La flexibilité et la sécurité des réseaux de distribution d'électricité, jointe à une nécessaire rentabilité de gestion conduisent les grands services distributeurs à une automatisation de plus en plus étendue des organes de coupure, et à une téléconduite très exhaustive des réseaux de distribution à partir de centres de télégestion qui se situent au niveau d'un district ou d'une région.
On pourrait établir des similitudes entre la téléconduite d’un réseau de distribution d’eau et celle d’un réseau de distribution d’électricité jusqu’à un certain point, mais on doit reconnaître que le domaine de l’électricité est spécifique et comporte bien des particularités.
ORGANISATION GÉNÉRALE
Nous partirons donc de ce que, dans le jargon du métier, on appelle un poste source : c’est un poste de transformation qui permet, à partir des lignes haute tension (100 000 V), au moyen de transformateurs abaisseurs (100 000 V / 20 000 V), d’alimenter un nombre plus ou moins grand de lignes à moyenne tension (20 000 V).
Un disjoncteur commande le départ de chaque ligne à moyenne tension. On mesure et on peut surveiller pour chaque transformateur la puissance active, la puissance réactive, la tension primaire, la tension secondaire ainsi que les intensités correspondantes.
Tous les postes sources modernes sont télésurveillés et télécommandés, mais un pupitre et un synoptique affectés à un transformateur ou à un groupe de transformateurs permettent d’inhiber la télécommande et d’assurer un pilotage local.
En mode « télégestion », toutes les informations relatives aux mesures de tension, de débit et de puissance sont rapatriées et traitées au centre de gestion, qui peut ainsi télécommander en toute connaissance de cause les organes de coupure ainsi que les dispositifs permettant de réguler les moyennes tensions délivrées en fonction de la charge des lignes alimentées.
Les postes sources distribuent donc de la moyenne tension pour desservir aussi bien les campagnes que les agglomérations urbaines. Ces lignes constituent ainsi un réseau maillé plus ou moins dense dans lequel prend place un nombre plus ou moins important d’organes de coupure. Ceux-ci commandent soit des lignes à moyenne tension 20 kV, soit des transformateurs délivrant des tensions comprises entre 7 000 et 24 000 V en fonction des utilisations (alimentation de réseaux d’éclairage public, d’usines, d’agglomérations rurales, etc.). S’il s’agit d’alimenter un réseau d’abonnés privés, les transformateurs commandés délivrent, à partir de la moyenne tension, du 220/380 V en 4 fils (3 phases + neutre) triphasé.
Ces organes de coupure sont soit commandés manuellement, soit commandés à distance à partir d’un centre de téléconduite. Dans ce dernier cas, on adjoint aux organes de coupure un coffret ITI (Interface d’Intensité Motorisé, réseau haute tension 20 kV), qui permet de mettre en service à distance dans la plupart des configurations de 1 à 8 départs triphasés. Dans certains cas, le nombre de départs commandés par le coffret peut aller jusqu’à 20. Les coffrets ITI servent donc à commander les organes de coupure (interrupteurs, disjoncteurs) et à la télésurveillance de la position de ces organes (ouverts ou fermés).
En général, on dispose autour de chaque fil de phase de la moyenne tension un tore orienté qui, avec une électronique associée, sert à la détection de défauts de courant ; en général le défaut est généré par un courant inférieur à un seuil prédéterminé ; la signalisation de défaut est également télétransmise par le coffret ITI vers le centre de téléconduite auquel il est rattaché. Le coffret ITI est équipé d’un modem spécifique du support de transmission utilisé (radio, réseau téléphonique commuté, ligne spécialisée). Ce coffret ITI comporte un atelier d’énergie qui fournit les tensions logiques à l’électronique ainsi qu’une
La tension de 24 V en courant continu, pour alimenter le moteur qui exécute la commande des interrupteurs à l’ouverture ou à la fermeture.
Le protocole de transmission permet au centre de dialoguer avec les coffrets ITI. C’est le protocole dit HNZ, imposé par EDF, qui est utilisé. L’information transmise est elle-même codée et comporte un code d’erreur suffisamment redondant pour qu’il soit impossible de transmettre un faux ordre ou une télésignalisation erronée. Plusieurs milliers de coffrets ITI équipent actuellement le réseau français. Ces équipements sont fournis à EDF et aux Régies municipales essentiellement par trois constructeurs français.
D’autres équipements du même type sont montés sur des poteaux en béton armé pour télécommander un seul départ sur les lignes aériennes ; ce sont des IAT (Interrupteurs Aériens Télécommandés) ; on les trouve essentiellement en rase campagne.
Avec le développement de l’automatisation des réseaux de distribution on assiste à l’arrivée de nouveaux équipements de plus en plus performants tels que le DRR (Disjoncteur, Réenclencheur en Réseau).
