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Traitement des lixiviats par voie physico-chimique

28 février 1996 Paru dans le N°189 à la page 40 ( mots)

La société Krofta France, spécialisée dans le traitement physico-chimique des eaux par flottation, vient de réaliser une installation de traitement des lixiviats. Ce traitement est encore très peu répandu en France, alors que les résultats obtenus sont tout à fait intéressants et que ce type de station présente de nombreux avantages. L'ensemble des données recueillies pendant les six premiers mois d'exploitation est donné et commenté ci-après.

Descriptif du site existant

Le site concerné se situe à Roche-la-Molière, dans la Loire (42). Ce Centre d’Enfouissement Technique (CET) est exploité par la Société Anonyme de Traitement des Ordures et Déchets (SATROD). Plus de 450 000 t de déchets sont traités chaque année dans ce centre, qui s’étend sur une superficie de 65 hectares. Les eaux de percolation collectées représentent environ 220 000 m³/an.

La plate-forme d’enfouissement a fait l'objet d’un reprofilage, en vue de son imperméabilisation et d’une nouvelle exploitation par alvéoles. D’autre part, des fossés périphériques en béton destinés à récolter les eaux de ruissellement des collines alentours et du dôme imperméable sont en cours de réalisation. Tout cela dans le but de diminuer les quantités de lixiviat à traiter. En effet, actuellement la pluviométrie a une importance considérable sur les débits de lixiviat à traiter, ainsi que sur leur composition. Suite à ces travaux, le débit et la qualité du lixiviat seront plus constants.

L'ensemble du traitement des lixiviats devra à terme permettre le rejet normalisé des lixiviats traités dans le cours d’eau.

La première étape a consisté en la réalisation d’une station de type physico-chimique. La deuxième phase, actuellement à l’étude, comprendra une station de traitement biologique adaptée à ce type d’effluent très particulier (problèmes d’ammoniaque, d’alcalinité...).

L’ensemble des travaux de la première phase a été réalisé par la Société Krofta, sous le contrôle de la société France Déchets Conseil, spécialisée dans ce secteur d’activité et chargée par la Satrod du suivi de l’affaire.

Chaîne de traitement proposée

Le lixiviat à traiter provient d’une part des jus contenus dans les déchets, mais également de l’eau de pluie tombant sur le casier en exploitation (environ 5000 m²), avant que ce dernier ne soit fini d’être exploité et qu'il soit recouvert de matériaux inertes.

Le mélange de ces eaux est collecté au point bas du Centre, dans un bassin d’une capacité de 8000 m³.

La chaîne de traitement mise en œuvre sur le site pour le traitement a été définie après réalisation de différents essais en laboratoire.

Le traitement comprend :

  • • régulation de pH entre 5,5 et 6, par adjonction d’acide sulfurique,
  • • coagulation à partir de chlorure ferrique. La dose nécessaire est de 0,5 ml de FeCl₃ commercial, à 41 % par m³ de lixiviat à traiter,
  • • floculation en ligne ; le floculant utilisé est un polymère anionique en poudre préparé dans une centrale automatique à une concentration de 2 g/l. La dose nécessaire est de 5 mg/l,
  • • séparation par flottation sur flottateur de type Supercell 15 Krofta.

L’ensemble de l’installation a été dimensionné pour pouvoir traiter 60 m³/h en pointe.

Particularités de l’installation

Les différents paramètres liés au site mais surtout à la particularité de l’effluent ont dû être pris en compte dès la conception de l’installation.

Un des aspects les plus importants à prendre en considération a été le manque de place. Grâce au flottateur Krofta de type Supercell ayant une très faible charge au sol avec seulement 40 cm de hauteur d’eau, il a été possible de l’installer en élévation et de positionner le local technique en dessous (figure 2).

Compte tenu du TAC (Titre Alcalimétrique Complet) très élevé (jusqu’à 300°F), l’adjonction d’acide sulfurique provoque un dégazage important, qui se traduit par une production de mousse. Pour éviter tout débordement du coagulateur, ce dernier a été conçu d’une manière très particulière. Il est fermé et équipé d'une cheminée verticale de surpression. Le débordement éventuel est ainsi canalisé vers le bac des boues flottées.

Il a été constaté que la production de mousse n’est réellement importante.

[Photo : Schéma de la chaîne de traitement.]
A:Stockage d’acide
B:Stockage de coagulant
C:Préparation de polymère
D:Coagulateur
E:Flottateur
F:Pompe de reprise des boues
G:Pompe de pressurisation
H:Compresseur
I:Tube de dissolution d’air ADT
[Photo : Figure 2.]

Analyses des résultats obtenus

que lorsque l’on arrive en fond de bassin tampon, ou lorsque le pH de coagulation n’est pas respecté.

