À l’aube du XXIᵉ siècle, la gestion de l'eau est un souci majeur. À la recherche de solutions pérennes, de nouvelles approches technologiques semblent nécessaires pour compléter les installations classiques.
Les pressions réglementaires s’accentuant, le besoin en technologies de plus en plus performantes se justifie ce qui constitue ainsi, de nouvelles motivations pour les professionnels.
S’inscrivant directement dans une démarche de développement durable, certains procédés d’assainissement voient leur développement s’accélérer et permettent d’étendre la gamme des nouveaux “outils” essentiels à la gestion des eaux de demain. L’assainissement autonome en fait partie, d’autant qu’elle présente de nombreux avantages à la fois techniques et économiques.
Véritable pari technologique, le procédé ERI (Eaux Résiduaires Industrielles) est adapté aux effluents domestiques de petites collectivités. Le principe de ce procédé repose sur l’intégration de membranes de filtration au traitement tertiaire, c’est-à-dire après un décanteur secondaire et un traitement biologique. De qualité industrielle, l’effluent ainsi traité peut être réutilisé pour des usages moins nobles comme l’arrosage ou les eaux de toilettes. Ce nouvel usage confère à l'eau produite par l’ERI toutes les caractéristiques d’une réelle matière première “secondaire”.
L’assainissement de petites collectivités
La mise en place des schémas communaux d’assainissement entraîne un changement
[Photo : Schéma fonctionnel de l'unité expérimentale]
des mentalités auprès des petites collectivités. Ils préconisent, entre autres, l'utilisation de systèmes d’assainissement autonome chaque fois que cela est technologiquement et économiquement possible.
Différentes filières sont déjà connues pour le traitement de ce type d’effluents. Parmi elles, on peut citer les décanteurs digesteurs, les lagunes, les boues activées ainsi que les lits bactériens qui font toutes appel à l’épuration biologique. Toutefois, les conditions d’exploitation de ces installations sont parfois insuffisantes.
Des réacteurs monoblocs constitués de bassins combinés sont utilisés lorsque des ministations d'épuration (cuves à boues activées et décanteurs séparés) ne peuvent être implantées. Couplées à un système séparateur complémentaire, ces dernières font partie des nouvelles voies d'investigation.
L’unité pilote ERI a été testée, sur le terrain, avec une unité industrielle d’assainissement autonome, en conditions réelles.
[Photo : Vue de l’installation expérimentale]
La filtration membranaire : pourquoi ?
La sélectivité des membranes de filtration constitue un paramètre fondamental pour chaque type d’application. Son choix doit permettre le maintien de débits élevés tout en garantissant l’absence de matières en suspension et de micro-organismes comme des bactéries quelle que soit la qualité des effluents.
Les phénomènes de colmatage sont limités par un mode de fonctionnement tangentiel et par la réalisation périodique de lavages. Pour des effluents relativement peu colmatants comme des eaux décantées, le flux de perméat reste proportionnel à la pression transmembranaire (Ptm). Il est d’autant plus important que la viscosité apparente est faible, celle-ci dépendant directement de la température.
Les membranes céramiques équipant l'ERI ont été sélectionnées pour leur résistance importante aux contraintes physiques et pour leur inertie vis-à-vis des solutions chimiques nécessaires au maintien de leur bon fonctionnement.
Leur durée de vie est importante comme le mentionne la littérature où des fonctionnements depuis plus de 10 ans, sans problèmes majeurs, sont cités.
Offrant une sécurité maximale, ces membranes sont au cœur du procédé ERI.
Le procédé ERI ou l’intégration d’une technologie membranaire au traitement tertiaire
Les essais sont réalisés sur des effluents domestiques en région nantaise. Le traitement biologique est assuré par une ministation d’épuration du type SOAF/SYMAC pouvant traiter une charge maximale de 10 kg DBO5/j. L'eau sortant du décanteur passe directement dans l’unité de filtration membranaire ERI pour y être affinée (figure 1). L’oxygénation des boues est assurée par des turbines de surface fonctionnant selon une fréquence prédéterminée. Les boues en excès sont régulièrement soutirées ; celles du décanteur sont réinjectées dans le bassin de boues activées.
