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Traitement des boues d'épuration : comparaison entre les procédés par oxydation par voie humide et par incinération

28 février 2002 Paru dans le N°249 à la page 49 ( mots)
Rédigé par : Gisèle JUNG, André FONTANA, Didier CRETENOT et 1 autres personnes

Cette étude présente les différences de principe de traitement des boues de stations d'épuration par les procédés faisant appel à l'incinération et à l'oxydation par voie humide (OVH). Après avoir passé en revue les différences physico-chimiques de base de ces deux procédés, le comportement des boues lors de ces traitements est analysé. On y remarque des différences tant sur les milieux réactionnels que sur les mécanismes mis en ?uvre. Ces différences essentielles se répercutent sur les bilans matière et énergie, donc sur les quantités et qualités des sous-produits formés, ce qui justifie donc pleinement des approches économiques et environnementales fondamentalement distinctes.

Le traitement des eaux usées se fait en plusieurs étapes associant diverses technologies, avec production d'une eau épurée et de boues. L’élimination des boues constitue une des phases essentielles et coûteuses du traitement global. L’enfouissement technique est à rejeter pour des raisons réglementaires. Les usages en agriculture sont de plus en plus controversés compte tenu des difficultés de stockage et manutention, du manque de stabilité des produits, de leur contenu bactériologique et des odeurs émises. Les voies d’élimination des boues de station d’épuration peuvent faire appel aux techniques d'incinération, de pyrolyse et d’oxydation par voie humide. L’objet de cette étude est une comparaison des filières de traitement de ces boues par incinération et par oxydation par voie humide.

Caractéristiques des boues de stations d’épuration des eaux usées

Les boues issues d'une station d’épuration des eaux sont caractérisées par une humidité importante (96 % en moyenne) et des teneurs en cendres élevées (entre 35 et 40 % de la matière sèche). Nous en distinguons ci-dessous la fraction organique (de 60 à 65 % de matière sèche) et la fraction minérale (35 à 40 % de la matière sèche).

La fraction organique (60 à 65 %) [1] [2] (combustible) contient en moyenne 30 % de

protéines, 13 % de graisses, 33 % de matières fibreuses et 24 % d’hydrates de carbone non fibreux. Une composition élémentaire typique s’établit comme suit : 53 % C, 7,7 % H, 33,5 % O, 5,0 % N et 0,8 % S. Le pouvoir calorifique de cette fraction est de l’ordre de 21 MJ/kg. Les contaminants organiques possibles (exprimés sur sec) appartiennent aux familles suivantes : esters phtaliques (1-100 ppm), hydrocarbures aromatiques polycycliques (0,01-50 ppm), biphényls polychlorés (0,15-9 ppm), pesticides (Dieldrin, Lindane, Aldrin et DDT de 0,1 à 5 ppm) [3] [4].

La fraction inorganique (35 à 40 %) [3] [4] contient essentiellement de la silice, de l’alumine, de la chaux et de la magnésie. Les contaminants toxiques possibles se répartissent comme suit pour des boues d’épuration d’eaux domestiques (exprimées sur sec) : Cd (5 ppm), Cu (400 ppm), Ni (30 ppm), Zn (500 ppm), Pb (120 ppm), Hg (2 ppm), Cr (50 ppm), Mo (4 ppm), As (3 ppm), Se (2 ppm), B (50 ppm), F (200 ppm).

Description des principes physico-chimiques caractéristiques des deux types de procédés

a. L’incinération

L’incinération d’un produit ou d’un déchet est une opération de réduction en cendres par combustion dans une flamme “to burn into ashes”. Dans une opération de ce type, les éléments carbone, hydrogène, soufre et azote se combinent à l’oxygène à relativement haute température (au moins supérieure à 600 °C) sous l’effet de la chaleur produite par une flamme en oxydes de carbone, eau, oxydes de soufre, oxydes d’azote. Lorsque la matière à incinérer présente un PCI insuffisant pour atteindre les températures nécessaires à une combustion complète, un apport énergétique complémentaire doit être assuré (combustible d’appoint, torche à plasma, …).

