Your browser does not support JavaScript!

Traitement par évaporation naturelle accélérée des lixiviats de décharges

30 mars 2000 Paru dans le N°230 à la page 57 ( mots)
Rédigé par : Philippe STOCK

La solution exposée ici a pour objet le traitement des lixiviats par évaporation naturelle accélérée. Cette réponse à la fois simple, efficace et rustique est basée sur l'utilisation d'une surface d'échange en polyéthylène haute densité sous forme de panneaux.

Le lixiviat est stocké dans un bassin étanche dont la capacité est d’environ 30 % du volume annuel produit. Une pompe permet l'aspersion du lixiviat sur le panneau, où il s'évapore en partie. L’excédent non évaporé retourne au bassin, où il sera à nouveau projeté sur le panneau jusqu’à évaporation totale de la partie liquide. Un ventilateur placé au centre de la chambre d’évaporation améliore les performances évaporatoires du module. Les schémas ci-après montrent le fonctionnement d'un module tel qu’il sera installé sur un site, ainsi qu'une vue de profil et une perspective.

Schéma de fonctionnement

Les effluents bruts sont récupérés dans un réservoir (I), équipé de deux pompes (dont une de secours).

Les effluents filtrés ou non selon leur nature, sont alors envoyés dans un bassin de stockage étanche (II) dont la capacité varie avec le volume d'effluents à traiter et la météorologie locale.

L'effluent arrive dans la partie supérieure du module d’évaporation (III). Il est alors projeté sur la maille (IV) où il s’évapore en partie. L’excédent, non évaporé, retourne au bassin de stockage (II).

Il est à nouveau projeté sur la surface d'échange jusqu’à évaporation totale.

Un réservoir de 2 m³ (V), contenant un bactéricide, et muni d'une pompe, est utilisé pour le nettoyage automatisé de la maille du

[Photo : Schéma de fonctionnement]

Les données de la station météo la plus proche permettent l’évaluation d’évaporation pour un module fermé EM 36, équipé d’un ventilateur. Pour Orléans, ces données figurent dans le tableau 1.

Il ressort que l’évaporation annuelle moyenne, par module fermé EM 36 muni d’un ventilateur, est d’environ 1100 m³.

Cette étude permet de déterminer le nombre d’évaporateurs en fonction de la météo locale et du volume de lixiviats à traiter.

Il est alors nécessaire de dimensionner le bassin de stockage. Ce dimensionnement est inclus dans les offres.

L’intégration paysagère des modules a également été prise en compte.

La fermentation des déchets produit des biogaz. Au cas où la décharge déciderait de valoriser le biogaz, les modules ont été conçus pour recevoir des échangeurs de chaleur. Ceux-ci améliorent les performances évaporatoires du module et ont deux conséquences :

  1. 1. Si le volume de lixiviats reste constant ou diminue, moins d’énergie électrique sera nécessaire au fonctionnement des évaporateurs qui fonctionneront moins longtemps. Il sera alors possible, par exemple, de les arrêter la nuit, le week-end, etc.
  2. 2. Si le volume de lixiviats augmente, il n’est alors pas nécessaire d’augmenter (dans une certaine mesure) le nombre de modules. Le ou les modules pourront évaporer une plus grande quantité d’effluents.

Composition des lixiviats

L’intérêt du procédé est qu’il accepte les variations physico-chimiques du lixiviat.

Il n’est aucunement nécessaire de procéder à des analyses de l’effluent car il n’y a pas de rejet liquide dans le milieu : il n’est donc pas utile d’aménager des points de rejet dans le milieu.

Présentation des modules

Performances

Le procédé fonctionne depuis de nombreuses années pour le traitement des rejets liquides. Ceux-ci peuvent être d’origines diverses :

  • – Agro-alimentaire : une cinquantaine d’installations fonctionnent en France, en Italie ou en Espagne pour le traitement d’effluents d’origine viticole ou vinicole, de distilleries, de margines d’huile d’olive, etc.
  • – Lisiers de porcs : une trentaine d’installations fonctionnent également en France, en Italie, en Espagne ou au Portugal pour cet effluent particulièrement difficile à traiter.
  • – Chimique : en France, en Thaïlande ou en Espagne, de nombreuses installations fonctionnent. À Narbonne par exemple, pour une filiale du groupe TOTAL qui fabrique des pigments de peinture, le procédé Nucleos permet le traitement des eaux de process, de nettoyage de filtres et de saumures. Leur concentration par évaporation autorise l’entreprise à réutiliser le sel minéral.