L’unité de micro-filtration est composée d'un carter contenant huit barreaux multicanaux en céramique du type Tech-Sep/Kerasep. Le seuil de coupure est de 0,2 µm et la surface totale installée est de 0,96 m². Les effluents de nettoyage des membranes ainsi que les purges de la boucle de circulation sont réintroduits dans le décanteur ou en tête de station.
Équipé d'un automate programmable, ERI effectue automatiquement les opérations de
[Photo : L'unité de filtration membranaire ERI]
[Photo : Influence des rétrolavages]
[Photo : Influence des purges]
décolmatage et possède une autonomie de fonctionnement de plusieurs mois.
Les essais de traitement sur site
L’expérimentation a pour but de déterminer les conditions opératoires optimales pour obtenir une production journalière maximale d'eau épurée.
Les différentes actions mises en œuvre pour limiter et éliminer le colmatage (purges, rétrolavages et nettoyages chimiques) ont donc été étudiées.
Trois minutes après le début de la filtration, le débit de perméat est de l’ordre de 180 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ (à 25 °C). Très rapidement le débit chute et atteint, après 30 minutes, une valeur de 110 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ (à 25 °C), soit une réduction de près de 40 %. La pression transmembranaire est de 2 bars et la vitesse tangentielle de 5 m.s⁻¹.
Purges de la boucle de circulation
Les purges de la boucle de circulation permettent principalement de limiter l’évolution viscosimétrique du milieu.
Leur effet a été quantifié pour des purges d'une durée de 10 secondes avec une périodicité de 30 minutes.
Une demi-heure après un lavage chimique, une purge permet un gain en débit de 50 % environ, soit 50 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ (à 25 °C). Six heures plus tard, cette même opération n’entraîne qu’un gain de 20 % soit 20 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ (à 25 °C).
Rétrolavages
Ils ont pour but de participer à l’élimination de la couche de polarisation.
L’effet d’un rétrolavage a été quantifié pour des lavages à contre-courant d’une durée de 20 secondes.
Trente minutes après un lavage chimique, un rétrolavage permet un gain en débit de 75 %, soit 90 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ (à 25 °C). Six heures plus tard, ce gain a chuté à 30 % soit 30 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ (à 25 °C) suite à un autre rétrolavage.
Lavages chimiques
Ils ont pour but de compléter les rétrolavages en permettant d’éliminer, au mieux, les matières déposées à l’intérieur des pores des membranes. Différentes solutions à caractère basique ou acide ont été testées. Les produits alcalins semblent donner de meilleurs résultats comme décrit dans la littérature. Le gain en débit obtenu est de l’ordre de 100 à 150 %. Ce type de nettoyage permet de limiter la diminution de la perméabilité dans le temps, par rapport à un simple rétrolavage. Un lavage complémentaire acide n’a pas permis d’améliorer le débit de perméat.
Conclusions
L’efficacité des rétrolavages est supérieure d’au moins 50 % à celle des purges.
Des rétrolavages programmés toutes les 30 minutes permettent de maintenir une perméabilité membranaire supérieure à 100 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ (à 25 °C). Les lavages chimiques et les rétrolavages ont des actions complémentaires.
Il ressort de l’expérimentation qu’un nettoyage chimique tous les 10 jours est une fréquence suffisante pour maintenir un débit de perméat correct. Dans ces conditions, les essais réalisés pendant plusieurs semaines montrent qu’un débit moyen de production de 5 m³/jour est atteint par l’unité ERI.
