La recherche des fuites sur les réseaux d'eau potable repose pour l'essentiel encore sur des technologies acoustiques. Une tendance se dessine cependant : la combinaison de techniques pour du « tout en un ».
Une des dernières campagnes de recherche de fuite menée par le S.E.T.E.C. a été réalisée pour le compte d'une collectivité de 50 000 habitants dans le Sud-Ouest. La recherche a porté sur plus d’une centaine de kilomètres de réseau d’eau que gère cette collectivité. « Nous avons trouvé une trentaine de fuites », explique Pierre Mellac, dirigeant du S.E.T.E.C., entreprise de six salariés à Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne) spécialisée en diagnostic des réseaux d’eau publics et privés. Après intervention, la production d'eau
quotidienne de cette commune « est passée de 13 000 m³ à 10 000 m³ ». Ce qui fait dire à ce spécialiste que pour une collectivité, la chasse aux fuites « n’est pas une charge mais un investissement avec un retour qui peut être plus rapide qu’on ne le pense ». Un investissement, certes. Mais aussi une obligation. En effet, depuis le Grenelle de l'environnement, la réglementation contraint les gestionnaires de réseau d'eau à améliorer leur rendement. Parmi les risques encourus, une majoration de la redevance prélèvement de la ressource (voir encadré). Avantages économiques et contraintes légales ont fait de la question de la chasse aux fuites une des préoccupations majeures des gestionnaires de réseau. Mais détecter les fuites d’eau sur des canalisations bien souvent enterrées ne s'improvise pas. Cette recherche nécessite une expertise précise.
Bien connaître son réseau : la sectorisation
En général, on admet que la recherche efficace de fuites dépend de deux principaux facteurs : la performance de l’équipement technique et la compétence de l’opérateur. Pour Pierre Mellac, il reste un autre facteur tout aussi important. « Ce paramètre, c'est la fuite elle-même c'est-à-dire la connaissance du réseau par le gestionnaire. Imaginez une fuite qui résonne peu. Le gestionnaire n'a aucun plan de son réseau et n'a aucune idée de la zone où la fuite peut se trouver. La recherche d'une telle fuite sera très complexe. Mais imaginez la même fuite cette fois avec un gestionnaire qui connaît son réseau et qui a un plan de sectorisation. On mettra moins de temps à trouver cette fuite car une partie des informations nécessaires à la recherche aura été fournie par le gestionnaire ». Pierre Mellac touche du doigt ainsi l'une des premières étapes dans la chasse aux fuites : la sectorisation du réseau.
Sectoriser le réseau va consister à le diviser en plusieurs secteurs. « C’est l’étape de supervision, explique Joël Noailly de chez Seba KMT, fabricant allemand. En aval d’une canalisation de transport par exemple, plusieurs canalisations de distribution vont alimenter différents quartiers d’une ville. Sectoriser, c'est par exemple surveiller les consommations de nuit qui sont anormales et constantes, et ceci grâce à un maillage adéquat réalisé par des débitmètres placés aux embranchements stratégiques du réseau. Vous connaissez alors les différents quartiers sur lesquels vous allez concentrer vos efforts ». Seba KMT propose la gamme de débitmètres à ultrasons UDM 200. Ces derniers réalisent par ultrasons des « mesures externes, ils s’installent facilement, et permettent de ne pas avoir de matériau ».
en contact avec l'eau potable ».
La sectorisation se fait aussi au moyen de compteurs classiques plus mécaniques, sans sonde. C'est de ce type de compteurs que la Régie d'eau potable de Denain (Nord) a équipé son réseau d'une centaine de kilomètres lorsqu’elle a procédé à cette première étape qu’est la sectorisation. « Nous avons installé une vingtaine de compteurs, explique Frédéric Liénard, responsable de la Régie d’eau potable de Denain. Ces compteurs étaient plus adaptés au personnel d’une petite régie communale comme la nôtre ».
Cette régie est parvenue à limiter « d'une façon considérable » les pertes d'eau sur son réseau. « En 2007, on avait un rendement de 45 % et on pompait à peu près 5500 m³ par jour. Aujourd'hui, notre rendement est de 75 % et nous pompons 3200 m³ par jour ». Cette amélioration de rendement, la Régie d’eau potable de Denain ne la doit pas à la seule sectorisation. Ce gestionnaire communal détecte en moyenne « une trentaine de grosses fuites » sur son réseau tous les ans. « Deux cents si nous comptons les fuites chez les particuliers », fait savoir Frédéric Liénard.
