La théorie de la chloration est bien connue : le chlore gazeux est hydrolysé dans l'eau pour donner l’acide chlorhydrique et l’acide hypochloreux (HClO). Cet acide hypochloreux est partiellement dissocié en ion H+ et ion hypochlorite (ClO-).
Cl2 + H2O → HCl + HClO
HClO → H+ + ClO-
HClO et ClO- sont en équilibre et leur proportion varie en fonction de la température et des sels dissous.
Quand du brome est ajouté à l'eau, il réagit de façon similaire au chlore :
Br2 + H2O → HBr + HBrO
HBrO → H+ + BrO-
Il y a formation d’acide hypobromeux qui est partiellement dissocié en ion H+ et en ion hypobromite. HBrO et BrO- sont en équilibre et leur proportion dépend du pH.
Si on ajoute un sel de l’acide bromhydrique dans de l’eau contenant de l’acide hypochloreux, compte tenu des potentiels d’oxydoréduction des différentes espèces en présence, celui-ci oxydera le bromure en ion hypobromeux :
Br- + ClO- → BrO- + Cl-
Ces principes de base étant posés, énumérons brièvement les avantages et désavantages de la bromation et de la chloration.
Chloration et bromation : avantages et désavantages
Les avantages de la chloration sont évidents : l'eau de Javel est un produit de faible coût. La chloration est un traitement traditionnel,
dont l’efficacité comme bactéricide et algicide est reconnue. Du côté des contraintes, on citera :
- - la manipulation de l’eau de javel ou du chlore, qui implique des normes de sécurité strictes ;
- - par ailleurs, à des pH élevés (> 7,5) l’efficacité de la chloration est faible car le pourcentage d’ion hypochloreux présent est faible (voir tableau 1) ;
- - le chlore réagit avec les amines pour former des chloramines qui sont inefficaces, toxiques pour l’environnement et source de mauvaises odeurs ;
- - le chlore est également très volatil, et 40 % de son volume peut être perdu dans les tours de refroidissement par des phénomènes de stripping ;
- - il peut également poser des problèmes de corrosion et de délignification ;
- - enfin, à concentration élevée, certains phosphonates et dispersants peuvent être dégradés.
3) Les dérivés bromés sont plus efficaces aux pH supérieurs à 7,5. En effet, la proportion entre HBrO/BrO⁻ et HClO/ClO⁻ est totalement différente en fonction du pH, ainsi que le montre le tableau 1.
4) Il faut également souligner le faible caractère corrosif de l’acide hypobromeux.
Les désavantages de la bromation sont les suivants :
- 1) Les dérivés bromés sont plus agressifs à forte dose vis-à-vis de certains phosphonates.
- 2) Il est nécessaire d’avoir une source chlorée pour générer de l’acide hypobromeux.
- 3) Il est également difficile de maintenir un résiduel faible d’agent oxydant (0,1 à 0,2 ppm).
La bromation sur circuits de refroidissement ouverts ou semi-ouverts
Les circuits ouverts et semi-ouverts peuvent être bromés. Pour les circuits équipés de tour de refroidissement, il est préférable de procéder à l’injection après la tour de refroidissement, pour avoir une meilleure dispersion du produit et éviter les phénomènes de stripping.
Le traitement par bromation est souvent complété par l’ajout d’un dispersant, en général à base de polymère acrylique de faible poids moléculaire, afin d’augmenter l’action du biocide bromé généré lors de la réaction avec l’eau de javel.
[Photo : Tableau 1 : Pourcentage d’HClO et d’HBrO libre en fonction du pH à 10 °C]
Les avantages de la bromation sont nombreux :
- 1) Il n’y a pas de formation de type chloramine lors de pollutions azotées.
NH₄ + NaBrO → NHBr + NaOH
NHBr + NaBrO → NHBr₂ + NaOH
Bien que la réaction de l’acide hypobromeux avec des espèces contenant de l’ammoniaque ou de l’azote soit identique, il est désormais démontré que cette réaction est réversible, les bromamines n’étant pas des espèces persistantes.
- 2) Il faut 10 minutes pour détruire 99 % d’Escherichia coli avec 0,01 ppm d’acide hypobromeux, 900 minutes avec la même dose d’hypochlorite, 7000 minutes avec la même dose de monochloramine.
