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Trait d'union entre deux océans : le canal de Panamá (2ème partie)

30 mars 2017 Paru dans le N°400 à la page 93 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET de EDITIONS JOHANET

L’échec de Ferdinand de Lesseps est patent. Les plaintes sont nombreuses et aboutissent à l’ouverture d’un procès dès le mois de janvier 1893. Mais les principaux acteurs du dossier sont acquittés, bénéficient de vice de forme ou profitent de prescriptions. Ferdinand de Lesseps et son fils, Charles, seront bien condamnés à de la prison pour escroquerie mais ils n'en franchiront jamais l’entrée. Lesseps meurt en 1895, après avoir sombré dans la sénilité.

Pour poursuivre les travaux, une nouvelle société est constituée : la Compagnie nouvelle du canal de Panamá. Mais la confiance n’est plus là. En 1898, alors qu’elle a déjà dépensé la moitié de son capital, la nouvelle Compagnie est contrainte de proposer au gouvernement américain le rachat du canal ainsi que tous les droits qui y sont attachés. Les Etats-Unis, convaincus que ce canal interocéanique leur est indispensable, prennent le relais. Au mois de mai 1904, ils rachètent à la Compagnie nouvelle la propriété du canal, l'équipement et les excavations pour la modeste somme de 40 millions de dollars.

Jusqu'au 31 décembre 1999, date à laquelle les Etats-Unis consentent à rétrocéder le canal et sa zone à la République de Panamá, on estime à près de 750.000 le nombre de navires passés par le canal.

Les Etats-Unis prennent le relais

La même année, après avoir aidé le Panamá à déclarer son indépendance de la Colombie en échange du contrôle sur la zone du canal, les travaux reprennent. Les conditions sanitaires se sont améliorées. Quelques mois auparavant, le moustique Anopheles gambiae a été identifié comme vecteur de la malaria qui sévissait sur le chantier de même qu’a été éclairci le rôle d'un autre moustique, Aedes aegypti dans la propagation de la fièvre jaune. Des mesures de prophylaxie adaptées entraînent leur disparition rapide diminuant considérablement la mortalité. Toutefois, 5.609 ouvriers moururent pendant la période 1904- 1914 amenant le total à 27.500 morts environ.

Equipés de machines ultramodernes, 45.000 ouvriers évacueront plus de 250 millions de mètres cubes de terres et de roches. Un barrage sur le río Chagres est construit pour créer un lac artificiel de 432 km² (lac Gatún). Un premier jeu d'écluses (Gatún) est construit pour amener les bateaux venant de Colón (rive atlantique) au niveau du lac (26 m). Deux autres jeux d'écluses (Pedro Miguel et Miraflores) le ramènent au niveau du Pacifique, à Panamá.

Le 15 août 1914, alors qu’en Europe la guerre vient d’éclater, c’est l’inauguration officielle. Ce jour-là, le vapeur Ancón, un cargo de 10.000 tonneaux, ayant à son bord le président panaméen et le secrétaire d'État américain à la Guerre, traverse l'isthme en moins de 10 heures. Le canal de Panamá, placé sous la juridiction des Etats-Unis, vient d’accueillir son premier navire. Point de passage stratégique pour la navigation internationale, le canal connaît rapidement un immense succès : chaque année, il permettra le passage de plus de 14.000 navires transportant plus de 203 millions de tonnes de cargaison !

Les navires utilisent leur propre force motrice dans le canal mais ils sont assistés lors de leur passage dans les écluses par des locomotives électriques de halage auxquelles ils sont reliés par des câbles. 