Cette performance est obtenue grâce aux autres étapes séquentielles de la recherche de fuites : la pré-localisation, la corrélation, la localisation et l’écoute au sol. « L’écoute », car la détection de fuites d’eau repose sur un principe physique simple : toute fuite émet du bruit. Trouver le point d’émission du bruit permet de localiser la fuite. Si le principe est simple, la mise en œuvre est loin de l’être. Détecter une fuite sur des réseaux de dizaines de kilomètres, c’est comme « chercher une aiguille dans une botte de foin », fait savoir Karine Vallée, ingénieur à l’Agence de l’Eau Artois-Picardie.
Des technologies toujours plus performantes
Les outils de recherche ont technologiquement progressé ces dernières années. « Les technologies se sont améliorées en termes d’ergonomie c’est-à-dire de simplicité d’utilisation, en termes de capacité à écouter des bruits de fuite non audibles auparavant, en terme de programmation », explique Pierre Mellac.
Du cheminement du bruit jusqu'à la localisation précise de la fuite, à chaque étape correspond bien souvent une technologie précise. La pré-localisation, qui équivaut à une surveillance acoustique du réseau, utilise des loggeurs ou enregistreurs de bruit. Posés bien souvent sur les vannes du réseau, les pré-localisateurs fixes ou mobiles enregistrent souvent la nuit et transmettent les données soit par systèmes radio soit par GSM. Sewerin propose deux gammes de pré-localisateurs d'une portée d’environ 250 mètres : le SePem 01 qui est mobile et le SePem 01 GSM qui est fixe. « Pendant la période la plus calme de la nuit, durant trente minutes, le capteur va enregistrer toutes les secondes le niveau de bruit. De ces enregistrements, la valeur la plus faible sera retenue, c’est le bruit minimum permanent. Ce bruit minimum permanent est associé à la fréquence acoustique la plus présente, ce qui permet de qualifier la fuite et d’éviter les faux positifs », explique Maxime Kieffer, responsable commercial et marketing chez Sewerin. Seba KMT propose le Sebalog N-3 qui « mesure en temps réel le niveau de bruit en décibel et en fréquence ». Si le niveau de bruit « renseigne sur la présence générale d’une fuite, il fournit couplé à la fréquence des informations supplémentaires sur l’éloignement de la fuite par rapport aux autres loggeurs ». VonRoll propose la gamme de pré-localisateurs Ortomat composée d’une version radio permettant la relève et l’exploitation des résultats sur site (puis au bureau) à l’aide d’un contrôleur, ainsi que la version MT intégrant des fonctions accrues.
transmission GSM et bluetooth. Hydreka avec Permalog+ et Permanet SMS, Ponsel avec LeakTEK-100, Primayer avec Phocus 2, Phocus SMS+ ou Phocus HR tout comme TD Williamson, Keller ou Gutermann avec le système Zonescan.net, une solution de contrôle permanent des réseaux d'eau, proposent également des équipements qui ont fait leurs preuves.
La corrélation acoustique
La pré-localisation n’est qu’une alerte ou une suspicion de fuite. La corrélation acoustique permet de déterminer avec davantage de précision la position de la fuite. « Deux capteurs vont être positionnés sur le réseau éloignés l’un de l’autre d’une centaine de mètres, explique Maxime Kieffer. Quand les capteurs écoutent du bruit, ils mesurent la différence de temps que le bruit met pour parvenir au capteur n° 1 et au capteur n° 2. Connaissant la nature du réseau sur lequel on travaille et connaissant la vitesse de propagation du son dans ce réseau, on peut déterminer avec précision la source qui émet le bruit, donc la fuite. »
Sewerin propose les corrélateurs SeCorr 08 « performant sur les réseaux métalliques » et SeCorr 300 « piloté par PC et tout numérique ». Ce dernier est performant en particulier pour les réseaux plastiques. Ce type de réseau est moins rigide, résonne peu car a tendance à absorber le bruit. La gamme de corrélateurs Correlux de SebaKMT autorise une analyse 3D/2D qui permet d’éliminer les bruits parasites.
T.D. Williamson propose plusieurs appareils : l’Aquascan™, un corrélateur développé pour travailler sur tous types de matériaux, y compris le plastique, et spécialement conçu pour les grands diamètres et les grandes longueurs ; l’Aquascan 610, un corrélateur facile d’emploi, sans fil pour une meilleure sécurité et des performances supérieures ; l’Aquascope 550, ce détecteur acoustique offre une évolution de la fonction acoustique avec l’affichage du spectre du bruit et intègre une nouvelle fonction pour le plastique qui permet de transformer les basses fréquences en hautes fréquences pour une écoute par l’oreille humaine.
