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Traitement des effluents liquides : place au peroxyde

30 octobre 1995 Paru dans le N°185 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Nicolas DE ROFFIGNAC

La plupart des industries ont un problème de déchets toxiques, sous une forme ou sous une autre. Le peroxyde d'hydrogène, H2O2, bien connu comme désinfectant médical, étend ses domaines d'application au traitement des eaux usées contaminées, tout en prouvant son avantage économique.

Les approches traditionnelles de traitement des effluents liquides comprennent le transfert de phase et trois types de systèmes d’oxydation.

Le transfert de phase consiste à extraire la substance polluante de l’effluent liquide. Le polluant est soit volatilisé dans un effluent gazeux, soit absorbé dans des charbons actifs, et est donc bien extrait de l’effluent liquide sans être détruit.

L’incinération, ou l’oxydation thermique, est particulièrement bien adaptée aux petits volumes contenant des polluants très concentrés. Cependant, comme pour le transfert de phase, le rejet à l’atmosphère de substances toxiques ou de résidus solides ne rend pas cette méthode idéale.

Les systèmes d’oxydation biologique ont connu un succès certain, mais les limites de ce type de traitement sont apparues au fur et à mesure que les contraintes réglementaires sont devenues plus strictes. Certaines substances comme les chlorophénols peuvent être toxiques pour les micro-organismes censés les détruire, et des composés réfractaires peuvent simplement se révéler indifférents aux tentatives de traitements.

L’oxydation chimique se montre efficace et utilise une variété de réactifs chimiques comme le peroxyde d’hydrogène, le chlore, l’hypochlorite, le dioxyde de chlore ou le permanganate de potassium. Cependant, à l’exception du peroxyde d’hydrogène, ces réactifs chimiques sont également difficiles à manipuler et peuvent engendrer des co-produits toxiques.

Le peroxyde d’hydrogène dans le traitement des effluents liquides

Le peroxyde d’hydrogène est efficace dans les systèmes d’oxydation biologique, d’oxydation chimique et dans les systèmes combinant ces deux types de traitements, où chacun des deux se révélerait insuffisant. Le peroxyde d’hydrogène agit comme source supplémentaire d’oxygène face à la demande biologique en oxygène (DBO) et à la demande chimique en oxygène (DCO), et détruit les substances polluantes par de simples réactions d’oxydoréduction. En outre, convenablement catalysé, le peroxyde d’hydrogène produit des radicaux libres susceptibles de venir à bout des polluants les plus résistants.

Dans les systèmes biologiques, l’oxygène apporté par le peroxyde d’hydrogène favorise le métabolisme des polluants par les bactéries. Le potentiel rédox du peroxyde d’hydrogène permet d’attaquer à la fois des substances organiques et inorganiques. Pour les substances difficiles à éliminer, le peroxyde d’hydrogène catalysé par les ions ferreux ou les rayonnements ultraviolets produit des radicaux hydroxyles très actifs.

Certains problèmes d’effluents liquides requièrent une combinaison de traitements biologiques et chimiques. Dans ce cas, un pré-traitement par le peroxyde d’hydrogène peut dégrader chimiquement certaines substances toxiques pour le traitement biologique ; après celui-ci, un post-traitement par le peroxyde d’hydrogène peut éliminer les substances réfractaires qui n’ont pas été altérées par les bactéries.

Le peroxyde d’hydrogène attaque une très large variété de substances toxiques, comme les sulfures ou les cyanures par exemple. Comparé aux autres réactifs chimiques, il présente plusieurs avantages : son efficacité face à beaucoup de polluants, sa facilité de mise en œuvre et sa stabilité. Il est surtout compatible avec l’environnement dans la mesure où il n’engendre en se décomposant que de l’oxygène et de l’eau.

Il est possible de rendre le peroxyde d’hydrogène plus sélectif en ajustant au préalable les conditions de la réaction. Cela implique de régler certaines variables telles que le pH, les catalyseurs, la température, les doses à injecter et le temps de réaction.

Traitement des substances inorganiques

Le chlore

Le chlore est utilisé dans un grand nombre d’applications industrielles et aussi parfois pour traiter les effluents industriels ou urbains. Cependant, lorsqu’il reste des composés chlorés dans les effluents, ils peuvent poser quelques problèmes. Dans les effluents industriels par exemple, le chlore peut réagir encore avec d’autres produits chimiques pour engendrer des substances toxiques. Les groupes papetiers ou les chimistes choisissent généralement de réduire ou d’éliminer

usage du chlore. Lorsque cette opération n’est pas possible, une déchloration de l’effluent s’impose parfois.

Les méthodes de déchloration mettent en jeu du dioxyde de soufre ou des sels comme le thiosulfate de sodium, le bisulfite et le sulfite de sodium. Ces réactifs ajoutent donc des ions sulfates dans l’effluent, ce qui rend impossible le recyclage pur et simple de celui-ci. De même, alors que les sels ne posent pas de problèmes de manipulation, le dioxyde de soufre est extrêmement dangereux.

