Dans le domaine du traitement des eaux résiduaires urbaines et industrielles, une stratégie de plus en plus adoptée consiste à trouver des technologies et des solutions qui permettent d'utiliser l'eau en circuit fermé, de façon à approcher le plus possible la situation idéale du " rejet zéro ". L'eau n'étant plus une matière première inépuisable et gratuite, et la réglementation concernant la protection de l'environnement étant de plus en plus sévère, cette stratégie de réutilisation partielle ou totale des eaux résiduaires traitées est la seule qui permette à la fois de préserver les ressources en eau et la qualité de l'environnement, et de rentabiliser les importants investissements nécessaires au traitement des effluents.
Le terme “tertiaire” est en général utilisé pour décrire tous les traitements complémentaires appliqués aux eaux résiduaires ayant déjà subi des traitements primaires (physiques ou mécaniques tels que le dégrillage, le tamisage, le dessablage, le déshuilage, la décantation primaire, etc...) et des traitements secondaires (biologiques ou physico-chimiques tels que l’oxydation, la dénitrification, la coagulation-floculation, la décantation secondaire, etc...) dans des installations de traitement conventionnelles.
Ces procédés tertiaires couvrent une gamme très large de traitements différents, utilisant des technologies très variées, qui vont de la filtration pour supprimer les matières en suspension, la désinfection physique ou chimique ou la réduction sélective de polluants spécifiques (comme le phosphore, l’azote, les métaux lourds etc,...), jusqu’aux procédés de réduction de la concentration en sels dissous au moyen de résines échangeuses d’ions ou de membranes d’osmose. On peut concevoir ainsi qu'une fois identifiée l'utilisation prévue pour l'eau recyclée (et par conséquent les caractéristiques qualitatives de cette eau), il est toujours possible de définir le traitement tertiaire qui convient le mieux, partant des caractéristiques de l'effluent sortant de la station d’épuration conventionnelle biologique ou physico-chimique.
La réutilisation des eaux résiduaires est maintenant une réalité dans beaucoup de secteurs industriels (sidérurgie, industrie chimique, papeterie, etc...), et ce procédé est de plus en plus utilisé pour l'irrigation des cultures et des espaces verts. Dans ce dernier secteur, on assistera très probablement, dans les années à venir, à un développement très important, en particulier dans certaines régions du pourtour de la Méditerranée où des problèmes de pénurie de ressources en eau apparaissent de plus en plus fréquemment.
Dans les deux cas, (réutilisation pour l’industrie ou pour l‘irrigation) nous possédons aujourd’hui les technologies et l’expérience nécessaires pour résoudre tout type de problème et offrir des solutions spécifiques propres à chaque besoin.
Lorsqu’il s’agit d’un problème industriel particulier, la meilleure méthode pour définir, en étroite collaboration avec l’industriel le traitement tertiaire le mieux adapté, consiste à effectuer des essais avec une station-pilote installée dans son usine.
Beaucoup de traitements tertiaires ont été établis sur ces bases par nos soins en Europe, particulièrement en Italie et en Espagne. De même en France, de nombreux recyclages d’eaux industrielles ont été réalisés en particulier pour les industriels de la verrerie, de la papeterie, de l’électronique et du traitement de surface ; récemment une expérience pilote a été implantée avec succès dans une usine agro-alimentaire pour produire de l'eau potable à partir d’une eau résiduaire (par recyclage interne).
Les premiers projets mis à exécution dans le domaine du traitement tertiaire d’eaux résiduaires remontent au milieu des années 1980.
Ces installations ont été réalisées soit pour des raisons de “mise aux normes” des effluents rejetés dans l’environnement, soit pour satisfaire des caractéristiques spécifiques permettant la réutilisation de l’eau pour l'irrigation ou l'industrie.
Nous décrivons ci-après quelques-unes de nos premières réalisations dans ce secteur.
