Clairement réglementée, la gestion des effluents viti-vinicoles ne pose pas de problème sur le plan technologique. Avec une palette de procédés aujourd'hui élargie, reconnue par les pouvoirs publics, le traitement des effluents viticoles démarre en France. Celui des effluents vinicoles est globalement mieux géré.
Les effluents vinicoles et viticoles contiennent deux types de polluants bien distincts. Les premiers correspondent aux eaux issues du lavage des pressoirs, des caisses de vendanges, des cuves de vinification, des sols. Leur apparition, liée au pic de production, se situe pendant la période des vendanges avec des épisodes moindres en hiver et au printemps, lors des soutirages et mises en bouteilles. Les seconds correspondent aux eaux issues des machines à vendanger, aux eaux de nettoyage des matériels de pulvérisation (volumes morts/tuyauterie), des restes de bouillies utilisées contre les maladies de la vigne, des fonds de cuve, et tout autre effluent ayant été en contact avec des produits phytosanitaires (pesticides essentiellement). Leur production est également saisonnière, mais plutôt concentrée du mois de mars au mois d’août.
Caractéristique principale des effluents viti-vinicoles : les volumes en jeu.
Les effluents se comptent en dizaines, voire centaines de mètres cubes : 70 litres d’eau pour un hectolitre de moût pressuré (25 m³ pour une exploitation de 10 à 15 hectares, les exploitations en France s’étendant en moyenne sur 7 hectares) et un litre d’eau par litre de vin vinifié.
Biodégradables à plus ou moins long terme, le devenir de ces deux types d’effluents mérite toutefois une attention toute particulière. D’une part, les effluents viticoles…
contiennent des pesticides susceptibles d’être toxiques pour l'homme (prévalence des cancers du sang et de la prostate plus élevés chez les agriculteurs exposés) et son environnement. D’autre part, les effluents vinicoles, bien que “naturels”, constituent une réelle menace, car ils sont 10 à 30 fois plus concentrés en matières organiques que les effluents domestiques. Rejetés dans le milieu naturel, ils peuvent donc perturber de façon notable les milieux aquatiques et provoquer la mort de plusieurs tonnes de poissons, comme cela a été observé à plusieurs reprises dans différentes régions vinicoles.
Sur le plan de la législation, l’obligation de traiter les effluents vinicoles remonte à la loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées pour la protection de l’environnement. De nouveaux textes relativement récents encadrent ces obligations : l’arrêté du 15 mars 1999 pour les établissements soumis à déclaration (moins de 20 000 hectolitres), puis l’arrêté du 3 mai 2000 pour les exploitations soumises à autorisation (manipulant plus de 20 000 hl de vin par an). La gestion des produits phytopharmaceutiques est réglementée par un arrêté bien plus récent datant du 12 septembre 2006.
En l'absence de contrôles suffisants, la loi est cependant loin d’être appliquée par l’ensemble des viticulteurs. Et pour cause, différents moyens de dépollution existent, mais sont à la charge des exploitants sans apporter véritablement de valeur ajoutée à leur produit.
À l'exception de quelques exploitants “avant-gardistes”, sensibles à leur image de marque et/ou aux questions écologiques, qui ont opté très vite pour des solutions de traitements, les mentalités ont surtout évolué grâce aux actions de développement menées par les chambres d’agriculture et aux incitations financières de divers organismes (conseil général et/ou régional, agence de l'eau, etc.). En Champagne, suite à plusieurs incidents ayant alerté l'opinion publique, un accord-cadre a été signé dès 2001 entre l'Agence de l'Eau Seine Normandie et le CIVC (Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne) proposant une subvention en cas d'installation d'un procédé homologué par l’Agence de l'eau. Résultat : « en 2006, plus de 90 % de la pollution brute était traitée, contre 50 % en 2000 » souligne Sandrine Verdisson, ingénieur responsable de l’épandage des effluents vinicoles à la Chambre d’Agriculture de la Marne. Pour renforcer la tendance, « un nouveau contrat-cadre a été lancé (2007-2012) visant à obtenir cette fois-ci 95 % ».
d'épuration et surtout 80 % des exploitations champenoises équipées en procédés de dépollution.
Effluents vinicoles : les solutions dépendent des volumes
Constitués d'eaux de rinçages contenant des jus sucrés, des matières en suspension (MES) et des sels minéraux, les effluents vinicoles représentent une menace pour l'environnement avec un pH plutôt acide (4 à 6), une DCO de 5,235 g/l, une DBO de 3 à 17 g/l, et des MES de 1 à 16 g/l. Alors que selon la loi sur l'eau, les valeurs limites applicables aux rejets en milieu naturel sont une DCO inférieure à 300 mg/l jusqu'à 100 kg/j (125 mg/l au-delà), et une DBO à 100 mg/l jusqu'à 30 mg/j (30 mg/l au-delà).
