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Traitement des eaux usées domestiques par réacteur à membranes : retour d'expérience

30 juillet 2001 Paru dans le N°243 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Jean-philippe KARPINSKI et Véronique GAGLIARDI

La station d'épuration de Comines (Nord) dite «Martha Desrumeaux», d'une capacité nominale de 300 Équivalents Habitants, possède la double particularité d'être le premier bioréacteur à membranes implanté sur le bassin Artois Picardie pour le traitement des eaux résiduaires urbaines, ainsi que d'être entièrement démontable, d'où son surnom de «station à roulettes». Sa localisation actuelle est en effet temporaire. Les particularités de cette installation ont donc amené l'Agence de l'Eau Artois Picardie en partenariat avec Lille Métropole Communauté Urbaine à réaliser un suivi de son fonctionnement durant une période de 4 mois s'étendant de Mai à Août 2000. Le programme du suivi mis en ?uvre avait pour triple objectif de suivre les performances des filières Eau et Boues, d'optimiser les paramètres de fonctionnement et d'affiner l'estimation des coûts d'exploitation, complétant ainsi les données prévisionnelles parues dans «L?Eau, l'Industrie, les Nuisances ? numéro 233».

[Photo : Membranes à fibres creuses vue approchée]

Cette installation a été dimensionnée de façon à traiter les effluents domestiques émanant d'un quartier de la ville de Comines constitué de 32 logements anciens et 50 neufs. Actuellement, on estime la population raccordée à environ

[Photo : Schéma de la station de «Martha Desrumeaux»]

Surpresseur d'air

Q = 130 m³/h — Variateur 31 à 50 Hz

Tambour de 20,5 m³ soit un taux de charge de l'ordre de 50 %, et, en termes de flux de pollution, des taux de charge compris entre 50 et 65 % pour les différents paramètres.

Les performances épuratoires de l’installation sont très élevées comme l'indique le tableau ci-dessus. Les rendements sur l’azote ont été améliorés par l'augmentation de la fréquence électrique du surpresseur initialement inadaptée aux besoins en oxygène. Cette modification a entraîné une diminution sensible de l'élimination du phosphore.

La station « Martha Desrumeaux »

Cette installation de traitement associe un traitement biologique par boues activées avec zone d'anoxie, à une séparation des boues sur membranes immergées.

La particularité de la station est d’avoir une charge volumique importante pour une charge massique faible. Le dispositif de filtration est immergé en profondeur et repose sur une assise située à 50 cm du radier. Les membranes de type fibres creuses organiques en polyéthylène hydrophile de diamètre de pores 0,4 µm (microfiltration) sont distribuées en deux modules.

Le système d’aération des membranes assure l'apport en oxygène permettant la dégradation de la matière organique et azotée dans le bassin d’aérobie, le décolmatage des membranes ainsi que l’homogénéisation du bassin. Il est constitué de tuyaux en PVC situés en dessous de chaque module de membranes, percés d’orifices de 4 mm de diamètre. Le passage de l'eau traitée à travers les membranes se fait grâce à la pression d'eau de submersion du module et une aspiration par pompe.

260 personnes, extensible à terme à 300. Le réseau est en théorie de type séparatif bien que des variations de débits aient été enregistrées à l'entrée par temps de pluie.

Les données de dimensionnement

Les niveaux de rejets imposés correspondent au « niveau F » pour les matières carbonées et à un niveau intermédiaire « NGL1 — NGL2 » pour les matières azotées.

Paramètre Limite
Matières en Suspension ≤ 20 mg/l   Concentration maximale sur échantillon moyen journalier
Demande Chimique en Oxygène ≤ 50 mg/l   Concentration maximale sur échantillon moyen journalier
Demande Biochimique en Oxygène sur 5 jours ≤ 15 mg/l   Concentration maximale sur échantillon moyen journalier
Azote Global ≤ 15 mg/l   Concentration maximale sur échantillon moyen journalier

ou Rendement minimum de 70 %.

Suivi du fonctionnement

Ce suivi est constitué de bilans « Entrée - Sortie » hebdomadaires avec analyses des paramètres de pollution classiques (DBO₅, MES, DCO, NTK, NH₄⁺, Pt) sur échantillons moyens journaliers représentatifs et analyses ponctuelles bactériologiques.

Les débits et charges en entrée d’installation ont fait apparaître un débit moyen journalier (la zone d’anoxie se comportant initialement en zone anaérobie). En termes de concentration, les performances sont conformes aux niveaux de rejet exigés, seuls quelques dépassements ayant été observés avant la modification du surpresseur.

