L’évolution des systèmes de télétransmission nous a permis de faire un essai de télérelevé des compteurs d’eau par radio-transmission en coopération avec la société Itron, spécialiste mondial du relevé des compteurs dans les industries de l’eau, du gaz et de l’électricité.
Le but de l’opération était de tester sur site un système à base de terminaux portables, afin de mesurer sa fiabilité et d’en étudier les conséquences.
Schématiquement, le principe de fonctionnement est le suivant :
- – chaque compteur muni d’une tête émettrice envoie des impulsions vers un module électronique (en anglais Meter Interface Unit, ou MIU) installé dans le regard du compteur ;
- – un terminal portable radio permet de lire à distance les informations du MIU selon l’ordre de la tournée ;
- – à la fin de l’opération, les données du terminal sont déchargées sur un micro-ordinateur qui assure le traitement des fichiers et l’exploitation du système, notamment le chargement de la tournée suivante.
Il est intéressant d’observer que le MIU ne réalise que le stockage et la transmission de données brutes et que toutes les fonctions liées à l’initialisation et au calcul du volume compté s’effectuent par le micro-ordinateur.
Architecture du système
L’installation comprend :
- Des compteurs d’eau équipés d’une tête émettrice à contact sec ; la fréquence d’acquisition du module est en fait limitée à environ 22 Hz, ce qui interdit l’utilisation des émetteurs optoélectroniques. Le sens des impulsions n’étant pas codé, il est nécessaire de protéger les compteurs contre les écoulements inverses (clapets, disconnecteurs). La tête émettrice est connectée au module radio par un câble blindé dont le raccordement a été effectué en atelier.
- Des modules radio (MIU). Un MIU est constitué de cinq composants de base :
- – le microprocesseur, qui sert au traitement des données du compteur et des commandes reçues et émises par l’interface radio. Les impulsions reçues
- ● incrémentent un index MIU indépendant de l’index compteur ;
- ● l’unité « mémoire », qui conserve les données, et notamment la date et l’index MIU du dernier relevé ;
- ● l’horloge, mise en phase par le terminal portable et qui date les opérations de relevé ;
- ● un émetteur-récepteur de faible puissance émettant sur la bande de fréquence de 433 MHz et qui reste en veille tant qu’il n’est pas sollicité par un message d’éveil. Si le message existe, le module est activé et se met à l’écoute de toutes les adresses reçues. S’il reconnaît sa propre adresse, à la fin du cycle, il transmet ses données au terminal portable. Cette opération terminée, le module se remet en veille ;
- ● une pile au lithium, qui fournit l’énergie à l’ensemble des composants. Elle est dimensionnée, selon le fournisseur, pour une durée de douze ans de service normal.
Un terminal portable T 3500. Le terminal portable est constitué d’un ordinateur de poche étanche avec écran et clavier intégrés alimenté par batterie.
Il est équipé d’un module radio de faible puissance fonctionnant sur la même bande de fréquence que le MIU.
Un berceau de communication CMS III permet de connecter le terminal portable à un micro-ordinateur et de recharger sa batterie.
Un micro-ordinateur de type PC 486. L’ordinateur est spécialement dédié à ce pilote. Il est en relation avec le portable pour stocker les tournées, manipuler des données et contrôler la communication vers l’interface CMS III.
Il effectue les tâches de gestion des fichiers abonnés et compteurs. Il gère les chargements et déchargements des tournées sur le terminal portable. Il effectue les calculs d’index compteurs et de volumes comptés à fin de facturation.
Description du site
Le test a été effectué en Seine-et-Marne sur le site du Syndicat d’Agglomération Nouvelle des Portes-de-la-Brie, couvrant les communes de Bailly-Romainvilliers, Chessy, Coupvray, Magny-Le-Hongre, Serris et le fameux parc Eurodisney.
[Photo : Exemple de conditions d’accès à un compteur (photo SAUR)]
[Photo : Lecture traditionnelle d’un compteur en regard enterré (photo SAUR)]
[Photo : Télérelevé d’un compteur par radio transmission (photo ITRON)]
[Photo : Terminal portable sur son berceau de communication (photo ITRON)]
Dans ce secteur, SAUR assure la gestion du service d’eau et d’assainissement comprenant notamment le traitement, la mise en pression et la distribution d’eau potable.
Le réseau comporte 64 points de livraison équipés de compteurs de tous diamètres installés en regards enterrés. Le parcours entre les différents points atteignant 60 km, la tournée des compteurs mobilisait l’agent technique pendant 6 h 50.
Le contrat prévoyant une facturation mensuelle à l’établissement Eurodisney, la fréquence des relevés est donc mensuelle. Cependant, compte tenu des consommations importantes de certains points de livraison, 40 compteurs sont relevés suivant une fréquence hebdomadaire.
Installation de l’équipement
Quelques installations de comptage ont reçu des modifications préalables. Afin de disposer partout d’émetteurs d’impulsions, il a été nécessaire de remplacer 20 compteurs par des appareils de fabrication plus récente prévus pour recevoir une tête émettrice. Certains regards étant équipés de coffrets de télétransmission ou de pompes de chloration utilisant déjà les impulsions fournies par la tête émettrice, il a été nécessaire d’installer un relayage de la tête émettrice, secouru par batteries.
Le site a fait l’objet d’une étude radio et d’un test d’encombrement afin d’optimiser la portée et la fiabilité de la transmission pour la puissance et la fréquence utilisées.