Lors d’un processus d’incinération d’un déchet, les matières organiques sont portées à haute température en présence d’un excès d’oxygène, de sorte que la réaction globale peut se représenter comme suit :

(C,H,N-O,S) + nO₂ → aCO₂ + (b/2)H₂O + eNO₂ + eSO₂

Après séchage et dévolatilisation du déchet, il s’agit d’une réaction gaz-gaz accompagnée d’une réaction solide-gaz du résidu solide. Le temps de réaction est de l’ordre de la seconde, la cinétique étant contrôlée par diffusion dans le gaz. Autour des particules de solide résiduel, l’oxygène diffuse à travers une couche gazeuse de diffusion avec la rétro-diffusion des produits de réaction à travers cette même couche.

Il s’agit donc d’un processus de combustion en voie sèche en présence d’un excès d’oxygène moléculaire.

b. Oxydation par voie humide (OVH)

L’oxydation par voie humide à l’air ou à l’oxygène est une réaction en phase aqueuse à températures et pressions élevées (de 150 à 330 °C respectivement entre 20 et 210 bar) entre la matière organique dispersée dans de l’eau et l’oxygène dissous. Les procédés de type OVH sont anciens et ont été développés à l’échelle industrielle pour différentes catégories d’effluents liquides [5] [6] [7] [8].

Le milieu réactionnel

Le milieu réactionnel est composé de matière organique carbonée et azotée présente à l’état soluble et en suspension avec de l’oxygène dissous en phase aqueuse.

La solubilité de l’oxygène dans l’eau dépend essentiellement de la pression partielle d’oxygène, de la température et de la composition de la solution. Cette solubilité, [O₂], est caractérisée par la loi de Henry :

[O₂] = p(O₂) / kH

La constante de Henry kH dépend fortement de la température [9] :

Tableau 1 : Evolution de la constante de Henry en fonction de la température

On conclut que, au-delà de 100 °C, la dissolution de l’oxygène dans l’eau est favorisée par une élévation de température et de pression.

L’oxydation du milieu organique

La substance peut s’oxyder soit directement, soit par l’intermédiaire de radicaux. Dans ce cas, il peut y avoir compétition entre la recombinaison de certains radicaux pour former des substances organiques plus simples et leur oxydation en dioxyde de carbone et eau.

Lorsque la matière à réduire est en suspension, il s’agit d’une réaction solide-liquide ou liquide-liquide selon le degré de solubilisation. Le temps de réaction se rapproche d’une heure, la cinétique globale du processus étant généralement contrôlée par la diffusion de l’oxygène dissous dans l’eau et dans une couche de diffusion liquide entourant les particules de boues, et la rétro-diffusion des produits de réaction à travers cette même couche.

Il s’agit donc d’un processus d’oxydation en voie humide par l’oxygène dissous, tout comme les traitements biologiques aérobies.

Comportement des boues de stations d’épuration lors de leur traitement par les deux types de procédés

a. Par incinération

L’incinération des boues peut dans certains cas nécessiter leur séchage pour pouvoir atteindre des températures assurant une combustion complète et l’inertage des matières minérales dans les cendres produites. L’énergie récupérée par l’incinération de ces boues est généralement utilisée dans l’étape de pré-séchage.

L’incinération des boues de stations d’épuration se fait généralement dans des installations dédiées ou en co-combustion dans des fours de cimenteries ou dans des incinérateurs de déchets ménagers ou assimilés. Les fours d’incinération appartiennent à la catégorie des fours à soles multiples ou à celle des fours à lit fluidisé.

Dans les fours à soles, la combustion se fait de manière étagée et à contre-courant, l’échauffement des particules de boues se faisant progressivement. On assiste à une phase de séchage suivie d’une étape de déshydratation. Une libération progressive des matières volatiles est suivie de leur combustion en phase gazeuse, alors que la matière carbonée encore présente dans la phase solide se fait oxyder en dioxyde de carbone. La température de la charge s’élève progressivement et par paliers jusqu’à plus de 850 °C. Les matières minérales pulvérulentes

Les cendres décarburées sont extraites à la partie inférieure du réacteur. Ce type de four est progressivement dédié à la pyrolyse en raison des faibles rendements énergétiques dans le cas de l'incinération [10].

