Your browser does not support JavaScript!

Traitement physico chimique d'huiles solubles usées et détermination de leur taux de chlore

30 octobre 1988 Paru dans le N°122 à la page 89 ( mots)
Rédigé par : S. FLAYAC et O. DUSART

Les huiles solubles utilisées pour la lubrification et le refroidissement des machines-outils sont constituées d’environ 85 % d’eau et de 15 % d’un mélange d’huiles minérales capables de former spontanément avec l’eau une émulsion stable (1). Ces huiles contiennent toujours un ou plusieurs tensioactifs qui ont pour rôle d’abaisser la tension superficielle huile/eau (2,3) et d’accroître la solubilisation (4). Ces tensioactifs sont associés à un ou plusieurs cotensio-actifs, en général alcools, qui améliorent la stabilité. L’émulsion usagée doit être stockée en décharge ou incinérée.

Dans le but de diminuer le volume de boues industrielles et, par là-même, le coût de retraitement, la séparation des deux phases émulsionnées apparaît souhaitable, le résidu huileux seul étant alors expédié et incinéré, l’eau étant dirigée sur la station d’épuration.

D’autre part, l’huile soluble contenant des composés organiques chlorés, ceux-ci augmentent le coût d’incinération par dégagement d’acide chlorhydrique très corrosif. Nous avons été amenés à déterminer le taux de chlore de l’huile usagée, dont la connaissance est nécessaire avant l’incinération.

Rupture d’une émulsion

Méthodes physiques

Plusieurs techniques sont utilisées suivant la teneur en huile soluble de l’émulsion. Lorsque celle-ci est supérieure à 1 g l⁻¹, un traitement thermique peut être envisagé, une distillation sous vide ou même une centrifugation (5). Pour des concentrations plus faibles en huile soluble (200 à 300 mg l⁻¹), l’ultrafiltration donne de bons résultats (6).

Des coalesceurs du type utilisé par Rybka-Janush (7) sont aussi intéressants pour des volumes à traiter importants.

Dans le cas présent, l’installation de l’un de ces modules ne peut être envisagée, étant donné le faible volume d’eaux usées à traiter et l’irrégularité de son arrivage (120 m³ par an).

Méthodes physicochimiques

Le principe d’un traitement physicochimique s’articule autour de trois phases principales (5). Tout d’abord, une étape chimique entraînant la rupture de l’émulsion par un processus de coagulation, celle-ci étant optimisée par une agitation mécanique rapide. Elle a pour but la déstabilisation des gouttelettes huileuses et des matières en suspension par neutralisation des charges négatives de surface, ce qui revient à annuler le potentiel zêta (8). Les forces de Van der Waals exercent alors une action prépondérante et provoquent les agglomérations désirées. Dans un second temps, le microfloc formé se rassemble : c’est la floculation. Enfin, pour séparer le floc du résidu aqueux, une flottation ou une décantation simple peuvent être envisagées. Deux phénomènes se superposent donc dans l’émulsion usée, l’agrégation des gouttelettes huileuses et celle des particules solides en suspension provenant des machines-outils et de la dégradation de l’huile soluble.

Les produits utilisés

Trois sortes de produits sont généralement employés. En premier lieu, les acides tels que l’acide sulfurique ou chlorhydrique, mais il est souvent nécessaire d’ajouter un floculant pour améliorer la qualité de l’eau résiduelle. Les sels représentent une seconde classe de produits et les plus efficaces sont ceux d’aluminium et de fer (Al₂(SO₄)₃, WAC ; FeCl₃·6H₂O…) (9). Enfin, les polyélectrolytes font actuellement l’objet d’un développement important (10). Ils peuvent servir, soit de coagulant, soit d’adjuvant de coagulation. Suivant les groupements qu’ils vont porter, ils seront cationiques (chlorhydrates de polyvinyl-ammonium), anioniques (exemple : des sels d’acides sulfoniques…) ou bien non ioniques (polyvinylalcool…) (1,11).

Caractéristiques de l’huile soluble usée Legrand

pH, DCO, turbidité, potentiel zêta

Le pH est voisin de 10, la DCO proche de 60 g O₂ l⁻¹, la turbidité comprise entre 460 et 480 unités NTU, la charge superficielle de l’émulsion neuve est très forte (–61 mV à pH 10), ce qui correspond à une émulsion très stable.

Traitement primaire à l’acide H₂SO₄ 2 M

Les essais les plus concluants ont été obtenus grâce à un traitement préliminaire par l’acide sulfurique (figure 1) suivi d’un second par le sulfate d’aluminium (figure 2). Les doses de ce coagulant sont divisées par cinq par rapport aux manipulations sur l’eau brute. Elles restent tout de même cinq fois supérieures à celles utilisées couramment.

D’autre part, alors que la turbidité a été considérablement améliorée (jusqu’à 3,4 NTU), la DCO est encore très élevée.

