Le projet d’automatisation des 19 usines hydrauliques de la Durance et du Verdon a deux objectifs principaux : permettre la modulation de la production d’électricité de ce bassin et assurer un fonctionnement au fil de l’eau, en dehors des périodes de modulation. Ces objectifs seront atteints grâce à un système de contrôle hiérarchisé depuis un poste central : le Poste de Commandes Centralisées de SAINTE-TULLE.
Nous présentons ci-après les études et les résultats de simulation effectués avant la mise en service de cet ensemble informatique comportant 19 calculateurs dans les usines et 2 calculateurs centraux.
AMÉNAGEMENT HYDRO-ÉLECTRIQUE
L’aménagement hydro-électrique de la Durance a commencé très tôt, puisque l’usine de la BRILLANNE a été mise en service en 1908.
À la Nationalisation, en 1946, la puissance installée était de 190 MW produisant 900 GWh. Après la Nationalisation, Électricité de France décida d’unifier la fréquence à 50 Hz sur tout le territoire. Ce travail dura cinq années et entraîna la rénovation complète des usines anciennes à 25 Hz : VENTAVON, LE POËT, LA BRILLANNE II, LE LARGUE et SAINTE-TULLE.
Mais ce fut la loi de janvier 1955, déclarant d’utilité publique la construction du barrage de SERRE-PONÇON et des cinq usines de la Basse-Durance : JOUQUES, SAINT-ESTÈVE, MALLEMORT, SALON et SAINT-CHA-
Usines | 1ʳᵉ année de mise en service | Chute équipée m | Débit m³/s | Puissance installée MW | Productibilité GWh |
---|---|---|---|---|---|
HAUTE DURANCE | |||||
Serre-Ponçon ................ | 1960 | 127,5 | 317 | 352 | 700 |
Curbans ........................ | 1966 | 82,7 | 240 | 158 | 445 |
Sisteron ......................... | 1975 | 116,4 | 245 | 228 | 850 |
MOYENNE DURANCE | |||||
Salignac ........................ | 1976 | 29,5 | 345 | 80 | 218 |
Oraison .......................... | 1963 | 25,5 | 275 | 85 | 270 |
La Brillanne II .............. | 1952 | 8,8 | 115 | 34 | 34 |
Manosque ...................... | 1969 | 36,95 | 159 | 49 | 137 |
Le Largue ....................... | 1984 | 10,1 | 49 | 9 | 25 |
Sainte-Tulle 2 ............... | 1969 | 37,5 | 159 | 49 | 315 |
Sainte-Tulle 1 ............... | 1955 | 35,4 | 115 | 34 | 150 |
Beaumont ..................... | 1989 | 16,7 | 303 | 40,8 | 150 |
VERDON | |||||
Sainte-Croix ................. | 1974 | 78 123 + 87 | 86 + 55 | 162 | |
Quinson .......................... | 1974 | 46,5 | 105 | 41 | 100 |
Vinon ............................. | 1967 | 87 | 30 | 130 | 110 |
BASSE DURANCE | |||||
Jouques .......................... | 1959 | 32,9 | 301 | 70 | 400 |
Saint-Estève + G4 ....... | 1963 | 64 + 4 | 258 + 18 | 139 | 645 + 35 |
Mallemort ...................... | 1971 | 43,5 | 270 | 90 | 420 |
Salon .............................. | 1966 | 44,5 | 270 | 90 | 325 |
Saint-Chamas .............. | 1986 | 71,5 | 270 | 153 | 560 |
Total .................................................................................................. | 1 963 MW | 6 368 GWh |
MAS qui fut le véritable point de départ de l’aménagement de la Durance qui comporte maintenant 19 usines possédant en tête deux grandes réserves saisonnières :
— SERRE-PONÇON sur la Durance à la cote 780, dont le volume utile est de 1 000 hm³,
— SAINTE-CROIX sur le Verdon à la cote 477, dont la réserve utile est de 300 hm³,
ainsi que deux réserves hebdomadaires, QUINSON et GRÉOUX, et six réserves journalières : ESPINASSE, LA SAULCE, SAINT-LAZARE, L’ESCALE, CADARACHE et MALLEMORT.
