Le développement de l'échelle laboratoire à l'échelle industrielle d'un traitement des eaux de fond de cales des navires va faire l'objet de cet article. La place disponible dans les cales est relativement réduite et une forte compacité des procédés à installer est requise. L?objectif est de développer un procédé compact capable d'épurer une eau salée contenant des hydrocarbures. Cette étude concerne l'ensemble des navires qui produisent de grands volumes d'eau huileuse sous forme d'eaux de fond de cales. Les contraintes sont nombreuses, les normes très strictes et la composition de ces eaux de fond de cales est très variable dans le temps. Le procédé développé permet de produire un effluent répondant aux normes environnementales régissant le rejet en mer tant sur le plan national qu'international.
Depuis quelques années, la pollution marine et ses conséquences intéressent de plus en plus les médias et le public. De nombreux événements mais également de nombreuses affaires de relargages illégaux ont choqué l’opinion publique et amènent à une prise de conscience collective. Pour lutter contre ce problème, un nombre croissant de règles établies par les législateurs nationaux et internationaux sont mises en place pour accentuer de plus en plus la répression.
Chaque catastrophe maritime a contribué au développement du droit international. Le naufrage du « Titanic » (1912) a posé le fondement du droit à la sécurité maritime et de la création d'une première organisation internationale qui allait devenir en 1948 l’Organisation Maritime Internationale (OMI). Le naufrage du « Torrey Canyon » (1967) allait amener à établir la convention internationale de la responsabilité civile du propriétaire du navire, celui de l’« Amoco Cadiz » (1978), à la constitution d’un Fonds d’Indemnisation aux Pollutions par hydrocarbures (FIPOL). La pollution de l’Exxon Valdez (1989) allait mettre en avant l’obligation des pétroliers double-coque aux États-Unis et celle de l’« Erika » (1999) au retrait progressif des pétroliers simple-coque. La prévention de la pollution des navires est basée sur la Convention MARPOL (MARine POLlution) 73/78 dont les dispositions réglementaires sont présentées dans différentes annexes qui touchent à la nature de la cargaison transportée et à la vie du navire.
Ainsi, en l'état actuel, tous les navires produisent des eaux de fond de cales contenant une quantité plus ou moins importante d’hydrocarbures.
Cet effluent est produit par l'ensemble des machines en fonctionnement localisées à bord tels que les condenseurs de vapeur, les chaudières, des écoulements de plateforme et des eaux de lavage. Il faut savoir que pour son fonctionnement, un navire consomme approximativement 3 m³·h⁻¹ de carburant pendant une traversée. Ces eaux sont traitées à bord par des appareils actuellement peu efficaces, ce qui amène les armateurs à stocker ces eaux et à les faire traiter à quai par une société indépendante, ce qui engendre des coûts élevés. Les eaux de fond de cales contiennent du carburant, des hydrocarbures.
[Figure : Schéma du pilote utilisé pour l'étude de faisabilité.]de la graisse, de l'antigel, des produits de nettoyage et des solvants, des détergents, des métaux (arsenic, cuivre, cadmium, chrome, nickel, argent, mercure, sélénium, zinc...), des additifs, des liquides réfrigérant de moteur et agents anti-corrosion et des lessives qui sont collectés pendant le fonctionnement quotidien d'un navire plus tous les sous-produits se trouvant dans l'eau de mer qui peut être mélangés à l'ensemble de ces constituants et utilisés comme eau à bord.
De nos jours, les bateaux sont multicoques, c’est-à-dire constitués d'une coque externe et d'une coque interne. Cette précaution sert notamment de protection en cas de voie d’eau si la coque externe est rompue, comme pendant une collision ou un accident. L’endroit situé entre les deux coques sert de ballast pour équilibrer le bateau mais également à recueillir l'eau peu désirée. En réalité, trois sortes d’eaux usées peuvent être distinguées. Les eaux noires qui proviennent des sanitaires, les eaux grises qui sont les eaux issues des cuisines, lessives et sanitaires et les eaux mazouteuses appelées eaux de fond de cales.
Dans notre étude, seules les eaux de fond de cales seront traitées. Actuellement, ces eaux sont traitées par différents types de décanteurs-flottateurs souvent couplés avec des filtres poches de quelques microns. Cependant, ils sont inefficaces pour l'élimination de l'huile émulsionnée ou de l’huile dissoute et ces systèmes ne fonctionnent pas sur la durée de la traversée ce qui limite le traitement. Dans des conditions de fonctionnement classique, ce procédé fonctionne environ 2 heures sur 12 heures de traversée et le stockage est donc nécessaire le reste du temps. Ce qui signifie que seulement 1/6 des eaux de fond de cales peut être traité actuellement à bord. D’autre part, les organismes légiférant tels que MARPOL imposent une réglementation de rejet en hydrocarbure de 15 ppm sauf dans certaines zones comme l'Alaska où la norme est à 5 ppm. Un projet étendu avec une norme à 5 ppm est actuellement à l'étude.
Le problème est que l’effluent doit être déchargé et traité pour un coût approximatif de 90 euros par m³. De plus, les navires classiques produisent plusieurs m³ d’eau huileuse par heure sur des traversées de plusieurs jours ce qui représente un coût total d’environ 250.000 à 300.000 euros par an et par bateau. Beaucoup d'autres considérations doivent être prises en compte pour traiter ce genre d’effluents. En effet, le rejet doit être traité au moyen d'un équipement du filtrage d’hydrocarbures qui produit un effluent traité non dilué ayant une teneur en hydrocarbures inférieure à 15 ppm sans contenir de produits chimiques ni d’autres substances complémentaires empêchant la détection des hydrocarbures. Le bateau doit avoir également de l’erre (vitesse résiduelle) et le rejet doit être effectué à une distance supérieure à 23 km (12 milles) des côtes ce qui réduit considérablement la période de rejet en mer pour les navires naviguant à proximité des côtes (ferries).
Le but de cette étude est de traiter les eaux de fond de cales produites sur un bateau pendant une traversée à l’aide d’un équipement embarqué. Il sera tenu compte dans cette étude de la nécessité de proposer un procédé compact vis-à-vis de la place réduite dans les bateaux. Le système devra également être simple d'utilisation pour en faciliter l'emploi par l'équipage. Les normes prévisionnelles (< 5 ppm) devront être respectées pour anticiper l'avenir.
Cette étude propose de coupler une étape de décantation à une étape de filtration par procédés membranaires pour traiter ce type d’effluents. La régénération des membranes sera un facteur clé du procédé. Le but final étant de réduire les coûts, le procédé devra concentrer au maximum les hydrocarbures tout en assurant une teneur résiduelle conforme à la norme. D’autres considérations essentielles seront à prendre en compte telles que la tenue en température, la viscosité obtenue en fin de concentration, la nécessité de garder ou non un prétraitement et bien évidemment la tenue du procédé au mouvement particulier d'un bateau.
Étude de faisabilité au laboratoire
De nombreuses expériences ont été réalisées pour définir la membrane appropriée ainsi que les conditions opératoires permettant ce type de traitement.
