CLESID *
I. INTRODUCTION
Les poussières extraites des gaz émis lors de l'affinage de la fonte liquide au convertisseur d’aciérie sont recueillies dans la majorité des cas sous forme de boues. Leurs fortes concentrations en fer et les quantités produites conduisent tout naturellement à prévoir leur recyclage dans le processus de fabrication de l'acier.
Différentes techniques de conditionnement peuvent être, pour ce faire, mises en œuvre : filtration, séchage, bouletage… mais la plus courante dans les aciéries françaises consiste en un transport par canalisation, et injection sous forme liquide à l'atelier d'agglomération où se prépare la charge du haut-fourneau.
Ce recyclage n'est toutefois possible que si les teneurs du produit en zinc, plomb et métaux alcalins, éléments qui perturbent le fonctionnement du haut-fourneau, restent faibles.
Or, dans certaines aciéries et elles sont de plus en plus nombreuses, l’enfournement massif, en complément de la fonte liquide, de ferrailles du commerce, provoque un accroissement de la concentration des poussières en ces éléments, les rendant ainsi inaptes au recyclage.
L'aciériste se trouve alors confronté à un problème pour lequel les solutions proposées s'avèrent fort coûteuses. Leur développement est de ce fait très limité, et les installations en service correspondent généralement au cas d'usines contraintes d'éliminer leurs déchets.
* CLESID : Creusot-Loire Équipements SIDérurgiques, filiale du groupe Creusot-Loire, conçoit et réalise les équipements pour la sidérurgie ; notamment les installations de captage-dépoussiérage du gaz d'affinage selon un procédé original mis au point conjointement par l'IRSID (Institut de Recherches de la Sidérurgie) et CREUSOT-LOIRE.
II. CARACTÉRISTIQUES DES POUSSIÈRES D'AFFINAGE
Les poussières produites lors de l’affinage proviennent :
- d'une part des réactions chimiques à haute température qui se développent à l’impact du jet d’oxygène pur sur le bain métallique,
- d'autre part, de l'entraînement par les gaz des plus fines particules des différents matériaux : chaux, minerai, carbonate de sodium, enfournés au cours de l'opération d’affinage.
Les quantités produites varient selon le mode d'injection de l'oxygène par lance ou par tuyère, la nature des fontes affinées et la qualité des produits introduits. Les valeurs moyennes se situent entre 12 et 16 kg/t d’acier dans le cas de convertisseurs à lance et entre 6 et 8 kg/t d'acier pour les convertisseurs à tuyères. Ces valeurs moyennes peuvent être cependant largement dépassées ; il n'est pas rare en effet de comptabiliser dans certaines usines 25 à 30 kg/t d'acier, de poussières. Pour une aciérie de capacité moyenne, produisant 2 000 000 t/an, c’est près de 100 t de poussières ou environ 250 m³ de boues qu'il convient de traiter journellement.
Ces produits contiennent plus de 50 % de fer, généralement faiblement oxydé du fait de l'utilisation de plus en plus fréquente d’installations de captage de gaz à combustion réduite. On y trouve également de 5 à 15 % de chaux ainsi qu'en moindre quantité de la silice, magnésie, alumine, oxyde de manganèse, etc.
Nous donnons, ci-dessous, le résultat d'une analyse effectuée sur un échantillon de boues prélevé dans une aciérie LD :
Éléments dosés | |||||||||||
Fe | CaO | SiO₂ | Al₂O₃ | MgO | Mn | S | Zn | K₂O | C | P | |
% | 58,8 | 11,7 | 1,7 | 0,3 | 2 | 0,4 | 0,04 | 2 | 0,06 | 1,4 | 0,14 |
Les teneurs en zinc, plomb sont directement fonction des quantités et qualités des ferrailles enfournées. Très faibles dans l’exemple précédent qui correspond à un enfournement de ferrailles internes à l’usine, ces teneurs peuvent atteindre 5 à 10 % avec l’emploi massif de ferrailles de récupération. Le seuil permis pour le recyclage au haut-fourneau varie selon l’origine des minerais chargés. Il reste, pour les poussières dans la plupart des cas, inférieur à 1 %.
