Du fait de leur complexité, les réseaux modernes d’adduction d’eau et d’irrigation sont devenus de plus en plus difficiles à piloter ; en effet, les ouvrages ou appareillages hydrauliques que l'on rencontre sur ces réseaux constitués en majeure partie par des stations de pompage, des bassins de captage et de restitution entre autres, des organes de régulation, ont entre eux de nombreuses interactions qu'il est nécessaire de maîtriser.
La surveillance et la conduite de ces réseaux dont les équipements sont dans bien des cas géographiquement éloignés, ont depuis quelques années nécessité l'utilisation de systèmes de transmission de données, à structure complexe, et le traitement d’informations dont le volume est souvent très important. Les constructeurs de pompes françaises, et tout particulièrement ceux qui depuis de nombreuses années conçoivent et réalisent des stations de pompage « clés en main » ont su se munir d’outils adéquats pour répondre aux besoins de leurs clients dans ce domaine. Ils disposent, à l'heure actuelle, d’une palette étendue de systèmes capables de répondre à tous les cas particuliers, et d'une solide expérience acquise au travers de grands contrats réalisés dans le monde entier.
Nous analyserons brièvement dans les lignes suivantes les différents systèmes de télétransmission et traitements d’information utilisés à ce jour, ainsi que ceux pressentis dans les prochaines années. Ces systèmes seront illustrés par des exemples d'installations récentes à New Abrak Khitan (Koweït), Ghdïr El Goulla (Tunisie) et Matara (Sri-Lanka).
FONCTIONS À TRANSMETTRE
On en distingue généralement quatre : téléalarme, télésurveillance, télécontrôle, et télégestion.
Téléalarme
Il s’agit simplement d'un report de défauts d'un des organes du réseau hydraulique. L’opérateur informé à distance par un signal sonore ou un voyant lumineux agit de sa propre initiative sur le « process » (ex. : arrêt d'une pompe…). Il n’y a donc pas d’action directe du système de téléalarme sur le process.
Télésurveillance
Il s’agit d'un report de valeurs, d’enregistrements ou de tous autres paramètres relatifs au process de pompage. Dans ce cas, l’opérateur informé analyse les informations recueillies et, de sa propre initiative, modifie en conséquence la conduite de son réseau. Comme dans le cas précédent, la télésurveillance n’agit pas directement sur le process de pompage.
Télécontrôle
Outre le report d’informations des postes périphériques vers le poste central (PC), l’opérateur de ce dernier a la possibilité de transmettre des éléments correctifs aux différents postes périphériques (arrêt ou démarrage d’un groupe électropompe, fermeture ou ouverture d’une vanne). Le télécontrôle, du fait de la possibilité de dialogue, permet donc une action directe sur le process, laissée à l’initiative de l’opérateur du PC.
Télégestion
Au-delà du télécontrôle des équipements de réseau, dont ils possèdent les mêmes caractéristiques, les systèmes de télégestion permettent la transmission automatique d’éléments correctifs adéquats répondant à un phénomène donné.
ANALYSE DES SYSTÈMES DE TRANSMISSION
Un système de transmission se caractérise par au moins quatre paramètres déterminants qui vont, selon le cas, guider le concepteur dans ses choix : la structure du réseau, le support de transmission, le type de dialogue, la trame de communication.
Les structures de réseau
Structure en ligne
Le PC, ainsi que ses postes périphériques sont tous placés en série : c'est le cas notamment de stations de pompage sur un pipeline.
Structure en étoile
Le PC est entouré de postes périphériques n’ayant entre eux aucun autre lien que celui qui existe avec le PC : c’est le cas d’une station de pompage de reprise, alimentée par des groupes électropompes éparpillés sur un champ captant.
Structure en arbre
Plusieurs ensembles de postes périphériques sont chacun reliés à des PC secondaires qui eux-mêmes communiquent avec un PC principal. C'est par exemple le cas des grandes adductions d'eau potable comprenant de nombreuses stations de pompage.
Le support de transmission
Les supports de transmission sont généralement choisis en fonction de nombreux paramètres liés entre autres à la configuration du site et son environnement, leur vitesse de transmission (nombre de bits/seconde), leur fiabilité et leur coût.
On en distingue plusieurs types : lignes spécialisées à 2 ou 4 fils (LS), réseaux radio (RR), réseaux commutés (RCT), fibres optiques (FO), bus locaux (BL).
Le type de dialogue
Dialogue « Appel-Réponse »
C’est un mode scrutatoire, pour lequel le PC prend l’initiative de l’appel.
Dialogue « Sur Événement »
Le poste périphérique prend l’initiative de l’émission vers le PC : sur changement d’état, sur test automatique, en fin d’enregistrement d’information.
Dialogue « Conférence »
Sur l’initiative du PC, ce dernier donne le droit de parole aux périphériques qui peuvent dans ce cas communiquer avec le PC, mais également entre eux, selon un schéma de conférence dit « à passage de jeton ».
La trame de communication
Les trames de communication mettent en évidence l’importance des codes de transmission, parmi lesquels on distingue deux familles : les trames asynchrones ASCII, les trames synchrones HDLC, SDLC, etc., ainsi que les trames par code ou systèmes de détection d’erreurs.
