Confrontés à une réglementation de plus en plus sévère sur l'usage de l'eau et sur les conditions de rejets d'effluents, à une augmentation du prix de l'eau et des coûts de traitement des effluents, et à une raréfaction, voire même une pénurie de l'eau, qui ne cessera d'augmenter dansla plus grande de notre globe, les industriels sont de plus en plus nombreux à traiter leurs rejets liquides. Ils ont recours aux techniques membranaires (microfiltration, ultrafiltration, nanofiltration, osmose inverse) ou autres techniques pouvant être couplées avec ces dernières.
La gestion de l’eau et des effluents est une préoccupation majeure des industriels. Les lois, directives... qui réglementent les usages et rejets de l’eau sont de plus en plus strictes. La loi du 3 janvier 1992 définit l’eau comme le bien de tous, et la protège par des normes de qualité. Pour lutter contre la pollution des eaux, tout fait (déversement, écoulement,...) susceptible de dégrader les eaux (superficielles, souterraines ou de mer) en modifiant les paramètres physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, est sanctionné. Lorsque ce fait est d’origine industrielle, c’est alors le directeur ou le gérant de l’établissement en question qui est reconnu responsable et doit payer les amendes ou frais de justice. (loi du 16 décembre 1964).
Toute industrie rejetant des effluents polluants doit payer des frais résultant “des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci”. C'est le principe “pollueur-payeur” énoncé dans la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. D'ici le 31 décembre 2000, les eaux usées industrielles biodégradables provenant de certains secteurs industriels (ex : transformation du lait, boissons...) et qui ne sont
pas dirigées dans les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires avant d’être rejetées, devront répondre aux réglementations.
Les facteurs de contamination de l'eau
Parmi les facteurs de contamination d'une eau, on en retrouve trois principaux qui sont :
- - la demande chimique en oxygène (DCO),
- - la demande biologique en oxygène (DBO5),
- - les matières en suspension (MES).
- La DCO : c’est la quantité d’oxygène, en mg/l, consommée par les matières oxydables contenues dans un effluent. Elle permet de déterminer tout ce qui est oxydable dans le milieu : les matières minérales réductrices et les matières organiques biodégradables. Si cette consommation est trop importante, le milieu récepteur s’asphyxie. Les principales sources de pollution sont les industries agro-alimentaires, papeterie...
- La DBO5 : c'est la quantité d'oxygène, en mg/l, consommée au bout de 5 jours, par certaines matières, notamment pour assurer leur dégradation par voie biologique. Elle titre les matières minérales réductrices vis-à-vis de l'O2 à température ambiante et les matières organiques biodégradables.
- Les MES : elles désignent l'ensemble des particules non dissoutes dans l'eau : minéraux, matières organiques de taille importante, virus, bactéries... En trop grande quantité, ces MES sont responsables de la turbidité de l'eau et diminuent la luminosité du milieu. Cela entraîne une baisse de la productivité et de la photosynthèse. Les principales sources de pollution sont les industries extractives.
Des contaminants fréquemment rencontrés peuvent aussi être détectés dans une eau. Les plus connus sont ceux qui suivent.
Les contaminants
- - L'azote : sous forme de nitrites, de nitrates ou d’ammoniaque, il n’est pas toxique, à faible dose, pour la flore du milieu récepteur. C’est même un élément nutritif. Cependant, à forte concentration, les nitrates déclenchent l’eutrophisation (développement d’algues asphyxiant le milieu), les nitrites, à pH acide, se transforment en acide nitreux toxique pour les poissons. L’azote provient en partie des industries de la chimie, du pétrole...
- - Le phosphore : de même que pour l’azote, à faible dose, il n'est pas toxique pour la flore. À forte concentration, il entraîne la prolifération d’algues vertes eutrophisant le milieu récepteur. Les principales sources sont les industries de l’agro-alimentaire, de la chimie...
- - Le fluor : en quantité importante, il est toxique pour le milieu récepteur et entraîne un état apathique et anorexique chez les poissons. Il est principalement rejeté par les industries chimiques liées à la fabrication de sels de fluor...
On trouve également les phénols, contenus dans les hydrocarbures et très toxiques pour l'homme (troubles divers), les cyanures, toxiques pour les poissons, et les métaux lourds.
Les techniques membranaires
Ce sont des procédés de séparation physique qui n’altèrent pas la composition chimique.
nique de la solution et qui ont pour principe de fonctionnement de séparer, au travers d'une membrane, des particules de tailles différentes.
La membrane, constituée presque toujours d'un ou plusieurs support(s) mécanique(s) et d'un média filtrant de granulométrie plus fine, joue le rôle d’une barrière sélective, qui, selon son seuil de coupure, filtre les liquides en retenant les particules de tailles et de poids moléculaires différents.
On obtient alors un perméat (fluide ayant traversé la membrane) et un rétentat (fluide contenant la ou les substance(s) retenue(s) par la membrane).
Selon le type de membrane (minérale ou organique), les caractéristiques de fonctionnement diffèrent.
