La corrosivité des eaux fournies par le réseau public devrait être mieux maîtrisée par les services publics, ce qui pourrait conduire à limiter l'usage de traitements domestiques et nécessitera de vérifier l'adéquation entre le traitement central appliqué à l'eau du réseau public et celui qui est appliqué dans le réseau privé en particulier sur les effets sur la solubilité du plomb et le respect de la concentration maximale de 2 mg/l de phosphore. Les matériaux qui seront utilisés dans le futur seront moins sensibles à la corrosion, ce qui limitera encore la nécessité de mettre en place un traitement domestique. Les traitements appliqués dans les réseaux privés sont généralement efficaces mais peuvent avoir des conséquences sanitaires non négligeables, en particulier lorsque la maintenance n?est pas réalisée correctement. On peut donc s'interroger sur l'intérêt de la mise en place d'un traitement permanent de l'eau dans un contexte où les eaux distribuées seront moins corrosives. L?adéquation des matériaux utilisés et des caractéristiques de l'eau distribuée devra être certainement étendue à d'autres matériaux que l'acier galvanisé et l'utilisation de matériaux peu ou pas sensibles à la corrosion devra être privilégiée.
Cet article est extrait du recueil des conférences “Corrosion et anticorrosion dans les circuits d'eau”, disponible au Cetim (Tél. 01 44 67 35 94)
Les réseaux de distribution d'eau, qu’ils soient publics ou privés, comportent tous des éléments métalliques qui sont en contact direct avec l’eau transportée. Les matériaux métalliques traditionnels sont :
* le plomb, métal à été largement utilisé pour la réalisation des branchements et des réseaux intérieurs jusqu’après-guerre ;
* l'acier galvanisé, largement utilisé dans les immeubles collectifs et les locaux industriels et commerciaux pour les conduites de grande longueur et de diamètres importants ;
* le cuivre, également largement utilisé dans les immeubles collectifs et habitations individuelles pour les conduites de petits diamètres ;
* les alliages cuivreux (laiton ou bronze) revêtus éventuellement de nickel et de chrome, notamment dans la robinetterie.
Ces métaux et alliages se corrodent au contact de l'eau. Cette attaque conduit à l’émission d'ions métalliques dans l'eau et peut, dans certains cas, donner lieu à des percements. Autrement dit, la corrosion conduit à une dégradation des caractéristiques de l’eau transportée ainsi qu’à la dégradation du matériau lui-même.
D'autre part, certaines eaux présentent une dureté et un TAC (concentration en ions carboniques) relativement élevés. Lorsqu’elles sont portées à une température de l’ordre de 50 °C ou plus, notamment pour la production d'eau chaude, ou si elles sont laissées en contact avec l’air, elles peuvent déposer du carbonate de calcium sur les parois des ouvrages ou appareils sanitaires. Ces dépôts peuvent engendrer des désordres de fonctionnement de certains appareils ou obstruer les conduites.
Les usagers ont été depuis bien longtemps sensibles aux effets de la corrosion lorsqu’elle conduisait à des percements ou à une
Coloration importante de l'eau due généralement à l'attaque des conduites en acier galvanisé. Ils sont aussi très sensibles à la présence de dépôts calcaires notamment sur les appareils sanitaires. Les responsables des ouvrages peuvent alors être amenés à mettre en place un traitement qui limite les risques de percement, réduit la coloration de l’eau ou les risques d’entartrage.
On rappellera ici les divers types de traitements pouvant être appliqués dans les installations domestiques. Il convient toutefois de rappeler auparavant la réglementation française actuelle ainsi que les conséquences de la nouvelle Directive européenne concernant la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
Rappel de la réglementation française
L’eau introduite dans les réseaux de distribution publique étant conforme à la réglementation, les traitements complémentaires dans les réseaux domestiques ne sont donc pas nécessaires. Toutefois, pour des usages autres que la consommation humaine, il peut parfois être nécessaire d’en modifier certaines caractéristiques.
Ainsi les autorités sanitaires ont précisé dans le décret 89/3 que si, dans un immeuble collectif, un traitement de l'eau froide distribuée est appliqué, il est nécessaire que les usagers puissent disposer d’un point d’eau froide non traitée dans chaque appartement.