Les résultats des analyses effectuées sur les effluents sont présentés dans le tableau I. Ils confirment l’élimination totale des matières en suspension ainsi qu’une réduction importante de la turbidité et des germes microbiens. Des essais complémentaires sont envisagés afin de valider ces résultats sur
Tableau I : Caractéristiques physico-chimiques des effluents
Analyses physico-chimiques |
DCO (mg/l) |
Eau décantée 105 |
Eau filtrée 32 |
% d’abattement 70 |
MES (mg/l) |
Eau décantée 35 |
Eau filtrée 3 |
% d’abattement 91 |
Turbidité |
Eau décantée 5,5 |
Eau filtrée 0,4 |
% d’abattement 93 |
Analyses bactériologiques |
Coliformes thermotolérants (nombre par 100 ml) |
Eau décantée 695 700 |
Eau filtrée 679 |
% d’abattement 99,9 |
Streptocoques fécaux (nombre par 100 ml) |
Eau décantée 93 480 |
Eau filtrée 119 |
% d’abattement 99,9 |
Répondant aux exigences d'une réglementation plus contraignante, l'assurance d'un rendement épuratoire élevé le rend compétitif par rapport aux autres traitements plus conventionnels. La diminution des coûts est liée à celle du prix des membranes.
Les premières estimations économiques montrent qu’il est possible de produire un mètre cube d'eau de très bonne qualité pour moins de 5 F/m³ en couplant l'unité ERI avec une installation d’assainissement autonome.
[Photo : Figure 6 : Comparaison de l'influence d'une purge, d'un rétrolavage et d'un lavage chimique]
Une période plus longue et avec des qualités d'eaux usées différentes.
Conclusion
Ces premières expérimentations montrent que la microfiltration tangentielle peut être considérée comme procédé alternatif de clarification et de désinfection pour des eaux usées. Complétant les unités d’assainissement autonome, cette technique est fiable et son efficacité d’épuration est pratiquement indépendante de la qualité des effluents. Simple à installer, l'ERI ne nécessite que peu de maintenance grâce à son automatisation. D'autre part, son fonctionnement limite l’utilisation des produits chimiques à la régénération des membranes.
L’exemple de l’emploi des membranes en épuration d’eaux usées depuis de nombreuses années au Japon démontre la fiabilité technique et l'intérêt économique d’une telle technique. Son essor en France peut aussi s’envisager pour des ouvrages de taille réduite. L’exemple des stations balnéaires et celles de sports d’hiver peut justifier des réalisations selon ce nouveau procédé.
Remerciements
Les auteurs remercient le groupe SOAF pour sa collaboration dans le cadre de cette étude.
Références bibliographiques
■ Agence de l'eau Adour Garonne : “L’assainissement des petites collectivités dans le bassin Adour Garonne”. Revue de l'agence de l'eau Adour Garonne n° 66, p. 17-19 (1996)
■ SOAF : “Stations de traitement des eaux usées – Gamme polyester”. Document interne SOAF, 4 pages (1994)
■ H. Paillard, P. Clerc : “Épuration par boues activées & membranes immergées (procédé BIOSEP) des eaux usées urbaines – Application chez SIMAFEX”. Conférence CHEM'ELEC 96, 9 pages (10 au 10 décembre 1996)
■ V. Lévy : “Le traitement des effluents résiduaires par bioréacteur à membrane : pour une gestion globale de l'eau”. Conférence CHEM'ELEC 96, 13 pages (10 au 10 décembre 1996)
■ J.-P. Légeron, T. Prunier, L. Cassard : “Contribution à la production d'eau destinée à la consommation de petites collectivités par un automate de filtration membranaire”. Colloque International “Membrane et environnement” – CNISF Lyon, 14 pages (19 au 19 octobre 1994)
■ Ministère de l'Agriculture et de la Pêche : “Les procédés à membrane pour le traitement de l'eau et l'assainissement”. Document technique du FNDAE n° 14, 80 pages (1995)
■ B. Lacoste : “Étude d'un procédé de traitement des eaux usées sur membranes minérales par couplage microfiltration ou ultrafiltration tangentielle et systèmes biologiques en aérobiose”. Thèse de l'Université de Montpellier, 226 pages (1992)
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