Le syndicat d’assainissement de la région de Charly sur Marne regroupe 6 623 habitants sur 7 communes : Charly sur Marne, Coupru, Domptin, Nogent l’Artaud, Romeny sur Marne, Saulchery et Villiers St Denis. Dès son arrivée en 1995, Alain Hémery – également Maire de Villiers St Denis – doit faire face à une série de constats désagréables. Sur l’état physique du réseau tout d’abord : il est mal étanchéifié et des sulfures viennent corroder les canalisations. Sur la gestion informatique de la facturation ensuite, qui s’avère défaillante : de nombreux abonnés raccordés au réseau ne sont pas comptabilisés. Enfin, et ce point est crucial, sur des questions de dimensionnement de la station d’épuration située en aval du dispositif. Conçue pour traiter quotidiennement 5 500 Équivalents habitants (un “Équivalent habitant” représente 150 litres d’eau rejetée par jour contenant 90 g de DCO), soit 725 m³ d’eau/500 kg de DCO/50 kg de NTK, elle est régulièrement saturée. Or si les eaux pluviales entrent en ligne de compte, Monsieur Hémery se rend rapidement compte que ce sont avant tout les effluents vinicoles qu’il faut incriminer.
Une station qui souffre de la “gueule de bois”…
La région de Champagne abrite en effet de nombreux pressoirs qui rejettent leurs effluents, qui sont assimilés à des effluents industriels dans les réseaux domestiques sans pour autant contribuer à leur entretien par une quelconque contrepartie financière. Monsieur Hémery convoque donc une première fois l’ensemble des viticulteurs locaux en 1996. Mais les professionnels qui se sont dotés d’un système de traitement refusent de payer pour leurs confrères “indélicats”.
[Photo : Les rejets vinicoles sauvages peuvent nuire au bon fonctionnement des réseaux de la station d’épuration placée en aval]
Une nouvelle alerte en 1997 conduit finalement le Président à déposer une plainte pour rejets non autorisés et la SAUR - la compagnie fermière en charge de l’assainissement pour la région - est mise en demeure de faire cesser ces abus.
Malgré les plaintes et les amendes, le problème n’est toujours pas résolu par la voie “politique”. Il convient alors de trouver une solution technique. La charge en incombe à Dominique Caillet - Ingénieur à la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt qui recommande Air Products et son procédé de traitement biologique des eaux usées à oxygène pur : OXY-DEP™.
Le défi consiste à doubler la capacité de la station durant l’année et la quadrupler pendant la saison vinicole, globalement du 20 août au 20 octobre, pour un budget raisonnable, sans casser le site existant.
Durant la période des vendanges 1998, la station de la région de Charly sur Marne a reçu quotidiennement jusqu’à 800 m³ d'eau, 1050 kg de DCO et 60 kg de NTK pour une capacité initiale de traitement journalière, rappelons-le, de 725 m³ d’eau, 500 kg de DCO et 50 kg de NTK.
Aujourd’hui, elle peut supporter toute l’année 1100 kg/j de DCO et 70 kg/jour de NTK, soit 11 000 équivalents habitants et accepter durant les deux mois critiques liés aux vendanges, effectuées entre mi-septembre et mi-octobre, les pointes de charges ponctuelles qui la saturaient auparavant, grâce à la flexibilité apportée par l’OXY-DEP™ conçu pour être utilisé au gré des besoins.
[Encart :
L’eau dans la Commune : qui fait quoi?
Depuis la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, le maire d'une commune a une obligation de résultats en matière de politique d’aménagement et d’assainissement. Il lui incombe donc de définir un schéma directeur (décret du 3 juin 1994) en prenant en compte les objectifs de qualité du milieu récepteur et les facteurs de pollution éventuels, puis d’évaluer les crédits nécessaires. Notre élu est heureusement épaulé par des compétences externes telles que les services techniques municipaux, les services décentralisés de l'État (au niveau de la région et du département), l’Agence de l'eau locale.
Il a d'un autre côté, la faculté de déléguer la politique d’assainissement de sa commune à un établissement public de coopération intercommunale (comme le témoignage ci-joint). Il y gagnera en cohérence technique, en nécessaire solidarité des utilisateurs autour du lieu du rejet, en optimisation des efforts entrepris sans compter une réduction des investissements et des coûts de fonctionnement.
Dans tous les cas de figures, l'exploitation bénéficie de quatre sources de financement : les redevances acquittées par les usagers domestiques, la prime pour épuration versée par l’Agence de l'eau, la facturation des prestations de services pour d'autres communes ou particuliers en domaine privé et la participation des utilisateurs non domestiques (conventions passées avec les industriels autorisant le rejet de leurs effluents dans le réseau).
La gestion de l'assainissement collectif s'exerce de deux manières : gestion directe du service de régie (la communauté a financé les équipements et les fait fonctionner avec son personnel. Elle est donc rémunérée directement) ou déléguée à une entreprise privée en gérance, via un contrat d'affermage (avec la SAUR dans le cas de Charly sur Marne) ou un contrat de concession.
Mais quoi qu'il en soit, le maire (ou le président de la structure intercommunale) doit approuver toute modification de prix de l'eau et la collectivité demeure responsable de la qualité et du coût du service (principe du service public).]
L'ensemble de l'installation, c’est-à-dire la construction d'une dalle de béton, l'oxygène, la location de matériel, l'investissement dans un transformateur et la consommation d'électricité, a représenté un budget de moins de 500 000 F répartis sur 1997-98 et 1999.