Exemple de traitement d’un circuit ouvert par injection discontinue
En théorie, le rapport eau de javel/sel de brome est stœchiométrique. En pratique, un excès d’eau de javel de l’ordre de 20 à 50 % permet d’éviter tout risque de formation de dépôts minéraux au point d’injection et de déplacer l’équilibre dans le sens de la formation d’hypobromite de sodium. Les deux produits sont ajoutés selon le dispositif décrit ci-dessous.
Caractéristique de l’eau
pH : 7,2 |
TH Ca°F : 30 |
Fer : 0,25 ppm |
Mn : 0,15 ppm |
Bactéries : 100 ufc/ml |
Traitement par bromation
Eau de javel : 15 ppm |
Sel de brome : 10 ppm |
Injection : 1/4 h par heure |
Lors de l’installation du matériel d’injection, il faut veiller au diamètre des tuyauteries et du té de mélange (minimum 12 à 14 mm), afin de limiter les phénomènes de bouchage mentionnés plus haut.
Paramètres d’application
Afin d’obtenir des résultats optimaux, il est nécessaire de contrôler les paramètres suivants :
Rapport eau de javel/agent de bromation
Ce rapport peut varier de 6 à 1. Les facteurs pris en compte sont d’ordre :
- - économique ;
- - technique, plus le rapport est grand plus le risque de colmatage de l’injection est faible.
Halogènes résiduels
Les concentrations en halogènes résiduels sont habituellement comprises entre 0,05 et 0,1 mg/l.
Sur une eau de refroidissement contenant 2800 ufc/ml et ayant un pH de 8, on a constaté les résultats résumés dans le tableau ci-dessous. On voit que la bromation permet de
diminuer sensiblement la concentration en eau de javel tout en conservant une excellente efficacité au traitement bactéricide.
Traitement
Eau de javel 35 ppm : mortalité 99,50 %
Eau de javel 10 ppm + 4 ppm sel de brome : mortalité 97,10 %
Eau de javel 5 ppm + 4 ppm sel de brome : mortalité 96,80 %
Traitement des amibes sur circuit de refroidissement : le cas de Drogenbos
Les eaux d’appoint du canal Bruxelles-Charleroi ainsi que les eaux du circuit de refroidissement ont été successivement chlorées puis traitées à l'aide de dérivés chlorés afin de contrôler le développement des micro-organismes dans le circuit et de maintenir propres les surfaces d’échanges du condenseur. Le schéma ci-dessous décrit le circuit de refroidissement condenseur de la centrale. Ces deux traitements s'étant montrés peu efficaces sur les amibes (il en a été dénombré jusqu’à 800/l), il a été décidé de faire appel aux dérivés bromés.
Au démarrage de la centrale, l’installation a été conçue avec une injection d’eau de javel et de dispersant à l’entrée du bassin tampon de l’UTH ainsi qu’à l'aspiration des tambours filtrants du circuit de refroidissement. Suite au bouchage journalier des filtres des pompes des circuits de refroidissement auxiliaires, le point d'injection a été déplacé en amont des tambours filtrants.
Ce bouchage était dû à la prolifération de bryozoaires insensibles à la présence d’eau de javel. Nous avons donc mélangé celle-ci à du chlorure d’ammonium ; les chloramines ainsi formées ont efficacement résolu ce problème.
L’apparition d’un nombre croissant d’amibes et le peu d’efficacité des chloramines sur ce type de micro-organisme a mené à la mise en place d'un traitement à base de dérivés bromés, plus efficaces que les dérivés chlorés dans la zone de pH des eaux de la centrale.
Le pH des eaux de Drogenbos varie entre 7,5 et 8,5. À ce pH, le pourcentage de HClO actif évolue entre 9 et 50 % alors que celui de HBrO actif varie entre 60 et 94 %, comme indiqué dans le tableau ci-dessous.
Un milieu favorable au développement bactérien comprend les éléments suivants : des nutriments, une température élevée, un pH supérieur à 7,5, un support rugueux, une vitesse de circulation faible, un temps de séjour plus ou moins long, une eau aérée et la présence de lumière.
Par ailleurs, on a relevé la présence dans les circuits de refroidissement de la centrale de bryozoaires, d’algues, de coquillages, de moules, d’escargots, d’amibes (Naegleria fowleri jusqu’à 800/l) ainsi que des bactéries aérobies non identifiées. Un inventaire complet des organismes pathogènes n’avait pas été réalisé, alors qu’il aurait dû l’être régulièrement. Des mesures de sécurité ont donc été mises en place : pose de barrières de sécurité pour limiter l’accès, pose de panneaux de danger, port d’un masque et de gants pour le personnel travaillant à proximité.