Pour la distribution d’eau chaude dans les installations collectives, les autorités sanitaires admettent que pour des raisons techniques un traitement puisse être appliqué dans la mesure où les critères de potabilité de l'eau sont respectés aux robinets des usagers et que les procédés de traitement mis en œuvre soient agréés.
Il limite aussi l'importance de ces traitements en fixant :
- – La quantité de phosphore de l'eau à 2 mg/l en P,
- – L’ajout de silicates à 10 mg/l de SiO₄.
En pratique, ces dispositions conduisent à ne pas traiter l’eau froide distribuée et à n’autoriser que celui des eaux chaudes sanitaires. En effet, si un traitement de l’eau froide était appliqué, la réglementation impose de mettre en place un double réseau d’eau froide ce qui peut entraîner, outre des dépenses importantes, une dégradation de la qualité de l'eau non traitée dans le réseau du fait des stagnations résultant du faible soutirage. Il est à rappeler à cet effet que la part de l'eau distribuée qui est réellement consommée n’est que de l’ordre de quelques pourcents du total.
D’autre part, le DTU de plomberie du CSTB, qui fixe les règles de bonnes pratiques et qui est un document contractuel notamment dans les marchés publics, précise des limites d'emploi des canalisations en acier galvanisé en fonction des caractéristiques de l'eau. Il précise que si les eaux ne répondent pas à ces critères, un traitement peut alors être mis en place. Les limites d’emploi ainsi fixées diffèrent selon que l'eau véhiculée est froide ou chaude.
Ainsi, la superposition de ces deux règles conduit dans certains types d’eau à ne pas pouvoir utiliser l’acier galvanisé pour le transport de l'eau froide tout en pouvant l’utiliser pour l'eau chaude à condition de mettre en place un traitement.
Conséquences de la nouvelle directive européenne
La nouvelle directive européenne (CE 98/83) définissant les critères de qualité des eaux destinées à la consommation humaine a pris implicitement en compte les effets de la corrosion :
- – En imposant que les contrôles de qualité d’eau soient réalisés aux robinets des usagers, et notamment la recherche de micropolluants pouvant provenir des matériaux des conduites ;
- – En abaissant fortement les valeurs limites pour certains éléments tels que le plomb, le cuivre et le nickel.
Elle fixe notamment des limites (valeurs
paramétriques) pour le plomb dont la limite actuelle de 50 µg/l sera abaissée à 25 µg/l à la fin 2003 et à 10 µg/l fin 2013. Pour les autres paramètres les nouvelles valeurs sont rappelées dans le tableau I. Elles seront applicables dès la transposition du texte européen en droit français.
Ces nouveaux objectifs, associés à l’obligation de vérifier la conformité des eaux distribuées au point d'utilisation pour tous les paramètres, ont conduit les services de distribution d'eau ainsi que les autorités sanitaires à prendre en compte l’évolution de la qualité de l’eau tant dans les réseaux publics que dans les réseaux privés. En France, l’abaissement de la norme sur le plomb suscite un intérêt tout particulier du fait du très large emploi de ce matériau jusque dans les années 80 pour les raccordements des immeubles au réseau public (branchements) et jusqu’à la dernière guerre pour la réalisation des réseaux domestiques. Ainsi, on peut compter près de 3 millions de branchements constitués de canalisations en plomb et 10 millions de logements équipés de réseaux comportant des éléments de conduites en plomb.
Tableau I : Évolution des normes européennes
Paramètres | C.M.A. directive 80/778 | V.P. directive 98/83 |
---|---|---|
Chlorure de vinyle monomère | — | 0,5 µg/l |
Épichlorhydrine | — | 0,1 µg/l |
Antimoine | 10 µg/l | 5 µg/l |
Arsenic | 50 µg/l | 10 µg/l |
Cadmium | 5 µg/l | 5 µg/l |
Chrome | 50 µg/l | 50 µg/l |
Cuivre | 3 mg/l | 2 mg/l |
Nickel | 50 µg/l | 20 µg/l |
Plomb | 50 µg/l | 10 µg/l |
Outre les problématiques de l’échantillonnage représentatif et de la limite de responsabilité entre les services publics et les propriétaires privés, la nouvelle directive conduit :
- * Les services publics de distribution à étudier plus avant les interactions entre l'eau et les matériaux des ouvrages de distribution et rechercher des traitements aptes à les réduire,
- * Ces mêmes services ainsi que les propriétaires d’immeubles à remplacer les conduites en plomb par des matériaux aussi inertes que possible.