Les membranes minérales sont très résistantes mécaniquement, chimiquement ainsi qu’aux hautes températures et présentent des seuils de coupure de plus en plus fins (1000 Daltons).
Les membranes organiques ont une résistance mécanique, aux agents chimiques et aux températures en constante amélioration.
Les procédés de séparation par membranes sont généralement mis en œuvre sous forme de filtration tangentielle. C’est une technique de plus en plus employée dans le traitement d’effluents industriels.
La filtration à flux tangentiels est une technique de séparation qui fonctionne en « balayant » les grosses molécules ou particules retenues à la surface des membranes. Le flux liquide est amené parallèlement à la surface du média filtrant.
En fonction du seuil de coupure de la membrane, on distingue plusieurs domaines (figure 3) :
- la microfiltration (MF) ;
- l’ultrafiltration (UF) ;
- la nanofiltration (NF) ;
- l’osmose inverse (OI).
La microfiltration
Elle possède un seuil de coupure compris entre 0,1 et quelques microns. Son mécanisme de transfert est de type capillaire : transmission par effet tamis, c’est-à-dire discrimination en fonction de la taille de l’espèce à retenir.
Les constituants retenus sont les bactéries, les matières en suspension, les colloïdes, les émulsions de 0,1 μm et plus, sous une pression de 0,2 à 2 bars.
La microfiltration est appliquée dans le traitement des émulsions huile/eau ; la purification des eaux de process, la filtration de boissons ou de jus de fruits (0,1 à 0,2 μm), la débactérisation du lait (1,4 μm)…
Elle présente l'avantage d’éliminer tous les micro-organismes. Cependant, elle n’élimine pas les minéraux dissous, ni les colloïdes en totalité.
L’ultrafiltration
Son seuil de coupure se situe entre 0,01 et 0,1 micron. Son mécanisme de transfert est le même que celui de la microfiltration.
Elle retient les molécules sous une pression de travail de 3 à 10 bars, selon la nature du liquide à traiter.
Ses applications sont nombreuses : traitement d’effluents d'usinage, recyclage de l’indigo, recyclage d’eaux de lavage des pièces mécaniques, traitement des effluents de fromagerie…
L’ultrafiltration présente l’avantage d’éliminer efficacement la plupart des particules, micro-organismes et colloïdes.
La nanofiltration
Son mécanisme de transfert est une combinaison du phénomène de convection caractéristique de l’UF et du phénomène de diffusion caractéristique de l’OI.
Cette technique est apparue sur le marché en 1984, et peut se définir comme une variante de l’osmose inverse dont le domaine d’application est situé entre l’ultrafiltration et l’osmose inverse. La nanofiltration retient les sels bivalents et les molécules de l’ordre de 0,001 micron. Les mem-
branes ne sont perméables qu'à l'eau et aux sels monovalents sous une pression de travail de 10 à 25 bars. Elle présente avant tout l’avantage de mettre en œuvre des pressions de travail nettement moindres que celles nécessaires en OI.
Elle a un double intérêt :
- elle retient les solutés que l’UF laisse passer,
- et laisse passer les sels monovalents que l’OI retient.
Les taux de rejets observés sont :
- 99 % pour les molécules organiques ayant un poids moléculaire supérieur à 200-400,
- 95 % pour les ions divalents : sulfate, calcium...
- moindre pour les ions monovalents : chlorure, sodium...
C’est donc un procédé efficace d’adoucissement, de désulfatation permettant également d’éliminer les composés organiques solubles sans génération de composés chimiques indésirables.
La NF est utilisée pour la déminéralisation des lactosérums et pour le perméat de moût de fermentation car elle permet la concentration dans le rétentat des matières organiques valorisables et la baisse de la DCO dans le perméat.
L’osmose inverse
Son mécanisme est de type solubilisation : diffusion au travers d’un matériau dense. C’est la technique de séparation par membrane qui présente le seuil de coupure en poids moléculaire le plus bas. La membrane d’OI a un véritable rôle de barrière contre tous les sels dissous, les molécules inorganiques et molécules organiques d’un poids moléculaire compris entre 10 et 100 Daltons.
Elle retient les molécules de quelques angströms (10-7 mm) et les sels monovalents sous une pression de travail pouvant atteindre 80 bars.
Les pressions appliquées vont en effet de 10 bars pour les eaux de surface à 80 bars pour l’eau de mer, ce qui limite l’utilisation de ce procédé en traitement d’eau à des applications spécifiques telles que le dessalement et la production d’eau ultra-pure. Elle s’applique également pour le traitement du sérum de laiteries et de fromageries, pour l’abaissement de la DCO...
Principe de l’osmose inverse
Si une membrane sépare deux volumes, l’un d’eau pure, l’autre constitué d’une solution aqueuse concentrée, on observera un passage spontané du milieu le moins concentré (eau pure) vers le plus concentré (solution) ; la pression augmentera dans la solution jusqu’à un niveau d’équilibre : c’est la pression osmotique qui caractérise le phénomène d’osmose.