Primayer propose depuis plusieurs années l’Enigma, un corrélateur multiple permettant de disposer de 28 corrélations de 3 tirs chacune pour des réseaux complexes ou maillés, de nuit pour bénéficier de la rareté des tirages, d'une pression supérieure et de moins de bruits extérieurs. Par ailleurs, Primayer remplace son corrélateur radio Eureka 2R par un appareil qui conserve toutes les qualités de ce modèle éprouvé de corrélation très rapide et précise en temps réel et s’améliore sur les points suivants : calculateur 16 bits, possibilité d’utiliser des capteurs hydrophones pour des corréla-
valeurs de bruit et fait également une corrélation de longues distances avec tous types de matériaux, affichage couleur, écran tactile à l'ergonomie simplifiée, courbes de cohérences pour filtration des fréquences de meilleure corrélation, notamment pour les fréquences basses avec des canalisations en PVC, sans oublier la création de fichiers pouvant être ré-analysés, ou édités pour un rapport sur le logiciel de corrélation avancée Enigma.
L'écoute au sol ou la localisation électro-acoustique permet de confirmer la position de la fuite. La palette d’équipements pour cette étape est également large. L'Aquaphon de Sewerin « règle ses filtres tout seul pour éliminer le maximum de bruits parasites ». L'Aquatest T10 du même fabricant est un appareil d’entrée de gamme de moindre coût pour des « usages ponctuels ». Le HL 5000 de SebaKMT permet une détection via un « spectre de fréquence qui indique que l'on est bien au-dessus de la fuite ».
Chez Primayer, le matériel récent d’écoute au sol Mikron intègre une cloche pour les sols avec revêtement et un second capteur pour les sols battus, meubles ou l’écoute directe des canalisations. Robuste, doté d'une électronique de dernière génération, il se caractérise par une bonne performance d’écoute grâce à son isolation des bruits parasites tout en étant facile à utiliser.
Une des évolutions de ces dernières années consiste en un mix des différentes technologies. T.D. Williamson France, en partenariat avec Gutermann, propose le Zonescan.net. Un système complet de localisation à distance avec corrélation intégrée. Il permet de supprimer l’étape de la corrélation acoustique du fait que les données sont rapatriées tous les jours sur le serveur qui analyse automatiquement toutes les valeurs de bruit et fait également une corrélation croisée de tous les loggers pour déterminer la position exacte de la fuite après filtration des bruits parasites. Une fois les loggers en place, l'utilisateur s’affranchit de toutes les tâches de surveillance sur le terrain et peut suivre directement depuis un PC de bureau l’état de son réseau pour un coût d’exploitation très faible. Le système fonctionne sur Google™ Map pour une visualisation en temps réel des fuites sur le réseau.
Le Sebalog-Corr, tout nouvel appareil de SebaKMT permet de « faire à la fois la pré-localisation et la localisation précise. C’est de la corrélation multipoints, explique Joël Noailly. On peut ainsi faire de la corrélation entre plusieurs loggers qui sont en mode alarme et effectuer l’opération jusqu’à huit loggers à la fois ».
Vers des canalisations “intelligentes”
Toutes ces technologies acoustiques se révèlent quasi-inopérantes lorsque le bruit émis par la fuite est inaudible. C’est le cas lorsque la fuite est faible, de pression négligeable ou lorsque la canalisation est enterrée très profondément. La technique
utilisée alors est celle du gaz traceur. Le gaz « fuyard », incolore et inodore, généralement l’hydrogène ou l’hélium, introduit dans la canalisation sort par la fuite et est détecté par reniflement. Pour ce procédé, Sewerin a développé le Variotec 460, un nouvel outil sur le marché seulement depuis septembre dernier. « Son seuil de détection est de 0,1 ppm et son temps de réaction est très court. »
T.D. Williamson propose de son côté le Catex™ 3, qui permet de localiser avec précision les fuites sur le réseau en détectant l’hydrogène grâce à son échelle de 0 à 10 000 ppm avec une sensibilité de 50 ppm. Le Gasena 5 H2 de vonRoll hydro est spécialement conçu pour détecter des fuites par gaz traceur (hydrogène/azote). Compact, léger et facile d’utilisation, il est particulièrement adapté aux interventions mobiles et aux contrôles journaliers. Il réagit rapidement à d’infimes quantités d’hydrogène (0 à 10 000 ppm), que ce soit dans des locaux, des regards ou encore émanant de conduites enterrées. Sa sensibilité croisée quasiment inexistante par rapport aux autres gaz inflammables réduit considérablement le risque de mauvaises interprétations liées à des émissions dues à la circulation, aux déchetteries, etc.
Recherche de fuites d’eau électroacoustique ou corrélation ? Chaque procédé a ses avantages mais aussi ses limites. L’association judicieuse de tous les avantages augmente jusqu’au maximum la garantie de localiser la fuite avec précision. Avec le SeCorrPhon, Sewerin propose un appareil qui combine les deux procédés.
