S. LAMBERT
Chef du Service Environnement
RHONE-POULENC INDUSTRIES DÉCINES
B. ANCELLE
Service Environnement
RHONE-POULENC INDUSTRIES DÉCINES
M. PETIN
Service Environnement
RHONE-POULENC TEXTILE ARRAS
1. — L'USINE DE RHONE-POULENC TEXTILE D’ARRAS
L'usine d'ARRAS, une des plus importantes usines de RHONE-POULENC TEXTILE, a ses moyens de production concentrés sur les produits suivants :
— Fil nylon, fil nylon tapis, fil nylon texturé, pour emploi textile.
Sa production, tous produits confondus, est de l'ordre de 80-100 t/jour.
2. — LE PROBLÈME DES EAUX RÉSIDUAIRES DE L'USINE ET SA SOLUTION
Depuis de nombreuses années, l'usine est à la recherche de la meilleure solution pour le traitement de ses eaux résiduaires.
On a, dans un premier temps, envisagé une collecte séparée des eaux résiduaires et des eaux non polluées. L'ensemble des eaux résiduaires ainsi collectées allant vers un traitement global, le procédé envisagé ne pouvait être, à l'époque des premières estimations, qu'un cassage chimique suivi d'une floculation-décantation. Bien que cette technique conduisît à un bon rendement d’épuration et fût bien connue de l’homme de l’art, elle présentait néanmoins les inconvénients suivants :
• du point de vue technique, une forte production de boues, une consommation de réactifs importante, une conduite peu aisée ;
• du point de vue financier, un investissement et des frais d'exploitation importants.
Au point de vue psychologique, c’était en quelque sorte un « tout-à-l’égout » rejetant la solution hors de l'atelier et vers d'autres responsables. Une action volontariste de la direction de l'usine est allée vers la recherche de solutions au plus près de l'atelier de manière :
- — à diminuer les frais d'investissement et d'exploitation,
- — à améliorer les rendements d'épuration,
- — à capter et traiter la pollution au plus près de sa source avec, si possible, des traitements s'intégrant dans le processus de fabrication et, à la limite, exploités par le pollueur lui-même.
Il a fallu pour cela que l'usine restructure la collecte des effluents, modifie certains processus opératoires, convainque les responsables de production que le traitement des eaux résiduaires pouvait être de leur compétence et de leur responsabilité.
Enfin, une collecte aussi parcellaire a nécessité une étude technique de chaque flux afin d'y apporter la meilleure solution.
2.1. — L’ensimage des fils :
Les fils et fibres synthétiques sont, au cours de leur fabrication ou au cours des traitements qu'on est amené à leur faire subir (étirage, texturation par exemple), directement ou indirectement mis en contact avec des huiles dites « d’ensimage ».
Le mot « ensimage » vient du latin Sagina : graisse, d'où le français saindoux.
L’ensimage confère aux fils continus ou aux filés de fibres des qualités de lubrification vis-à-vis des organes des métiers et aussi une tenue adéquate des fils ou fibres entre eux pour inhiber tout affaissement des bobines ou l’étirage intempestif des filés.
Ces préparations peuvent s'appliquer sous forme d’huiles anhydres à viscosité précise ou sous forme d’émulsions aqueuses à base de mélanges de cires, d'huiles et produits divers.
2.2. — L'effluent :
Ce sont les huiles, les émulsions et les eaux de lavage qui constituent l'essentiel de la pollution aqueuse d'une usine textile ; aussi, est-il nécessaire de séparer, par un moyen quelconque, la matière grasse de l'eau avant de pouvoir la brûler sous forme concentrée et renvoyer vers le milieu naturel l'eau résiduaire ainsi épurée.
2.3. — Les techniques de traitement envisageables et étudiées :
En fonction des huiles d’ensimage utilisées, des procédés mis en œuvre dans le façonnage et le traitement des fils, de nombreux procédés ont été essayés.
2.3.1. — La décantation.
2.3.2. — Le cassage thermique de l’émulsion suivi d'une décantation.
2.3.3. — Le « cassage » chimique ou physicochimique.
2.3.4. — L'absorption.
2.3.5. — La coalescence.