Pour obtenir l’osmose inverse, on applique une pression destinée à inverser le flux osmotique normal. Le flux d’eau passera du côté le plus concentré (solution) vers le moins concentré (eau pure). En conséquence, la concentration du liquide à traiter ira croissante.
Techniques pouvant être couplées avec les techniques membranaires
Selon la nature du liquide à traiter, il est parfois très efficace de coupler les techniques membranaires avec d’autres, telles que :
L’électrolyse à membranes
C’est une technique électromembranaire qui permet de coupler les effets de l’électrodialyse (transfert d’ions à travers une mem-
(membrane semi-perméable) et de l’électrolyse (réaction aux électrodes).
Un module d’électrolyse à membranes est constitué d'une anode et d'une cathode séparées par une ou plusieurs membranes. À partir d’une solution qui contient un mélange d’acide et de sels métalliques, cette technique permet d’éliminer les ions métalliques que l’on retrouve sous forme d'un dépôt métallique sur la cathode, et de récupérer l'acide qui pourra être reconcentré.
L'électrodialyse
C’est une technique qui consiste à faire migrer des ions au travers d'une membrane échangeuse d'ions, sous l'effet d’un champ électrique.
La membrane, dite ionosélective, laisse passer soit des cations qui iront à la cathode (membrane cationique), soit des anions qui iront vers l’anode (membrane anionique). Une cellule d’électrodialyse est composée de deux électrodes qui contiennent plusieurs membranes entre lesquelles sont insérés des espaceurs, formant ainsi des compartiments. Un électrodialyseur est un ensemble de cellules.
Un compartiment sur deux est un compartiment de dilution, c’est-à-dire que le flux qui le traverse s'appauvrit en sels, l’autre étant un compartiment de concentration où, au contraire, le flux s’enrichit en sel.
Le réacteur biologique à membranes
Il couple un traitement biologique et un traitement physique de séparation sur membranes de filtration.
Cette technique permet d’éliminer la totalité des particules, des micro-organismes...
La pollution de l’effluent est d’abord transformée par des bactéries en azote ou gaz carbonique et en biomasse.
Les eaux sont ensuite introduites dans l’unité de filtration par membranes.
Ce réacteur est bien adapté au traitement des effluents industriels. Il est compact et assure une qualité constante des rejets. D'autres techniques peuvent être couplées avec les techniques de filtration membranaire :
- La flottation ;
- L’aération ;
- Le charbon actif, utilisé par exemple pour retenir les particules responsables du goût de l’eau...
Quelques exemples d’applications
Parmi les dizaines d’applications mises en œuvre dans toutes les branches de l'industrie, on peut citer :
Récupération d'encres d’imprimerie par ultrafiltration :
Le procédé mis en place sert à récupérer les encres des effluents d’imprimerie, afin de pouvoir les réutiliser. L’UF permet de concentrer les effluents et d’augmenter la proportion du liquide en matières sèches. L’unité de filtration permet de traiter 1 m³ en 6 heures.
Traitement d’effluents de latex par ultrafiltration et osmose inverse :
Des eaux usées (5 m³/jour) provenant de la fabrication de colles, à DCO très élevée, sont traitées par UF et OI. Ce procédé assure une DCO faible et une concentration suffisante du latex.
Traitement d’eaux de lavage de process d'industrie de sauces et condiments :
- par OI : l’OI permet de traiter les eaux usées d'une industrie de sauces et condiments (200 m³/jour), afin de pouvoir diminuer la concentration, réduire la pollution et abattre la DCO de ces eaux.
- par UF : les effluents sont très chargés en DCO, DBO et MES. L'UF permet d’abattre à 80 % la DCO, à 100 % la DBO, et à 75 % les MES. 50 m³ d’effluents peuvent être filtrés en 24 heures.
Traitement de bains de dégraissage de tôles par microfiltration
Le procédé mis en place permet de traiter deux bains de dégraissage de tôle. Grâce à la MF, les bains ont une durée de vie plus élevée, la qualité du rinçage est améliorée et surtout, le volume des rejets est beaucoup moins important.
Traitement des effluents d'une usine de mécanique par ultrafiltration et nanofiltration
L'unité de filtration mise en place permet de traiter les effluents de l'usine qui vont de 20 à 50 m³ par semaine. L'UF clarifie et concentre les émulsions ou les huiles. Elle permet d’atteindre une DCO d’environ 2000. La NF entraîne un abattement important de la DCO du filtrat à environ 200.
Un développement formidable attendu
Les exemples cités précédemment ne sont qu'une illustration. Dotée d'un outil de fabrication performant, d'un personnel qualifié et dès l'origine, tournée vers l'exportation, TIA compte de nombreuses références sur les 5 continents. Les procédés membranaires sont présents dans tous les domaines et interviennent de plus en plus dans les technologies propres. Ces techniques permettent une valorisation de certains effluents agro-alimentaires ou de l'industrie, ou une réduction du volume des déchets. Les applications concernant l'environnement et le secteur industriel sont donc en notable développement.