Il apparaît que la valeur de 25 µg/l peut être respectée en termes de moyenne hebdomadaire si les caractéristiques de l’eau sont modifiées par la mise en œuvre de traitements adaptés dans les installations de production. Mais ceux-ci ne permettent pas de garantir le respect de la valeur de 10 µg/l. Le remplacement des ouvrages en plomb s’avère donc nécessaire.
Ainsi l'Union Européenne, qui a tenu compte de ces enjeux, a donné un délai de 5 ans pour l'application de la valeur de 25 µg/l (mise en place de traitements centralisés) et de 15 ans pour le respect des 10 µg/l (remplacement des conduites en plomb).
Si le fer ne figure pas dans les paramètres toxiques fixés par la Directive, la valeur limite reste inchangée à 200 µg/l mais figure dans la liste des paramètres indicateurs. Ainsi il sera recherché et mesuré lors des contrôles aux robinets des usagers.
Les conséquences de la mise en application de cette Directive sont de deux ordres :
- * Les services de distribution d’eau auront maintenant obligation de délivrer une eau aussi peu corrosive que possible et seront donc amenés à corriger les caractéristiques des eaux ou à appliquer un traitement spécifique,
- * Les matériaux qui seront utilisés dans l’avenir devront être aussi inertes que possibles et donc peu sensibles à la corrosion.
Traitements appliqués en tête de réseaux publics
Ces traitements auront pour objectif principal de réduire la solubilité du plomb et en particulier des composés hydroxycarbonatés ou hydroxyphosphatés qui recouvrent généralement les parois des conduites en plomb. Ils consisteront :
- * Soit en une modification des caractéristiques des eaux et notamment le TH (dureté), le TAC et le pH,
- * Soit en une addition d'une faible quantité d’orthophosphates dans l'eau.
1°) Dans le premier cas, le traitement sera réalisé par addition de CO₂ et de chaux ou dissolution de CaCO₃ dans les eaux douces peu minéralisées qui présentent généralement un pH faible. La circulaire du Ministère de la Santé d’avril 1998 préconise de modifier la dureté de manière à atteindre une valeur de 8 ° français et de rendre l'eau très légèrement calcifiante, ce qui conduit à atteindre un pH de l’ordre de 8.
Eaux dures, une solution consiste à adoucir l'eau distribuée, non pas par échange d’ions qui ne permet pas d’élever le pH, mais par précipitation de carbonate de calcium (décarbonatation) sous l’effet d’un ajout important de chaux ou de soude ou encore par traitement électrolytique. L'objectif final est aussi de tendre vers une dureté de l'ordre de 8 à 15° français et de produire une eau très légèrement calcifiante. Il doit être précisé ici que si le décret 89/3 fixe actuellement le TH minimum à 15° français pour les eaux adoucies quel que soit le mode d’adoucissement, la réglementation future distinguera l’échange d’ions pour lequel la limite restera à 15° français des traitements de décarbonatation ou de filtration sur membrane pour lesquels la limite sera abaissée à 8° français.
Ces traitements conduiront ainsi à réduire la corrosivité de l'eau mise en distribution et permettront de former un dépôt calcique protecteur sur les parois des ouvrages en métal ferreux. Outre leur effet sur la solubilité du plomb, ces traitements permettront aussi de limiter les risques de corrosion des canalisations en acier galvanisé, cuivre… D’autre part, l'abaissement de la dureté des eaux riches en calcium permettra aussi de limiter les risques d’entartrage notamment des installations de production et distribution d'eau chaude.
2°) Dans le deuxième cas, l'addition d’orthophosphates sera généralement réalisée par un ajout d'une faible dose d’acide phosphorique.
Cet ajout devrait conduire à une dose de phosphates de l’ordre de 1 mg/l de phosphores (P) soit environ la moitié de la concentration maximale autorisée. La quantité d'acide phosphorique mise en œuvre est dans tous les cas suffisamment faible pour ne modifier que très légèrement le pH de l'eau et ne nécessitera qu’exceptionnellement un ajustement du pH.