Le peroxyde d’hydrogène élimine le chlore dans des concentrations variant de la ppb à 1 %. Il réagit instantanément avec le chlore dans les conditions voulues : pH supérieur à 8,5 et absence d’ammonium. La contrainte sur le pH permet de s’assurer que la quasi-totalité du chlore présent se trouve sous forme d’hypochlorite, avec laquelle le peroxyde d’hydrogène réagit instantanément et quantitativement. L’absence d’ammonium empêche le chlore de se combiner avec d’autres éléments pour former des substances résistant au peroxyde.

Les cyanures

Le cyanure, poison de choix des auteurs de série noire, pose un réel problème vis-à-vis des effluents d’extraction minière, d’électrométallurgie et d’aciérie. Le cyanure dans ses formes variées peut être inhalé, absorbé à travers la peau ou avalé ; il est extrêmement toxique. Heureusement, le traitement des effluents cyanurés ne pose pas de problèmes aujourd’hui.

Les méthodes typiques font appel au chlore et à l’hypochlorite, pouvant former ultérieurement des intermédiaires toxiques. Le dioxyde de soufre, difficile à manipuler, produit des boues supplémentaires. Les dégradations naturelles ou biologiques ne sont que rarement expérimentées, et le recyclage, qui impose des investissements très élevés, pose des problèmes de sécurité.

Grâce à un traitement continu ou par lots, le peroxyde d’hydrogène oxyde les cyanures libres en ammonium et en bicarbonate en milieu alcalin : les cyanures libres sont d’abord oxydés en cyanates, qui s’hydrolysent lentement en ammonium et en bicarbonate. Un catalyseur à base de cuivre permet d’accélérer la réaction et de réduire la consommation de peroxyde d’hydrogène. Certains complexes cyanurés sont également détruits par le peroxyde d’hydrogène ; d’autres résistent au traitement.

Les sulfures

La découverte des sulfures est très ancienne ; les anciens faisaient brûler du soufre à l’occasion de cérémonies religieuses. Notre industrie contemporaine dépend largement du soufre, et alors que le soufre élémentaire n’est pas toxique, les sulfures peuvent être mortels.

La présence de soufre élémentaire dans les effluents se manifeste souvent par l’apparition de sulfures, interférant avec les différents processus mis en œuvre par ailleurs, corrodant les tuyauteries et les équipements, et créant une atmosphère de travail dangereuse. Plusieurs méthodes se sont montrées efficaces contre les sulfures à faibles concentrations : lavage de gaz, addition d’oxygène ou de nitrates, ou réaction avec des sels de fer, du permanganate de potassium, de l’ozone ou du chlore. Ces méthodes posent des problèmes de manutention et peuvent engendrer des sous-produits indésirables.

Le peroxyde d’hydrogène réagit vite et sélectivement sur le sulfure d’hydrogène pour engendrer des composés sans danger, comme le soufre, les sulfates, l’eau et l’oxygène. Les schémas de réaction dépendent du pH. Lorsque le peroxyde d’hydrogène est introduit en excès, il apporte de l’oxygène supplémentaire au milieu, ce qui retarde d’autant la réapparition des sulfures produits par les bactéries anaérobies.

Les autres composés soufrés

Le peroxyde d’hydrogène est également un réactif efficace contre les sulfites ou thiosulfates contenus dans les effluents industriels. Ceux-ci peuvent être traités par le chlore gazeux, l’hypochlorite ou le dioxyde de chlore ; chacun de ces produits engendre alors comme sous-produits des composés chlorés. Le permanganate est aussi utilisé, mais il coûte cher. La précipitation via du chlorure ferreux ou du sulfate ferreux est plus économique, bien que ces substances affectent la DCO de l’effluent et posent des problèmes de boues.

Le sulfite réagit avec le peroxyde d’hydrogène pour donner du sulfate, indépendamment du pH. La réaction est rapide, n’impose pas de catalyseur et consomme assez peu de peroxyde. L’oxydation des thiosulfates a lieu en plusieurs étapes ; ces effluents étant généralement alcalins, on retrouve donc des sulfates. Un catalyseur permet d’accélérer la réaction et de réduire les quantités nécessaires de peroxyde d’hydrogène.

Le peroxyde d’hydrogène est également un moyen efficace pour traiter les effluents industriels contenant des dérivés soufrés, comme les mercaptans. Ceux-ci sont toxiques et sentent d’autant plus mauvais que leur poids moléculaire augmente. Ils réagissent avec le peroxyde d’hydrogène en milieu alcalin pour former une phase insoluble à base de sulfones, facile à séparer. Un catalyseur comme le cuivre ou le fer facilite la réaction.