Dans les fours à lit fluidisé, les échanges de chaleur sont tels que la réaction est très rapide, avec un premier stade aux alentours de 600 °C où s'opèrent séchage et dévolatilisation. Malgré l’excès d’air, la combustion est incomplète dans cette zone, les matières volatiles étant oxydées à la sortie du lit. La montée rapide en température induit des temps de séjour de 2 à 3 secondes de sorte que les réactions de combustion sont limitées par la diffusion de l’oxygène vers les particules de boues à travers un film de diffusion gazeux, ainsi que la diffusion en sens inverse des produits de réaction. La température de 850 °C est atteinte en dehors du lit proprement dit. Les matières minérales sont récupérées essentiellement sous la forme de cendres volantes. Les oxydes métalliques y sont concentrés et la lixiviabilité de ces cendres volantes est généralement telle qu'un traitement de stabilisation est nécessaire si l’on veut éviter de les éliminer en enfouissement technique de classe 1.

Compte tenu des bilans matière, le débit de rejets gazeux est de l’ordre de 5 000 à 5 500 Nm³ de gaz secs par tonne de matières sèches traitée. À la sortie des fours, les fumées de combustion contiennent des poussières (350 kg/tys), du dioxyde de carbone (1 200 kg/tys), du dioxyde de soufre (17 kg/tys), des oxydes d’azote (1 kg/tys), de l’acide chlorhydrique (2 kg/tys) et moins de 0,5 kg/tys de monoxyde de carbone. Les conditions opératoires ne conduisent pas à l’émission de carbone organique volatil. Par ailleurs, la faible teneur en chlore des boues ne conduit qu’à de très faibles émissions de dioxines et furanes. Une unité de traitement des fumées comportant une étape de dépoussiérage sur filtre électrostatique suivie de deux étapes de lavage permet de respecter les normes d’émission (< 10 mg/Nm³ de poussières, < 50 mg/Nm³ de SO₂, < 10 mg/Nm³ de HCl, < 100 mg/Nm³ de CO, < 150 mg/Nm³ de NOx, < 0,0001 mg/Nm³ de dioxines et furanes).

Dans les fours de cimenteries, les boues sont injectées en co-combustion avec d'autres combustibles, la température de flamme étant de l’ordre de 1 800 °C. À ces températures très élevées, les matières minérales réagissent entre elles et sont incorporées dans le clinker.

En conclusion, les procédés d'incinération consistent en une combustion totale de la fraction organique du déchet dans une flamme avec production de dioxyde de carbone et de vapeur d’eau.

b. Par oxydation par voie humide

Les conditions typiques de réactions d’oxydation humide en phase liquide sont des températures comprises entre 150-260 °C (20 à 55 bar) et 260-330 °C (55 à 210 bar) [11]. Contrairement au procédé d’incinération, les boues ne doivent pas être séchées, l’eau étant condensée dans la phase liquide. Le temps de séjour dans le réacteur se situe entre 15 min et 120 min et la diminution de DCO est de l’ordre de 75 à 90 %. La matière organique complexe est transformée en composés organiques plus simples et en dioxyde de carbone et eau [12]. La matière organique résiduelle contient essentiellement des molécules à courte chaîne moléculaire présentant une biodégradabilité élevée. Des acides carboxyliques volatils et plus particulièrement de l’acide acétique sont présents dans la partie résiduelle de la DCO. La matière minérale est concentrée dans un gâteau.

D’un point de vue chimie réactionnelle, la littérature fait notamment état de la dégradation de la matière organique (groupe A), et fait appel à des mécanismes radicalaires avec compétition entre la recombinaison de certains radicaux entre eux pour former des substances organiques plus simples (groupe B) et leur oxydation en dioxyde de carbone et eau (groupe C). Dans des conditions supercritiques, l’oxydation est pratiquement complète. Dans les conditions opératoires sous-critiques, l’oxydation n’est que partielle et il y a formation de composés intermédiaires stables (groupe B).

Basés sur plusieurs études cinétiques [13] relatives aux vitesses de réaction globale d’oxydation humide de solutions organiques complexes, comme les boues d’épuration, des modèles mathématiques généralisés ont été établis pour décrire des chemins réactionnels simplifiés. Une hypothèse d'étape limitante de formation de composés type acide acétique est proposée. Ce schéma réactionnel est basé sur un modèle triangulaire, illustré ci-dessous avec des réactions du premier ordre par rapport au composé principal avec dégénérescence de l’ordre par rapport à l’oxygène dissous :

A + O₂ → C  
A + O₂ → B  
B + O₂ → C

Groupe A : composés organiques de départ ou intermédiaires instables, excepté l’acide acétique.

Groupe B : intermédiaires de réaction dont l’acide acétique (HAc).

Groupe C : stade ultime de l’oxydation (essentiellement CO₂ + H₂O).

La littérature fait état également d’autres types de modèles comme ceux à groupes de réactivités [14,15] permettant une division de la charge des boues en deux ou trois groupes de composés modèles cinétiques connus. Face aux difficultés de généralisation de ces types de modèles, un modèle cinétique basé sur le produit d’une constante de vitesse par un potentiel thermodynamique de concentration a été proposé avec une généralisation validée sur des résultats de la littérature [16]. De plus, les paramètres cinétiques peuvent être utilisés pour décrire aussi bien la vitesse de minéralisation de la matière organique que la production des sous-produits majeurs (acide acétique et azote ammoniacal).

Mécanismes radicalaires

De nombreux auteurs évoquent des mécanismes radicalaires faisant intervenir le radical hydroxyle OH• [17] :

RH + O₂ → R• + HO₂•  
RH + HO₂• → R• + H₂O₂

Le peroxyde d’hydrogène génère des radicaux hydroxyles en présence d’espèces M présentes dans le milieu [18] :

H₂O₂ + M → 2 OH•

Ensuite,

RH + OH• → R• + H₂O

puis [19][20] :

R• + O₂ → ROO•

On accède alors aux espèces suivantes :

ROO• + RH → ROOH + R•  
puis  
ROOH → R’CHO• + OH•

Ces deux dernières espèces peuvent soit se recombiner :

R’CHO• + OH• → R’CHO + H₂O

soit former des aldéhydes qui produiront ensuite l’acide carboxylique par oxydation :

R’CHO• + OH• → -CH₂CHO + •CHy.

Mécanismes électrochimiques

Les hydrocarbures et les acides carboxyliques peuvent également se faire réduire directement en présence d’oxygène dissous avec production de dioxyde de carbone en milieu acide de la manière suivante :

\[ C_nH_{2n+2} + 2nH_2O \longrightarrow nCO_2 + 4nH^+ + 4ne^- \]

et

\[ HCOOH \longrightarrow CO_2 + 2H^+ + 2e^- \]

Ces deux réactions étant couplées avec la réduction de l’oxygène dissous :

\[ O_2 + 4H^+ + 4e^- \longrightarrow 2H_2O \]

Comportement des boues en OVH

Globalement, 80 % de la matière organique présente dans les boues est transformée en minéraux (CO₂, CO et eau), les 20 % restants étant convertis en acide acétique, acides gras et alcools aux conditions de fonctionnement de 235 °C sous 44 bars.

L’azote est solubilisé à raison de 70 % sous forme d’ammoniaque, les 30 % restants se retrouvant sous la forme de diazote dans la phase gazeuse. Le soufre est oxydé en sulfates et il est éliminé dans la phase liquide. Le chlore se retrouve sous forme d’acide chlorhydrique dans la phase aqueuse. La majeure partie du phosphore est oxydée et précipitée sous la forme de phosphate de calcium.

Dans les conditions de température, de concentration en dioxyde de carbone et de pH, les métaux se retrouvent stabilisés sous forme d’oxydes hydratés, hydroxydes et carbonates très peu solubles [21].

