Cette prise d’eau doit alimenter l’usine de dessalement d’eau de mer qui produira l’eau douce destinée au centre expérimental de Tajura.
Conformément aux demandes du SEA, UIE construisait fin 1981 cet ouvrage constitué comme suit :
— deux conduites en acier, de diamètre extérieur 762 mm et d’épaisseur 19 mm, disposées parallèlement sur une longueur de 1 300 m et reposant tous les 36 m ou 48 m sur des supports ancrés dans le fond marin, par un pieu battu ;
[Photo : Profil en long.]
— un ouvrage d’extrémité du côté mer, installé sur des fonds de –13 m, supporté par un pieu battu de 1,80 m de diamètre et permettant la prise de l’eau de mer au niveau –6 m ;
— un bassin de décantation de 12,40 m × 40 m avec le fond à –5 m.
[Photo : Section type.]
Sur 200 m dans la zone de déferlement, les conduites acier ont été revêtues de ciment. La réalisation du bassin de décantation et la pose des 120 premiers mètres de conduite en tranchée sur la plage ont nécessité l’excavation et le déroctage d’une importante couche de grès.
À la mi-1982, le SEA, prenant conscience de l’incompatibilité entre le procédé de dessalement par osmose inverse et l’utilisation pour la prise d’eau de conduites métalliques, demandait à UIE d’étudier l’aménagement ou le remplacement des conduites déjà installées afin de supprimer tout contact entre l’acier et l’eau de mer arrivant au bassin de décantation.
La première solution envisagée supposait la dépose de toutes les sections de la conduite, leur revêtement intérieur et leur réinstallation. Cette solution n’a pas été retenue, compte tenu du coût important des opérations de dépose, repose et surtout des très grandes difficultés qui auraient été rencontrées pour réaliser en Libye un revêtement intérieur du tube, dont il aurait été bien difficile de garantir la continuité et la résistance dans le temps.
La seconde solution retenue par la SEA et UIE a consisté à tuber intérieurement la conduite acier, sans la déposer, avec un tuyau en polyéthylène haute densité.
Description du procédé retenu
Le tuyau en plastique sélectionné pour le tubage intérieur des conduites acier présente les caractéristiques suivantes :
— fabrication en PHD (polyéthylène haute densité) série 3,2 bars de qualité alimentaire, parfaitement compatible avec le procédé de dessalement par osmose inverse ;
— diamètre ext. 630 mm ;
- épaisseur 19,6 mm ;
- poids 37,6 kg/ml, soit une densité de 0,95 permettant au tube en PHD de flotter à l'intérieur de la conduite en acier.
La différence entre le diamètre extérieur du tube en PHD et le diamètre intérieur de la conduite en acier est de 94 mm, ce qui a permis de réaliser un retubage aisé.
L'introduction du tube en PHD a été effectuée en un seul élément pour toute la partie maritime de chacune des conduites.
Les deux tés dont les branches verticales constituent la prise d'eau à l'extrémité mer ont été réalisés en acier revêtu intérieurement de sakaphen d'une épaisseur de 250 microns.
Les deux tés installés aux débouchés des deux tubes en PHD dans le bassin de décantation ont été réalisés en acier revêtu intérieurement et extérieurement de sakaphen.
Le corps des vannes papillon est en polypropylène.
Les parois du bassin de décantation sont recouvertes de béton ainsi que les poteaux supportant la toiture.
Essais sur tube PHD
Pour s'assurer de la faisabilité du tirage de la conduite en PHD à l'intérieur du tube en acier, un calcul des efforts théoriques de tirage a montré qu'une traction de 4 à 5 t, exercée sur la tête de traction devait permettre l’opération.
Un programme d’essais de tirage a alors été réalisé par l’entreprise sur une éprouvette constituée d'un élément de 2 m de long comprenant une soudure centrale de deux collets à brides polyfusés aux extrémités. Un effort a été appliqué au tube avec des valeurs croissantes de 1 à 16 tonnes sans pression interne donnant un allongement maximum de 11 mm sans déformation permanente du tube. Un deuxième essai exécuté avec un effort de 22 t et une pression interne de 4,5 bars (soit un effort total sur bride de 34,5 t) a provoqué un allongement élastique de 25 mm, soit 1,175 %.