[Photo : Fig. 1 : Traitement préliminaire par l'acide sulfurique.]
[Photo : Fig. 2 : Traitement secondaire à la chaux ou sulfate d'aluminium. Évolution des paramètres : turbidité et DCO © chaux A Al₂(SO₄)₃]

(24 g d'O₂ par litre). Une pollution soluble importante reste donc présente dans l'eau épurée.

Une extraction par l'éther de pétrole réalisée à partir de l'eau épurée, puis évaporation du solvant et reprise par du tétrachlorure de carbone a permis de doser par infrarouge la quantité d'hydrocarbures résiduels (raies ν CH à 2850 cm⁻¹). Elle est proche de 190 ppm et ne peut en aucun cas expliquer la forte DCO.

L'hypothèse la plus vraisemblable est sûrement celle évoquée antérieurement, c'est-à-dire la présence de savons solubles dans l'eau épurée, accompagnés des cotensio-actifs servant à la stabilisation de l'émulsion d'origine (glycols, éther-alcools) ainsi que la présence d'une pollution minérale oxydable (sulfures, traces métalliques).

Détermination du taux de chlore dans l'huile résiduaire

Le chlore présent dans l'huile est substitué sur les chaînes carbonées et améliore les échanges de chaleur au sein de l'huile. Lorsque la destruction de l'émulsion usée est réalisée par incinération, il se produit des réactions d'élimination qui libèrent de l'acide chlorhydrique gazeux. Celui-ci corrode rapidement les fours. Un traitement spécial des fours est obligatoire, ce qui accroît considérablement le coût de l'incinération.

Dans un premier temps, le dosage du chlore organique substitué passe par sa mise en solution sous forme de chlorures minéraux. Ensuite, plusieurs méthodes de dosage des chlorures seront testées afin de contrôler leur validité dans le mélange industriel.

Mise en solution du chlore sous forme de chlorures

Mécanismes réactionnels

Lors du traitement de l'huile chlorée, il se produit deux réactions principales : d'une part, une substitution nucléophile qui remplace l'halogène par un groupement hydroxyle suivant le mécanisme (12) : (X = Cl⁻)

R—X + OH⁻ (NaOH 2,5 M) → ébullition → R—OH + X⁻ aqueux

D'autre part, une élimination est aussi obtenue avec formation de composés insaturés (12), par exemple :

R—CH₂—CH—CH₃ + OH⁻ (NaOH) (ébull.) → R—CH=CH—CH₃ + H₂O + X⁻ aqueux

Mode opératoire

L'émulsion usée brute est préalablement cassée par 20 ml d'acide sulfurique (2 M) pour un litre ; 100 ml d'huile surnageante sont ensuite prélevés et introduits dans un erlenmeyer rodé de 500 ml.

Enfin, 300 ml de soude (2,5 M) sont ajoutés, sous agitation, et ce mélange est chauffé à ébullition pendant 15 heures. Après refroidissement, deux phases apparaissent dans l'erlenmeyer ; celle qui est supérieure est visqueuse et flotte sur la partie aqueuse. Ces deux phases sont ensuite séparées dans une ampoule à décanter. L'eau résiduelle est ramenée à un pH acide voisin de 5 qui facilitera le dosage des chlorures (13).

Dosage des chlorures

Trois dosages ont été testés, le premier par précipitation par le nitrate d'argent et détermination de la fin du dosage à l'aide du chromate de potassium K₂CrO₄.

AgNO₃ + Cl⁻ → AgCl + NO₃⁻

La deuxième technique testée est la mercurimétrie (13) :

Hg(NO₃)₂ + 2 Cl⁻ → HgCl₂ + 2 NO₃⁻

L'excès d'ions Hg²⁺ est mis en évidence par une coloration rouge avec le diphénylcarbazone. Enfin, le dosage potentiométrique par AgNO₃ s'est révélé être le plus précis (figure 3) et la présence de sulfures moins gênante que pour les techniques précédentes.

[Photo : Fig. 3 : Dosages potentiométriques : électrode indicatrice d'argent et électrode de référence au sulfate mercureux.]

Le pourcentage en chlorure organique de l'émulsion est de (0,53 ± 0,05) pour le lot étudié. Cette valeur est compatible avec une incinération.

Conclusion

La concentration en chlore présente dans le résidu huileux n'est pas susceptible de poser d'importants problèmes lors de l'incinération, gênante lorsqu'elle atteint des valeurs voisines de 2 à 3 %.

Après cette étude, les volumes d'huiles solubles usées ont été diminués des trois quarts, grâce à un traitement primaire à l'acide et un traitement secondaire au sulfate d'aluminium. L'épuration de l'eau résiduaire pourrait être par la suite optimisée par une étape de flottation à air dissous permettant d'éliminer le floc obtenu d'une manière plus complète.

[Encart : texte : Les lecteurs qui seraient intéressés par la bibliographie sont priés de s'adresser aux auteurs.]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements