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Triozonation à Saint Coulitz

30 mars 1988 Paru dans le N°117 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : H. GODART

Le syndicat mixte de l'Aulne en Bretagne alimente 32 communes du Finistère, ce qui représente quelque 70 000 usagers et 4,7 millions de m³ d’eau prélevés par an dans le cours de l’Aulne, traités en deux usines gérées par la Compagnie Générale des Eaux.

La plus récente, l’usine Guy-Robin à Saint-Coulitz (fig. 1), d'une capacité nominale de 10 000 m³/j, met en œuvre les derniers perfectionnements en matière de clarification : le « Fluorapid »* ainsi que la nouvelle « triozonation » à partir d’un ozoneur Trailigaz d'une capacité de 1 500 g O₃/h.

LES PROBLÈMES

L’eau brute de l’Aulne est assez représentative des eaux bretonnes, peu minéralisées et pauvres en calcium, ce qui facilite la dissolution des matières organiques, le fer et le manganèse se trouvant liés aux substances humiques abondantes ; elle connaît de plus des poussées d’algues. Ses principales caractéristiques sont rassemblées dans le tableau 1.

Tableau 1

pH :6 à 8
Turbidité (gouttes mastic) :40 à 120
Couleur (mg/l Pt/Co) :30 à 60
Résistivité (Ohm/cm à 20 °C) :4 000 à 6 000
TH (°F) :2 à 5
Alcalinité (mg/l CaO) :8 à 25
Matières organiques (alcalin) :2 à 7
NH₄⁺ (mg/l) :0 à 2
NO₃⁻ (mg/l) :8 à 30
Fe (mg/l) :0,3 à 0,6
Mn (mg/l) :0 à 0,2

Pour la rendre potable, cette eau doit essentiellement subir les traitements suivants :

  • — reminéralisation,
  • — clarification, pour l’élimination des matières organiques et minérales dissoutes, colloïdales, ou en suspension, qui entraînent sa coloration et sa turbidité,
  • — élimination du fer et du manganèse,
  • — élimination de l'ammoniaque présente dans l’eau brute à certaines époques de l’année,
  • — élimination des goûts et des odeurs,
  • — désinfection.
[Photo : Façade de l’usine Guy-Robin de Saint-Coulitz. La cascade d'eau triozonée.]

LA RÉPONSE « TRIOZONATION »

Nous n’entrerons pas ici dans les détails de la reminéralisation par CO₂ et chaux, bien maîtrisée sur les eaux de Bretagne, non plus que de la clarification Fluorapid suivie de filtration sur sable, pour nous concentrer sur les trois étapes d’ozonation.

Postozonation

La postozonation est utilisée depuis le début du siècle en tant que désinfection dans les traitements de potabilisation des eaux.

Les travaux de l’équipe du Dr Coin sur le virus de la poliomyélite (il y a plus de 20 ans déjà) ont permis de définir les conditions bactéricides et virulicides par ozonation, en maintenant un résiduel dissous de 0,4 g O₃/m³ pendant une durée minimum de 4 minutes.

L’usine Guy-Robin permet la postozonation de 500 m³/h au taux de 2 g O₃/m³ dans une tour compartimentée de 53 m³ pour 3,50 m de hauteur d’eau utile, assurant un contact de 6 minutes entre l'eau filtrée et l’ozone distribué en fines bulles par plaques poreuses (fig. 2).

L’ozone utilisé en simple étape finale de traitement est également connu pour ses propriétés d’affinage par élimination de certains polluants (pesticides, phénols…), décoloration de l’eau et réduction de nombreux goûts.

Préozonation

Depuis quelques années, on s’est aperçu que l'ozone, appliqué en tête de traitement, possédait également d’autres propriétés intéressantes en matière de traitement d’eau, du fait de son très fort pouvoir oxydant (son potentiel d’oxydoréduction est le plus fort après celui du fluor).

Sans entrer dans la chimie de l’ozone, notons que celui-ci :

  • — satisfait à la demande chimique immédiate d’une eau en oxygène,
  • — brise les doubles liaisons carbonées,
  • — possède un certain pouvoir algicide.

Ces propriétés se traduisent dans la pratique par diverses conséquences :

  • — oxydation du fer et du manganèse libres, voire combinés, qui peuvent ainsi être retenus au cours des étapes de décantation et filtration,

* Production de l’Omnium de Traitements et Valorisation (O.T.V.)

[Photo : La cuve de post-ozonation en contrebas du Fluorapid.]
  • oxydation des composés insaturés à l'origine de couleurs, goûts et odeurs,
  • amélioration de la biodégradabilité des matières organiques,
  • amélioration de la floculation-décantation (principe analogue à celui de « micellisation-démicellisation ») par déstabilisation de certaines matières de l’état dissous vers l’état colloïdal, ce qui en permet la coagulation, et donc la rétention dans les décanteurs ou sur les filtres. De plus, cette amélioration induit généralement une économie de coagulant,
  • destruction ou inhibition du développement de certaines algues.