À la sortie du réacteur, on sépare une phase gazeuse d’une phase condensée qui consiste en une suspension du résidu solide dans une solution aqueuse.

[Photo : Schéma de principe de l’OVH Athos]

1. La phase gazeuse

Compte tenu des bilans matière, une partie importante du dioxyde de carbone se retrouve à raison de 80 % dans les phases condensées (solide et liquide). 70 % de l’azote est capté sous forme d’ammoniac. Le débit de rejets gazeux est réduit à 500 Nm³ de gaz secs par tonne de matières sèches traitée. À la sortie du réacteur, la phase gazeuse contient du dioxyde de carbone (500 – 700 kg/tMS), très peu de poussières (de 5 à 10 g/tMS), très peu de dioxyde de soufre (50 g/tMS), moins de 0,1 g/tMS de NOx, moins de 10 g/tMS d’acide chlorhydrique, de l’ordre de 40 kg/tMS de monoxyde de carbone et 2,5 kg/tMS de COV.

Par ailleurs, les conditions opératoires ne conduisent pas à la formation de dioxines et furanes. Le CO est par la suite oxydé par voie catalytique ou utilisé comme combustible dans une chaudière de récupération.

2. La phase liquide

L’eau de constitution des boues se condense dans la phase liquide. Compte tenu des réactions explicitées ci-dessus, cette phase aqueuse riche en dioxyde de carbone et en ammoniac dissous contient des composés organiques aisément biodégradables (acide acétique, acides gras, alcools et aldéhydes). Cette solution est renvoyée au traitement biologique en tête de station.

3. Le résidu solide

Le résidu solide minéral est constitué de quartz, d’alumine, d’anhydrite, de calcite et de phosphate de calcium, avec des traces de dolomite, feldspaths, talc, … . La matière organique exprimée en carbone organique total est inférieure à 5 %.

Compte tenu du fait de la réduction de masse de l’ordre de 3 à 1 par oxydation de la partie organique, il y a concentration des métaux dans le résidu solide d’un facteur 3 par rapport à la matière sèche de départ. Les métaux sont présents sous la forme d’oxydes hydratés, d’hydroxydes et carbonates très peu solubles.

De plus, ce résidu solide présente de fortes aptitudes à la déshydratation, dont la résistance spécifique de filtration est fortement améliorée. Ceci peut s’expliquer par la dissociation au cours du processus d’oxydation des molécules organiques longues et complexes principalement responsables de la rétention en eau. Par simple décantation des boues oxydées par OVH, la réduction de volume des boues est généralement comprise entre 80 et 90 %. Cette diminution de volume peut être augmentée par déshydratation pour atteindre 98 % [22].

En conclusion, les procédés par oxydation par voie humide consistent en une oxydation partielle de la fraction organique du déchet en solution aqueuse avec stabilisation de la majeure partie du carbone sous une forme minérale solide. Comme pour l’oxydation biologique, la phase de dissolution de l’oxygène dans l’eau et sa diffusion apparaissent comme étapes premières indispensables aux réactions d’oxydation ultérieures. Les mécanismes réactionnels sont donc très différents de ceux mis en jeu en incinération.

D’un point de vue procédés, l’OVH de boues d’épuration présente l’avantage par rapport à l’incinération de traiter des boues liquides sans nécessiter de déshydratation préalable. L’équilibre thermique est atteint avec des boues simplement épaissies à 4 % de siccité, à la différence de l’incinération qui requiert une déshydratation à 25, voire 30 % de siccité. De plus, le traitement de boues par OVH permet de réduire les rejets de dioxyde de carbone, celui-ci étant essentiellement minéralisé, de même que le soufre.

Analyse des résultats d’exploitation des unités pilotes et industrielles d’Athos®

De nombreuses installations faisant appel à la technologie d’oxydation par voie humide sont opérationnelles par le monde pour traiter des boues d’origines très diverses (cokeries, industries du papier, industries chimiques, raffineries, industries pharmaceutiques, etc.).

