Ronald KNOCHE et Erwoan NAOUR — Société LURGI
Dans de nombreux pays, la production de déchets, liée à l’industrialisation et au niveau de vie, est aujourd’hui en constant accroissement. Du fait de la diminution des sites de décharge, il devient indispensable de réfléchir à un concept global de gestion des déchets pour le futur.
Un tel concept doit prendre en compte le recyclage de certains matériaux, le compostage des composants organiques, la production d’énergie électrique et thermique par combustion ou la production de gaz par gazéification ainsi que le traitement des résidus des procédés thermiques. Dans certains pays comme la Suisse ou la RFA, la réutilisation ou le stockage écologiques des résidus sont d’ailleurs devenus une priorité officielle.
Dans le cycle du traitement des déchets, le rôle de l’épuration des fumées est double puisque, d’une part, il s’y opère la captation des polluants véhiculés par les gaz et, d’autre part, il y a production de résidus. Ceux-ci diffèrent tant par leurs propriétés physiques que chimiques, mais dans la plupart des cas, on y trouve des cendres volantes et des sels, quel que soit le procédé d’épuration mis en œuvre.
Épuration des gaz et production de résidus
Nous examinerons ci-après les divers procédés d’épuration des gaz utilisés actuellement ainsi que leurs possibilités d’adaptation à des réglementations plus contraignantes.
Procédé semi-sec par atomisation
Dérivé du procédé de séchage par atomisation, ce procédé consiste en une pulvérisation de lait de chaux effectuée par disque rotatif dans un réacteur. La réaction d’absorption a lieu à grande vitesse, tout d’abord en phase liquide, ensuite en phase sèche avec simultanément un refroidissement du gaz par l’évaporation de l’eau.
Une partie des résidus secs est récupérée en partie basse du réacteur, le reste est capté par un dépoussiéreur (électrofiltre ou filtre à manches) monté en aval. Ces résidus sont constitués de chlorure de calcium, de sulfate de calcium ainsi que de carbonate de calcium, de fluorure de calcium et bien sûr de cendres volantes.
Sont également contenus des métaux lourds, particulièrement le mercure, captés par la réaction d’absorption ainsi que par l’action du carbone présent dans les cendres volantes et par la réduction de température.
Procédé humide par lavage
Placée généralement en aval d’un dépoussiéreur, le laveur travaille en deux phases.
La première, dite « phase acide » parce qu’elle est réalisée à très bas pH, capte l’essentiel des HCl et HF présents dans les gaz. Elle est basée sur la forte solubilité de ces polluants dans l’eau. À leur entrée dans le laveur, les gaz sont brusquement refroidis et saturés en humidité avant de passer dans un Venturi. Le pH faible, la présence des ions Cl⁻ et la basse température permettent également la captation du mercure.
La seconde étape, et, dans certains cas, la troisième étape, fonctionnent en régime alcalin grâce à l’emploi de soude caustique ou de lait de chaux.
Elles complètent la première étape et captent le SO₂, présent dans les gaz.
Pour permettre la déconcentration du liquide de lavage recyclé, une partie de celui-ci est extraite en continu afin d’être neutralisée et traitée dans une installation spécifique. Les effluents obtenus peuvent être évacués ou traités dans un cristalliseur à évaporation pour la production de sels comme les NaCl ou Na₂SO₄ par exemple.
Cette technique, très performante, est cependant déjà pressentie comme limitée dans certains pays du fait de sa production d’eau de rejet, bien que cette dernière soit traitée de façon adéquate.
Procédé combiné
Ce procédé, réalisé en deux phases, est successivement constitué d’un traitement semi-sec par atomisation puis d’un lavage. Cette technologie, conçue et mise en œuvre sur l’UIOM de Cobourg en RFA, permet, depuis sa mise en service en 1988, d’obtenir des degrés de séparation très élevés des particules et des polluants gazeux.