Matériel

Ce procédé Nucleos est simple et efficace. Le matériel est constitué :

  1. 1. de composants inertes :
    • – des panneaux en polyéthylène haute densité qui résistent à la plupart des agents chimiques ;
    • – des asperseurs de diamètre important laissant passer des matières d’un diamètre supérieur à 4 mm ;
    • – d’une structure porteuse en inox ;
    • – de panneaux de polyester.
  2. 2. de composants tels que :
    • – des pompes de transfert ;
    • – des vannes ;
    • – des ventilateurs (un par module).
[Photo : Principe de fonctionnement]
[Photo : EM 36 équipé d’un échangeur de chaleur avec valorisation du biogaz]

L'intérêt du procédé réside dans sa modularité et dans sa capacité à s'adapter en cas de valorisation du biogaz.

Encombrement

Chaque module mesure 15,4 mètres de long par 6 mètres de large. Lorsqu’il y a plusieurs modules, ils peuvent être accolés sur leur largeur. La hauteur de l'ensemble est de 4,50 mètres.

Capacité à gérer les variations de quantité et qualité des lixiviats

Le procédé est dimensionné pour traiter un certain volume de lixiviats par an. Il peut en accepter de plus petites quantités, et des plus grandes de deux manières :

  1. 1. S'il y a valorisation du biogaz, en adaptant des échangeurs de chaleur en partie supérieure du module,
  2. 2. S'il n’y a pas valorisation du biogaz, en ajoutant des évaporateurs. Il existe différents modèles qui peuvent traiter des volumes à partir de 200 m³ d'effluent par an.

Le procédé peut accepter des variations importantes de qualité du lixiviat. Celui-ci reste stocké dans le bassin et reçoit un simple pré-traitement au moyen de turbines lentes de faible puissance.

Méthodes de rejet

Il n’y a pas de rejet en rivière.

Installation

Les modules sont fixés sur des dalles en béton. Leur construction est prévue dans le devis présenté par le distributeur-installateur du matériel.

La durée d'intervention est prévue sur le devis de l’installateur. Il en est de même pour la durée de réception de l'installation.

Suivi et exploitation

Sous-produits du traitement et modes d'élimination

L'analyse du lixiviat fournie par la décharge montre une quantité (en mg/l) de matières en suspension. Celles-ci se retrouveront sous forme de boues au fond du bassin. Elles représenteront un volume annuel de boues qui pourront être envoyées en décharge de classe 1. Coût moyen 2000 F/tonne.

Il est à noter qu’avec l'accord de la DRIRE ces boues peuvent être remises sur la décharge même. Il n’existe actuellement aucun texte officiel, mais cette pratique existe dans certains pays comme l’Allemagne. La DRIRE locale est seule habilitée à prendre cette décision.

Qualification du personnel de la décharge qui sera chargé du suivi

Aucune qualification particulière n’est demandée au personnel de la décharge. Une fois par semaine une personne sera chargée de vérifier le bon fonctionnement des pompes, vannes, asperseurs et ventilateurs. Elle devra également s’assurer qu'il y a suffisamment de produit de nettoyage dans les cuves.

Tableau 1 : Les données de la station météo (pour la ville d’Orléans)

mois humidité relative (%) température moyenne (°C) nombre de jours évaporation moyenne (m³)
janvier 87 2,7 34 38,9
février 83 3,6 28 49,3
mars 76 6,9 34 87,0
avril 70 9,8 30 121,9
mai 77 13,4 34 136,5
juin 73 16,6 30 129,2
juillet 71 18,4 31 158,3
août 73 18,2 34 140,4
septembre 76 15,6 30 109,6
octobre 83 10,9 34 69,3
novembre 87 6,6 30 42,5
décembre 89 3,6 34 34,4
TOTAL 1118,0