Tableau 1 : Composition des eaux de fond de cales
Turbidité moyenne (NTU) : | [150-250] |
pH : | [5,6] |
Viscosité (Pa·s) : | 1,4·10⁻³ |
Matière sèche (g·L⁻¹) : | [12-14] |
Conductivité (mS·cm⁻¹) : | [17-20] |
Masse volumique (kg·m⁻³) : | ~1000 |
Teneur en hydrocarbures HC (ppm) : | [20-200] |
Flux de perméat (L·h⁻¹·m⁻²) : 8
Le pilote utilisé pour l'étude de faisabilité est schématisé en figure 1. Des effluents provenant de plusieurs navires sont utilisés pour réaliser cette étude de faisabilité. Les solutions traitées (plusieurs centaines de litres par bateau) proviennent directement des bateaux de la SNCM (« Monte Doro », « Danielle Casanova », « Méditerranée » et « Paglia Orga »). Le choix de ces bateaux a été réalisé pour couvrir une partie importante de la grande variabilité des effluents. En effet, le « Danielle Casanova » est un navire récent (2002), le « Méditerranée » (1989) et le « Monte Doro » (1990) sont les plus anciens, le « Paglia Orga » (1994) étant un navire intermédiaire. Ces eaux de fond de cales ont été prélevées lors des traversées à différentes périodes de l’année. La variation des principaux paramètres caractéristiques des effluents est synthétisée dans le tableau 1.
Dans cette étude, l'utilisation d'une solution synthétique est difficile du fait de la forte variabilité et de la complexité des eaux. Des membranes céramiques commercialisées par la société Novasep ont été utilisées. Ces membranes offrent beaucoup d'avantages comme la résistance à des conditions extrêmes en termes de pH et de température. Ainsi, le nettoyage du procédé peut être plus rapide et plus efficace. Le choix de la société Novasep s’explique par l’expérience de cette société pour des procédés membranaires embarqués comme sur le « Queen Mary II ». La détermination du seuil de coupure est basée sur deux critères principaux : (i) obtenir une teneur en hydrocarbures conforme aux normes de rejet ; (ii) obtenir une parfaite régénération de la membrane.
Plusieurs expériences sont réalisées pour étudier le comportement de la membrane quand la concentration en hydrocarbures augmente. La masse de perméat est mesurée en fonction du temps avec un volume initial d’effluent de 100 L et avec une pression transmembranaire et une température constantes. Ces expériences vont permettre d’étudier la variation du flux de perméat et de la sélectivité de la membrane en fonction de la concentration (figure 2) et d’étudier la régénération de la membrane. On définit le Facteur de Concentration Volumique (FCV) comme étant le rapport du débit d’alimentation sur le débit de concentrat.
Dans la plage de concentration étudiée, la membrane choisie permet de concentrer efficacement les eaux de fond de cales contenues dans un bateau et permet de maintenir un flux de perméat important et supérieur à 400 L·h⁻¹·m⁻². De plus, les analyses effectuées par le laboratoire révèlent une teneur en hydrocarbures toujours inférieure à 1 ppm, ce qui permet de répondre aux normes en vigueur. L'ensemble des résultats des analyses pour la membrane testée est consigné dans le tableau 2. Les bilans de matière établis sur la turbidité, la conductivité et la matière sèche sont en parfait accord avec le FCV. La perméabilité initiale a été retrouvée après lavage. Cependant, la variabilité des effluents n'est pas un paramètre à négliger.
Tableau 2 : Récapitulatif des résultats obtenus (Effluent Paglia Orga, T = 20 °C, Vo = 100 L, PTM = 3,3 bars)
Description | Turbidité (NTU) | Conductivité (mS·cm⁻¹) | Matières sèches (g·L⁻¹) | HC (ppm) |
---|---|---|---|---|
Effluent | 200 | 19,3 | 11 | 43 |
Perméat moyen* | 5,9 | 18,7 | 7,3 | < 1 |
Retentat moyen* | 3 690 | 18,6 | 18,1 | 1 200 |
* moyenne des valeurs mesurées
Autre bateau les flux non stabilisés les plus faibles obtenus lors de cette étude tournent autour de 100 L·h⁻¹·m²·bar⁻¹. Malgré des valeurs de flux par unité de pression plus faibles, ce qu'il va falloir prendre en compte pour le dimensionnement, les normes sont toujours respectées et le taux d’hydrocarbures dans le perméat est toujours inférieur à 1 ppm. Ces résultats permettent de constater que les lavages chimiques opérés sont efficaces et permettent de retrouver la perméabilité initiale de la membrane.
Sur chacun des bateaux de la flotte de la SNCM se trouve un décanteur-flottateur primaire. La question est de savoir s'il est nécessaire de garder ou non ce décanteur. Des expériences avec des solutions prélevées en amont et en aval du décanteur-flottateur ont été réalisées. Les résultats montrent clairement que la présence du prétraitement est indispensable pour éviter un colmatage rapide des membranes (moins de deux heures de fonctionnement). En effet, le taux d’hydrocarbures en fond de cale est en moyenne de 1 000 ppm contre une teneur inférieure à 200 ppm en sortie de prétraitement. Ce procédé de prétraitement permettant un fort abattement est donc essentiel pour assurer le bon fonctionnement de l’étape de filtration.
Dimensionnement et installation à bord
La faisabilité étant démontrée, le dimensionnement du pilote industriel a été réalisé. Le Klearsep 2000 présente plusieurs avantages :
- (i) un encombrement (200 × 120 × 80 cm) permettant son installation à bord de la plupart des navires (figures 4 et 5) ;
- (ii) garantir un taux d’hydrocarbures inférieur à 5 ppm (inférieur à 1 ppm la plupart du temps) ;
- (iii) avoir un fonctionnement automatisé qui permet une fiabilité en continu ;
- (iv) réduire jusqu’à 95 % le volume des résidus à évacuer ;
- (v) avoir un coût de fonctionnement réduit grâce à un traitement sans apport de réactifs chimiques ;
- (vi) une absence de consommables, ce qui permet d’éviter à la fois leur approvisionnement et leur évacuation ;
- (vii) une robustesse considérable grâce à des matériaux agréés pour l'utilisation marine. L’inox 316L, notamment, résiste à la corrosion, aux agressions chimiques éventuelles et à une température jusqu’à 90 °C ;
- (viii) une simplicité d'utilisation importante. La mise en route de l'appareil s'effectue suivant une procédure simple : aucune intervention humaine n'est nécessaire pendant son fonctionnement ;
- (ix) la régénération des membranes est automatique et ne requiert aucune manipulation particulière. En cas de dysfonctionnement (défaut d’alimentation, niveau anormal du ballast, pré-filtre encrassé), l'ensemble de la chaîne de traitement est équipé d’alarmes et de sécurités d’arrêt ;
- (x) le débit d’eau traité est enregistré en continu et consultable à tout moment.
La mise en place d'un pilote industriel à bord de bateaux de la SNCM a permis d’acquérir des données en grandeurs réelles, de valider la taille du pilote, d’étudier l’influence de la variation de la concentration et de la qualité des effluents, de contrôler le fonctionnement en continu.
L'influence de la température sur les performances et de vérifier la bonne régénération de la membrane au fil du temps. L'étape de filtration s'inscrit en série dans une chaîne de traitement. La figure 6 permet de mieux comprendre l'installation.