2.3.6. — L’ultrafiltration.
Au vu de ces essais l'ultrafiltration a été retenue pour la majeure partie de l'usine d'Arras, car c'est le procédé qui nous a semblé le plus performant dans le traitement des effluents.
Les effluents de l'autre partie de l'usine étant traités par cassage thermique et décantation.
Rappelons que l'ultrafiltration, méthode de séparation moléculaire et de concentration, par séparation tangentielle, ne peut intervenir que dans la mesure où :
- — les matières polluantes à éliminer sont sous forme insoluble, colloïdale ou soluble, mais de poids moléculaire de l’ordre de 5 à 10 000. On peut toujours grossir artificiellement la molécule à éliminer par ajout dans l'eau d'un polymère réactif par exemple (élimination de métaux).
- — il n'y a pas « colmatage » des membranes et que leur « nettoyage » rend possible une exploitation de longue durée.
Cette technique a été étudiée et retenue.
— L'ultrafiltration.
2.4. — Conclusion :
La modification des réseaux et des systèmes de collecte, de certains processus opératoires, un choix réfléchi de la meilleure association collecte-traitement des rejets, tout cet ensemble d'actions concertées a permis de retenir :
- — une première collecte avec épuration par ultrafiltration automatisée s'intégrant parfaitement dans le processus de fabrication,
- — une seconde collecte avec épuration par traitement thermique et décantation.
3. — INSTALLATION INDUSTRIELLE D'ULTRAFILTRATION
Concerne les effluents aqueux concentrés du secteur filature comprenant :
1. — Les métiers de filature :
Lavage, rinçage des circuits, vidange des fonds de cuve, égouttures.
2. — Atelier de préparation des ensimages :
Lavage, rinçage des cuves, du matériel de dosage et de pesée, vidange des fonds de cuve. Exceptionnellement vidange des préparations hors normes ou des émulsions cassées accidentellement.
3. — Machine à laver les sols « vidange » :
Cet effluent contient du détergent, beaucoup de MES et d’huile d'ensimage qui s'est déposée sur le sol.
La qualité et la concentration en huile de l’effluent sont très variables ; environ 40 produits différents sont manipulés dans l’atelier de préparation et la concentration en huile varie de 2 à 10 %.
Après plusieurs mois d’essais pilotes, une installation entièrement automatisée a été mise en service en septembre 1979.
L’ensemble de l’installation comprend les éléments suivants :
3.1. — Un ensemble de collecteurs adaptés pour recueillir sélectivement les eaux polluées avant envoi dans l’installation d’épuration ; ces eaux passent successivement :
- - dans une station de dégrillage équipée d’une toile à mailles de 3 mm destinée à retenir les amas de fils, etc. ;
- - sur un filtre à bande, à avance automatique, qui retient toutes les particules d’un diamètre supérieur à 45 microns ;
- - dans une cuve de stockage de six m³.
3.2. — L’ultrafiltration proprement dite se fait à travers un module U FP 22 de Rhône-Poulenc, travaillant à une température de l’ordre de 25 à 40 °C.
L’effluent à ultrafiltrer est prélevé dans deux réservoirs de 6 m³ montés en parallèle : l’un est en cours de remplissage pendant que l’autre est ultrafiltré.
Lorsque la concentration est terminée, le concentré est évacué de l’appareil et un cycle de lavage automatique des membranes a lieu, puis l’installation est disposée pour opérer une nouvelle concentration du bac de 6 m³.
3.3. — Fonctionnement et automatisme
Lorsqu’une cuve de stockage de 6 m³ est pleine, une opération peut commencer. Après une homogénéisation de l’effluent par une circulation de 15 minutes sans passer par le traitement, le liquide à épurer est envoyé dans l’ultrafiltre.
La partie essentielle de l’ultrafiltre est une membrane qui laisse passer l’eau et qui retient les corps gênants. Cette fine pellicule filtrante serait amenée à se colmater instantanément : on évite ce colmatage en faisant en sorte que le fluide balaie tangentiellement et à grande vitesse la membrane ; ce balayage nécessite la création d’une boucle rapide (voir schéma 1).