Dans certaines installations où la manipulation de l'acide phosphorique peut constituer un risque pour le personnel ou l’environnement, on aura alors recours à un phosphate de sodium ou de potassium.
Comme dans le cas précédent, ce traitement permettra aussi de réduire fortement la corrosion d’autres matériaux tels que zinc, cuivre et alliages cuivreux.
Il convient ici d’indiquer que l'emploi de formulations contenant des polyphosphates sera très peu fréquent. Ces composés qui sont largement utilisés actuellement pour limiter la coloration de l'eau ont pour effet principal de complexer les ions métalliques émis par la corrosion. Or cet effet s'applique aussi au plomb et conduit à en accroître la solubilité, ce qui est l’inverse de l’effet recherché.
Ainsi dans les prochaines années les eaux fournies par les distributeurs publics seront, dans la plupart des cas, traitées pour en limiter les effets sur les matériaux métalliques.
Les matériaux de remplacement
S'il est nécessaire de remplacer d'ici 2013 les conduites en plomb des réseaux publics et privés, il convient de choisir des matériaux aussi inertes que possible. Le Ministère de la Santé a élaboré un protocole d’essai des matériaux organiques permettant d’en évaluer les conséquences sur la qualité de l'eau. L'utilisation de matériaux ayant satisfait aux exigences de ces essais est maintenant obligatoire depuis la publication de l'arrêté du 29/5/97.
L'Union Européenne a elle aussi lancé un vaste programme de contrôle et de qualification des matériaux entrant au contact des eaux potables.
Ces nouvelles dispositions vont remettre en cause l'usage de certains matériaux et notamment de l'acier galvanisé qui, outre le zinc et le fer peut aussi relarguer du plomb. L'utilisation d'autres matériaux non ou très peu corrodables tels que les plastiques (PE ou PVC) et l'acier inoxydable va tendre à se développer.
Les traitements des réseaux privés
Même si les nouvelles dispositions européennes conduiront à terme à distribuer une eau peu corrosive et à mettre en œuvre des matériaux peu ou pas corrodables, bon nombre d'installations de distribution d'eau chaude dans des immeubles collectifs comportent un traitement.
Comme indiqué plus haut, il convient de distinguer :
- les traitements qui permettent de limiter la corrosion des conduites, généralement en acier galvanisé,
- les traitements de “confort” qui ont généralement pour objet de limiter l’entartrage.
Traitements anticorrosion
Dans la première catégorie on trouve très généralement des installations de dosage de produits qui sont constitués d’orthophosphates, polyphosphates et silicates. Les produits commerciaux contiennent un, deux ou les trois composés parfois accompagnés d'un sel de zinc dans des proportions le plus souvent déterminées de manière empirique.
Ces formulations commerciales ont souvent des buts multiples anticorrosion et anti-tartre.
Au contact de parois corrodées, ils forment un dépôt de très faible épaisseur (film), de phosphate et/ou silicate de fer et de zinc qui constitue un écran entre le métal et l'eau. Dans certaines conditions et en présence d'une eau dure, les ions calcium et magnésium peuvent participer à la formation du dépôt en précipitant sous forme de phosphate ou silicate de calcium. Mais ces traitements ne permettent pas d’arrêter totalement la corrosion et ne peuvent qu’en réduire parfois très fortement la vitesse. En effet ces dépôts ne sont pas totalement insolubles et leur stabilité ne peut être assurée que si l'eau avec laquelle ils sont en contact contient en permanence des ions phosphate ou silicate et des ions métalliques, fer ou zinc.
Ainsi, la présence de polyphosphates permet de complexer ces ions et de masquer une éventuelle coloration. Dans la plupart des cas, ces traitements permettent de ralentir suffisamment la corrosion pour maintenir un très bon état de surface et une qualité d’eau satisfaisante.
Dans le cas de distribution d'eau très douce et présentant un pH faible, on peut appliquer un traitement de “neutralisation” qui consiste à faire passer l'eau au travers d'un lit de calcaire. L'eau dissout alors le carbonate de calcium, ce qui entraîne une élévation du pH ainsi qu'une augmentation de la concentration en calcium et en bicarbonates. L'accroissement de ces deux concentrations permet de réduire la vitesse de corrosion notamment vis-à-vis des métaux ferreux. L’élévation du pH et de la teneur en bicarbonate a le même effet sur la vitesse de corrosion du zinc et du cuivre et permet aussi de réduire très fortement la solubilité du plomb.