Tableau 2 : Quelques références en traitement des effluents liquides en Italie

SociétéVilleNombre de modulesType d’effluent
FrantorioVitanova2Margines
GuerrisiCittanova4Margines
BorgesePalmi4Margines
BenedettiGargano4Lisier de porc
Alma SudSepimo32Lisier de porc
ConsulchimicFantino4Pressoir
MeneghinMontello1Abattoir
SamaceSabaudia4Décharge
BastianRosegaferro1Décharge

Tableau 3 : Quelques références en traitement des effluents liquides en Espagne

SociétéVilleNombre de modulesType d’effluent
FurfuralMurcia9Chimie
DelsaBarcelona1Chimie
FuelalGrenada40Sel
SalineraJaen6Sel
Coop. MontorCordoba4Margines
GoyaSevilla2Olives
Ebro AgricolSevilla6Sucrerie
AgrosevillaSevilla10Margines
Vda OrtegaVillarobledo6Distillerie

Tableau 4 : Quelques références en traitement des effluents liquides en France

SociétéVilleNombre de modulesType d’effluent
CEREMHERMèze2Recherche
Cave JeanjeanSt Félix de Lodez36Vinicole
Cave CalvissonCalvisson10Vinicole
Château QueyretSt Antoine4Vinicole
Distillerie RieuxRieux Minervois10Distillerie
SLNCNarbonne30Chimie
TOTALNarbonne1Pigments
Élevage AlluéMurviel6Lisier
CETLons le Saunier4Décharge

Ce nettoyage est automatique et l'ensemble est assujetti à l’armoire de commande.

Nombre d’heures de maintenance et fréquence à prévoir par la décharge

La fréquence d'intervention est d'une fois par semaine et la durée à prévoir est d’environ 1 heure.

Formation prévue pour le personnel de maintenance de la décharge

Le distributeur du matériel assurera une journée de formation pour le personnel.

Suivi du fournisseur et SAV. Garantie pièces, bon fonctionnement

Ce même distributeur assure le suivi, le SAV, ainsi que la garantie des pièces et du bon fonctionnement.

Analyses : contenu et fréquence

Aucune analyse de lixiviat n’est nécessaire pour le bon fonctionnement du procédé.

Consommables et réactifs

Le procédé Nucleos est équipé d'un système automatique de nettoyage de la surface d’échange. Ce nettoyage se fait au moyen d'un produit à base de peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) et d’acide péracétique. Ce nettoyage doit s’effectuer tous les 15 jours.

Estimation des coûts d’exploitation

1. Coût en personnel : 1 heure par semaine à 100 F de l’heure pour 52 semaines.

2. Élimination des sous-produits : les volumes de boues à envoyer en décharge de Classe 1 sont en général faibles. Environ 2 000 F la tonne.

3. Consommables : un nettoyage automatisé par semaine au moyen d’un désinfectant à base d’acide péracétique. Environ 5 000 F par an et par évaporateur.

4. Pièces de rechange : les pompes sont fournies en double. Aucune pièce de rechange n’est à prévoir en dehors de l’usure normale des pompes.

5. Énergie : la consommation électrique est due aux pompes d’aspersion, aux deux ventilateurs et aux turbines lentes du bassin de stockage. Les tarifs EDF varient avec les horaires et les saisons. Nous avons pris pour base de calcul le fonctionnement habituel des modules, soit :

- 2/3 de fonctionnement l'été ;

- 1/3 de fonctionnement l’hiver ;

- 1/3 de fonctionnement la nuit ;

- 2/3 de fonctionnement le jour.

Il ressort que les pompes fonctionnent environ 6 000 heures par an et que le ou les ventilateurs fonctionnent également 6 000 heures chacun, avec une puissance de 7,5 kW. Le coût de la consommation annuelle moyenne est d’environ 17 000 F.

6. Analyses : aucune analyse n’est à prévoir.

7. Coût d'exploitation : le coût moyen d’exploitation varie d'environ 25 à 35 F/m³ de lixiviat traité.

Références

La société Nucleos a développé son procédé de traitement des rejets liquides par évaporation naturelle depuis de nombreuses années. Les références sont donc multiples, aussi bien dans les types d’effluents traités que dans les pays où il a été développé.

La démarche adoptée par l'entreprise a été de se faire reconnaître par les organismes de tutelle tels que les Agences de l’Eau ou l’ADEME en France.