L’installation des modules et leur branchement s’est déroulée sans difficulté particulière. Dans chaque regard, il a suffi de trouver la position du MIU donnant l’affaiblissement minimal entre lui et le point de scrutation désiré. Nous avons pu comparer leur facilité de mise en œuvre et leur faible coût d’installation au regard des systèmes de télérelevé par fil.
Nous avons ainsi obtenu des distances de scrutation variant de 50 à 300 m, permettant quelquefois de relever plusieurs compteurs à partir d’un même point.
Le micro-ordinateur, spécialement dédié à cette application, a été mis en observation à distance par la société Itron pour suivre au jour le jour le déroulement du test.
Déroulement du test
Pendant trois mois, l’agent technique a effectué une tournée journalière de relevé radio. Afin de vérifier la concordance entre les index compteurs et les indications fournies par les MIU, un double relevé (visuel et radio) a été effectué une fois par semaine.
Au départ, l’ordre dans la tournée a été chargé dans le portable d’une façon arbitraire, suivant le fichier des compteurs fourni.
Par la suite, le logiciel a permis de choisir l’ordre de la tournée idéale. Lorsque les MIU sont toujours lus dans le même ordre, l’utilisation du portable se réduit à la seule touche « lecture » au voisinage de chaque regard et à l’obtention d’un acquit sonore.
Les compteurs non lus peuvent être sélectionnés automatiquement.
Résultats
Le premier résultat est le constat d’une très grande fiabilité du système : durant les trois mois d’expérimentation, nous avons constaté un taux d’échec de relevés radio quasi nul. Le releveur n’a jamais eu à abandonner les points de scrutation qu’il s’était fixés.
Lorsque l’on écarte les erreurs inhérentes au système ou qui lui sont extérieures, le taux de concordance entre le relevé visuel et le relevé radio apparaît très satisfaisant.
Erreurs inhérentes au système
Pour des têtes émettrices donnant une impulsion par m³, le contact se ferme lorsque le rouleau des centaines de litres affiche 6 et s’ouvre lorsqu’il affiche 1 : il peut en résulter une discordance de 1 m³ avec la lecture de l’agent, mais cette erreur d’appréciation n’est pas cumulable.
Erreurs extérieures au système
Le système de relayage du contact de la tête émettrice s’avère être une source d’erreurs lorsque la batterie de secours est mal dimensionnée ou déchargée. Il est préférable de réaliser des connexions directes entre MIU et tête émettrice.
Le taux de concordance chiffré par le rapport entre le nombre de relevés visuels concordants et le nombre total de relevés visuels s’est avéré égal à 99,3 % pour un nombre de 414 relevés en trois mois. La discordance représente des surcomptages de quelques impulsions par semaine apparaissant sur des compteurs non équipés de clapet ou de disconnecteur, sans que l’on puisse établir une relation de cause à effet.
Le second résultat remarquable est un gain de temps considérable obtenu au cours des opérations de relevés. Sur le site expérimental, nous l’avons estimé à cinq minutes par compteur, ramenant la durée de la tournée de 6 h 50 à 1 h 30. Ce gain de temps, donc de productivité, n’est pas lié à la dispersion des compteurs, le parcours initial de 60 km n’ayant été réduit que de 5 km. Le gain résulte plutôt de la suppression des manœuvres d’approche, des opérations d’accès, de la lecture et de la saisie de l’index. En fait, le releveur n’arrête plus son véhicule, car la réception du signal est annoncée par un bip sonore qui n’accapare pas la vision du chauffeur.
Selon nos propres données économiques, nous avons pu constater que, sur ce site, le système était rentable avec une fréquence de relevés mensuelle.
À ces résultats tangibles et pondérables, il faut ajouter enfin les avantages induits, difficilement mesurables :
- • la sécurité du travail du releveur est considérablement améliorée par la suppression des risques liés à la manipulation des tampons, l’utilisation des échelles, le stationnement sur le domaine public... ;
- • la fiabilité du relevé est considérablement accrue par la suppression de la lecture de l’index, la saisie manuelle, la saisie dans le fichier des abonnés. La fraude est par ailleurs impossible puisque la saisie manuelle est automatiquement consignée par le terminal portable ;
- • le releveur assimile rapidement la manipulation de son outil et développe ensuite une sensibilité à en tirer le maximum : il a le sentiment de devenir un technicien de relevés ;
- • enfin, le client bénéficie d’un meilleur service puisqu’il n’est plus dérangé par l’intrusion du releveur dans sa propriété, hormis à l’occasion du relevé visuel de contrôle et de l’entretien du compteur, à effectuer au moins une fois par an.
Conclusion
Le test mené sur le site du SAN des Portes-de-la-Brie nous a permis de vérifier la fiabilité de cette technique de relevé de compteurs par radio et d’en apprécier les avantages.
Le rapprochement de l’investissement engagé et des gains de productivité obtenus permet de déterminer une fréquence de relevés critique, au-delà de laquelle la technique est rentable. Chaque site nécessite une étude économique, qui peut aboutir par ailleurs à des équipements de relevé plus sophistiqués que le terminal portable.
Enfin, au-delà des avantages économiques, au-delà des améliorations évoquées, ces techniques utilisant de l’électronique déportée ouvrent la porte à des possibilités de mesure plus performantes et approchant le temps réel.
Le gestionnaire entrevoit la possibilité de mesurer ainsi la demande instantanée du réseau et de chaque consommateur, si importante pour le dimensionnement des équipements.
Par ailleurs, pouvoir comparer la production et la consommation sur une période beaucoup plus courte améliorera considérablement le diagnostic du rendement des réseaux.
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