Traitements antitartres
Dans la deuxième catégorie, traitement de lutte contre l'entartrage, on trouvera :
- * l'adoucissement par échange d'ions,
- * la décarbonatation électrolytique,
- * la séquestration du calcium par addition de polyphosphates qui retarde la précipitation de CaCO3,
- * les traitements physiques antitartres qui modifient la structure des dépôts.
Les deux premiers types de traitements, du fait de l’élimination du calcium, sont perceptibles par les usagers lors de l'usage de savons et produits de nettoyage.
Toutefois, l'adoucissement par échange d'ions modifie très fortement le rapport TH/TAC de l'eau et entraîne une augmentation très sensible de la corrosivité. C’est ainsi que le DTU de plomberie préconise d'appliquer après adoucissement un traitement anticorrosion (injection de formulation à base de phosphates) lorsque le réseau est constitué d’acier galvanisé et que le Ministère de la Santé impose un TH final supérieur à 15° français. D’autre part, les lits de résines sont de bons supports biologiques et favorisent ainsi les développements de bactéries indésirables et parfois pathogènes. La présence de phosphates dans l'eau après traitement anticorrosion complémentaire peut aussi participer à l'accroissement du développement bactérien notamment dans les boues des ballons de production d’eau chaude. Une désinfection périodique des résines est donc nécessaire et certains États de l'Union Européenne (Allemagne par exemple) l'ont même rendue obligatoire.
La décarbonatation électrolytique a pour conséquence, outre la précipitation de CaCO3, d'enrichir l'eau en gaz carbonique, ce qui conduit à une baisse de pH et à rendre l'eau fortement agressive vis-à-vis du carbonate de calcium. Ce traitement peut aussi conduire dans certaines eaux riches en chlorures à la génération de chlore qui présente un effet désinfectant certes intéressant mais qui confère à l'eau un goût caractéristique désagréable.
La séquestration du calcium par les polyphosphates a un effet limité dans le temps, en particulier dans les eaux chaudes du fait de l’hydrolyse de ces composés dont la vitesse est très fortement accélérée par l’élévation de température. Le calcium précipite alors généralement sous forme de boues qui peuvent s'accumuler dans les ballons d'eau chaude. Deux modes de traitement sont disponibles : le dosage de solution par l’intermédiaire d'un groupe de pompage proportionnel et l'utilisation de produits “vitreux” qui se dissolvent lentement dans l'eau. Seule l'utilisation d'un système de dosage proportionnel permet de maintenir un dosage pratiquement constant. L'utilisation de pots à dissolution conduit, après les périodes de stagnation, à des concentrations en phosphore excessives et inadmissibles.
Enfin, les traitements physiques antitartres présentent souvent une efficacité très relative. Ces pertes d'efficacité résultent souvent d'une mauvaise conception des installations de distribution d’eau, de la présence de matières organiques dans l'eau qui inhibent l’effet du traitement ou encore de la conception même de l'appareil de traitement.
Conséquences sanitaires éventuelles des traitements domestiques
Dans la grande majorité des cas les traitements appliqués dans les installations de production d’eau chaude présentent une très bonne efficacité. Toutefois, ils peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur la qualité microbiologique des eaux si certaines précautions ne sont pas prises.
On a vu que l'adoucissement et l'injection de phosphates peuvent entraîner des développements biologiques importants sur les résines et aussi dans les ballons de production d’eau chaude. Ces développements peu-
vent résulter de deux facteurs :
1°) Une introduction intempestive de microorganismes dans l'eau lors de l'injection du produit actif pur ou en solution plus diluée ou lors de la régénération des résines par introduction de saumure dans le lit de résines. En effet, on constate souvent que les postes de traitement sont disposés dans des locaux en sous-sol dont la propreté est très relative. Il n'est pas rare en effet qu'ils soient installés dans des remises où sont stockés d'autres produits chimiques plus ou moins dangereux ou même dans les locaux des vide-ordures où l’atmosphère contient des aérosols de produits indésirables et des bactéries parfois pathogènes. Ainsi les réactifs introduits dans l'eau ou la saumure de régénération peuvent contenir des bactéries qui se développeront ensuite dans le réseau. C'est une des raisons pour lesquelles les autorités sanitaires souhaitent que l’eau froide soit mise à disposition des usagers sans traitement de ce type.