On cite, par exemple, les valeurs suivantes (1) :
Zn < 0,40 % et Pb < 0,25 % aux U.S.A. – G.B.
Zn < 0,10 % et Pb < 0,20 % en R.F.A.
Zn < 0,25 % et Pb < 0,25 % au Japon.
Les poussières formées au niveau du bain sont submicroniques.
Au cours de leur transfert dans l’installation de captage, elles s’agglomèrent pour former des chaînes plus ou moins importantes (de quelques microns à plusieurs centaines de microns).
L’installation de captage (figure 1) comprend une hotte-cheminée dont la double paroi est refroidie par une circulation d’eau intense. Les gaz chauds (1 900 °C) et poussiéreux (80-100 g/Nm³) sont ainsi captés et canalisés du bec du convertisseur au dépoussiéreur où ils pénètrent à une température voisine de 800 à 1 000 °C.
Le premier étage de dépoussiérage est formé d’un saturateur où une forte injection d’eau assure à la fois la chute de température aux environs de 70 °C et une première épuration du gaz.
Le second étage est composé d’un venturi laveur dont la section du col variable est asservie à un contrôle automatique du débit d’aspiration des fumées.
Pour atteindre le taux d’épuration souhaité (inférieur à 120 mg/Nm³) il est nécessaire de créer au passage du venturi une perte de charge de 1 000 à 1 500 mm CE.
Après épuration, les gaz traversent le ventilateur d’aspiration puis sont aiguillés soit vers un gazomètre de récupération, soit vers une cheminée torchère.
L’eau récupérée à la sortie du venturi laveur est généralement recyclée vers le saturateur. Les eaux chargées du saturateur sont dirigées vers l’installation de traitement.
Les particules les plus grosses (supérieures à 100 µm) sont récupérées dans un prédécanteur raclé ou un hydrocyclone. Elles représentent 10 à 30 % du total et contiennent peu de Zn et Pb.
Le produit récupéré à la sortie de ce premier étage est pelletable et peut être recyclé sans préparation particulière.
Les particules fines, dont la granulométrie moyenne est inférieure à 10 µm, sont recueillies à la base des décanteurs-épaississeurs. La teneur en eau du produit soutiré est de l’ordre de 75 %, ce qui correspond à une concentration en matière sèche de 300 g par litre d’eau boueuse.
C’est ce produit qu’il convient de traiter pour permettre son recyclage.
L’eau de surverse clarifiée est réinjectée à l’installation de dépoussiérage.
III. RECYCLAGE INTERNE
Lorsque l’analyse chimique du produit le permet, le recyclage à l’agglomération peut être réalisé sous forme solide ou liquide.
La première voie nécessite un traitement préliminaire des boues afin de disposer d’un produit qui puisse être stocké et manutentionné sans difficulté. Ces conditions conduisent généralement à un abaissement des teneurs en eau inférieures à 20 %.
Pour cela, plusieurs solutions ont été exploitées.
1. Procédé filtre à tambour et traitement à la chaux.
Dans ce schéma (figure 2) les boues sont, dans une première étape, filtrées sur un filtre à vide à tambour qui abaisse la teneur en eau du produit à 30 %.
Le gâteau est recueilli sur une bande puis mélangé avec de la chaux vive à raison de 200 à 250 kg de chaux pour une tonne de matière sèche. Le produit final contient alors environ 15 % d'humidité et est dirigé vers la chaîne d’agglomération. Les difficultés de mise en œuvre du procédé résident principalement dans l'adaptation du débit de chaux vive aux variations de qualité des boues, ainsi qu’à la manutention toujours délicate de ce produit.
2. Procédé filtre horizontal - Mélange.
Cette technique, qui s’apparente à la précédente, consiste à déposer la boue liquide sur une première couche d'un produit sec, tel que poussière de haut-fourneau, poussière de coke, etc., lui-même en contact avec la toile d’un filtre sous vide horizontal rotatif (figure 3).
Après aspiration, l'ensemble des deux couches est raclé et évacué. Le produit final obtenu contient environ 15 % d'eau.
3. Procédé filtre et four tournant.
Dans cette solution, après une première phase de filtration, le produit est séché et chauffé dans un four tournant dont la température de fonctionnement est de 600 °C (figure 4).