Le lixiviat présentant une forte agressivité vis-à-vis des aciers, due à une teneur élevée en chlorures et à un pH de coagulation relativement bas, la construction du flottateur a été spécialement étudiée. Il est construit en inox 316 Ti, recouvert après balayage à l’abrasif d’un complexe stratifié haut de gamme, composé de quatre couches différentes. Le flottateur peut ainsi résister à des eaux ayant un pH de 3, combiné à une température de 40 °C et une teneur en chlorures pouvant atteindre 10 g/l.

D’autre part, tout un dispositif de sécurité a également été mis en œuvre : un double contrôle du pH et un contrôle de la température permettent en cas de dépassement des seuils, d’arrêter la station, de déclencher une alarme et de vidanger l’installation.

De manière à tenir compte des variations de concentration en MES (Matières En Suspension) et, par conséquent, de la production de boue, un dispositif de régulation à infra-rouge a été mis en place et permet de piloter l’extraction des boues en fonction de la quantité produite.

Pour obtenir une sécurité optimale, toutes les pompes nécessaires ont été doublées.

Le bassin tampon étant situé relativement loin du site de traitement physico-chimique, la mise en service de l’installation est pilotée non pas par la mise en service des pompes de relèvement, mais par la détection du débit sur la canalisation d’arrivée à la station de traitement. Ce dispositif permet donc d’éviter l’injection des réactifs dans le coagulateur en cas de rupture de la canalisation de refoulement.

Caractéristiques du lixiviat brut

Compte tenu du mode d’exploitation du Centre d’Enfouissement à la fin de l’année 1995, l’influence de la pluviosité sur la concentration du lixiviat est relativement importante. La pluie dilue le lixiviat et en augmente le débit. La DCO du lixiviat brut varie donc de 700 à 1860 mg/l. La teneur en MES varie de 54 à 474 mg/l. Le pH est relativement constant et est de l’ordre de 8 à 8,3. L’histogramme de la figure 3 permet de montrer la corrélation entre teneur en MES et DCO, en fonction du taux de dilution.

Le lixiviat traité

Les résultats donnés ci-après sont issus d’analyses réalisées sur des échantillons moyens, sur 24 heures.

[Photo : Variation des teneurs en DCO et MES du lixiviat brut au cours du temps.]
[Photo : Demande chimique en oxygène.]

Ammoniaque et Azote Kjeldahl

La teneur en ammoniaque du lixiviat brut varie au cours du temps de 500 à 1000 mg/l.

L’abattement de l’ammoniaque par la chaîne de traitement mise en place est limité à environ 12 %.

L’élimination du NTK est limitée à environ 10 %.

Couleur

Le traitement mis en place permet une élimination très importante de la couleur.

Le lixiviat a une couleur en sortie de traitement variant entre 117 et 280 unités Hazen, pour une couleur en entrée variant entre 1100 et 1850.

Matières en Suspension (MES)

Le suivi des analyses depuis mai 1995 montre que, malgré une nette augmentation de la concentration en MES du lixiviat brut durant les mois à faible pluviométrie, la teneur en MES du lixiviat traité varie peu ; elle est indépendante de la teneur en MES du lixiviat brut.

Aucun échantillon prélevé sur 24 heures n’a une concentration supérieure à 80 mg/l et la concentration moyenne en MES sur les six derniers mois est de 35 mg/l.

Demande Chimique en Oxygène (DCO)

Contrairement aux MES, la teneur résiduelle en DCO dépend de la concentration en DCO du lixiviat brut (voir fig. 4 ci-après).

Le rendement moyen sur les six derniers mois est de 48 %, ce qui représente une DCO résiduelle variant entre 385 et 900 mg/l.

Demande Biologique en Oxygène (DBO5)

Le rapport DCO/DBO5 du lixiviat brut varie entre 5 et 16.

L’effluent est par conséquent très peu biodégradable par un traitement biologique classique, sans compter les problèmes liés aux chlorures, à l’alcalinité et à l’ammoniaque.

En ce qui concerne l’élimination de la DBO5 par le procédé mis en œuvre, les rendements obtenus sont très proches de ceux obtenus sur la DCO mais toujours très légèrement supérieurs.

Le rendement moyen d’élimination de la DBO5 sur les six derniers mois est de 58 %.

La DBO5 résiduelle après traitement varie entre 9 et 90 mg/l.

Conclusion

Déjà, dans le secteur de l’agro-alimentaire, de telles installations ont été réalisées, permettant soit d’alléger la charge polluante arrivant sur une station biologique existante, soit de limiter considérablement le dimensionnement d’une unité biologique à créer en aval.

Grâce à cette nouvelle réalisation, il a été possible de montrer que ce procédé peut être appliqué au traitement des lixiviats de décharge.

Le faible coût d’investissement par rapport à d’autres procédés et l’emplacement au sol très restreint nécessaire font de ce type de traitement une solution alternative intéressante, qui devrait désormais permettre à d’autres professionnels du traitement des déchets de résoudre une partie de leurs problèmes.

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