La solution la plus fréquemment utilisée par les exploitants gérant de faibles volumes est l'épandage direct, notamment en présence de terres agricoles à proximité. Le contexte s'y prête en particulier en Champagne où se trouvent de nombreuses « petites exploitations » : 37,9 % des effluents vinicoles sont ainsi traités. Autre solution, les effluents vinicoles peuvent être traités avec les effluents urbains après convention de raccordement avec les communes. C'est ce qui se passe fréquemment en Champagne (33,1 % des effluents vinicoles épurés) ou en Alsace.
Au-delà de l'épandage direct (autorisé selon une réglementation extrêmement encadrée), peu économique en temps et en énergie dépensée sur des gros volumes, le procédé d'épuration le plus développé est le stockage aéré avec épandage des boues notamment développé par Bucher Vaslin et Agro Environnement. En Champagne, le stockage aéré permet l'épuration de 11,3 % des effluents vinicoles (installations collectives ou individuelles).
La construction des bassins représentant d'importants travaux d'ingénierie et de génie civil avec le recours à des experts — géomètre ou architecte — peut parfois s'avérer nécessaire, selon la nature du terrain et les volumes à traiter. Autre inconvénient : les problèmes de nuisances olfactives possibles les premiers jours de stockage.
D'autres solutions basées sur la bioaugmentation comme celle de la société Aderbio, avec son procédé STRBI, conditionné en conteneur peuvent également être mises en œuvre. « Les effluents recueillis dans un bac tampon sont envoyés dans un digesteur », explique Olivier Poline, directeur général. « En parallèle, un fermenteur produit en continu de la biomasse injectée périodiquement dans le digesteur ». D'où un temps de traitement plus faible, avec une amélioration de la dépollution (spectre plus large). Là encore, l'eau épurée est rejetée dans le milieu, les boues sont valorisées sur terres agricoles. Les problèmes de nuisances olfactives sont réglés par un pré-traitement améliorant la dégradation aérobie. « La Cuma de Fleury dans le Beaujolais regroupant 115 vignerons s'est équipée en 2008 d'une installation STRBI capable de traiter 3000 m³ », souligne Olivier Poline. « Le coût de fonctionnement d'un tel dispositif se situe entre 4 et 5 euros par mètre-cube ».
D'autres systèmes basés sur les boues activées, validés par certaines Agences de l'eau (condition nécessaire pour l'octroi de subventions) sont également proposés par d'autres sociétés comme Ternois, Agro Environnement, ISEA group, Michael Paetzold, KWI, ou encore Alba Environnement qui dernièrement a développé un nouveau procédé biologique « avec un système de rotor particulièrement adapté au traitement des gros volumes – très intéressant ».
« Pour les embouteilleurs, avertit Thomas Neve, PDG d’Alba Environnement. Le rotor génère une aération continue des effluents dans la cuve. Utilisé à la place d'un système d’aération classique, il permet de moins consommer d’énergie. La société d’embouteillage SAPIN à la Chapelle de Guinché (Saône-et-Loire) vient de s’équiper d’un tel dispositif, pour traiter 30 m³ d’effluents par jour ».
Lorsque les volumes sont plus conséquents ou lorsque l’enveloppe financière le permet, certains prestataires comme ISEA Group proposent un traitement anaérobie par méthanisation, souvent couplé avec un traitement aérobie d’affinage des eaux usées. « En plus de sa meilleure adaptabilité aux variations de charge et au caractère intermittent de l’activité, l’un des avantages importants de la méthanisation est la production de boues réduite comparativement aux systèmes par boues activées », souligne Jean-Marie Jourdan, ISEA France.
Phytoplus Environnement propose de son côté des stations d’épuration à lits fixés avec épuration des eaux usées par digestion aérobie en cultures fixées.
Nucleos, d’Irrigaronne, est un autre système basé sur l’évaporation naturelle, qui accélère la concentration de l’effluent et réduit l’espace occupé pour un prix de revient étudié. L’effluent est projeté séquentiellement sur une surface d’échange maillée. La ventilation naturelle ou mécanique accélère le processus d’évaporation. L’effluent excédentaire retourne au bassin de stockage. Ce procédé permet un rejet zéro dans le milieu naturel, 95 à 99 % de l’effluent étant évaporé. Le concentrat est quant à lui, soit épandu, soit incinéré.