Le tableau ci-dessus et la figure 1 résument les caractéristiques principales de ces dix-neuf aménagements.
OBJECTIFS ET EXPLOITATION FUTURE
La mise en service récente de l’usine de SALIGNAC, en assurant la continuité des ouvrages hydrauliques entre les réservoirs saisonniers de tête de vallées et la mer, a levé une des contraintes qui pesait sur l’exploitation actuelle : le retour en rivière des débits turbinés.
C’est pourquoi, pour permettre l’exploitation en éclusées synchrones et en pointe des aménagements du bassin de la Durance, entre les réservoirs de tête et la mer, un certain nombre d’opérations ont été envisagées telles que :
— la construction du réservoir de CADARACHE,
— l’automatisation complète des usines,
— la création du Poste de Commandes Centralisées de SAINTE-TULLE.
Les performances espérées sont les suivantes :
Exploitation future | Exploitation actuelle | |
---|---|---|
Puissance totale installée ............ | 2 000 MW | 2 000 MW |
Puissance modulable de pointe .... | 2 000 MW | 1 000 MW |
Énergie annuelle productible ....... | 6,4 TWh | 6,4 TWh |
Énergie garantie pendant les | ||
1 600 heures pleines d’hiver ........... | 2,6 TWh | 1,6 TWh |
Puissance garantie pendant les | ||
1 600 heures pleines d’hiver ........... | 1 600 MW | 1 000 MW |
ROLE DU POSTE DE COMMANDES CENTRALISÉES DE SAINTE-TULLE
Ces performances en exploitation diagrammée ne pourront être atteintes que par une maîtrise parfaite des régimes dynamiques de chaque bief et par un synchronisme rigoureux du fonctionnement des usines.
Ceci a conduit à envisager l’automatisation complète et la centralisation de la conduite de toutes les usines en un seul et même poste de commande hydraulique.
Le regroupement à SAINTE-TULLE de la conduite des dix-neuf usines et des dix retenues de la Durance et du Bas-Verdon ainsi que la télécommande des treize postes THT, HT de la région Durance constitue le Poste de Commandes Centralisées de SAINTE-TULLE (P.C.C.) qui jouit d'une situation privilégiée dans le réseau de télécommunications existant par rapport aux postes de distribution ainsi qu'au dispatching de MARSEILLE.
OPTIONS FONDAMENTALES
Au cours de l'étude, un certain nombre de choix ont dû être faits ; c'est ainsi que l'on peut dégager quatre options fondamentales autour desquelles l'ensemble du système a été bâti : choix des techniques numériques programmables, système hiérarchisé, découpage de la Durance et du Bas-Verdon en « files » et notion d'équivolume.
1. – Techniques numériques programmables.
L’exploitation en diagrammé du gisement Durance – Bas-Verdon, avec possibilité de moduler en permanence, depuis 0 jusqu'à 100 % du débit d'équipement, le débit de toutes les usines de la chaîne, impose de coordonner leur conduite. Une centralisation du type des Tableaux Centralisés existants aurait amené à faire assurer au Chef de quart du P.C.C. la conduite et le contrôle groupe par groupe des 46 groupes des 19 usines de la chaîne Durance – Bas-Verdon avec, bien sûr, la surveillance nécessaire des 19 biefs ou réservoirs associés. Cette solution, pour autant qu'elle soit viable, aurait nécessité plusieurs Chefs de quart et aurait conduit de toute façon à un sous-optimum.
Il était donc indispensable de fournir au Chef de quart un certain nombre d'aides à la conduite tant sur le plan matériel (synoptique, organes de commande, restitution des informations) que sur le plan fonctionnel (surveillance des canaux, conduite des usines).