La première phase assure un premier niveau d’épuration, alors que la seconde permet un traitement fin et poussé. De plus, cette solution présente les avantages de travailler dans d’excellentes conditions stœchiométriques, avec absence totale d’effluents liquides ou même humides ; en effet, les eaux de déconcentration des laveurs sont, après neutralisation, vaporisées dans le réacteur de la première phase.
Les valeurs suivantes sont celles mesurées à l’émission à l’UIOM de Cobourg depuis sa mise en service (valeurs ramenées à 11 % d’oxygène) :
Poussières : 0,1 à 1 mg/Nm³
HCl : < 2 mg/Nm³
SO₂ : 3 à 19 mg/Nm³
HF : < seuil de détection
Hg : 0,05 mg/Nm³
PCDD + PCDF* : < 1 mg/Nm³
Futurs procédés d’épuration des gaz
Certains pays imposent d’ores et déjà des limitations sur les émissions de dioxines et furanes, NOₓ, etc.
Il devient alors nécessaire d’utiliser des filtres, des LFC à charbons actifs ou encore des additifs spécifiques. Les polluants peuvent réapparaître dans les cendres, ces dernières nécessitant alors des traitements complémentaires qui doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Les procédés catalytiques peuvent également, dans certains cas, être adaptés, notamment pour l’élimination des NOₓ.
Traitement des résidus
Quel que soit le procédé choisi, il produit des résidus qu’il convient de traiter de façon correcte. Ce sont les mâchefers, les cendres volantes, les sels de procédé semi-sec (CaCl₂, CaSO₄…), les sels en solution après neutralisation des effluents du procédé humide (NaCl, Na₂SO₄…), les gâteaux de filtres-presses.
Lavage avant solidification
Particulièrement adapté pour les mâchefers et les cendres volantes, ce procédé permet d’éliminer les chlorures (de sodium et de potassium par exemple) qui s’y sont fixés pendant la combustion. Ceux-ci se retrouvent alors en solution dans l’eau de lavage qui est ensuite traitée. Les cendres et mâchefers sont asséchés et conditionnés par addition de béton sous forme de blocs avant d’être enfouis. Ce procédé requiert une grande technicité mais donne des résultats tout à fait satisfaisants (lors des tests de lixiviation, par exemple).
* Sans adjonction d’additifs.
Procédé Solur de vitrification
Ce procédé est extrêmement efficace pour l’immobilisation complète des mâchefers, cendres et autres effluents d’épuration de fumées ou d’incinération de boues. Les résidus, mélangés à des additifs comme sable et phonolithe à environ 1 300 °C dans un four électrique, se transforment en un verre totalement inerte. Les caractéristiques principales de cette technique sont une réduction de volume de l’ordre de 50 %, la destruction complète des dioxines et furanes, des tests de lixiviation tout à fait étonnants (voir tableau d’essais), un produit résiduel vitrifié, réutilisable en construction pour des murs antibruit ou pour des terrassements.
Cristallisation des sels par évaporation
Dans le cas d’un procédé humide produisant des rejets liquides contenant des sels en suspension, il est possible de réaliser une cristallisation de ces sels par évaporation. Ce procédé a été mis en œuvre et fonctionne de façon satisfaisante depuis 1980 dans l’UIOM d’Iserlohn en RFA.
Le procédé de cristallisation peut être adapté selon les spécificités et l’analyse des sels désirés. Ceux-ci peuvent être, selon les stipulations légales, réutilisés dans des procédés industriels comme production d’aluminium, sels d’électrolyse ou industrie chimique.
Conclusion
De nombreuses techniques existent aujourd’hui, tant pour une épuration très poussée des fumées d’incinération que pour le traitement, voire le recyclage de leurs résidus. La solution universelle n’existe cependant pas et les dispositions à retenir dans chaque cas particulier doivent être étudiées par des spécialistes éprouvés, en liaison avec les utilisateurs.