Le produit bouleté subit un frittage et acquiert ainsi une résistance mécanique suffisante.
Le principal inconvénient d'un tel traitement réside dans son coût élevé lié à la forte consommation énergétique du four de frittage.
4. Procédé filtre presse à haute pression.
La mise au point de systèmes de filtration sous forte pression, en assurant une dessiccation plus complète que les filtres à vide ou à bandes pressantes, permet de s'affranchir d'un traitement complémentaire.
La technique utilisée dans plusieurs usines est celle du tube-presse. L'installation se compose d'une série de tubes assemblés en module opérant par séquences. La pression de fonctionnement, de l'ordre de 100 bars, permet d'atteindre des teneurs en eau inférieures à 20 % sans emploi de floculants.
La technologie est toutefois complexe et conduit à des coûts d'investissements élevés. Le fonction-
nement correct des équipements suppose d’autre part un contrôle permanent de la qualité des boues.
5. Procédé filtre et bouletage.
Divers procédés existent à travers le monde, utilisant différents types de liants, ciment, bentonite, etc. Nous décrirons ici le procédé en service dans l’Est de la France depuis plusieurs années (figure 5).
Les boues d’aciéries sont dans un premier temps filtrées sur des filtres à bandes pressantes puis transportées vers une installation de traitement.
Là, les boues sont incorporées à d’autres sous-produits de l’usine tels que battitures, pailles de laminoir, poussières, etc. Le mélange est séché dans un four tournant à 100-150 °C. On lui ajoute en sortie de four un liant bitumineux préchauffé à 200 °C. La pâte est ensuite moulée entre deux tambours alvéolaires, et le produit final se présente sous forme de boulets (type boulet de charbon domestique) de 300 g environ (densité : 2,8).
Le four est alimenté en gaz naturel et en huiles non régénérables, il est complété par une installation d’incinération des fumées et un électrofiltre d’épuration des rejets.
Le produit final est recyclé en partie au convertisseur où il se substitue au minerai ajouté en cours d’élaboration pour l’ajustement de la température du bain.
6. Recyclage sous forme liquide.
Ce procédé très largement utilisé en France (aciéries de SOLMER à Fos, d’USINOR Dunkerque et Rehon, de SMNDN à Mondeville), ainsi que dans d’autres usines étrangères, a été mis au point à l’aciérie de DILLING (R.F.A.).
Les boues soutirées à la base du décanteur-épaississeur à l’aide de pompes à membrane sont conduites sous forme liquide, sous pression, à l’agglomération où elles sont injectées dans le tambour mélangeur.
Le taux d’injection est calculé pour ajuster à une valeur préétablie le taux d’humidité du mélange cru à agglomérer. Le débit d’injection des boues dépend donc d’une part des besoins en eau et de la concentration des boues soutirées. Le système est bouclé pour assurer un fonctionnement permanent.
Le circuit est plus ou moins complexe selon les distances qui séparent l’aciérie de l’agglomération. Il est en général nécessaire de prévoir des bacs de reprise et d’homogénéisation selon le schéma de la figure 6. Ces réservoirs assurent d’autre part un volume de stockage rendant ainsi plus aisée la coordination entre les deux ateliers.
Comparé aux autres procédés qui nécessitent des traitements de filtration, séchage et de nombreuses manutentions, ce système est particulièrement économique, notamment au niveau de l’exploitation. Il nécessite par contre, lors de la conception, une analyse approfondie des conditions opératoires et, en exploitation, une coordination entre service aciérie et agglomération. Les avantages du procédé restent néanmoins prépondérants et expliquent son utilisation préférentielle lorsque la composition des produits le permet.
IV. CAS DES POUSSIÈRES RICHES EN ZINC, PLOMB, MÉTAUX ALCALINS
Les techniques évoquées précédemment, exception faite des techniques de bouletage (§ III-5), ne peuvent s’adapter aux poussières riches en éléments indésirables au haut-fourneau. Pour celles-ci, en dehors des possibilités de réemploi hors sidérurgie (en cimenterie par exemple), différents traitements peuvent être envisagés. Ils visent en général à séparer, ou concentrer les éléments indésirables dans une partie des poussières afin de permettre d’une part le recyclage des produits les moins concentrés et d’autre part la réutilisation de la part restante comme matière première de l’industrie du zinc et du plomb.