Les lixiviats en tant que tels ne présentent aucune difficulté à être évaporés mais Nucleos a tout de même installé un pilote sur le CET de Lons le Saunier (Jura) afin que des mesures soient effectuées en sortie de cheminée de l’évaporateur et autour de l’évaporateur (sur le sol) afin de vérifier qu'il n'y a pas transfert de pollution. Ces mesures ont été effectuées par l'INSA de Lyon (sur les conseils de l’ADEME). Elles ont donné entière satisfaction.

Conclusion

Ce système de traitement des lixiviats par évapo-concentration est une solution simple, efficace et économique, voire rustique.

Il s’agit d'un traitement modulable, sur le site.

Les principales fonctions sont automatisées : le nettoyage se fait régulièrement de manière automatique, et en cas de gel ou de pluie, les modules d’évaporation s’arrêtent de fonctionner automatiquement. Dès que les conditions météo s’améliorent, le système se remet en marche.

L’installation est dimensionnée en fonction d’un volume à traiter.

Si ce volume augmente, l’exploitant de la

décharge a deux possibilités :

  • * Soit ajouter des évaporateurs. Nucleos propose toute une gamme d’appareils dont la taille varie avec le volume à traiter,
  • * Soit valoriser le biogaz. Les modules sont conçus pour recevoir des échangeurs de chaleur. Les performances évaporatoires des modules sont améliorées et ils peuvent donc traiter un volume plus important de lixiviat.

Si ce volume diminue, les évaporateurs fonctionnent moins longtemps et des économies d'énergie sont réalisées.

Le procédé Nucleos est sécurisant pour l’exploitant de la décharge. En effet, en cas d’arrêt intempestif du système, il n'y a pas de risque de pollution : l'effluent reste dans le bassin de stockage.

Le procédé accepte les variations physico-chimiques, parfois importantes, du lixiviat. Le suivi et l’exploitation ne nécessitent aucune qualification particulière du personnel de la décharge. Il en résulte un coût d’exploitation particulièrement bas : entre 25 F et 35 F par m³ de lixiviat traité.

Ce procédé est reconnu par l’Agence de l’Eau et soutenu par l’ADEME. Il apporte une solution conforme aux nouvelles normes de lutte contre la pollution.

La société Nucleos a chargé l'INSA de Lyon de procéder à l’expertise de son procédé de traitement des lixiviats dans les CET. L’objectif de cette étude est de vérifier qu'il n’y a pas de dispersion des polluants dans l’air. Une campagne de prélèvements a été effectuée et trois points ont fait l'objet de mesures et d’analyses :

  • * les gaz à l’émission et en périphérie de l’évaporateur,
  • * les sols en périphérie du module,
  • * les concentrats.

La conclusion générale montre que l’utilisation de l’évaporateur « … n’a pas conduit à une augmentation significative de la concentration en polluants et en germes dans l’air ambiant du site… ».

L’arrêté ministériel du 2 février 1998, dit « arrêté intégré », concerne les rejets de toute nature issus des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation. Cet arrêté fixe notamment des Valeurs Limites d’Emission (VLE) mais les arrêtés préfectoraux peuvent imposer des limites inférieures en fonction des circonstances.

D'après les valeurs résultant de l’expertise « on constate que pour les COV comme pour l’ammoniac, les flux horaires mesurés en sortie de cheminée sont très inférieurs aux valeurs retenues dans l’arrêté du 2 février 1998. Compte tenu du débit à l’émission, il en découle des valeurs d’émission (en mg/Nm³) très inférieures aux VLE définies en fonction des flux horaires ».

L’ADEME, partenaire de cette opération, déclare dans son courrier daté du 19 août 1999 que « cette expérimentation s'est avérée concluante au regard des objectifs fixés et a permis de tirer les enseignements nécessaires à une adaptation du module aux traitements des lixiviats ».

La société Nucleos a donc conçu un nouveau module baptisé EM36.

En conclusion, les résultats obtenus sur l’évaluation du procédé répondent aux exigences réglementaires actuelles et sont en accord avec les bonnes pratiques en la matière.

[Publicité : Pollutec 2000]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements