Dans les pays en voie de développement, 80 % des maladies sont d'origine hydrique. Dans les pays développés le risque zéro n'existe pas non plus. L'épidémie de Liégonellose qui s'est répandue en juin-juillet à Paris est là pour nous le rappeler. Pour lutter contre ces fléaux des solutions existent. Elles mettent en oeuvre hygiène, maintenance et désinfection des installations.
Les organisateurs de la coupe du monde de football attendaient les terroristes et les hooligans. Ils ont trouvé une bactérie de la famille Legionella. En juillet, à Paris, une vingtaine de personnes a été atteinte de Légionellose. Quatre sont mortes. Legionella, les traiteurs d'eau, les exploitants de circuits de production d’eau chaude ou de refroidissement la redoutent. Chaque année en France, les médecins diagnostiquent plus de 500 cas, et le nombre réel des personnes contaminées est estimé à plus de 2000.
Le réservoir bactérien est principalement hydrique. Les chercheurs ont trouvé Legionella à l'état naturel dans les lacs, les rivières... Ces bactéries peuvent aussi avoir un développement intracellulaire chez les protozoaires. Elles peuvent encore être véhiculées par les kystes d’amibes libres.
« Les sources de contaminations incriminées dans les épidémies, explique-t-on au Réseau National de Santé Publique (RNSP), sont le plus souvent des installations provoquant une multiplication rapide de Legionella dans l’eau et une aérosolisation ».
La température optimale du développement bactérien est de 37 °C. Certains équipements sont ainsi particulièrement visés :
- les circuits de distribution d’eau chaude sanitaire alimentant des douches,
La bactérie fut identifiée en 1976, lors d’un congrès à Philadelphie de l’"American Legion", les vétérans américains. Vingt-neuf d'entre eux allaient décéder d'une maladie infectieuse et inconnue qu'on baptisa ensuite “légionellose”.
- - les systèmes de climatisation et les tours réfrigérantes (ce sont ces dernières qui semblent être à l’origine de l’épidémie parisienne),
- - les bassins utilisés pour la détente, la balnéothérapie ou le thermalisme, dans lesquels l'eau chaude est portée à une température supérieure à 30 °C et agitée de surcroît (bain à remous, bain à jets...),
- - équipements médicaux pour les traitements respiratoires par aérosols,
- - les eaux thermales
- - les fontaines décoratives.
Parmi toutes ces sources, les circuits d’eau chaude sanitaire représentent la cause la plus fréquente d'infection.
La déclaration obligatoire de la maladie, instituée en 1987, a pour objectif de suivre l’évolution du problème et de mettre en place rapidement des mesures de prévention. Cependant l’usage montre que la performance du système est très médiocre. Peu de cas sont effectivement déclarés (moins de 10 % en 1995).
Une fois la maladie identifiée, il faut trouver le réservoir bactérien.
L'investigation porte sur toutes les activités suivies par les malades pendant les 10 jours qui précèdent. Tout est passé au crible.
Recueillir un maximum d’informations
Les informations recueillies permettent de mieux cerner les sources potentielles de contamination. Une expertise est menée. L’examen porte sur la description de l’établissement et de son voisinage, mais aussi sur les réseaux d’eau sanitaire, les installations de conditionnement d’air, les tours aéroréfrigérantes...
Sur le réseau d’eau chaude sanitaire par exemple, tout est examiné : mode de production, traitement associé, circuit de distribution, qualité des matériaux, relevé de la température de l'eau dans les ballons et les points d’usage. Sur la partie froide, il faut s'assurer que le réseau d'eau froide ne se réchauffe pas lors du passage des canalisations dans les locaux surchauffés.
Cette étude procède à un diagnostic complet
de l'environnement. Il met en évidence des points critiques à analyser plus en détail. Ce sont ceux qui présentent un risque de multiplication ou de diffusion de Legionella. Certains lieux sont toutefois privilégiés comme les points de puisage d’eau chaude sanitaire ou la partie basse des ballons de stockage. Sur les installations de conditionnements d'air, ce sont les condensats de batteries froides, les fluides d’humidification et l'eau des siphons qui se trouvent visés. Et pour les tours réfrigérantes, l'eau de ruissellement. Tous les points suspectés feront l'objet de prélèvements visant à établir avec certitude la présence des bactéries.
Prélever dans les règles
C’est la Circulaire DGS n° 97/311 qui précise les modalités d’échantillonnage de l'eau contaminée par Legionella. Le prélèvement consiste à recueillir un litre d’eau dans un flacon stérile. Lorsque l'eau prélevée est traitée par un biocide oxydant, le flacon doit contenir du thiosulfate de sodium à 0,50 % afin de bloquer l’action germicide.
En termes de localisation, de flambage des éléments périphériques, d’enrichissement par stagnation ou par écouvillonnage, les modes opératoires utilisés dépendent de la finalité de la recherche et du dénombrement de Legionella. Plusieurs techniques de prélèvement peuvent ainsi être mises en œuvre aux points d'usage :
- - Si on recherche la contamination au point d'usage dans des conditions normales d’utilisation, le prélèvement est fait en prenant le premier jet de l'eau à température d’utilisation. Si au contraire c'est la situation la plus
Si une position défavorable en terme de contamination est recherchée, le prélèvement peut être fait après une période de stagnation (une nuit).
- – Si on veut déterminer la contamination du réseau à l’amont du point d’usage, les points de prélèvement sont flambés et le prélèvement effectué après un écoulement prolongé.
- – L’incorporation au prélèvement des produits d’écouvillonnage peut être intéressante pour étudier l’écologie du point de prélèvement. Cette approche est à recommander dans le cadre de la surveillance d’une installation, pour l’évaluation des mesures de lutte et de prévention. L’écouvillon doit être introduit le plus profondément possible à l’intérieur du robinet ou du pommeau de la douche et le prélèvement doit être effectué par un geste circulaire répété (environ 4 fois). L’écouvillon est ensuite cassé dans le prélèvement d’eau correspondant.
Quelle que soit la technique adoptée, les prélèvements doivent être reproductibles.
Assurer la reproductibilité des échantillons
Pour pouvoir comparer des contaminations dans l’espace ou dans le temps, il est important d’établir des protocoles détaillés pour les personnes chargées des prélèvements. Pour chaque échantillon, les fiches indiquent : la nature de l’eau analysée (eau chaude sanitaire, condensats...), les opérations subies (traitements, mélanges...) ; l’identification du point de prélèvement ; la date et l’heure et les conditions du prélèvement. Stocké en conteneur réfrigéré à 4 °C max. (mais sans congélation), l’échantillon est acheminé au laboratoire en moins de 48 heures pour être analysé.
Parmi les laboratoires capables d’identifier Legionella, les laboratoires agréés au titre du contrôle des eaux minérales naturelles ont fait l’objet d’une intercalibration sur la détection de cette famille bactérienne.
La recherche et la numération des bactéries sont effectuées selon la norme AFNOR NF T90-431 (novembre 1993). Cette méthode normalisée permet l’obtention de résultats homogènes avec une sensibilité 50 UFC/litre (UFC = unité formant colonie). Cette précision est suffisante au regard du risque sanitaire. Pour la détermination de la densité des légionelles, la norme analytique demande de récupérer le filtrat dans 5 ml. Les caractéristiques de certaines eaux (turbides...) rendent parfois nécessaires une filtration en plusieurs étapes. La récupération ne peut alors se faire que dans 10 ml. Cette opération modifie le seuil de détection qui passe à 100 UFC/litre. Les résultats complets (recherche et dénombrement) sont en général disponibles en 8 à 10 jours.
L’interprétation des résultats tient compte de l’expertise préalable du réseau. Ceux-ci serviront également de référence pour évaluer l’efficacité des mesures prises.
L’enquête environnementale devra toujours faire l’objet d’un rapport écrit indiquant les principaux résultats et les mesures envisagées de réduction du risque (fermeture, restrictions d’activités ou d’usage d’eau, mise hors service de locaux ou d’équipements, nettoyage, désinfection, protocoles d’entretien et de surveillance).
Nettoyer et désinfecter le réseau
On ne désinfecte que ce qui est propre. La première des choses à faire consiste donc à pratiquer un grand nettoyage de tous les éléments présents sur le réseau.
Par exemple, sur le circuit d’eau chaude, il faut :
- – déposer et nettoyer tous les éléments de robinetterie (pommes de douches, brise-jet de robinet...) dans une solution à pH acide puis les désinfecter dans une solution contenant au moins 50 mg de chlore libre par litre d’eau froide pendant au moins 30 minutes ;
- – changer tous les joints, filtres ;
- – vidanger, nettoyer et détartrer les réservoirs, rincer les canalisations. Ces opérations sont suivies d’une désinfection soit, par “choc chloré”, avec hyperchloration des réservoirs pendant 24 heures, soit par “choc thermique” en élevant la température du réseau d’eau chaude à 70 °C en sortie de tous les robinets ceci pendant 30 minutes.