Les performances épuratoires de l'installation

Paramètre Rendement moyen avant modifications Rendement moyen après modifications
DCO 95 % 96,8 %
DBO 98,8 % 99,5 %
MES 99 % 99,5 %
NTK 74,5 % 96,7 %
NGL 71,2 % 81,9 %
P.I 50,1 % 40,4 %

En terme de concentration, les performances sont conformes

Paramètre Concentration moyenne tous résultats (mg/l) Concentration moyenne après modification du surpresseur (mg/l) Concentration maximale (mg/l)
DCO 41,8 32 64 *
DBO₅ 4,5 2 15 *
MES 2,6 2 6
P.I 6,7 3 10
NGL 32,2 23 60,9 *
NH₄⁺ 24,4 22 53
NO₃ 6,2 2,8 34
NO₂ 0,36 0,25 2,5

* Valeurs maximales mesurées avant la modification du fonctionnement du surpresseur.

[Encart : En termes de désinfection, on observe une bonne élimination des germes pathogènes. Analyse | E. Coli / 100 ml en sortie | Entérocoques / 100 ml en sortie 14/06/00 | 190 | 1300 20/07/00 | < 60 | 790 26/07/00 | < 60 | < 60 30/08/00 | 120 | < 60]

En termes de désinfection, on observe une bonne élimination des germes pathogènes.

Suivi du taux de boues

Les taux de boues ont été estimés par l'utilisation d’une thermobalance installée sur le site. Il convient de rappeler que le procédé permet de stocker les boues produites dans la cuve aérobie. Elles y sont directement extraites par camion de vidange et emmenées à la station de Marquette-lez-Lille afin d'y être traitées. On estime à deux semaines la capacité de stockage de l'installation.

Au début du suivi, la concentration moyenne recommandée était de 15 g/l. Cependant, l’optimisation du fonctionnement et en particulier la limitation de la perte de charge de filtration nous ont amenés à travailler à environ 12 g/l (la vidange hebdomadaire des boues entraînait une augmentation moyenne de 3 g/l).

Lavage des membranes

Chaque semaine, une estimation de la production a été réalisée afin de déterminer le ratio kg MS par kg DBO5 traité. Celui-ci s’établit à une valeur moyenne de l’ordre de 1,13.

260 EH.

Les diverses données conduisent aux ratios d'exploitation suivants :

  • * consommation électrique spécifique :
    • + 15 kWh consommés / kg de DBO5 éliminé,
    • + 6,8 kWh consommés / m³ d'eau traitée ;
  • * coût d’exploitation courante :
    • + 17 F HT / m³ d'eau traitée.
[Encart : Bilan des coûts de fonctionnement Opération | Coût sur 4 mois (F TTC) | Coût annuel estimé (F TTC) Personnel exploitation | 10 395 | 31 185 Eau potable (rétrolavage) | 220 | 660 Électricité | 9 778 | 29 334 Téléphone (télésurveillance) | 117 | 351 Extraction – curage | 27 300 | 81 900 Réactifs chimiques (lavage) | 27 | 81 Total | 47 837 | 143 511]

Coûts d’investissement et de fonctionnement

Cette installation a représenté un investissement pour Lille Métropole Communauté Urbaine de 1 300 500 F HT (coût 1998), dont 182 500 F HT pour le poste « cuve de filtration, le module de filtration, la pompe de recirculation, la cuve de lavage des membranes ainsi que la pompe d’aspiration ».

Un bilan des coûts de fonctionnement, s’étendant sur une période de 4 mois hors suivi (01/01/2000 au 30/04/2000) et reprenant les données de l’exploitant (régie communautaire), fait apparaître, selon le décompte ci-dessus, un coût annuel d'exploitation de 145 000 F/an (hors frais de structure, frais généraux, grosses réparations – renouvellement et charges financières) pour une charge de pollution effective reçue à l’installation de l’ordre de 260 EH.

Conclusion

Le suivi de l’installation de Comines a mis en évidence quelques aspects négatifs. La présence de fibres et de filasses autour des membranes pourrait être préjudiciable à leur durée de vie. La production de boues, qui initialement devait être très significativement inférieure à des systèmes classiques, apparaît, en fonction des résultats, être de l’ordre de 1,13 kg de MS / kg de DBO5 éliminée. La consommation énergétique s’avère plus élevée que celle prévue par le constructeur.

En ce qui concerne l’investissement, il faut noter que cette installation n’a pu être dotée d'équipements de secours (surpresseur et pompe d'eau traitée) ainsi que d’équipements améliorant le fonctionnement global de l’installation (agitateur dans la bâche tampon) pour des raisons d’économie. Ces compléments auraient contribué à majorer de façon significative le coût global de l'installation. Néanmoins, il s’avère que les bioréacteurs à membranes garantissent une qualité incomparable de l’eau en sortie, et une maîtrise des rejets due à la filtration membranaire.

Dépourvue de matières en suspension et quasiment exempte de DBO5 en sortie, l'eau traitée convient aux milieux récepteurs particulièrement sensibles.

La compacité de ces installations, du fait de la forte charge volumique, est également un atout déterminant.

[Photo : Lavage des membranes]
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