Un grand nombre de fuites est généralement dû à la vétusté des réseaux ou au tassement de terrain. Une chose est de détecter les fuites, toute autre est de les réparer. Afin d’améliorer leur rendement, certaines collectivités procèdent simplement à un renouvellement de leurs réseaux, ce qui représente des investissements lourds. La Régie en eau potable de Denain renouvelle tous les ans 1 km de son réseau. « Le renouvellement coûte à peu près 350 000 euros par an », fait savoir Frédéric Liénard.
Pour ces investissements liés au renouvellement du réseau, egeplast a développé deux niveaux de solutions qui intègrent ainsi des fonctions supplémentaires.
La solution SLM DCT permet de détecter la conduite dans les trois plans jusque plusieurs mètres de profondeur. La détection est simple, précise et durable puisqu’exécutée par mode galvanique. Deux traceurs aluminium courent en spirales le long de la conduite en PEHD ainsi que sur les raccords et sont eux-mêmes protégés par le manteau extérieur en polypropylène renforcé. La conduite est reliée à intervalles, jusque plus d’un kilomètre, à un boîtier qui sert de point d’injection du signal. « C’est la meilleure et la plus fiable détection qui soit, par mode galvanique, explique Philippe Ferrer, directeur d’egeplast France. Cette solution a été découverte depuis une vingtaine d’années et est diffusée depuis 2006 par egeplast France. »
De tels réseaux ont été posés en France depuis plusieurs années, en eau potable et eaux usées notamment. Des contrôles in situ jusque –9,30 m ont été menés, notamment par les sociétés Radiodétection, Sewerin et CPFD, dans des conditions extrêmes, sous voie ferrée, avec encombrement de conduites acier à proximité. La gamme standard SLM DCT existe jusqu’au DN 630 avec la possibilité, sur projet spécifique, de produire jusque DN 1200.
Au-delà de ces avantages, le système permet de vérifier dès la pose que la conduite est pérenne et donc détectable. Il permet une optimisation globale et financière du projet dans son ensemble puisque cette conduite peut être mise en place par différents types de pose, avec ou sans tranchée : pose à la trancheuse, au soc, mais aussi par techniques sans tranchée, que ce soit…
en forage dirigé, éclatement, ou réhabilitation de branchement plomb par exemple. Il double la durée de vie d’un PEHD standard (certification PAS1075 Type 3 contrôlée par le TUV), c’est-à-dire au-delà de 100 ans.
Un autre type de conduite, la conduite SLA (conduite anti-diffusion certifiée pour la pose en sols pollués) est aussi détectable et combinable avec tous types de pose (PAS1075 Type 3) : au lieu des 2 traceurs alu du SLM DCT, le SLA présente deux couches croisées de barrière aluminium pour arrêter les polluants extérieurs et les empêcher de se diffuser ou d’endommager le tube central. Il reste donc protégé durablement sans que ses qualités soient altérées ou affaiblies et est détectable par contact avec l’aluminium. Un boîtier de détection raccordé au minimum tous les kilomètres permet, dans les mêmes conditions, de tracer la conduite SLA en x, y et z.
À un niveau encore plus élevé, le système “intelligent” 3L Leak Control garantit une surveillance continue des réseaux : alerte automatique en cas de fuite, avec localisation au décimètre près du dommage. « Le système repose sur une âme d’une qualité encore différente d’aluminium (au lieu de deux traceurs aluminium) à forte résistivité et sur une étanchéité parfaite entre la conduite et le manteau extérieur. Conduites, raccords et regards sont traités pour que la continuité soit garantie avec formation par un technicien spécialisé egeplast » explique Philippe Ferrer. Ce réseau est raccordé à une centrale de surveillance qui permet, entre autres, de partitionner le réseau par tranche d’un peu plus de 1 km pour réduire le temps de localisation d’une fuite si elle était avérée. Le principe est de surveiller en permanence l’aluminium : le moindre endommagement de l’aluminium (un trou d’une tête d’épingle suffit) déclenche une alerte à la fois automatique et immédiate (alerte SMS, sur portable ou autre à paramétrer avec un technicien).
Ce système bénéficie de multiples références en Belgique, Suisse, Allemagne, pays nordiques… sur des applications de type réseaux sensibles en eau potable mais aussi dans l’industrie, chimique en particulier, ou pour les traversées de réseaux eaux usées ou encore à proximité de zones de captage. Il a encore été posé récemment en Suisse où la mise en œuvre possible par trancheuse en un seul passage a permis de présenter un bilan financier largement positif par rapport au système traditionnel des conduites doubles. Il est encore en attente de références en France.