2°) Les installations de traitement nécessitent toujours un entretien réalisé par des personnels spécialisés. Or le coût de cette maintenance dissuade parfois les gestionnaires d'immeubles de recourir à des entreprises spécialisées. On peut alors craindre diverses dérives des postes de dosage (surdosage qui compromet la qualité de l'eau, absence de produit injecté ou injection d'eau plus ou moins contaminée...). La maintenance des installations doit aussi comprendre l’entretien des appareils de production ou stockage d’eau chaude dans lesquels des boues s’accumulent qui constituent généralement un bon support bactérien (Légionelles notamment).
Compte tenu de ces risques, un arrêté du Ministère de la Santé est en préparation, qui imposera la tenue d’un “carnet sanitaire” des installations de traitement et de production d'eau chaude sanitaire où seront consignées toutes les interventions réalisées sur l'installation ainsi que les résultats des contrôles de suivi de maintenance.
Autres traitements
Lorsque les réseaux de distribution d’eau sont très fortement corrodés, les produits de corrosion peuvent obstruer au moins partiellement les conduites en entraînant des baisses de pression intolérables. On peut alors avoir recours à des traitements qui tendent à éliminer ces dépôts par dissolution ou désagrégation. Ces traitements consistent souvent à introduire des réactifs acides dans le réseau “incrusté” pendant une courte période. Puis un rinçage permet d’éliminer les dépôts.
Ces traitements peuvent avoir des conséquences néfastes tant pour le réseau lui-même que pour la qualité microbiologique de l'eau distribuée ensuite.
En effet l'acidification entraîne une attaque du métal et en déstabilisant les dépôts existants entraîne une réactivation de la corrosion. Ce type de traitement conduit nécessairement à la mise en place d'un traitement anticorrosion qui permet d’éliminer les effets secondaires de l'acidification. Si un tel traitement n’est pas appliqué, on peut craindre des percements des conduites peu de temps après l'acidification.
Les formulations acides utilisées contiennent généralement des tensioactifs et des acides organiques qui forment de composés peu solubles avec le fer ou le zinc qui limitent l’attaque du métal. Or, ces matières organiques se fixent dans les couches de produits de corrosion non éliminés et constituent un très bon substrat nutritif pour les bactéries présentes dans ces dépôts. L’addition de phosphates résultant du traitement anticorrosion appliqué ensuite contribue encore au développement biologique.
Il convient donc de ne recourir à ce type de traitement que pour les réseaux d’eau chaude et dans des cas où le remplacement des ouvrages corrodés est impossible. Il serait alors nécessaire de faire réaliser un suivi périodique de la qualité bactériologique de l'eau après cette opération.
Conclusions
Il ressort de l'ensemble des points abordés ici que :
• La corrosivité des eaux fournies par le réseau public sera dorénavant mieux maîtrisée par les services publics, ce qui devrait conduire à limiter l’usage de traitements domestiques et nécessitera de vérifier l'adéquation entre le traitement central appliqué à l'eau du réseau public et celui qui est appliqué dans le réseau privé en particulier sur les effets sur la solubilité du plomb et le respect de la concentration maximale de 2 mg/L de phosphore.
• Les matériaux qui seront utilisés dans le futur seront moins sensibles à la corrosion, ce qui limitera encore la nécessité de mettre en place un traitement domestique.
• Les traitements appliqués dans les réseaux privés sont généralement efficaces mais peuvent avoir des conséquences sanitaires non négligeables, en particulier lorsque la maintenance n’est pas réalisée correctement.
On peut donc s'interroger sur l'intérêt de la mise en place d’un traitement permanent de l'eau dans un contexte où les eaux distribuées seront moins corrosives. L'adéquation des matériaux utilisés et des caractéristiques de l'eau distribuée devra être certainement étendue à d’autres matériaux que l’acier galvanisé et l’utilisation de matériaux peu ou pas sensibles à la corrosion devra être privilégiée.
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