L’ozone peut également remplacer le chlore injecté en tête de traitement. Il évite alors la formation de trihalométhanes et de composés organohalogénés lourds pour lesquels les directives de la C.E.E. sont très restrictives. Nous avons constaté sur une eau très voisine, à Quimper, des teneurs de 100 à 190 µg/l en halométhanes totaux dans l’eau traitée tant qu’existait une préchloration ; après remplacement par une préozonation, les teneurs mesurées sont constamment restées inférieures à 30 µg/l, et le plus souvent inférieures au seuil de détection analytique.

On sait que pour réaliser une telle préozonation, il faut appliquer un taux d’ozone assez faible pendant un temps de contact court ; à l’usine Guy-Robin, les valeurs correspondantes sont de 0,4 g O₃/m³ pendant 1 min 40 s dans une tour de 15 m³.

[Photo : Au 1ᵉʳ plan, la cuve d’interozonation ; au 2ᵉ plan, la cuve de préozonation.]

Compte tenu de ces faibles valeurs, on utilise les évents issus des tours de contact suivantes, qui se trouvent ainsi éliminés sans pollution atmosphérique ni destruction spécifique. En raison de ce mode de récupération, ainsi que des risques de colmatage rapide de poreux par une eau brute chargée, l’injection d’ozone est effectuée par une turbine auto-aspirante.

Il est reconnu que le bilan-masse d’ozone est plus avantageux dans le schéma : pré + postozonation (q₃ + q) que dans celui de la seule postozonation (Q). Le gain minimal est de l’ordre de 5 % dans notre cas, mais avec la technique de réutilisation mise en œuvre, l’économie réalisée est bien supérieure, comme indiqué ci-après.

Interozonation

On peut s’étonner de ne pas trouver ce chapitre entre les précédents (pré et postozonation) : nous avons en fait préféré présenter les divers stades de l’ozonation tels qu’ils sont apparus au cours des années, comme une amélioration de l’étape précédente.

L’interozonation se situe logiquement entre la décantation et la filtration. Elle présente certains des avantages de la préozonation en les renforçant, prépare au mieux l’efficacité de la postozonation et permet aux processus d’épuration biologique de se développer sur les filtres rapides, en particulier pour la nitrification de l’ammoniaque.

[Photo : Principe de la triozonation.]

Appliquée sur l’eau préozonée et décantée, donc déjà fortement dégrossie, l’interozonation peut agir plus efficacement et à taux moindre, en particulier pour achever l’oxydation du fer et du manganèse et améliorer la biodégradabilité des matières organiques restantes, ce qui permet de retenir dans ou sur la masse filtrante la quasi-totalité des métaux oxydés, jusqu’à près de 1,5 mg/l d’ammoniaque, ainsi qu’un résiduel d’algues mortes (évitant en réseau les toxines du genre géosmine et 2-méthyl-isobornéol). L’usine Guy-Robin a donc été dotée d’une tour de 12 m³ pour interozonation à 1 g O₃/m³ pendant 1 min 30 s, avec diffusion par poreux.

Comme annoncé précédemment, l’économie globale en ozone de cette « triozonation » par rapport à la seule condition virulicide en stérilisation dépasse, dans notre cas, 20 %, et ceci, avec de plus, une efficacité accrue.

On a vu en effet ci-dessus que : Q ≈ 1,05 (q₁ + q₃)
On a (fig. 4) : Q₃ = q′₁ + q′₂ ≈ 0,15 q
Donc : Q ≈ 1,20 q, avec :
Q : ozone consommé pour assurer la condition virulicide dans le cas d’une postozonation seule.
q : ozone réellement consommé à l’usine Guy-Robin.

LES RÉSULTATS

La reminéralisation finale à la chaux, nécessaire pour traiter cette eau naturellement agressive, introduit obligatoirement un léger voile dans l’eau distribuée.

Les valeurs obtenues en moyenne après la dernière étape de la « triozonation », alors limitée à 1,6 g O₃/m³, sont rassemblées dans le tableau 2.

Tableau 2

Éléments Eau brute Eau « triozonée »
Turbidité 250 2,00
Couleur 70 2,00
Matières organiques (alcali) 7,6 1,3
NH₄⁺ 0,12 < 0,05
Fe 0,7 < 0,05
Mn 0,4 < 0,05
Halométhanes (µg/l) < seuil analytique

Ces résultats parlent d’eux-mêmes et justifient pleinement le choix de la filière avec « triozonation ».

CONCLUSION

Si la Bretagne s’est à nouveau distinguée par une première française en réalisant la « triozonation » de l’usine Guy-Robin, d’autres régions ont rapidement vu l’intérêt de cette technique, et récemment, en Vendée, le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable de la région de Mareuil, géré par la Compagnie Générale des Eaux, a mis en service sa nouvelle usine du Marillet, réalisée par O.T.V. selon la même technique, à partir d’un ozoneur Trailigaz de 6 kg O₃/h, traitant un débit d’eau de 2 000 m³.

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