Trames asynchrones ASCII
Le principe est basé sur la codification de chaque élément d’information à transmettre. La transmission d’un seul élément de message utilise dans ce cas 8 bits (1 octet), l’ensemble des éléments d’information codés composant l’événement étant décodés à l’arrivée donc « reconnus » par le récepteur. Dans ce type de trame, la transmission d’un événement peut être intermittente étant donné qu’à chaque code ASCII de 8 bits correspond une information.
La bande de transmission se présente en général sous la forme ci-dessous.
CODE : 127
Trames synchrones
Les informations sont dans ce cas traduites en langage binaire pur ; de ce fait, l’information concernant un événement est transmise en une seule fois sous intermittence et n’est complète et exploitable qu’à la réception de la totalité du message.
La bande de transmission se présente en général sous la forme ci-dessous :
Autre exemple de transmission selon trames synchrones HDLC :
FAN [code] INF [CDE] [CRC] [end]
FAN = fanions : délimitent la trame ; ADR = adresses : numéro de la station ; CDE = commande : information de service ; INF = informations : message à transmettre ; CRC = contrôle par redondance cyclique.
On notera sur ce type de transmission en trames HDLC l’importance du contrôle par redondance cyclique qui assure une bonne qualité du message transmis.
Évolution des systèmes
Des structures en ligne, de transmissions point à point, on évolue vers le multipoint pour lequel on distingue les technologies à logiques câblées (code HAMMING) et les technologies à microprocesseurs (HDLC). Ces dernières concernent les automatismes programmés à l’origine par le constructeur et selon des paramètres pré-établis, et les automatismes programmables au besoin par l’opérateur selon l’évolution de son process. On notera enfin l’utilisation des logiciels en multisupports dont les possibilités sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Acquisition/restitution - Seuils… (y = ax + b) - Valeurs moyennes… - Intégrations, etc.
Prétraitements - Temporisations - Logique booléenne - Tranches horaires - P.I.D., etc.
Automatismes
Transmissions - Applicable à tous les types de transmission
EXEMPLES DE RÉALISATIONS
Sri Lanka — Station de pompage de protection contre les crues
Cette station de pompage est destinée à drainer les périmètres rizicoles situés dans le sud de l’île de Sri Lanka, à l’embouchure du fleuve Nilwala Ganga. Cette région, et en particulier le bassin versant du Nilwala Ganga, est soumise à de très fortes précipitations atmosphériques, notamment en période de mousson.
L’ensemble du périmètre est protégé des crues du Nilwala Ganga au moyen de digues établies le long du fleuve et par une station de pompage qui draine le périmètre, en refoulant les eaux au-dessus des digues dans le fleuve (figure 1).
Cette station est équipée de 8 motopompes à hélice d’une capacité de 8 m³/s chacune, refoulant à une hauteur de 5,5 m (figures 2 et 3). Elle est pilotée en fonction de l’importance des précipitations atmosphériques. À cet effet, et très en amont dans le bassin versant du fleuve,
Sont installés des limnimètres et des pluviomètres (figure 4) qui mesurent la montée des eaux du fleuve et de ses affluents, ainsi que l’importance des précipitations. Ces appareils sont reliés au PC de la station de pompage au moyen d’une liaison radio. L’opérateur situé au PC de la station commande manuellement l’arrêt ou le démarrage des pompes en fonction des indications qui lui sont communiquées par les différents points de mesure (limnimètres, pluviomètres). Le pilotage de la station actuellement assuré manuellement sera par la suite géré par un ordinateur.
Tunis — Station de pompage du complexe de Ghdir El Goulla
96 % de l’approvisionnement en eau de la ville de Tunis, de sa banlieue et du Cap Bon est assuré à partir de deux ressources : le Kasseb et le canal Medjerda — Cap Bon.
Les eaux convergent vers le complexe de Ghdir El Goulla où elles sont stockées, traitées, puis réparties dans quatre conduits alimentant gravitairement les réservoirs de Tunis et du Cap Bon.
Cet ensemble comprend trois stations de pompage :
- SP1 (4 groupes de 1 m³/s et 2 groupes de 0,5 m³/s à 72 m), refoulant les eaux du canal vers la station de traitement,
- SP2 (3 groupes de 1 m³/s et 3 groupes de 0,5 m³/s à 70,2 m), refoulant les eaux de la retenue de Mornaguia vers la station de traitement,
- SP3 (4 groupes de 0,5 m³/s à 16 m) : cette station de reprise est prévue pour alimenter le bassin de Mornaguia à partir des eaux pompées par SP1 dans le canal Medjerda — Cap Bon.
La gestion de l’ensemble du complexe est assurée par un PC (tour de contrôle) situé sur le complexe de Ghdir El Goulla, lui‐même relié par radio aux différents points de captage et aux stations de pompage.