Les unités développées par Athos présentent des caractéristiques de fonctionnement sous-critiques, typiquement dans la gamme de 230 – 250 °C avec des pressions comprises entre 45 et 50 bars [23].

Pour ce qui est du traitement des boues de station d’épuration des eaux urbaines, le

[Photo : Unité Pilote ATHOS, sur le site de station d’épuration de Toulouse]

réacteur d’oxydation est alimenté en oxygène gazeux provenant d’une source de stockage dans son état liquide. L’atmosphère du réacteur est principalement composée de dioxyde de carbone, de vapeur d’eau, d’oxygène, et des traces de monoxyde de carbone. On y trouve également des traces d’ammoniac et de COV. Les conditions opératoires permettent de réduire de 80 % la DCO, les 20 % restants se retrouvant dans la phase aqueuse, pour moitié sous la forme d’acide acétique (2,8 g/l acide acétique, 350 mg/l d’acides gras divers, 550 mg/l aldéhyde, 60 mg/l d’alcools et 100 mg/l de cétones).

Après décantation, la phase aqueuse est séparée et renvoyée en tête de station afin de réduire la DCO résiduelle par traitement biologique. Le résidu solide est séparé par décantation puis déshydraté. Le carbone organique total est inférieur à 5 %. Les métaux sont inertés dans une matrice d’hydroxyapatite. Contrairement aux autres métaux qui se concentrent dans les sables sous forme non lixiviable, le mercure est partiellement entraîné dans les phases liquide et gazeuse. Pour des fortes concentrations initiales, ce qui n’est généralement pas le cas pour des boues urbaines classiques, la quantité présente dans les gaz pourrait nécessiter un traitement spécifique. Les sables ainsi produits sont plus aptes à la valorisation en génie civil que les cendres ou mâchefers d’incinération.

Les résultats d’exploitation montrent bien l’efficacité de la minéralisation du carbone et du soufre dans une phase solide inerte ainsi que les faibles quantités de résidus ultimes.

Observations tirées de l’unité pilote ATHOS

L’unité pilote installée sur la station d’épuration de Toulouse Ginestous traite par oxydation par voie humide (OVH : procédé ATHOS) des boues issues de la station. L’examen détaillé des conditions opératoires du réacteur OVH, la comparaison des bilans oxygène et protoniques :

  • ⇒ Boue traitée à 40 g/l de matières sèches (MS) et 60 % de matières volatiles (MV).
  • ⇒ Capacité de 3 m³/h de boues (environ 40 à 50 000 Eq.Hab), soit 3 tonnes de MS par jour avec une DCO de 40 g/l
  • ⇒ Consommation de 125 kg/h de O₂

L’augmentation du pH observée sur le site malgré la dissolution de CO₂ et la production d’acide acétique peut représenter une indication sur l’importance du mécanisme électrochimique d’oxydation par l’oxygène dissous associé à une consommation de protons.

Conclusion

Il existe deux grands types d’oxydation : l’un en phase liquide (OVH et biologique) et l’autre en phase gazeuse (incinération).

En phase liquide, les cinétiques sont limitées par la dissolution de l’oxygène et la diffusion de l’oxygène en phase liquide. D’une part, les procédés d’oxydation biologique sont caractérisés par de longs temps de séjour liés aux cinétiques biologiques relativement lentes. D’autre part, les procédés par oxydation en voie humide (OVH) sont caractérisés par des temps de séjour de l’ordre de l’heure dans des conditions de températures plus élevées avec production de composés type acide carboxylique solubles et des résidus minéraux inertes. Pour les deux procédés, il y a similitude au niveau du milieu et des agents de réaction.

En phase gazeuse, l’incinération est caractérisée par une combustion directe des composés à oxyder par l’oxygène de l’air dans une flamme.

Les procédés en phase liquide (OVH et biologiques) se distinguent donc de ceux en phase gazeuse (incinération) puisque deux mécanismes réactionnels d’oxydation très différents s’opposent. Les différences essentielles portent sur les bilans matière et énergie, donc sur les quantités et qualités des sous-produits formés. Ces différences justifient pleinement des approches économiques et environnementales distinctes.

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