Un autre procédé dit Roseaupure permet un traitement des effluents par la technique des lits plantés de roseaux, c’est-à-dire une succession de bassins étanches remplis de graviers à la surface desquels des bactéries épuratrices se développent. Les roseaux apportent l’oxygène au milieu, évitent le colmatage de surface et servent également de support aux bactéries. La symbiose bactéries/végétaux permet la dégradation de la pollution. SINT et Agro Environnement ont aussi déposé un brevet couplant une technologie de boues activées avec des filtres plantés de roseaux.
Effluents phytosanitaires : de nouveaux moyens
Si un certain nombre d’exploitations se sont équipées d’aires de préparation des bouillies et de lavage des pulvérisateurs dès 2001-2002, c’est essentiellement la publication des listes des procédés agréés en 2007 suite à l’arrêté de 2006 qui a permis une montée en puissance du taux d’équipement. Le marché est aujourd’hui en pleine explosion avec un élargissement de la gamme. Douze procédés sont aujourd’hui homologués pour leur efficacité et pertinence par le ministère de l’Écologie, plus un dont la validation reste à confirmer. Tous ces procédés sont utilisables de manière individuelle à l’exploitation ou de manière collective dans une station de préparation et …
rinçage. Sur les douze procédés, sept séparent les substances de l’eau et cinq dégradent les produits pharmaceutiques.
Sept systèmes séparent les résidus de l’eau
Par “filtration” : quatre mini-stations mobiles ou fixes utilisent un procédé séparant solides et liquides selon la technique de coagulation-floculation, puis filtration soit sur charbon actif (Sentinel, Epu-Mobil), soit par osmose inverse (Phytopur).
Le procédé BF Bulles utilise une première technique de coagulation seule, suivie d’une technique d’ultrafiltration par du charbon actif. Dans les quatre cas, le procédé permet d’obtenir de l’eau officiellement purifiée pouvant être rejetée dans le milieu naturel selon les règles de l’arrêté du 12 septembre 2006, ainsi que des déchets : boues, filtres et/ou autres consommables souillés.
Ces déchets sont classés légalement comme des déchets dangereux ou déchets industriels spéciaux (DIS). Ils doivent être pris en charge par une filière spécifique et détruits dans des centres de traitement habilités. Leur volume est cependant minime par rapport à celui des effluents de départ.
Deux de ces quatre procédés sont mis en œuvre par des prestataires de service : Michael Paetzold pour Phytopur et le Groupe Agrovista pour le BF Bulles, les deux sociétés proposant la gestion des déchets générés. Le système BF Bulles, fabriqué par la société Ecobulles et distribué par le Groupe Agrovista est proposé à la vente ou en prestation de service. Un réseau de prestataire a été mis en place au niveau national, et notamment sur la Champagne par CSGV, Ecovignes, EcoFox, France Cave Dumont. « Le système est capable d’absorber 1 200 L/h en BF 8 ou 1 800 L/h en BF 16 » précise Jean-Yves Boileau, responsable agronomie et santé végétale chez Ecovigne Champagne. Il s’agit dans les deux cas de mini-stations mobiles : le procédé vient au viticulteur. Dans cette gamme de procédé physico-chimique, Epu-Mobil (non encore homologué) proposé par la société Zamatec est mis en œuvre par l’utilisateur. Même chose pour la société Alba Environnement qui vient de vendre une station Sentinel dans une exploitation de la Croix-Valmer (Var).
Par déshydratation : trois autres procédés Evapophyt (Saphyt), Osmofilm (Pantek Agriculture, Axe Environnement, Basf Agro) et Heliosec (Syngenta Agro) séparent les résidus après évaporation de l’eau.
Celle-ci est forcée en milieu confiné dans Evapophyt. Les vapeurs sont soigneusement filtrées sur charbon actif avant rejet. Les deux autres procédés sont basés sur l’évaporation naturelle. Osmofilm accélère cette dernière par l’effet de serre dû à une bâche transparente dans laquelle on introduit l’effluent. Seul Heliosec fonctionne en semi plein air : le bac d’évaporation, dans lequel on fixe une bâche étanche à enlever avec le résidu sec, est abrité de la pluie, mais exposé à la lumière et au vent, grâce à un toit translucide, l’ensemble étant sécurisé par un grillage adapté. Dans les trois cas, résidus phytopharmaceutiques et consommables (filtres d’Evapophyt, sachets d’Osmofilm, bâches d’Heliosec) doivent être éliminés.