Le choix s'est porté sur les techniques numériques programmables car elles présentent par rapport aux systèmes analogiques les avantages bien connus d'évolutivité, de puissance et de souplesse. Elles sont de plus parfaitement adaptées aux systèmes logiques et rendent possible une auto-surveillance.
2. – Système hiérarchisé.
Une fois fait le choix d'un système informatique, restait à définir son organisation. Deux solutions étaient envisageables. La première consistait à doter le P.C. d'un ensemble informatique très puissant assurant la conduite entière du gisement jusqu'à l'émission vers chacune des usines des ordres de démarrage et d'arrêt, des consignes de puissance de chaque groupe. Cette solution, outre le fait qu'elle nécessitait pour chaque usine un équipement de télécommande indépendant, aurait conduit à un système très lourd, doublé pour une question de sécurité et difficile sans doute à mettre au point.
La solution retenue, qui est celle d'un système hiérarchisé comportant dix-neuf calculateurs (un par usine) reliés au calculateur central, procure une meilleure fiabilité, une bonne distribution des tâches sans compter un échelonnement plus large des investissements.
Chaque calculateur de P.A. (usine) assure, à partir de consignes globales issues du calculateur central (P.C.), la conduite de l'usine (élaboration des ordres Marche-Arrêt et des consignes de puissance pour chaque groupe) et la surveillance du bief amont.
Il permet, de plus, l’introduction locale et la mise en mémoire du diagramme de production des jours J et J + 1.
Le calculateur central, doublé, assure la conduite du gisement et élabore à destination de chaque usine des ordres globaux de débit et de tension.
Il va sans dire que le dialogue entre le P.C. et les P.A. se fait simplement par des liaisons intercalculateurs selon un schéma entièrement étoilé depuis le P.C.
3. – Découpage en files.
Compte tenu de la situation des réserves intermédiaires, il a été procédé à un découpage de la chaîne Durance – Bas-Verdon en une série de « files ».
Chaque file est constituée par une usine dite « tête de file » située à l’aval immédiat d'une réserve, puis d'usines dites « de file » qui sont reliées directement à la précédente, sans capacité intermédiaire normalement utilisable.
Les usines de file peuvent constituer des sous-files parallèles (c'est le cas de la Moyenne Durance avec les usines de l'ancienne chaîne).
Une file peut être composée d'une seule usine si celle-ci est intercalée entre deux réserves susceptibles d'accumulation.
L'aménagement Durance – Bas-Verdon est ainsi composé de huit files :
Rivières | File n° | Usines tête de file | Usines de la file | Usines de la sous-file parallèle |
1 Serre-Ponçon — |
2 Curbans Sisteron |
3 Salignac |
4 Oraison Manosque La Brillanne |
Sainte-Tulle I Le Largue |
Durance Beaumont | Sainte-Tulle I |
5 Jouques Saint-Estève |
Mallemort |
Salon |
Saint-Chamas |
6 Sainte-Croix |
Verdon 7 Quinson |
8 Vinon |
Les réserves des usines tête de file ont la double fonction de capacité de stockage ou de déstockage et de découplage entre les files dans le but d'assurer une meilleure stabilité de la conduite des chaînes Durance et Verdon.
À l'intérieur d'une même file les débits sont rigidement liés puisque les prises de charge sont synchrones et que les usines sont enchaînées par des biefs sans capacité normalement utilisable.
Ainsi donc, l'unité de conduite du gisement Durance Bas-Verdon pour le Chef de quart du P.C.C., devient la file, soit huit unités et non plus les 46 groupes des 19 usines.
4. – Equivolume.
L'exploitation du gisement Durance Bas-Verdon exige de pouvoir faire des prises de charge et des baisses de charge synchrones sur l'ensemble des usines qui le composent. La seule grandeur que l'on puisse alors surveiller au niveau des biefs est leur volume d'eau. (L’exploitation actuelle, en régulant les biefs à la cote du déversoir, entraîne des retards cumulés de trois heures à la prise de charge ou à la baisse de charge sur la file Basse Durance par exemple.) Il s'agit bien d'une surveillance du volume d'eau des biefs car l'asservissement précis de ce volume à une valeur prédéfinie ne constitue pas une fin en soi.
Il faut, en fait, ne pas trop solliciter le débit transité par les usines tout en maintenant le volume d'eau des biefs dans un intervalle compatible avec la sécurité de ceux-ci.
Cette surveillance, ainsi que nous venons de le voir, doit se faire en permanence, et particulièrement pendant les régimes transitoires puisque ceux-ci seront, dans l'exploitation future, d'une durée supérieure à celle des régimes permanents.
En l'absence de perturbations, il suffirait de connaître exactement le débit des deux usines qui encadrent chaque bief pour en déduire le volume d'eau de celui-ci; cependant l'enchaînement de deux usines est soumis à deux types de perturbations :
— les erreurs de débit au niveau de chaque usine (incertitude sur la loi de correspondance ouverture vannage-débit d'un groupe, influence de la variation de hauteur de chute, etc.) ;
— les apports intermédiaires ou les prélèvements agricoles dont les débits instantanés sont mal connus.
Il faut donc mesurer le volume des biefs afin de pouvoir éventuellement le corriger. Les études ont montré qu'une combinaison linéaire des niveaux chambre d'eau, point milieu et amont du bief représentent bien, à un coefficient de proportion près, le volume d'eau dans celui-ci. Ceci reste valable en régime transitoire; en particulier, la constance de cette combinaison linéaire représente la constance du volume d'eau dans le canal.
En exploitation diagrammée, les biefs des usines de file seront donc exploités à « l'équivolume » (Σai Hi = Cte) ce qui correspond d'ailleurs aux hypothèses de calcul qui ont été faites lors de la construction de ceux-ci.
Le fonctionnement équivolume est tel que le volume d'eau contenu dans le canal entre deux usines reste constant quel que soit le débit et égal au volume maximal que peut contenir ce canal en régime statique (débit nul).
La figure 2 illustre ce fonctionnement et indique les points de mesure.
STRUCTURE DU SYSTÈME
La structure du système découle directement des options fondamentales décrites précédemment.
Elle s'organise autour du poste centralisé, par l'intermédiaire des liaisons intercalculateurs avec les Postes Asservis :
— au Poste de Commande de SAINTE-TULLE.
La conduite des usines est centralisée grâce à deux calculateurs assistant le Chef de quart. Les ordres de débit sont donnés de manière globale à chaque usine. L'usine tête de file répercute aux usines de la file, par l'intermédiaire du PC où il est tenu compte des prélèvements et des apports connus dans les biefs, un ordre de débit.
Les usines dont les groupes sont raccordés à deux jeux de barres distincts reçoivent un ordre particulier de débit correspondant à une consigne de puissance sur un des deux jeux de barres.
— dans les usines (PA).
L'ordre global (terme d'anticipation), provenant de SAINTE-TULLE, est corrigé en fonction de l'équivolume. On assure bien ainsi, d'une usine d'une file à la suivante, une régulation équidébit, donc le synchronisme, par le biais d'un asservissement à l'équivolume du bief. Cet ordre est ensuite réparti entre les groupes. Tout ceci est réalisé par le calculateur de chaque PA.
1. - Poste de Commandes Centralisées.
Les différentes tâches du calculateur de SAINTE-TULLE peuvent se résumer ainsi :
1.1 - Centralisation des informations nécessaires à la conduite des usines.
— Contraintes de débit de chaque usine (Q mini, Q maxi),
— cote des réserves,
— changement d'état des installations ayant des conséquences sur la conduite (arrêts, démarrages),
— diagrammes journaliers de production des files et des groupes débitant sur les jeux de barres particuliers,
— débits turbinés par les usines,
— prélèvements, apports.
1.2 - Traitement des informations nécessaires à la conduite des usines.
— Détermination du diagramme de chaque usine à partir du diagramme global, éventuellement remanié pour tenir compte des évolutions des bassins versants intermédiaires et des prélèvements,
— prédétermination des apports des bassins versants intermédiaires,
— détermination de la puissance maximale dont l'ensemble des files est capable pendant une période déterminée,
— détermination du temps maximal pendant lequel l'ensemble des files est capable de fournir une puissance donnée.
1.3 - Élaboration des ordres aux usines.
— Diagrammes journaliers et ordres spécifiques aux groupes raccordés à des jeux de barres particuliers,
— ordres de manœuvre consécutifs à la modification de l'état des installations (autorisation d'arrêt, de démarrage d'usine, autorisation d'ouverture des déchargeurs),
— choix du mode d'exploitation (éclusées, fil de l'eau, éclusées particulières sur certains biefs),
— consignes de tension.
1.4 - Édition de bilans hydrauliques.
— Productions journalières et puissance par groupe,
— débits journaliers des usines, des bassins versants intermédiaires,
— calcul du transfert d’énergie d'heures creuses en heures pleines lors d'éclusées,
— calcul des pertes d’énergie,
— transmission d'informations essentielles aux responsables locaux.
1.5 - Gestion des télétransmissions.
Le calculateur de SAINTE-TULLE gérera les transmissions du PC avec les PA et avec le Dispatching. Il s'agit de liaisons intercalculateurs asynchrones pour les PA, synchrones pour le Dispatching. Toutes les liaisons sont doublées pour augmenter la fiabilité.
1.6 - Gestion des moyens d'exploitation : écrans, imprimante.
En plus des différentes tâches énumérées ci-dessus, le calculateur du PC aura à assurer la gestion des divers périphériques informatiques tels que : écrans, claviers, imprimante, etc.
1.7 - Mise au point et modifications éventuelles des programmes PA et PC.
Le deuxième calculateur du PC servira, en outre, en dehors de sa fonction de secours, à la configu-
ration du système, à la mise au point et aux modifications éventuelles des programmes.
1.8 - Conduite des postes Transport.
Pour mémoire, le PC aura également à assurer la centralisation et la consignation chronologique des événements survenant dans tous les postes de Transport. Il diffusera les commandes et consignes vers les postes concernés.
La figure 3 résume les différentes tâches du PC.
2. - Postes Asservis.
À partir des diagrammes journaliers et des ordres spécifiques aux groupes raccordés à des jeux de barres particuliers, le calculateur de l'usine assure la conduite des groupes et des déchargeurs.
Il assure, bien entendu, la fonction de régulation hydraulique visant à surveiller le volume d'eau contenu dans le bief amont.
Ces différentes tâches peuvent se résumer ainsi :
2.1 - Stockage des diagrammes journaliers de production.
Les diagrammes journaliers transmis par le PC sont stockés au PA et assurent ainsi, grâce à une possibilité de rechargement locale, une autonomie de fonctionnement.
2.2 - Régulation hydraulique du bief.
Sauf pour les usines tête de file, le calculateur de PA assurera la régulation hydraulique du bief amont soit à l'équivolume dans la marche diagrammée, soit à la cote du déversoir dans la marche au fil de l'eau.
2.3 - Conduite de l'ensemble des groupes de l'usine.