Koweit — Station de pompage de New Abrak Khitan
Cette importante station de pompage est destinée à l’alimentation en eau de la ville de Koweit, à partir de la production d’eau douce de l’usine de dessalement de Shuwaikh. Alimentée gravitairement par deux réservoirs, la station de pompage refoule dans quatre réseaux d’adduction équipés de châteaux d’eau qui fournissent l’eau aux différents points de la ville (figure 5). Elle est équipée de 16 groupes de pompage divisés en quatre ensembles de quatre groupes alimentant chacun une zone de la ville (figure 6).
Compte tenu de sa complexité, l’ensemble est géré au moyen d’ordinateurs (figure 7) reliés par télétransmission aux différents points de mesure de la consommation des usagers, ainsi qu'à l'usine de production de Shuwaikh.
Le système de télétransmission et de télégestion, mis en place sur cette installation, permet une meilleure harmonisation de la production par rapport à la consommation des usagers.
Fonctions assurées par le système de télégestion
On en distingue trois :
- — régulation manuelle ou automatique des quatre ensembles de groupe de pompage en fonction de la demande et des réserves disponibles dans le bassin d’alimentation ;
- — supervision de cette régulation par le PC de la station de pompage à New Abrak Khitan ;
- — supervision à distance depuis la salle de contrôle de l’usine de production de Shuwaikh.
Ces trois fonctions sont assurées par un dispositif interconnecté comprenant :
- — un système de contrôle lié à chaque groupe de quatre électropompes (ordinateur) : PGCS (Pump Group Control System) ;
- — un système d’exploitation de données et de supervision du système de contrôle situé au PC de New Abrak Khitan (ordinateur) : DSCS (Data Logging and Supervisory Control System) ;
- — un système de contrôle à distance, situé à l’usine de production de Shuwaikh (ordinateur) : RSCU (Remote Supervisory Control Unit).
Description et rôle de chaque ordinateur et unité de télétransmission
— Pump Group Control System (PGCS).
Le fonctionnement de chaque groupe de pompes est commandé et contrôlé par un PGCS, lequel n’est autre qu’un micro-ordinateur DIGITAL qui, ainsi que tous ses accessoires périphériques, est incorporé dans une console, sur laquelle sont installés tous les appareils de manipulation (automatiques ou manuels) ainsi que les signalisations. Chacun de ces ordinateurs possède des jeux de programmes ou logiciels correspondant aux différents besoins ou régimes de marche. Ces programmes sont sélectionnés par l’opérateur de la station de pompage ou par celui de l’usine de production à Shuwaikh. Dans le futur, cette sélection manuelle des programmes de marche sera assurée par un ordinateur situé sur le site de production à Shuwaikh.
— Data Logging and Supervisory Control System (DSCS).
Ce système de contrôle et d’exploitation des données est constitué par les organes suivants : un système de télétransmission, un micro-ordinateur DIGITAL, une mémoire de stockage d’informations, une imprimante (rapports périodiques), une imprimante (pour les alarmes). Il assure plusieurs fonctions :
- — échange d’informations avec le process (PGCS),
- — acquisition de données du process (PGCS),
- — mise en mémoire d’informations,
- — fonction de communication avec l’opérateur,
- — télétransmission.
Il est constitué par une unité centrale située dans la station de pompage et de quatre terminaux, situés sur les châteaux d’eau, reliés au PC par télétransmission. Il assure l’échange d’informations avec les micro-ordinateurs des quatre groupes de pompage et le dialogue avec l’unité de production de Shuwaikh.
La télémétrie est assurée par un système TM16000 Flutec qui réalise la transmission par radio VHF doublée de lignes téléphoniques automatiquement commutées en cas de panne.
— Remote Supervisory Control Unit (RSCU) (unité de contrôle à distance).
L’unité de contrôle à distance située à Shuwaikh est constituée d’un ordinateur qui pilote l’ensemble de l’installation. Il recueille, échange, analyse et traite l’ensemble des informations provenant du Data Logging System de New Abrak Khitan.
Systèmes de sécurité et sauvegarde des opérations
En dérivation de l’ensemble du système de télégestion, la station est équipée d’une unité d’alarme qui relie le ou les opérateurs aux jauges, capteurs de température et autres appareils détecteurs de défaut de marche des groupes de pompage. Toutes les informations, transmises par radio directement par le TM16000, peuvent également être transmises par une liaison téléphonique au moyen de signaux analogiques synchrones.
En cas de pannes ou d’incidents affectant un ou plusieurs des composants de la chaîne de télétransmission, des modes opératoires de substitution sont manuellement ou automatiquement mis en marche :
- Mode 1 : liaison interrompue entre l’usine de Shuwaikh et la station de pompage : DSCS et PGCS continuent d’assurer leurs fonctions au niveau de la station de pompage ;
- Mode 2 : panne sur l’ordinateur DSCS : le système de transmission TM16000 assure la liaison entre les différents châteaux d’eau et l’ordinateur PGCS qui maintient les quatre groupes en phase opératoire ;
- Mode 3 : panne sur l’unité de transmission TM16000 : toutes les informations sont retransmises par fil ; tous les sites continuent à fonctionner ;
- Mode 4 : transmission radio rendue impossible : les opérateurs de New Abrak Khitan commutent par fil l’ensemble des transmissions sur le réseau.