Le tirage de la conduite pouvait donc s’effectuer sans risques.
[Photo : Principe de l'installation d'essai.]
Réalisation du tubage
Les tubes en PHD ont été fabriqués en éléments de 18 m et acheminés sur wagon depuis l’usine Europlast d’Oberhausen, près de Düsseldorf, jusqu'à Port-de-Bouc.
L’ensemble des tubes ainsi que les machines nécessaires au soudage par polyfusion ont été chargés sur une cargo-barge équipée d'une grue.
Après remorquage, la cargo-barge a été légèrement échouée par beau temps sur la plage de Tajura et les tubes ont été déchargés.
Les éléments de 18 m ont été soudés deux à deux afin d'obtenir 80 éléments de 36 m. Cette opération a été réalisée en 14 jours par un seul soudeur utilisant une machine à polyfuser.
Le couvercle en béton et les deux tés métalliques constituant la prise d’eau ont été déposés par la grue de la cargo-barge, et une tour métallique supportant le treuil de tirage a été installée sur le pieu de fondation de la prise d’eau.
[Photo : Plan des installations de chantier terrestre.]
[Photo : Tour de tirage.]
Les deux extrémités de chaque tube métallique étant dégagées, un loco-plongeur fonctionnant sur batterie a tracté à l'intérieur une câblette en polypropylène de 6 mm. Celle-ci a permis de mettre en place un polypropylène de 26 mm qui, lui-même, a été utilisé pour installer le câble de tirage en acier de 26 mm.
Un lavage préalable de la conduite métallique a été réalisé à l'aide de pompes à gros débit, suivi d'un curage de la conduite par tirage d’un racleur par le câble d’acier sur toute la longueur de la conduite de la terre vers la mer. Pour le tirage de la conduite, le câble était enroulé sur le treuil de tirage du côté mer et connecté à la tête de tirage solidaire du tube en PHD du côté terre.
[Photo : Racleur.]
Le tirage s’est effectué par longueurs de 36 m, ce qui prenait une durée moyenne d'une heure pendant laquelle étaient réalisées les trois opérations suivantes : tirage, approche et soudure d’un nouvel élément de 36 m, attente de 30 minutes pour refroidissement de la soudure en machine avant tirage.
L'effort de traction enregistré au début du tirage (soit 4,5 t) est resté pratiquement constant pendant toute l'opération. Il correspondait d’ailleurs à la valeur théorique calculée, valeur qui était très inférieure à l'effort maximum déterminé aux essais.
Les opérations de soudure et de tirage des deux lignes ont été réalisées en neuf jours.
L'utilisation de la machine à polyfuser n’a pas demandé d’installation particulière sur la plage, si ce n’est un socle en béton et un abri bâché. Son fonctionnement n’a nécessité qu'une alimentation de 7,5 kW.
Les opérations de tirage ainsi que les installations et préparations nécessaires sur la plage et en mer ont été réalisées par une équipe UIE, une équipe Frans Bonhomme assurant la soudure des tubes par polyfusion.
[Photo : Lançage achevé avant remblai de la tranchée]
[Photo : Lançage du tube plastique et enfilage dans le tube en acier]
Conclusion
La méthode de tirage d’un tube en PHD à l'intérieur d'une conduite existante qui a été mise en œuvre présente les avantages suivants :
- — facilité d’exécution, même en site maritime non protégé ;
- — rapidité d’exécution : sur une conduite en service, l'interruption de service est réduite au minimum ;
- — pas de dépose-repose de la conduite ;
- — pas de modification des supports.
Cette méthode, employée avec succès à Tajura, peut être appliquée sur toute conduite existante tant terrestre que maritime lorsque les conditions suivantes sont remplies :
- — il est nécessaire d’isoler le fluide transporté du contact avec une conduite d’acier ;
- — il faut rétablir l’étanchéité d'une conduite ancienne.
Enfin, dans le cas de conduite nouvelle à poser, le PHD peut constituer à la fois l’élément étanche véhiculant le fluide et la protection mécanique externe, en tirant la conduite à l'intérieur de simples colliers métalliques coiffant des pieux posés préalablement.