Le cas des piscines, Spa et jacuzzi
À l'exception des bassins utilisés pour la réadaptation fonctionnelle, d'usage exclusivement médical, la réglementation concernant les piscines et baignades prises en application du code de la santé publique s'applique à tous les bassins utilisés pour le bain ou la natation et ouverts au public (même dans un cadre privé).
Les bains à remous ou Spa ou jacuzzi rentrent donc dans ce cadre s'ils constituent l'unique bassin d'un établissement de sport, de loisirs ou de détente.
En cas de légionellose, lorsque la fréquentation d'un bassin est mise en cause, il convient de prescrire la vidange totale de l'ensemble de l'installation : circuits d'eau, bassin… Avec, pour ce dernier, le nettoyage et la désinfection du fond et des parois ainsi que le lavage/décolmatage des filtres associé à une désinfection thermique ou chimique (chlore), voire le remplacement de la masse filtrante.
En fonction du diagnostic fait sur l'installation, des modifications pourront être demandées (amélioration de la filtration et/ou de la recirculation de l'eau).
Le temps de recirculation de 30 minutes réglementaire, applicable aux pataugeoires, représente le maximum acceptable pour les bassins à remous. Selon son volume et son taux de fréquentation, un bassin à remous devrait être vidangé en totalité deux à trois fois par semaine, voire tous les jours si nécessaire, mais jamais moins d'une fois par semaine. De même, il convient de procéder chaque semaine à la désinfection du (ou des) filtre(s).
L'introduction de désinfectant se fait en amont de l'arrivée dans le bassin (après filtration et réchauffage de l'eau) et non pas directement dans le bassin. Le désinfectant utilisé doit impérativement faire partie de la liste des produits ayant reçu un avis favorable du Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Parmi ceux-ci, les produits chlorés semblent préférables compte tenu de la flore bactérienne rencontrée. Toutefois, ils doivent être utilisés à des concentrations suffisantes (teneurs réglementaires) et stables dans le temps. Il convient également que les traitements de filtration et désinfection, et donc la recirculation de l'eau, ne soient jamais interrompus même si le bassin n’est pas utilisé.
La concentration en désinfectant de l'eau du bassin est vérifiée plusieurs fois par jour, ainsi que le pH. Les contrôles bactériologiques obligatoires devraient comporter, outre les recherches réglementaires, la recherche de Pseudomonas aeruginosa. C'est un bon indicateur de la dégradation de la qualité bactériologique de l'eau.
Ces mesures de désinfection ont un effet limité dans le temps ; il est donc nécessaire de mettre en place des mesures permanentes pour éviter toute recolonisation rapide. Certaines d’entre elles relèvent de la maintenance : un entretien régulier et efficace évite par exemple la création d'un biofilm et l’entartrage. Les experts préconisent au moins une fois par an la vidange, le curage, le nettoyage et la désinfection des réservoirs, chauffe-eau et canalisations.
Cependant, l’efficacité des mesures de lutte à long terme décrites précédemment est liée à la bonne conception du réseau. C’est pourquoi des actions complémentaires, visant à supprimer les défauts de conception et à améliorer la sécurité intrinsèque des installations sont recommandées. Il s'agit de profiter des travaux de plomberie pour demander, par exemple, la suppression des bras morts et tuyaux borgnes. Pour réaliser un bilan complet des travaux à mettre en œuvre, on peut faire appel à un expert.
Faire appel à un expert
L’expertise et les travaux de désinfection peuvent être menés par un prestataire de services compétent. Mais là, attention ! Celui-ci doit être sensibilisé aux problèmes de contamination bactériologique et être équipé pour faire le diagnostic. Aujourd’hui, peu d’entreprises sont en lice. Apave par exemple se déclare « incompétent pour traiter les risques infectieux de ce type ». Socotec sous-traite toute la partie analyse biologique, mais peut faire l’expertise du réseau. Seul Bureau Veritas se déclare apte à traiter le problème dans sa globalité. « Nous avons adapté la méthode HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) développée pour l'industrie alimentaire, à la recherche de légionellose », explique Gilbert Le Roux, directeur développement chez Bureau Veritas. Sur un réseau donné, sur la base d'un diagnostic de réseau, l'entreprise identifie les souches de légionellose et les points contaminés.
Si le réseau est contaminé, il faut le traiter pour tuer les bactéries. Le rapport d’expertise dresse la liste des dangers et les points à surveiller tout particulièrement. Il préconise encore un traitement curatif, établit un cahier de suivi sanitaire qui servira de base à toutes les interventions du maître d'ouvrage en charge des travaux. Enfin, Bureau Veritas dressera le constat d’intervention avant la mise en service.