Voilà donc très schématiquement décrit comment s’effectue la distribution de l’énergie électrique sur le réseau de distribution à partir de postes sources. Il est maintenant intéressant de décrire les équipements et les fonctionnalités d’un poste central de téléconduite d’un réseau de distribution. Ce réseau représentera la desserte d’une ville ou bien d’un ensemble de quartiers de cette ville ou bien d’une région entière ; l’équipement de téléconduite se situe au niveau d’un centre d’exploitation.
Pour mémoire, il y a actuellement en France une centaine de centres. Nous décrivons dans les lignes qui suivent de façon très schématique le Poste Central type UNI 1000, développé par Sevme Informatique pour la téléconduite de réseaux de distribution d’électricité.
Cet ensemble dans ce cas précis gère les télécommandes et les télésignalisations, mais est en mesure dans un système plus étendu (cas de télégestion de Postes Sources) de faire l’acquisition et le traitement de mesures, de comptages, et d’effectuer des téléréglages d’organes.
LE POSTE CENTRAL
Le Poste Central UNI 1000 est destiné à assurer la téléconduite d’un réseau constitué de stations d’acquisition d’informations en utilisant divers supports de transmission tels que le réseau téléphonique commuté (RTC), les lignes spécialisées (LS), la voie radio ou les fibres optiques. La caractéristique principale de ce centre est l’utilisation du système d’exploitation UNIX qui permet l’exécution simultanée de plusieurs tâches, et le travail de plusieurs utilisateurs. De plus, ces centres sont prévus pour recevoir dès l’origine, des terminaux graphiques couleur (Terminaux X-Window) qui viennent s’ajouter à une console de service.
Nous avons mis au point un logiciel Univision qui fonctionne sous UNIX (système multitâche, multipostes). Ce logiciel est écrit en langage C.
Le système UNI 1000 est pour l’essentiel constitué d’un micro-ordinateur, associé à un frontal de communication (liaison spécialisée) dont la complexité dépend de celle du réseau et/ou d’un serveur permettant l’interrogation des stations sur réseau commuté ou par voie radio.
L’option graphique du logiciel Univision a été conçue pour exploiter au mieux les possibilités d’un Terminal X : l’utilisateur dispose ainsi d’une interface (X-Window) qui permet de dessiner aisément des organes, des secteurs d’un réseau (plusieurs vues peuvent être représentées sur l’écran). Le Poste Central est organisé suivant le schéma porté sur la figure 1.
Le système de base comprend :
- - un micro-ordinateur : processeur 32 bits 80486 à 66 MHz, 8 méga-octets de mémoire centrale, disque dur interne de 270 méga-octets, disquette 3,5 pouces – 1,2 méga-octets, un moniteur
VGA couleur 14”, un clavier 102 touches, un streamer 250 méga-octets, une carte 4 ports RS 232C, une imprimante monochrome à 80 colonnes de type LX 300 de marque Epson, ou modèle équivalent.
- – au moins deux modems pour réseau téléphonique commuté du type Hayes (V21-V22-V23) ;
- – suivant les options retenues, le système peut être complété : par 1 à 5 modems RTC ou radio supplémentaires, par un frontal de communication dont l’architecture est très variable selon la nature du réseau exploité (utilisation de lignes spécialisées) ;
- – le moniteur de base peut être remplacé par un moniteur XVGA 17” ou 19” (nécessaire pour les applications graphiques).
Le système étant conçu pour être multipostes, il est possible d’ajouter 1 à 3 terminaux (alphanumériques du type Wyse 60 ou graphiques couleur : terminaux X-Window de dimensions 17”, 19”, 20”).
Un diffuseur de messages vocaux (appel du personnel d’astreinte) peut être adjoint ainsi qu’une imprimante couleur destinée à la recopie des écrans ; diverses imprimantes peuvent être proposées, selon le format des pages et les vitesses d’impression souhaitées.
Le protocole de transmission est multi-protocole ; cependant, le protocole adopté est le HNZ (maître-maître ou maître-esclave, défini par Électricité de France).
LES SPÉCIFICATIONS FONCTIONNELLES
Les spécifications fonctionnelles sont les suivantes : les fonctions de configuration, les fonctions d’exploitation, les fonctions d’archivage et d’exploitation des données en temps différé et les fonctions d’automatisme. L’accès à ces fonctions dépend du niveau d’habilitation affecté à un exploitant.
Les fonctions de configuration (habilitation : gestion)
Ces fonctions permettent de paramétrer le système en fonction du type de Poste Asservi (PA) à prendre en compte et des informations qu’il transmet (télésignalisations – téléalarmes – télécommandes).
On définit pour chaque PA : son numéro d’ordre et son adresse de transmission, son nom, son numéro de téléphone (si celui-ci est relié au RTC), son groupe, le protocole de communication utilisé, le nombre d’entrées TOR et le nombre de télécommandes.
On définit ensuite par entrée TOR ou variable digitale issue d’un traitement : son nom et son libellé, TS simple ou double, le niveau d’alarme à l’apparition et à la disparition. On distinguera quatre niveaux, dont le 4ᵉ provoquera le renvoi vers du personnel d’astreinte, le secteur d’astreinte ; une alarme est affectée à un secteur géographique (un parmi 10).
Le renvoi en astreinte s’effectuera en priorité vers le ou les agents d’astreinte du secteur concerné ; l’archivage donne la possibilité à l’exploitant d’archiver ou non le changement d’état.
On définit pour les télécommandes (TC) : leur nom et leur libellé, les TS associées et la mise en ou hors service.
On définit un calendrier d’astreinte, lequel permet de définir sur une semaine reconductible la séquence « agents en astreinte » dans un secteur donné, avec des plages horaires dans une journée.
Les fonctions d’exploitation en temps réel
On distingue les fonctions d’exploitation à partir de terminaux alphanumériques (écran VGA – très haute définition) et l’exploitation à partir de terminaux graphiques : un chapitre spécial leur est consacré.
Un terminal graphique peut à tout moment être configuré en terminal alphanumérique. Le minitel est considéré comme un terminal alphanumérique déporté. Le système est capable de dialoguer simultanément sur tous les supports.
Les interrogations particulières, les télécommandes (en l’absence du module automatisme), sont des opérations « manuelles » demandées par un opérateur. L’interrogation cyclique consiste à interroger tous les PA en service.
Le cycle peut débuter soit par une action au clavier d’un opérateur, soit automatiquement, à partir d’une heure donnée ou selon une récurrence programmable. L’opération utilise le maximum de modems disponibles.
La surveillance accrue consiste à sélectionner 20 PA que l’on interroge automatiquement à une fréquence maximale de cinq minutes.
Le système est en mesure de recevoir des alarmes. Un bandeau signalant la nature de l’alarme apparaît en bas de l’écran. Les alarmes sont stockées dans un fichier chronologique faisant apparaître les états « alarmes acquittées » et « non acquittées ».
Exploitation à partir d’un terminal graphique
L’option graphique nécessite d’augmenter la mémoire disponible (16 Mo + disque dur de 500 Mo). L’exploitant dispose alors d’un éditeur D.A.O. (Dessin Assisté par Ordinateur) permettant de créer des schémas (loups) sur lesquels seront symbolisés les différents organes surveillés ou télécommandés. Ces schémas sont interactifs ; ils évoluent en fonction des informations reçues et présentes dans la base de données, ainsi qu’en fonction des actions des opérateurs. Un synoptique est entièrement représenté à l’écran, il est repéré par un nom. Il n’y a pas de limite théorique au nombre de synoptiques (limitation par la taille de la mémoire).
On pourra aussi définir pour un même synoptique cinq plans, le plan numéro 1 faisant apparaître la totalité des informations, les autres une partie seulement de celles-ci, le passage d’un plan à l’autre se faisant par touches de fonction.
Autres possibilités du système :
- – pour certaines applications, un synoptique représente souvent un réseau maillé constitué de tronçons séparés par des sectionneurs alimentés par des « sources ». En définissant un tronçon, non pas comme un fond de plan, mais comme un symbole actif auquel est affectée une équation définissant la couleur, il est possible de donner à la maille la couleur de la source qui l’alimente en fonction de la position des différents sectionneurs ;
- – les informations visualisées sont les dernières enregistrées dans la base de données, un synoptique n’étant pas attaché à une station en particulier.
Les fonctions d’archivage et d’exploitation en temps différé
Les télésignalisations sont archivées dans un fichier journalier dès réception. Périodiquement, un contrôle général est lancé et toutes les informations des stations sont rapatriées.
En fin de journée, à une heure programmable, le fichier journalier des TS est traité par un programme qui
crée alors un enregistrement journalier pour chaque TS dans un fichier de longue durée des TS ; chaque enregistrement de longue durée contient une journée d’information d'une TS.
Recherche d’informations
Fichier chronologique des alarmes
Les alarmes sont stockées dans un fichier dans l’ordre chronologique avec leur état « acquittée » ou « non acquittée ». Les alarmes non acquittées sont visualisées en inverse vidéo et les alarmes acquittées en vidéo normale. Les touches de direction et de pagination permettent de visualiser les pages successives.
L'acquit d’une alarme s’effectue en pointant le curseur sur l’alarme puis en tapant sur la touche F3.
À leur disparition, les alarmes acquittées sont supprimées du fichier. L’acquit général permet l’acquit de toutes les alarmes.
Fichier chronologique des événements
Cette fonction permet de visualiser tous les changements d’états des télésignalisations (événements du réseau sur une période donnée).
La fonction « historique »
Elle permet la consultation des états d’un organe entre deux dates. Cette fonction s’applique pour une TS ou TA. Les données sont sorties : soit sous forme de tableaux, soit sous forme de courbes ou de chronogrammes ; dans ce cas, il est possible de superposer sur un même écran cinq courbes et cinq chronogrammes.
Les bilans
En fin de journée, il est possible de faire activer un programme de conversion de fichiers qui transforme les fichiers du jour écoulé (fichiers séquentiels indexés format « Telsin » en fichiers « TXT »).
Le superviseur UNI 1000 peut être utilisé en partitionnant le disque UNIX /DOS. Il est alors possible en ouvrant une fenêtre « DOS » (Device Operating System), tout en conservant actives les tâches UNIX, d’utiliser des tableurs du type Excel sous Windows, qui utiliseront les données des fichiers TXT. Toutes sortes d’applications pourront être développées selon les besoins des utilisateurs en se servant des fonctionnalités du tableur.
PARTIE GRAPHIQUE
L’exploitant dispose d’un éditeur (DAO) permettant de créer des schémas sur lesquels seront symbolisés les différents organes surveillés ou télécommandés. Ces schémas sont interactifs. Ils évolueront en fonction des informations reçues et présentes dans la base de données, ainsi qu’en fonction des actions de l’opérateur. Un synoptique est entièrement représenté à l’écran : possibilité de faire défiler sur l’écran le schéma du réseau de distribution électrique de toute une région (scrolling).
Il n’y a pas de limite théorique au nombre de synoptiques (limite du support).
Analyse fonctionnelle
Éditeur de synoptique
Bibliothèque
L’ensemble est assorti le cas échéant d’une bibliothèque de symboles dont la liste n’est pas exhaustive ; l’utilisateur pouvant, à tout moment, modifier ou ajouter des symboles.
Éléments constitutifs de l’éditeur
Les fonctionnalités du produit sont celles d’un éditeur de DAO. Toutes les formes géométriques peuvent être représentées.
Impression
Possibilité de sortir des plans sur traceur couleur de type « HPGL » (Hewlett Packard Grand Format) et sur imprimante en couleurs supportant le format standard « Postscript ». L’éditeur permet l’impression dans les formats cités ci-dessus d’une zone sélectionnée de type rectangulaire. L’échelle d’impression est paramétrable.
Gestionnaire dynamique de synoptiques
Ce gestionnaire réagit en temps réel aux différentes variations du réseau ; il dispose des fonctions de base permettant la visualisation du réseau, et l’aide à la conduite de réseau.
Affichage du réseau
La visualisation de certaines parties du réseau peut s’effectuer avec des actions de « Zoom » ou « Scrolling ». Plusieurs vues peuvent être présentées à l’écran. Le synoptique dispose de plusieurs couches de détails facilement sélectionnables. Les symboles peuvent changer de forme et de couleur.
Action de l’opérateur
L’opérateur peut exécuter des actions vers l’extérieur, du type Télécommande. Des actions de type interne sont possibles : changement manuel de l’état d’un symbole, affichage d’informations diverses sur un symbole sélectionné ou modification de couleurs.
L’opérateur peut acquitter les alarmes en sélectionnant le symbole concerné.
LA DIFFUSION DE MESSAGES VOCAUX
Deux solutions sont possibles :
Solution n° 1
L’adjonction d’une carte contenant un vocabulaire d’environ 500 mots et du logiciel associé permet de diffuser vers des agents des phrases constituées à partir de ce vocabulaire. Ce dernier contient les mots les plus couramment employés dans un secteur d’activité donné ; il ne contient, par contre, aucun nom de lieu.
Solution n° 2
On pratique l’adjonction d’une carte incorporée au micro-ordinateur qui utilise le disque dur pour mémoriser des messages que l’exploitant aura lui-même la possibilité d’enregistrer. Compte tenu de la taille du disque, le nombre de messages ou de mots pouvant être enregistrés est très élevé.
Conclusion
Comme on vient de le voir, les techniques nouvelles relevant de l’électronique et de l’informatique permettent au gestionnaire d’un réseau de distribution d’électricité d’être mieux informé de tous les événements intéressant le réseau et ainsi de pouvoir intervenir immédiatement à distance sur les organes de coupure disposés sur le réseau.
Les consoles graphiques couleur permettent la localisation rapide de l’incident et les tables traçantes d’en garder la mémoire écrite par transfert sur la table de l’image apparue sur l’écran.