Industrie photographique
Gregoriscolor, une importante société italienne de traitement photographique, avait construit en 1985 une station de traitement biologique dont les résultats étaient acceptables, à l'exception de la concentration des
Tableau I
Réduction des principaux éléments polluants obtenue avec des traitements de type tertiaire et conventionnel et comparaison avec les caractéristiques de l'eau d'un fleuve type
ÉLÉMENTS | STATION DE TRAITEMENT BIOLOGIQUE | STATION AVEC TRAITEMENT TERTIAIRE | FLEUVE |
---|---|---|---|
pH | 7 - 8 | 7,5 - 8 | 7 - 8 |
MES (mg/l) | 60 - 80 | 1,5 - 5 | 5 - 15 |
DBO (mg/l) | 20 - 40 | 1,5 - 3 | 1,5 - 3 |
DCO (mg/l) | 40 - 80 | 10 - 20 | 10 - 30 |
NH4 (mg/l) | 15 - 25 | 0,5 - 5 | 0,5 - 5 |
NO3 (mg/l) | 0,5 - 2 | 5 - 10 | 1 - 5 |
Coli t (N/100 ml) | 20 000 - 50 000 | 1 - 100 | 50 000 - 500 000 |
Les matières en suspension dépassaient les limites fixées par la législation italienne. Afin de satisfaire à ces exigences, nous avons proposé d'installer, après le réservoir de décantation, une filtration à deux étages basée sur la technologie OFSY, grâce à laquelle non seulement le but recherché (réduction de MES) a été atteint, mais de plus, la concentration en matières oxydables (DBO et DCO) a été considérablement réduite et le traitement tertiaire a conduit à l'amélioration du fonctionnement de la station d'épuration biologique.
En effet, les eaux de lavage des filtres étaient ainsi recyclées dans le bassin d'activation de la station de traitement biologique, ce qui a conduit, en augmentant graduellement la concentration en biomasse, à l'amélioration de la suppression des matières organiques (rendement passé de 80 % à 90 %).
Stations balnéaires, hôtels et villages de vacances
Dans beaucoup de régions de vacances, des sécheresses sont fréquentes l'été, et les prix de l'eau sont très élevés. Ainsi les installations touristiques les plus riches, en particulier en Sardaigne, Sicile et à Chypre, où nous sommes intervenus de 1988 à 1990, n'avaient plus les moyens d'arroser leurs pelouses et jardins.
Par ailleurs, dans certaines régions dépourvues de réseau d'assainissement, chaque hôtel, terrain de camping, village de vacances, etc., doit établir son propre système d'assainissement autonome pour satisfaire les exigences de la réglementation sur le rejet des effluents. Il est alors devenu évident que, dans beaucoup de cas, l'utilisation d'une station d'épuration biologique avec le traitement tertiaire approprié (comprenant filtration et désinfection) constituait une solution très économique puisqu'elle permettait l'utilisation d'eaux résiduaires traitées pour l'arrosage des espaces verts.
Dans ce type d'application, des dizaines de systèmes de traitement de petites tailles (dans la gamme 2 à 20 m³/h) ont été installés avec d'excellents résultats. À Chypre, nos spécifications font partie des recommandations de l'administration.
Industrie textile
Dans la région de Prato en Italie, de nombreuses industries recyclaient les eaux usées traitées dans une station d'épuration biologique, qui fournissait de bons résultats pour la plupart des paramètres chimiques, mais qui n'agissait pas sur la couleur. Là encore, l'installation en 1989 d'un traitement tertiaire utilisant le système OFSY avec floculation a permis d'éliminer 95 % de la coloration des effluents.
Industrie aéronautique
Dans cette usine de composants aéronautiques, où les procédés de production consistent essentiellement en des opérations d'usinage et de traitement de surfaces, les eaux résiduaires de l'usine sont traitées par une station d'épuration physico-chimique et sont filtrées par gravité à travers des filtres à sable. Le traitement tertiaire a consisté à y ajouter un système de filtration sur charbon actif, qui a permis d'obtenir des rejets conformes aux exigences de la réglementation.
Protection du milieu récepteur : l'installation de traitement tertiaire de Bazzano
Les lois en vigueur dans les pays européens en matière d'environnement prescrivent généralement comme concentrations maximales admissibles des charges bactériennes pour l'écoulement dans les cours d'eau (N/100 ml) les valeurs suivantes :
- Coliformes totaux : 20 000
- Coliformes fécaux : 12 000
- Streptocoques fécaux : 2 000
Ces limites ne peuvent généralement pas être atteintes par le seul traitement biologique, qui permet d'obtenir en moyenne une réduction de 90 % de la charge bactérienne de l'eau brute. Par conséquent, un bon nombre de stations de traitement d'eaux usées incluent un traitement de désinfection appelé « tertiaire », utilisant le chlore ou un produit chimique dérivé du chlore (normalement un hypochlorite), mais il arrive très souvent que cette dernière phase soit supprimée, s'agissant d'un procédé délicat et difficile à contrôler. La désinfection chimique exige, en effet, un réglage fréquent et régulier afin d'éviter qu'un dosage insuffisant ne permette pas d'obtenir une désinfection efficace et, d'autre part, qu'un surdosage ne transforme l'effluent épuré en un vecteur de chlore actif, qui serait toxique pour la faune et la flore aquatiques du milieu récepteur.