Cinq procédés dégradent les résidus
Cinq autres procédés peuvent être utilisés avec l’avantage de permettre la destruction des substances phytopharmaceutiques. Il s’agit du système STBR2 dérivé de STBR1 développé par Aderbio pour les effluents vinicoles, du Phytobac de Bayer CSF, du procédé Phytocat de Résolution, du Phytomax et du Vitimax développés par Agro Environnement. Le Phytobac, le STBR2 et le Vitimax agissent par biodégradation. Le Phytocat et le Phytomax agissent par oxydation par photocatalyse, le premier après préfiltration, le second après coagulation-floculation. À noter que le Phytocat et le Phytomax utilisent un support développé par Ahlstrom, contenant du dioxyde de titane, qui, lorsqu’il est éclairé par des ultraviolets (soleil ou lampes UV), détruit les molécules organiques.
Le Phytobac® : simple et autonome
L’un des plus faciles à mettre en œuvre et le seul dispositif ne produisant pas de DIS, le Phytobac® est inspiré des biobeds suédois. Il s’agit d’un bac étanche contenant un mélange de terre et de paille (bio-mix). Si le procédé est bien géré, les bactéries naturellement présentes dans ce mélange dégradent les substances phytopharmaceutiques des effluents. Un Phytobac® peut “tenir” des années sans être vidangé (épandage du bio-mix). D’où une autonomie intéressante du système. L’investissement est variable selon la capacité et l’implantation, entre 2 000 et 20 000 euros, mais les frais d’exploitation sont quasi nuls.
Si le procédé est simple, il y a cependant des règles précises à suivre pour obtenir un fonctionnement optimal : gérer le niveau d’humidité du substrat, remuer de temps en temps pour favoriser l’aération du milieu, etc. Ce protocole est facilité par le suivi de Bayer CSF, des fabricants…
(Btisa et Hermex) que la société a agréés et qui proposent des modèles gérant automatiquement l'humidité, et des experts « Phytobac® » formés par Bayer CSF. Ces derniers, environ 400 à ce jour, sont salariés de 150 coopératives et négoces partenaires.
Il existerait en France 350 à 500 Phytobac® agréés Bayer, conformes au cahier des charges Phytobac®, marque déposée Bayer CSF. Des lits biologiques répondant au cahier des charges du Ministère peuvent également être mis en place par les exploitants.
STBR2 et STBR1
Selon le système STBR2 développé par Aderbio, les effluents passent par un digesteur contenant de la biomasse, puis par un décanteur (réinjection des boues dans le digesteur) et un filtre biologique (épuration viticole). Les effluents épurés sont rejetés dans le milieu. Les boues peuvent être épandues après analyse ou récupérées par Aderbio pour élimination en DIS. « La Cuma de Fleury dans le Beaujolais a choisi notre installation mixte, souligne Olivier Poline. De même que l'exploitation de la CUMA de Chaintré dans le Mâconnais. » Avantage du système : STBR2 peut être couplé à un système STBR1, permettant de gérer les effluents vini et viticoles, réduire les investissements et les coûts de traitements.
Vitimax et Cascade Twin
Le Vitimax et Cascade Twin permettent de traiter les deux types d'effluents sous certaines conditions. Son principe est de traiter les effluents phytopharmaceutiques grâce à la faune présente dans les boues activées des stations de dépollution vinicoles agréées par Agro Environnement. L'idée est de profiter des périodes creuses d'effluents vinicoles pour traiter les pharmaceutiques. Les effluents épurés sont rejetés dans le milieu. Agro Environnement organise la collecte et la gestion des DIS.
Phytomax et Phytocat : des consommables à gérer
Les procédés Phytocat et Phytomax rejettent de l'effluent liquide épuré dans le milieu. Mais il y a aussi des consommables à éliminer. Pour le Phytocat, la société Résolution les récupère lors de sa visite annuelle de maintenance et de livraison des consommables neufs. Elle se charge également de leur prise en charge en filière de destruction agréée. Pour le Phytomax, Agro Environnement organise également la gestion et la collecte des DIS.
Critères de choix
Ainsi, il existe des solutions diverses répondant à toutes les situations des exploitations pour la gestion des effluents phytosanitaires. Dès lors comment choisir judicieusement son système ? Plusieurs éléments doivent être pris en compte : les volumes d'effluents générés à l'année, l'importance du pic de production, le souhait de travailler seul ou en collectif, la volonté de gérer soi-même ou de faire appel à une prestation de service, les possibilités financières sachant que certains investissements peuvent être subventionnés dans le cadre du PVE (Plan Végétal pour l'Environnement), les possibilités matérielles d'aménagement.
Une plaquette CORPEN sur les éléments de choix à l'exploitation et proposant également une grille de décision pour les conseillers devrait être rédigée prochainement par les ministères de l'Écologie et de l'Agriculture.
Pour en savoir plus sur chacun des procédés officiellement reconnus, vous pouvez consulter : http://www.ecologie.gouv.fr/l-elimination-des-effluents.htm