Les techniques de séparation et les procédés de traitement biologique mis en oeuvre sont des systèmes qui produisent des boues dont il convient de prendre en compte le devenir. Malgré toute leur variété, deux mêmes finalités sont généralement recherchées : diminuer les nuisances induites dont les odeurs, et réduire fortement leur volume en diminuant leur teneur en eau. Parmi les techniques de traitement des boues, les lits de séchage ont fait l'objet d'applications plus ou moins bien contrôlées depuis de nombreuses années. Archaïques à l'origine, ils s'apparentaient alors à de simples épandages sur de grandes surfaces. Plus récemment, leurs performances ont été améliorées grâce à l'élaboration de lits filtrants, ce qui a permis d'en augmenter la charge superficielle. Afin de promouvoir leur efficacité tout en prenant en compte les contraintes environnementales, plusieurs procédés utilisant des végétaux ont été mis au point. Phalirep fait partie des derniers développements ; mis au point par l'Institut IREPOLIA, son descriptif et les premiers résultats sont présentés ci-après.
Afin de promouvoir leur efficacité tout en prenant en compte les contraintes environnementales, plusieurs procédés utilisant des végétaux ont été mis au point. Phalirep fait partie des derniers développements ; mis au point par l’Institut IREPOLIA, son descriptif et les premiers résultats sont présentés ci-après.
(1) Conférence présentée le 25 septembre 1998 aux Journées Information Eaux de Poitiers.
L'aire de séchage se compose le plus souvent d'une couche supérieure de sable (calibre 0,5 à 1,5 mm) dont l’épaisseur est de 10 cm, d'une couche intermédiaire de 15 à 20 cm de graviers fins (calibre 5 à 20 mm) et d’une couche inférieure de 20 à 30 cm de gros graviers (calibre 12 à 40 mm). Ces matériaux reposent sur un sol imperméabilisé et soigneusement nivelé. Des drains sont disposés en partie inférieure pour assurer l’évacuation des eaux. Des membranes géotextiles permettent de séparer les matériaux de fine granulométrie et d’éviter leur entraînement.
Les lits de séchage
Afin de faciliter l’évacuation des boues déshydratées, chaque lit est accessible aux engins de manutention et de transport.
Présentant une forte emprise au sol (20 m² environ pour 100 eq. hab.), les lits de séchage sont envisagés surtout pour les petites collectivités (moins de 2000 eq. hab.).
En aération prolongée, il est courant de trouver plusieurs lits de séchage, de façon à d’une part satisfaire aux évacuations ponctuelles des purges de boues et d’autre part obtenir des siccités élevées. Dans ce cas, la surface d'un seul lit est de 2,5 m² pour 100 habitants raccordés, pour une couche de 30 cm de boues liquides épandues.
Le traitement des boues sur un lit de séchage comporte principalement deux phases :
- le drainage, qui permet le ressuyage de l'eau interstitielle. Cette phase rapide évacue jusqu'à 80 % de l'eau contenue dans les boues ;
- le séchage atmosphérique : l’évaporation et l’évapotranspiration permettent d’atteindre des siccités élevées dans les conditions climatiques favorables.
Après trois semaines de déshydratation, la siccité peut atteindre 30 % et, en cas d’ensoleillement optimal, 40 à 60 %. Quant aux parasites contenus dans les boues, ils ne sont pas ou peu éliminés.
D'une grande simplicité, l'exploitation demande néanmoins une sérieuse maintenance : reprise des boues séchées, rechargement en sable (afin de compenser les pertes), remise en état du lit…
Le séchage des boues sur des lits a longtemps été la technique la plus utilisée, et des améliorations des rendements ont été obtenues par addition de polyélectrolytes. La nécessité des grandes surfaces de terrain, l’importance des dépenses de main-d’œuvre et l’influence prépondérante des conditions climatiques sont autant de contraintes qui ont limité le développement de cette technique qui doit par ailleurs s’inscrire dans des exigences environnementales plus sévères.
L'utilisation des macrophytes
Qu'il s’agisse de participer à l’épuration des eaux usées, ou plus récemment au traitement des boues, les cultures fixées de plantes exigent une alternance de phases d’alimentation et de phases de repos. De tels cycles en présence de macrophytes permettent :
- la bonne répartition des boues liquides sur les lits de séchage ;
- la stimulation des échanges gazeux avec l’air entre deux apports ;
- l'oxygénation des couches profondes par les plantes au niveau de leur enracinement.
- - le contrôle des matières en suspension et de la charge organique des lits de séchage.
De tels systèmes imposent une technologie modulaire pour les ouvrages ainsi que le stockage temporaire des boues avant leur épandage à fort débit pendant un temps court.
Plusieurs espèces végétales sont couramment utilisées ; sans que leur énumération soit exhaustive, il convient de noter les macrophytes suivants :
- - les scirpes : poussant dans des milieux peu profonds, ils résistent mal aux fortes charges organiques. La SEIDEL a mis au point un tel procédé dans des lagunes de finition pour épurer des effluents.
- - les typhas : contrairement aux précédents, ces végétaux supportent des solutions contenant un taux élevé de matières organiques, pour autant que la hauteur de la phase liquide ne soit pas trop importante. Le procédé « Vegrepp » du Groupe SOAF met à contribution cette espèce végétale dans les lits de séchage de boues.
- - les phragmites : appelés plus communément roseaux ; très résistants, ils préfèrent aussi de faibles hauteurs d’immersion pour atteindre une bonne densité et une croissance satisfaisante. La Société SAUR les utilise dans son procédé Rhizophyte développé conjointement avec le CEMAGREF.
Les lits de séchage utilisant des macrophytes permettent d’améliorer très sensiblement le traitement des boues : drainage accéléré des fractions liquides, réduction de la quantité des percolats tout en améliorant sa qualité, minéralisation plus rapide des boues, diminution des nuisances olfactives…
Cependant, il convient de soigner leur exploitation si des résultats durables doivent être garantis ; la qualité des boues épandues, le respect des cycles de repos, la prise en compte des facteurs météorologiques, le fauchage des parties aériennes fétides en hiver, parfois le traitement phytosanitaire en période de croissance, sont autant de contraintes entre des curages qui ont lieu tous les deux à cinq ans selon les sites.
Le procédé Phalirep
Utilisant le principe des lits de séchage en présence de macrophytes, ce procédé récemment développé par l’Institut IREPOLIA présente plusieurs originalités :
- - le choix d’une espèce végétale, Phalaris arundinacea,
- - l’apport d’un composant à action combinée, le Lisanet®,
- - l’utilisation de l’élimination naturelle des végétaux en fin de vie.
Conçus selon les critères traditionnels, les lits de séchage sont plantés dès leur mise en service par des pieds de Phalaris à raison de quatre à cinq unités par m².
Cette plante qui fait partie de la famille des graminées développe un enracinement de type rhizomal ; parmi les propriétés reconnues de Phalaris, il convient de noter ses actions drainante et oxygénante ainsi que son pouvoir d’absorption et d’épuration de l'eau. Supportant de fortes charges organiques, Phalaris atteint son développement optimal rapidement : deux ans environ. Son système foliaire abondant, comme le montre la figure 1, favorise l’évaporation de l'eau tandis que ses rhizomes rampants permettent la colonisation de toute la surface des lits de séchage par de nouvelles pousses. Son feuillage décoratif se renouvelle naturellement chaque année.
Les feuilles mortes pendant l’hiver (figure 2) s’intègrent progressivement dans les boues, ce qui évite toute contrainte de faucardage et d’élimination extérieure. Leur forme effilée et leur densité constituent un réseau filtrant dans les boues, ce qui favorise le drainage de l'eau, la fixation bactérienne et l’oxygénation au sein du support. Le foisonnement de Phalaris sur les lits de séchage impose l’épandage de boues très liquides qui peuvent provenir directement des bassins à boues activées.
Une faible immersion étant préférable pour cette espèce végétale, des cycles d’épandage bimensuels sont recommandés. Il est donc souhaitable de disposer de plusieurs lits de séchage si l'on veut maintenir un taux de matières en suspension relativement constant dans le bassin biologique d’épuration ; le soutirage des boues liquides s’effectue alors chaque semaine avec un faible volume et en alternant les zones d’épandage. Cette pratique est bénéfique pour les plantes, tout particulièrement en période de sécheresse.
La figure 3 représente le schéma préférentiel d'une station d’épuration d’effluents incorporant des lits de séchage de type Phalirep. Particulièrement adapté pour les industries.
Pour les petites collectivités et les industries ayant des rejets biodégradables, comme dans le secteur agro-alimentaire, ce procédé nécessite des surfaces de 0,20 à 0,30 m² par équivalent habitant. Quant à l’extraction des boues séchées dans les lits, elle s’effectue tous les 3 ans à 5 ans ; un repiquage de nouveaux plants de Phalaris est alors nécessaire si la hauteur enlevée de boues est supérieure à 20 cm, la plupart des rhizomes ayant été aussi éliminés.
Une autre originalité du procédé Phalirep réside dans l'utilisation d'un composant à double action, le Lisanet® ; ce produit qui se présente sous forme de poudre est épandu avec les boues à raison d’1 kg/m². Il présente une action désodorisante progressive qui est d’autant plus utile lorsque les boues biologiques sont très organiques et de ce fait fermentescibles. Favorisant l’activité bactérienne, il complémente l’oxygénation apportée par Phalaris. Riche en oligo-éléments, le Lisanet® apporte aussi du calcium et du magnésium, ce qui en fait un composant fertilisant intéressant ; non seulement il stimule l’activité et la résistance de Phalaris, mais il valorise l'utilisation agricole des boues stabilisées après curage des lits de séchage.
Procédé utilisant des plantes et un produit d'origine naturelle, Phalirep respecte la filière biologique. Les premiers résultats sont encourageants, et quelques caractéristiques analytiques sont présentées ci-après.
Les résultats expérimentaux
Il est difficile de tirer des conclusions sur l'efficacité des lits de séchage en l’absence de toute étude statistique. En effet de nombreux paramètres sont variables et leurs valeurs imposées ont souvent un caractère aléatoire.
La nature et l’hétérogénéité des boues épandues, la régularité apparente de la distribution des boues sur les lits de séchage, les variations climatiques, ce sont autant de facteurs qu'il convient de ne pas négliger.
La figure 4 montre la cinétique de la hauteur des boues en fonction du temps et des apports pour un lit de séchage utilisant le procédé Phalrep lorsque celui-ci est mis en service. La concentration en matières sèches (MS) est volontairement élevée lors des premiers épandages (10,9 à 50,6 g/l) et leur taux de matières organiques varie de 42,6 à 51,8 %. Si la hauteur de boues est augmentée de 5 à 8 cm lors de chaque apport, une semaine est nécessaire pour la réduire de 70 % environ. Une apparente stabilisation du niveau des boues séchées apparaît après un mois et demi, période au-delà de laquelle des boues plus liquides ont été épandues (3,4 à 4,8 g/l MS); le drainage s’avère alors particulièrement efficace puisque 90 % du volume épandu est récupéré dans les percolats après une heure, le lit de séchage ayant été mis en service trois mois et demi plus tôt.
Une comparaison des caractéristiques analytiques des boues lors d'un épandage ultérieur et des percolats correspondants est donnée dans le tableau 1. Ces valeurs moyennes montrent que malgré une charge importante, le lit de séchage retient une forte proportion des polluants, qu’ils soient minéraux ou organiques : dans les percolats, le taux de matières en suspension est faible (20 mg/l) et les matières carbonées résiduelles ne représentent que des matières organiques peu ou pas biodégradables.
Les rendements d’élimination du phosphore et de l’azote sont élevés; ils atteignent respectivement 93,1 % et 99,75 %. Cependant, les valeurs encore importantes de la DCO (75 mg/l) et de l’azote (23,7 mg/l NTK et 31,4 mg/l nitrates) justifient un retour des percolats en tête de station d’épuration.
Enfin, les mesures effectuées sur les métaux lourds indiquent une rétention dans les boues, pratiquement totale pour le cadmium, le cuivre et le plomb, de 98,9 % pour l'aluminium et de 98,1 % pour le zinc.