Après un fonctionnement (généralement 6 heures) et lorsque le débit de l’ultrafiltration est jugé insuffisant (opération automatique par mise en consigne au niveau du programmateur), on déclenche un cycle d’opérations :
- - remplissage en eau de l’ultrafiltre,
- - envoi vers stockage du concentré,
- - lavage des membranes, suivi d’un ou plusieurs rinçages.
Le programmateur vérifie l’état de propreté des membranes par l’intermédiaire du débit de l’ultrafiltrat et commande s’il y a lieu :
- - la mise à disposition de l’installation pour l’opération suivante ou un lavage-rinçage complémentaire.
Le lavage se fait à l’aide de l’ultrafiltrat chauffé à 45 °C contenant un détersif alcalin.
La surveillance de l’ensemble de l’installation et le déclenchement des opérations successives sont entiè-
Rendement automatique : tout est commandé par un automate programmable.
Le positionnement de toutes les vannes ainsi que la marche des pompes sont contrôlés systématiquement avant chaque nouvelle séquence. Le débit de l'ultrafiltrat est surveillé et enregistré.
Tous défauts tels que :
• manque de tension, haute température sur l'effluent, mini débit, perte de pression, nettoyage insuffisant, etc.
sont signalés sur un synoptique et arrêtent, en sécurité, l'installation s'il y a lieu.
3.4. — Choix du tout automatique
Pour une installation qui s'inscrit dans un procédé de fabrication en continu 3 x 8 heures, il nous est apparu indispensable de choisir une solution avec automatisme intégral qui permet de fonctionner 24 heures sur 24 heures pratiquement sans surveillance, l'automate gérant le déroulement des opérations, le contrôle du bon fonctionnement et déclenchant une alarme dès l'apparition d'un défaut dans le déroulement des séquences.
Le surcoût de l'investissement lié à l'automatisme est compensé par une sûreté d'exploitation et par un gain sur les coûts de main-d'œuvre qu'il aurait été nécessaire de mettre dans le cas d'une conduite manuelle (nécessité d’exploiter avec du personnel posté).
3.5. — Résultats
• Six premiers mois d'exploitation
Éléments techniques ultrafiltration
- Débit traité : 2 à 5 m³/j
- DCO traitée : 570 kg/j
- DCO éliminée (incinération) : 540 kg/j
- Rendement épuration DCO : 95 %
- » » MES : 100 %
- Durée moyenne d'une opération 6 m³ : 7 à 8 heures
- Concentration volume : 3 à 10
Investissements — Frais d'exploitation :
Éléments économiques
1° - Projet de station traitant l'ensemble des effluents (1977) : ° Investissement : 2 000 KF ° Frais d'exploitation : 80 KF/an 1° - Réalisation traitement à l'atelier par ultrafiltration : ° Investissement : 400 KF ° Frais d'exploitation : 25 KF/an* 2° - Autre atelier par traitement thermique et décantation : ° Investissement : 100 KF ° Frais d'exploitation : en cours d’estimation
Le rappel des éléments de coûts du premier traitement global envisagé face à ceux de l'installation actuelle montre tout l'intérêt d'une épuration à la source.
Certes, ce résultat a demandé temps, réflexion et études coûteuses, mais dans un contexte de resserrement des coûts à la production, la solution choisie est incontestablement la plus performante.
4. — INSTALLATION INDUSTRIELLE DE TRAITEMENT THERMIQUE ET DÉCANTATION
Elle concerne un autre rejet. Après collecte, les effluents sont réchauffés de 20 à 50 ou 60 °C puis envoyés dans un décanteur lamellaire séparateur d'huile
Rendement en DCO : 60 à 80 %.
5. — CONCLUSION
Dans le traitement des eaux résiduaires/rejets d'ensimage de l'industrie textile, l'ultrafiltration s’est montrée une technique de choix, tant par ses performances que par ses possibilités d’automatisation d'intégration facile dans un processus de fabrication et sa grande fiabilité d’exploitation.
Son utilisation suppose un choix des flux à traiter, une collecte ramenant les débits traités à leur minimum. Mais, en fin de compte, c'est une économie dans l'investissement et dans les frais d’exploitation.
(*) Hors incinération du concentrat.