1. Traitement de pré-réduction au four tournant.
Les boues, après filtration et compactage, sont incorporées à d’autres sous-produits et introduites avec un apport de combustible solide (charbon, fines de coke) dans un four tournant fonctionnant à haute température (1 100 °C) (figure 7). Durant le traitement, la quasi-totalité (95 %) du zinc et du plomb sont volatilisés et concentrés dans les poussières les plus fines recueillies dans le dépoussiéreur de l’installation de traitement. Le produit final, fortement métallisé, exempt de zinc, plomb et à teneur réduite en alcalin, peut être recyclé au haut-fourneau. La concentration en Zn et Pb des poussières fines est suffisamment élevée pour permettre leur commercialisation.
De nombreux procédés ont fait l’objet d’expérimentation à différentes échelles. Leur développement industriel est resté limité et seulement quelques installations restent en service au Japon.
Le principal handicap de tels procédés est économique. Ils nécessitent en effet des équipements de forte capacité (20 à 30 000 t/mois) et sont gros consommateurs d’énergie.
Des variantes peuvent être envisagées pour réduire cette consommation énergétique, par exemple comme le propose l’IRSID, par une réduction sélective des produits grâce à un contrôle du potentiel oxygéné de l’atmosphère du four. Issues de tests de laboratoire, ces possibilités restent à confirmer par des essais industriels.
2. Traitement hydrométallurgique.
Cette voie fait l’objet d’étude de la part du CEBEDEAU. Elle vise à extraire le zinc et le plomb par un lessivage des produits à la soude suivi d’une électrolyse. Les premiers résultats montrent qu’à partir de produits contenant 4 % Zn et 1 % Pb, le bilan était positif à savoir que la valeur des produits récupérés excède le coût des réactifs et de l’énergie dépensée. La rentabilité d’un tel procédé reste cependant fonction de ce que seront les coûts d’investissement et d’exploitation d’une unité industrielle (figure 8).
Dans la même voie, on peut également citer l’expérience de la Société HOESCH à Dortmund, qui traite à la soude ces poussières de four Martin, particulièrement riches en Zn et Pb. Ce traitement vise à accroître leur teneur afin de les rendre aptes à leur commercialisation en tant que minerai de zinc et plomb.
3. Classification des poussières.
Des essais réalisés par l’IRSID sur un convertisseur pilote et sur une installation industrielle ont montré que le zinc et le plomb sont évacués du convertisseur dans la première phase de l’affinage.
On peut par conséquent envisager l’utilisation de deux installations de traitement des eaux de lavage, l’une traitant les effluents de début d’affinage riches en Zn et Pb, l’autre étant réservée pour la récupération des poussières les moins concentrées et susceptibles d’être recyclées à l’agglomération.
Cette classification peut également être retenue pour permettre, par un recyclage des poussières au convertisseur lui-même, un enrichissement en Zn et Pb des produits et leur commercialisation.
Ce traitement sélectif des poussières n’a pas, à notre connaissance, fait l’objet de développement industriel.
V. CONCLUSION
L’épuration des gaz émis lors de l’affinage de la fonte liquide au convertisseur est à l’origine d’une production importante de boues, riches en fer.
Le recyclage de ces produits vers le haut-fourneau est réalisé à travers divers traitements : filtration, séchage, bouletage ou injection sous forme liquide. Les solutions retenues varient d’une usine à l’autre. En France, l’injection sous forme liquide à l’atelier de préparation de la charge du haut-fourneau est la plus employée.
L’utilisation de ces installations est cependant de plus en plus limitée par la présence dans les poussières de faible quantité de zinc, plomb et métaux alcalins indésirables au haut-fourneau. Différentes techniques sont utilisées ou proposées pour le traitement de ces poussières. Mais leur complexité, leur coût d’investissement et d’exploitation sont à l’heure actuelle un frein puissant à leur développement. Aussi pour ces produits, dans la plupart des cas, en dehors d’une réutilisation hors sidérurgie, en cimenterie par exemple, la mise au crassier reste la solution la plus souvent retenue.