Le fonctionnement a été largement pris en charge par les 23 pressoirs qui ont adhéré à la station moyennant une participation de 15 francs la tonne pressurée, selon le principe « pollueur-payeur ». Et bien que celle-ci soit passée à 25 francs la tonne en 1999 pour coller aux coûts réels, Monsieur Hémery se fait fort de convaincre les 19 producteurs de la région encore non raccordés. En effet, la solution de la station est synonyme pour eux de gain de temps sur l’épandage, la seule méthode dont ils disposent jusqu’alors pour se débarrasser de leurs rejets, et de moindre souci puisque l’évacuation se fait d’elle-même, et qu’il n’est plus besoin de charger, transporter et décharger les effluents.
Le procédé de traitement biologique des eaux usées à oxygène pur
Le système OXY-DEP™ est basé sur la dissolution de l'oxygène gazeux dans la phase liquide et son utilisation par la biomasse.
Concrètement, une pompe est placée dans le bassin et aspire l'eau pour la diriger ensuite vers un mélangeur d’oxygène pur.
L’arrivée du gaz est placée au cœur d’un cône Venturi chargé de le dissoudre dans l’effluent.
Le procédé assure un apport spécifique de 5 kg d’oxygène pur par kilowatt-heure d’électricité consommé par la pompe.
Le convergent-divergent optimise le mélange eau-oxygène.
Celui-ci est ensuite réparti par des éjecteurs liquide-liquide en fond de bassin, assurant ainsi un brassage optimal de l'eau sur-oxygénée avec celle du bassin.
Pour garantir l'efficacité du traitement, une sonde mesure le taux d’oxygène dissous.
Cette mesure est transmise à un automate programmable qui pilote l’installation de façon à maintenir constant le taux de gaz dissous quelle que soit la pollution entrante.
Cette approche permet de répondre aux pics de DCO et de NTK en entrée de station.
Par ailleurs, cette automatisation permet également de procéder à la dénitrification de l’effluent. En effet, les ingénieurs biologistes ont exploité le fait qu'une interruption calcu
[Photo : Le système OXY-DEP™ est basé sur la dissolution de l’oxygène gazeux dans la phase liquide et son utilisation par la biomasse]
L’idée de l’apport d’oxygène, contrôlé par sonde, permettait de modifier les réactions bactériennes et donc d’éliminer toute trace de nitrate.
Le système s’adapte à tout type d’unité (bassin d’homogénéisation, boues activées, lagunes) ainsi qu’aux sites naturels (lacs, rivières, étangs) et répond à trois grands types d’application : l’abattage de la DCO (pollution carbonée), le traitement du NTK (pollution azotée) par (dé)nitrification ou le travail en bassin d’aération sur des concentrations en MES (Matières En Suspension) importantes.
Le procédé se révèle une solution particulièrement intéressante par rapport à des systèmes plus classiques car il permet :
- - d’augmenter de plus de 50 % la capacité de traitement d’une installation existante sans investissement lourd. En effet, l’utilisation de l’oxygène pur maximise la vitesse de transfert du gaz vers la biomasse. Sa concentration et son activité sont donc optimisées, sans modification de l’installation. De plus, la mise en place ne nécessite ni arrêt ni vidange du bassin d’aération ;
- - d’installer une nouvelle station biologique dans un espace limité : procédé biologique plus intense que les systèmes à l’air, OXY-DEP™ est particulièrement compact puisqu’il ne nécessite que 50 % d’empreinte au sol en comparaison de ces derniers ;
- - d’améliorer la décantation car la faible énergie d’agitation requise élimine les chocs et le cisaillement des flocs bactériens. De plus, l’utilisation de gaz pur évite le déficit en oxygène dans le bassin et réduit ainsi la croissance des bactéries filamenteuses, difficiles à décanter ;
- - de réduire l’émission d’odeurs, de COV (Composés Organiques Volatils) et la formation de mousse. Le brassage par le fond minimise l’agitation de la surface liquide et donc l’émission de gaz non dissous (seulement 5 %), source de pollution de l’air. La quantité de COV relâchée vers l’atmosphère est en moyenne de 90 à 99 % inférieure à celle rejetée par un système à l’air ;
- - d’absorber des pointes de charge journalières et saisonnières. Le système peut fonctionner sur une large gamme opératoire de demande en oxygène tout en garantissant un apport d’énergie de brassage constant au bassin. Cette flexibilité lui permet de s’adapter économiquement aux variations journalières ou saisonnières de charge entrante ;
- - d’optimiser la consommation énergétique par rapport à un système à l’air : 4 à 5 fois plus d’oxygène par kilowatt-heure électrique consommé.
Conclusion
Monsieur Hémery se félicite de la solution choisie qui a largement contribué à la résolution de ses problèmes de pollution ponctuelle malgré le manque de coopération initial de certains viticulteurs.
De surcroît, l’installation du procédé lui a permis de gagner du temps en attendant de reconstruire une station totalement neuve et ceci, sans requérir le même investissement dans la mesure où le projet est estimé à 15 millions de francs.
De son côté, Monsieur Michaël Rahault, Responsable exploitation et assainissement de la SAUR, en charge de la gestion de la station, souligne le réel confort d’utilisation du système. Il apprécie en outre la disponibilité de ses interlocuteurs.
Au final, l’un comme l’autre se réjouissent de ne plus « trinquer » à chaque volume d’eaux usées supplémentaire.
[Photo : L’utilisation de l’oxygène pur maximise la vitesse de transport des gaz vers la biomasse]