabrication et l'utilisation originale de ce traitement aérobie en font un exemple pour ce type d'industrie.
[Photo : Laboratoire d’analyses et suivi en salle de contrôle de la station biologique]
[Photo : Local technique de traitement des boues biologiques]