À cela s'ajoute le fait constaté récemment que l'utilisation du chlore est associée à la formation de composés organo-halogénés et à l'augmentation des effets mutagènes, ce qui signifie que la chloration des effluents de stations d'épuration risque de produire des effets beaucoup plus graves que le problème qu'elle devrait résoudre…
C'est compte tenu de ces considérations que l'Acoser, entreprise italienne qui gère de nombreuses stations d'épuration sur tout le territoire de la province de Bologne, a décidé de prendre comme objectif la mise au point de méthodes de substitution, consistant à réduire la charge bactérienne sans avoir recours à la stérilisation chimique.
Une telle technique a été définie par l'emploi de la double filtration sélective en série suivie d'une désinfection aux rayons ultraviolets. Cette solution doit être considérée comme tout à fait innovatrice, car elle exploite la complémentarité de deux méthodes peu connues et peu utilisées dans le domaine du traitement « tertiaire ». Ces deux méthodes, utilisées séparément, ne présentent qu'une efficacité limitée. La première application de cette méthode a été employée sur les eaux.
usées traitées dans la station d’épuration de Bazzano.
Cette réalisation peut être considérée comme étant à l’avant-garde au niveau international, les rares installations utilisant la désinfection par ultraviolets n’existant que de grandes métropoles extra-européennes, et elle doit certainement être considérée comme unique sur le plan des résultats obtenus.
L’élimination pratiquement totale des paramètres microbiologiques est obtenue à Bazzano en utilisant les processus suivants :
- - traitement biologique conventionnel à boues activées ;
- - double filtration sélective en série permettant de réduire ultérieurement de 90 à 95 % la charge bactérienne de l’effluent sortant de la phase biologique, dont la qualité, à ce stade du traitement, entre déjà dans les limites imposées par la loi en cas de déversement dans le milieu naturel, très nettement supérieure à celle que l’on peut obtenir par tout autre procédé de filtration ;
- - désinfection par irradiation aux rayons ultraviolets, ce qui permet de réduire pratiquement à zéro la charge bactérienne résiduaire. Il est important d’observer que ce résultat, remarquable dans le domaine de la désinfection des eaux usées, n’a pu être obtenu qu’en raison du niveau de limpidité très élevé réalisé dans la précédente phase de filtration.
À la sortie, la qualité des eaux usées traitées est remarquable, notamment du point de vue microbiologique, ce qui permet de les recycler dans les domaines de l’irrigation agricole ou dans des applications industrielles.
Ce système présente un autre côté positif majeur, celui de pouvoir garantir à tout moment la qualité de l’effluent traité, quelle que soit sa composition à l’entrée du dispositif. Il arrive en effet couramment que la qualité de l’effluent se dégrade dans les stations d’épuration et dépasse les normes ; dans ce cas, le rôle du traitement tertiaire, conçu pour tolérer des charges élevées de matières en suspension, se révèle précieux.
Par conséquent, et du fait de son fonctionnement automatique, l’installation permet d’éviter la charge d’une surveillance continue : un système de contrôle très efficace permet en effet à l’exploitant d’affronter des situations particulières d’augmentation de la charge à traiter, ou d’arrêter le fonctionnement de la station au cas où les niveaux critiques seraient dépassés.
L’installation, qui fonctionne depuis 1990, donne pleine satisfaction à l’Acoser, laquelle envisage d’utiliser cette technologie dans de nouvelles applications inédites.
Conclusion
Le traitement tertiaire des eaux résiduaires apparaît comme étant la solution la mieux adaptée pour épurer les effluents de façon satisfaisante ; elle permet en effet (tableau I) :
- · d’une part, d’éliminer avec une très grande fiabilité la majeure partie des polluants avant le rejet des effluents dans l’environnement,
- · d’autre part, de réutiliser des eaux résiduaires, soit pour des opérations de recyclage interne dans une unité de production industrielle, soit à des fins d’irrigation ou pour d’autres utilisations (eaux d’incendie, etc.).
Bien entendu, la réutilisation des eaux résiduaires à des fins industrielles ou d’irrigation conduit à un coût plus élevé que dans le cas d’un traitement tertiaire utilisé uniquement pour respecter la législation en vigueur sur les rejets d’effluents dans l’environnement. Néanmoins, on trouve un avantage économique certain dans la réutilisation des eaux résiduaires : en particulier, le recyclage interne dans le cadre d’un procédé industriel peut entraîner un avantage de compétitivité décisif.
Le recyclage des eaux résiduaires répond ainsi au double objectif de protection de l’environnement et de rentabilité optimum des investissements pour l’industriel comme pour la collectivité.