Un facteur limitant de la taille des navires

Jusqu'au 31 décembre 1999, date à laquelle les Etats-Unis consentent à rétrocéder le canal et sa zone à la République de Panamá, on estime à près de 750.000 le nombre de navires passés par le canal. Des cargos de marchandises, des méthaniers, des tankers, des porte-conteneurs, des navires de toutes tailles, certains hauts comme des immeubles de plus de 30 mètres de large sur 250 mètres de long. Tous attendent, les uns derrière les autres, de pouvoir passer les écluses de Gatún ou de Miraflores, portes d'entrées du canal de Panamá. Les 35 navires qui l'empruntent chaque jour doivent payer entre 160.000 et 320.000 euros en fonction de leur taille pour réserver un passage. Pour le pays, la rétrocession est une manne qui fait rentrer dans les caisses de l'Etat près de 500 millions de dollars par an.

Le canal accueille alors près de 5% du trafic mondial avec des bateaux dits ‘Panamax’, nom donné aux cargos pouvant transporter jusqu'à 5.000 conteneurs. Mais il doit faire face à un engorgement dû à sa taille trop petite, qui entraîne de longs délais de passage. Et en cas de travaux de maintenance, le délai d’attente peut être de six ou sept jours et la file d'attente compter jusqu'à 100 cargos ! Si bien qu’au fil des années, le canal de Panamá est devenu un facteur de limitation de la taille des navires.

Pour rester ce hub régional qu’il est devenu, le Panamá doit envisager l’agrandissement du canal. D’autant qu’au nord, le Nicaragua envisage la construction d'un passage entre l'Atlantique et le Pacifique.

En octobre 2006, les Panaméens votent à une large majorité le projet d'élargissement du canal qui leur était soumis à référendum : objectif construire une troisième voie d'ici à 2015.

Arrivée de 3 des 16 portes d’écluse longues de 30 mètres sur 10 et pesant 3.000 tonnes. Les travaux, qui démarrent en 2008, dureront 8 ans, et le 26 juin 2016, le troisième jeu d'écluse entre enfin en service. Cette nouvelle voie, plus longue et plus large, permet le passage de navires capables de transporter jusqu'à 14.000 conteneurs.

Les travaux, qui démarrent en 2008, dureront 8 ans, et le 26 juin 2016, le troisième jeu d'écluse entre enfin en service. Cette nouvelle voie, plus longue et plus large, permet le passage de navires capables de transporter jusqu'à 14.000 conteneurs ! Ces bateaux, les ‘Post-Panamax’, peuvent mesurer jusqu'à 366 mètres de long et 49 mètres de large. Leur capacité de chargement est presque 3 fois plus importante que les ‘Panamax’.

Un volume auquel ne songeait certainement pas le capitaine du cargo à vapeur Ancon qui, le 15 août 1914, fut le premier à franchir le canal de Panama, entrant ainsi dans l’Histoire.

 



Le Grand canal interocéanique du Nicaragua : un projet qui refait surface

L'idée d’un canal interocéanique au Nicaragua n’est pas vraiment nouvelle. Ce pays avait même été choisi par les américains pour un futur tracé avant que ceux-ci ne rachètent à bon prix le canal de Panamá. Car si la traversée potentielle est plus longue que celle du Panamá (276 km contre 80), elle offre de nombreux avantages : les terres sont les plus basses de la région et les ressources hydriques abondantes. Arrivant des Caraïbes, les bateaux peuvent remonter le rio San Juan jusqu'au lac Nicaragua, la plus vaste étendue d'eau douce d'Amérique centrale ; de sa rive ouest, il ne reste alors plus que 13 km à creuser avant de déboucher sur le Pacifique.

Près d’un siècle après avoir été abandonnée, l’annonce officielle en octobre 2006 par le président Enrique Bolanos de la mise en route du Grand canal interocéanique du Nicaragua a relancé le projet. Les travaux, estimés à 45 milliards de d’euros, trois fois le PIB nicaraguayen, pourraient démarrer en 2020.La future voie maritime, prévue pour être deux fois plus large que son homologue panaméen, permettrait alors le transit des bateaux de 250.000 tonnes. Reste à trouver les fonds nécessaires. Car le Nicaragua, deuxième pays le plus pauvre d'Amérique latine, est incapable de financer seul un tel projet.

 




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