Les eaux de fond de cales sont tout d'abord aspirées et envoyées dans un premier temps dans un décanteur qui permet d’éliminer une partie importante d’hydrocarbures. Ce procédé permet de faire chuter la teneur en hydrocarbures d'environ 1 000 ppm à environ 100 ppm. La partie la plus concentrée en hydrocarbures est vidée dans un ballast appelé résidu qui devra être traité à quai. L'effluent est ensuite envoyé dans le Klearsep 2000. L'eau épurée est envoyée dans un ballast « eaux traitées » et l'effluent concentré de la boucle dans le ballast de fond de cale. Cette option permet de travailler à quai à partir du ballast des eaux de fond de cales (eaux mazouteuses) et de rejeter une fois en mer les eaux du ballast d’eaux claires. L'eau traitée passe par l'analyseur qui contrôle une vanne trois voies. En fonctionnement normal, l’effluent a une teneur en HC inférieure à 5 ppm et est rejeté directement en mer lors de la traversée. En sécurité, si l'effluent a une teneur supérieure aux normes environnementales, il est renvoyé dans le ballast des eaux de fond de cales. S'il répond aux normes environnementales, l’effluent est rejeté directement en mer lors de la traversée. De cette manière, le pilote peut fonctionner 24 h/24 h et ainsi niveler les à-coups. Les séquences de lavages sont lancées automatiquement. Ce pilote est dimensionné pour traiter un débit d’environ 2 m³/h. Ainsi, la pression transmembranaire appliquée varie au fur et à mesure que les membranes s’encrassent. En réalité, la pression perméat permet de réguler cette pression transmembranaire et décroît au fil du temps. Le lavage s'effectue en circuit fermé et les eaux de lavage sont ensuite renvoyées dans le ballast d’eaux mazouteuses pour être traitées. Le lavage s'opère selon trois phases successives. La première phase étant une phase de rinçage, la seconde phase est la phase de nettoyage chimique et la dernière phase est une autre phase de rinçage. De nombreuses sécurités ont encore été mises au point telles que des capteurs de niveaux haut et niveaux bas sur le ballast de fond de cale et le ballast « eaux claires ». Le premier capteur empêche le système de pomper les boues situées dans le fond du ballast de fond de cale et le second empêche une surverse du ballast d'eau traitée.
Résultats à bord
Pendant la campagne expérimentale, de nombreux paramètres ont pu être optimisés. Le choix du FCV (débit d’alimentation/débit de concentrat) est très important. Il permet de s’adapter au débit sortant de l’étape de décantation. De plus, on constate que la pression initiale de perméat est retrouvée après le lavage (figure 7). De nombreux résultats ont été obtenus à bord de différents bateaux comme le « Méditerranée » et le « Daniel Casanova » (figures 8 et 9). Sur cet essai, 16 m³ ont été traités sans nécessiter aucun lavage. Ceci pour des conditions plus défavorables : un débit de production supérieur de 1,5 m³/h avec un FCV plus important a été imposé. Les résultats montrent que les valeurs de pression sont bien stables sur une durée de dix heures. Ces résultats sont différents de ceux obtenus lors de la filtration des effluents du « Méditerranée ».
constate que pour un fonctionnement dans des conditions plus sévères, les pressions en amont de la membrane sont pourtant beaucoup plus faibles (PTM de 2 à 3 bars) que celles obtenues sur le Méditerranée (PTM de 1,5 à 4,5). Les lavages peuvent être déclenchés dans deux cas : le colmatage de la membrane devient conséquent et la pression de déclenchement est atteinte (2ᵉ cycle figure 10) ou la totalité des eaux de fond de cales a été traitée et l'appareil doit être nettoyé avant d'être éteint (1ᵉʳ et 3ᵉ cycle, figure 10).
Malgré l'apparition d'un colmatage nécessitant un lavage (2ᵉ cycle), la membrane a pu être nettoyée et la perméabilité initiale est retrouvée (3ᵉ cycle). Bien évidemment, la teneur en hydrocarbures est toujours inférieure à 1 ppm dans le perméat. Ces trois cycles de la figure 10 ont permis de traiter et de rejeter en mer 50 m³ d’eau traitée. Des essais réalisés à bord ont montré que des changements sur le débit de perméat pouvaient être opérés suivant des besoins ponctuels, montrant ainsi la grande souplesse de fonctionnement (figure 11).
Ainsi, les résultats obtenus sur le bateau « Danielle Casanova » montrent que le traitement des eaux de fond de cales est réalisable sur différents bateaux. De plus, le traitement pouvant s’opérer à quai, la filtration se fait lors de l’arrêt au port et le rejet s'opère quand le bateau est à une distance suffisante des côtes. Une extension de ce procédé est donc entreprise. On remarque sur la figure 12 que la perméabilité de la membrane est maintenue sur le long terme, traduisant ainsi la parfaite régénération des membranes avec l’étape de lavage mise en place.