L’injection est adaptée à la quantité de matières organiques présentes dans l’eau, afin d’obtenir un excès de 0,3 mg/l d’halogènes libres pendant 30 à 40 minutes. La mesure des halogènes libres et totaux (mesure des oxy-...
[Photo : Suivi de l’injection du traitement par bromation]
[Photo : Schéma de principe de l’installation du circuit de refroidissement condenseur de la centrale de Drogenbos]
… est faite par la méthode Hach.
La périodicité des injections était d'une fois tous les 15 jours dans l'eau d’appoint, et de trois fois tous les 15 jours dans l'eau de refroidissement, ceci du mois d’avril au mois d’octobre. Du mois de novembre au mois de mars, elle est d’une fois tous les 15 jours dans l'eau d’appoint, et d'une à deux fois tous les 15 jours dans l'eau de refroidissement.
Les tableaux suivants regroupent les différents paramètres suivis et les conditions d’application de la bromation.
Traitement de l’eau d’appoint
Suivi des halogènes libres et totaux après les filtres GAA, PCC et PAC
Date de l’injection : 01/07/1999
Heure de début : 11 h 30
Heure de fin : 12 h 14
Quantité de dispersant : 30 l/h
(1) PCC : circuit de refroidissement des turbines gaz
(2) GAA : tambours rotatifs
(3) PAC : circuit de refroidissement général
Quantités de produits injectées
Hypochlorite de soude : 1 000 kg
Dérivé bromé : 300 kg
Mesures effectuées (PCC)
Heure | Halog tot mg/l | Halog lib mg/l | Cond mS/cm |
11 h 30 | 0,09 | 0,07 | 0,899 |
11 h 45 | 0,11 | 0,09 | 0,855 |
12 h 00 | 0,35 | 0,28 | 0,911 |
12 h 15 | 1,15 | 0,88 | 0,916 |
12 h 30 | 0,41 | 0,65 | 0,983 |
12 h 45 | 0,45 | 0,41 | 0,943 |
13 h 00 | 0,90 | 0,39 | 0,948 |
13 h 15 | 0,74 | 0,36 | 1,063 |
13 h 30 | 0,64 | 0,22 | 1,003 |
13 h 45 | 0,45 | 0,19 | 1,029 |
[Photo : Injection tour de refroidissement]
Traitement de l’eau de refroidissement
Suivi des halogènes libres et totaux après les filtres GAA, PCC et PAC
Date de l’injection : 10/04/2000
Heure de début : 13 h 00
Heure de fin : 13 h 50
Quantités de produits injectées
Dispersant : 30 l/h
Eau de Javel : 1 050 kg
Dérivé bromé : 200 kg
Mesures (PAC)
Heure | Halog tot mg/l | Halog lib mg/l |
13 h 10 | 0,15 | 0,05 |
13 h 20 | 0,17 | 0,18 |
13 h 30 | 1,12 | 0,23 |
13 h 40 | 1,20 | 1,15 |
14 h 00 | 1,41 | 1,18 |
14 h 10 | 1,47 | 0,57 |
14 h 20 | 0,93 | 0,04 |
14 h 30 | 0,83 | 0,38 |
Ce traitement a permis de juguler tout développement bactérien ; plus particulièrement le nombre d'amibes après traitement est inférieur à 4/l. Il est en place depuis plus d’un an et demi et donne entière satisfaction.
Conclusion générale
La technique de la bromation peut apporter une contribution significative dans le traitement des circuits de refroidissement industriels pour contrôler le développement de micro-organismes tels que les algues et bactéries, y compris les Légionelles.
L'intérêt offert par la bromation est d’autant plus grand que la chloration a des limites techniques et que l’on observe, depuis plusieurs années, une tendance à travailler à pH libre dans les circuits de refroidissement. Cette technique, bien maîtrisée tant au niveau de l’injection des produits que des contrôles réalisés sur l’eau d'appoint et sur l’eau du circuit de refroidissement de la centrale électrique de Drogenbos, nous a permis de vérifier l’efficacité de ce traitement et ses avantages par rapport à un traitement conventionnel par chloration.
Ce traitement permet aussi de contrôler efficacement la prolifération des amibes du type Naegleria fowleri.
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