Les lits de séchage permettent non seulement d’augmenter fortement la siccité des boues mais aussi de retenir une part importante de la pollution. Le tableau 2 donne quelques indications sur sa répartition. S'il est logique de constater une plus forte siccité de boues séchées situées en profondeur par rapport à celles près de la surface (44,5 % au lieu de 34,2 %), on constate aussi que tous les autres paramètres (azote, phosphore, potassium et métaux lourds) ont des valeurs plus faibles au fond du lit de séchage ; ceci peut être expliqué par la conjonction de trois phénomènes différents : la lixiviation par des eaux plus acides et en plus grande quantité, la dégradation plus intense par la flore bactérienne et le captage par les macrophytes. Des analyses effectuées sur un échantillon de feuilles de Phalaris en fin de cycle végétatif montrent que :
- les principaux métaux lourds sont peu retenus : seul le cadmium atteint une valeur qui peut être supérieure à celle des boues liquides, tout en restant à une concentration de 10 à 20 fois inférieure à celle des boues séchées. Le zinc est partiellement retenu dans la partie aérienne des plantes.
- les éléments fertilisants majeurs (N, P, K) sont fortement concentrés : 27 fois plus d’azote, 89 fois plus de phosphore et 25 fois plus de potassium que dans un échantillon de boues activées. Les concentrations mesurées demeurent toutefois inférieures (bien que proches
pour l’azote et le potassium) à celles des boues séchées du lit.
Si les boues fraîches ne sont pas dénuées de nuisances olfactives, il est intéressant de constater que le lit de séchage utilisant le procédé Phalirep ne dégage pratiquement pas d’odeurs ; aucune valeur significative, en particulier d’H₂S et de NH₃, n’a pu être mesurée, leurs concentrations étant inférieures aux seuils de détection analytique. Ceci représente un avantage du procédé par rapport aux lits de séchage traditionnels.
Bien que de conception récente, et de ce fait avec des données limitées à quelques années de mise en œuvre, le procédé Phalirep d’IREPOLIA constitue une innovation dont les résultats pratiques sont prometteurs.
Couplant l'utilisation d'une plante, Phalaris arundinacea, à un produit organominéral naturel, le Lisanet®, cette technologie permet d’atteindre les objectifs suivants pour des lits de séchage de boues :
- - siccité des boues séchées supérieure à 30 % et, de ce fait, diminution importante de leur volume, dans les conditions climatologiques normales,
- - forte réduction des odeurs nauséabondes, celles-ci n’étant plus perceptibles en dehors du périmètre de la station d’épuration,
- - absence de conditionnement chimique des boues,
- - aspect végétal des lits de séchage, avec une meilleure acceptation environnementale,
- - diminution de la maintenance entraînant des frais minimes d’exploitation,
- - augmentation de la valeur fertilisante des boues pour des valorisations agricoles,
- - maîtrise des rejets azotés et phosphorés avec récupération des percolats,
- - épuration plus importante de la matière carbonée des boues liquides, à la fois par les bactéries et les plantes,
- - augmentation de la vitesse de déshydratation grâce aux réseaux de rhizomes et de feuilles flétries des plantes qui facilitent le drainage,
- - diminution des volumes de percolats par l’évapo-transpiration de l’abondant feuillage de Phalaris,
- - absence de contraintes de faucardage de la végétation.
Cependant, comme pour les autres technologies de lits de séchage avec macrophytes, il convient de respecter quelques principes importants :
- - dimensionnement adapté des lits de séchage en fonction des boues à éliminer,
- - exploitation et surveillance régulières pour un bon fonctionnement,
- - absence de produits toxiques tant pour la flore bactérienne que pour les végétaux,
- - respect de la réglementation pour l’épandage final en agriculture.
Naturel et d'une grande simplicité, le procédé Phalirep contribue à la prise en charge et à la maîtrise du traitement des boues de petites stations d’épuration situées en zone rurale. De ce fait, il est tout particulièrement adapté aux pays d'Europe du Sud ainsi qu’à ceux du bassin méditerranéen.
Remerciements
IREPOLIA remercie les collaborateurs de la Société SOAF ENVIRONNEMENT ainsi que Monsieur Christian Grolier de la Société CPIA pour leur aimable concours dans le cadre de l’expérimentation conduite par l'Institut.
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