Le seuil de coupure, les conditions opératoires et les méthodes de lavage ont été étudiés. Les contraintes étaient multiples : contraintes techniques (robustesse, fonctionnement en continu ou semi-continu, place au sol disponible, positionnement vis-à-vis des ballasts, …), contraintes environnementales (normes, respect des règles de rejet, …) et le procédé proposé devait répondre à l'ensemble de celles-ci. Après avoir effectué le dimensionnement du pilote industriel, une collaboration entre l'Université Paul Cézanne, la Société des Eaux de Marseille (SEM), la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la société Novasep a permis, à la suite de cette étude de faisabilité, l'installation à bord de plusieurs bateaux d’un skid industriel.
Forte de l’expérience acquise à la suite des essais de laboratoire et avec un pilote industriel sur le « Danielle Casanova », la SEM a développé l’industrialisation et la commercialisation du Klearsep 2000 en ciblant toutes les applications possibles.
Le Klearsep 2000, dans sa conception initiale, a été conçu pour fonctionner à l’aval d'un prétraitement 100 ppm existant. Afin de pouvoir approcher également le marché de la construction navale, un prétraitement par décantation et un système de réchauffage de l'effluent ont été intégrés. Ensuite, afin de pouvoir commercialiser le matériel dans la Communauté européenne et aux États-Unis, le matériel a subi les certifications indispensables, à savoir la certification IMO MEPC 107 49 BV n° 19353/A0 EC obtenue auprès du Bureau Véritas, et la certification United States Coast Guards n° 162.050/951/0 obtenue auprès du laboratoire Frésinius. Dès l’obtention de ces certifications, les résultats ne se sont pas fait attendre, et la SEM a réalisé les premiers équipements de la flotte de la SNCM, à savoir : le « Danielle Casanova », le « Méditerranée », le « Napoléon Bonaparte », le « Pascal Paoli », le « Paglia Orba », le « Monte Cinto » et le « Monte d’Oro ». Les bateaux transportant les passagers ne sont pas les seuls à devoir traiter à quai leurs eaux de fond de cales ; les navires, les bateaux de l’armée, les paquebots de transport et les pétroliers sont intéressés par ce procédé.
Conclusion
La compacité et l’optimisation des membranes céramiques ouvrent de nouveaux débouchés. Une étude de faisabilité a permis de montrer que le traitement des eaux de fond de cales de bateau pouvait être opéré par ultrafiltration. L'influence du seuil de coupure, des conditions opératoires et des méthodes de lavage a été étudiée. Après avoir effectué le dimensionnement du pilote industriel, une collaboration entre l'Université Paul Cézanne, la SEM, la SNCM et Novasep a permis l'installation à bord de plusieurs bateaux d’un skid industriel. Au-delà de l'économie générée par le procédé membranaire qui diminue les volumes traités à quai, la notion de sécurité de fonctionnement des installations associée à la protection de l'environnement est fondamentale pour ce matériel.
Cette étude a permis le développement, depuis l’échelle laboratoire jusqu’à l’échelle industrielle, d'un procédé permettant le traitement des eaux de fond de cales. Malgré la grande variabilité de l'effluent, le traitement mis en place s'est avéré efficace pendant la campagne d’essai et plusieurs navires traitent actuellement leurs eaux de fond de cales avec ce procédé. Un point important de cette étude est sans aucun doute la prise en compte non pas des normes en vigueur mais des normes à venir. Les perspectives sont nombreuses, comme proposer ce procédé à des utilisateurs potentiels que sont les pétroliers pour le traitement d’effluents après nettoyage des cuves d’hydrocarbures. L’approche scientifique devrait être plus simple car la composition moins complexe et l’intérêt environnemental est évident : les déballastages sauvages sont malheureusement encore d'actualité.