Les autres polluants inorganiques

Le peroxyde d’hydrogène détruit également les oxydes de chrome et les oxydes d’azote en milieu acide, et les polluants à base de fer, à pH neutre. Ces réactions ne demandent pas de catalyseurs. La destruction des oxydes de chrome prend quelques heures ; les autres réactions sont beaucoup plus rapides.

Le peroxyde d’hydrogène contre la DCO « dure »

Les phénols

Les limites de l’oxydation thermique, du transfert de phase et de l’oxydation par le chlore, l’hypochlorite ou le permanganate ont déjà été citées précédemment. L’oxydation de la plupart des polluants organiques réclame un oxydant comme le fluor ou les radicaux hydroxyles. Une bonne manière de produire ces radicaux hydroxyles consiste à mettre en œuvre la réaction de Fenton.

En 1894, H. J. H. Fenton remarqua que l’ion ferreux combiné au peroxyde d’hydrogène favorisait l’oxydation. Ses travaux ultérieurs démontrèrent alors que cette combinaison oxydait efficacement une large gamme de produits organiques. Ce n’est qu’en 1930 que les mécanismes de la réaction furent établis et que les radicaux hydroxyles furent identifiés comme responsables de ces oxydations.

Actuellement, les systèmes de Fenton sont utilisés pour traiter de nombreux polluants. En plus des phénols, la liste comprend les crésols, chloro-, dichloro- et trichlorophénols, le benzène et l’aniline. En pratique, le ratio entre le phénol et le peroxyde d’hydrogène détermine la portée de la destruction, et la concentration initiale en ions ferreux fixe la vitesse d’oxydation. Une oxydation partielle peut parfois suffire pour réduire la toxicité de l’effluent jusqu’à un niveau acceptable.

Les rayonnements ultraviolets donnent une autre manière de catalyser la formation de radicaux hydroxyles à partir du peroxyde d’hydrogène.

méthode donne de bons résultats pour la destruction de solvants chlorés, de déchets industriels organiques et de dérivés pétroliers.

Les ultraviolets sont aussi utilisés de manière semblable avec l’ozone, mais celui-ci est beaucoup plus difficile à manipuler que le peroxyde d'hydrogène. En pratique, les systèmes utilisant le peroxyde d'hydrogène sont presque toujours plus simples que les autres techniques, car celles-ci produisent des boues, des rejets gazeux, ou provoquent d'autres problèmes de pollutions.

Dans le cas du couplage U.V./peroxyde d'hydrogène, l'équipement se limite à une chambre d'oxydation exposée aux U.V. et à un système de dosage du peroxyde d'hydrogène. Les variables de ce traitement dépendent de la nature et de la concentration des polluants ; les dosages de peroxyde et du rayonnement U.V. dépendent de la température, du pH, de l'homogénéisation du milieu et de l'ajout d'autres catalyseurs éventuels.

Les autres substances organiques

Le peroxyde d'hydrogène traite efficacement les amines et les aldéhydes en milieu alcalin et sans catalyseur, ainsi que les hydroquinones en milieu acide en présence d'ions ferreux. Ces réactions ne prennent que quelques minutes, sauf pour les aldéhydes pour lesquelles un temps de contact de quelques heures est parfois nécessaire.

La réactivité du peroxyde d'hydrogène

Le peroxyde d'hydrogène est un produit chimique puissant, actif contre un grand nombre de substances polluantes. Il est facile et rapide à transporter, stocker et doser. Il est vendu généralement à des concentrations de 35, 50 ou 70 % en poids, mais est aussi disponible sous forme solide, le percarbonate de sodium.

Le percarbonate de sodium est ainsi une bonne alternative lorsque la mise en œuvre de liquides est délicate. En tant que poudre, le percarbonate est facile à manipuler et réduit le volume des effluents liquides. Il simplifie les installations dans la mesure où les réservoirs, tuyaux et pompes ne sont plus nécessaires.

En cas d'urgence, ou pour une utilisation temporaire, une solution consiste à utiliser un ISO conteneur. Ces conteneurs sont en acier inoxydable, et généralement équipés. Ils conviennent bien aux sites distants, aux applications saisonnières ou ponctuelles, aux essais industriels et aux situations d'urgence pour lesquelles le peroxyde d'hydrogène doit être mis en œuvre très rapidement.

Le peroxyde d'hydrogène est utilisé par de nombreuses industries pour ses propriétés chimiques puissantes et respectueuses de l'environnement. Cependant, comme pour tous les produits chimiques, une utilisation impropre ou des conditions de manipulation inadaptées créent des situations dangereuses, tant pour le personnel que pour les installations. Nous recommandons vivement de toujours s'adresser à un professionnel du peroxyde d'hydrogène avant de se lancer dans des essais ou de concevoir, construire ou modifier une installation destinée au peroxyde d'hydrogène.

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