La consigne de débit issue de SAINTE-TULLE (terme d'anticipation) corrigée par la régulation hydraulique du bief (équivolume ou cote du déversoir) détermine une consigne de débit global de l'usine. Au vu des groupes disponibles, de leur priorité et de leur état (arrêt, séquence de démarrage ou d'arrêt, couplage) le calculateur du PA élabore des ordres de Marche-Arrêt de la turbine et des consignes d'ouverture du vannage. Il assure également le contrôle des déchargeurs. La consigne de tension par jeu de barres, issue de SAINTE-TULLE, entraîne de la même manière l'élaboration des ordres de Marche-Arrêt en compensateur et des consignes de tension.
2.4 - Gestion des télétransmissions.
La gestion des télétransmissions (erreurs de transmission, files d'attente, priorité d'émission, etc.) est assurée par le calculateur de PA suivant la même procédure qu'au PC.
2.5 - Téléconduite du poste de Transport.
Pour mémoire, signalons également la fonction Terminal Télécommande pour les postes de Transport.
La figure 4 résume la décomposition des tâches du PA.
2.6 - Fonctions de sécurité.
Il convient de noter qu'aucune fonction de sécurité n'est assurée par l'ensemble de Conduite usine (calculateur de PA) ; celle-ci est, en effet, réalisée localement et d'une manière séparée au niveau de chaque matériel (groupe, disjoncteur, etc.) comme au niveau de chaque ouvrage (canal, retenue, etc.).
Signalons également que les ordres et consignes issus du calculateur de l'usine vers chaque groupe sont pris en compte par un ensemble d'automatismes et de protections qui regroupe tous les automatismes de base (séquence de démarrage-arrêt, couplage, régulateur charge-vitesse, etc.) de chaque groupe ainsi que ses protections (hydrauliques et électriques) assurées par des relais électromécaniques classiques et des modules fonctionnels électroniques ou non.
2.7 - Modularité des programmes.
Malgré la diversité des caractéristiques des usines de la Durance et du Bas-Verdon, les différents ensembles de conduite qui leur sont associés seront élaborés à partir de modules standard. Chaque module, constitué d'une ou plusieurs parties, est spécifique d'une caractéristique des usines. L'ensemble de l'analyse fonctionnelle a été faite à partir d'une usine type la plus complète, c'est-à-dire réunissant l'ensemble des différentes caractéristiques que l'on peut rencontrer dans les usines de la Durance et du Bas-Verdon. Cette analyse a permis de construire l'ossature du programme de régulation et de conduite. À partir de celle-ci, l'ensemble de conduite d'une usine donnée s'en déduit en faisant abstraction des éléments de programme constituant un module qui se rapporte à une caractéristique inexistante dans l'usine considérée.
Il est certain que, suivant cette méthode, les programmes de certaines usines faciles à conduire sont plus compliqués que s'ils avaient été élaborés directement et de façon adaptée. Toutefois, le gain ainsi obtenu sur la maintenance, l'exploitation et sur le coût du logiciel justifie pleinement le caractère standard des programmes.
TECHNOLOGIE
Le choix technologique s'est porté, comme il a déjà été signalé précédemment, sur un système utilisant des techniques numériques.
À cette option fondamentale du choix des techniques numériques il faut ajouter deux points importants :
- — les PA seront « dépouillés » au maximum, laissant seulement comme organe de dialogue normal une platine à touches fonctionnelles,
- — le PC, par contre, sera pourvu de plusieurs périphériques ; il comportera deux postes opérateurs ayant chacun deux écrans de visualisation polychromes avec organe de désignation, une platine fonctionnelle et une machine à écrire. En outre, une imprimante et une table à dessiner sont prévues.
1. - Postes Asservis.
1.1 - Calculateur.
Chaque usine sera dotée, suivant son importance, soit d'un calculateur avec 20 Kmots de mémoire, soit d'un calculateur avec 32 Kmots de mémoire.
Les calculateurs de PA seront reliés au calculateur du PC par deux modems (50 ou 200 bauds) attaquant chacun une voie de transmission (faisceau hertzien ou câbles).
1.2 - Organe de dialogue.
L'exploitant aura à sa disposition comme unique moyen de dialogue une platine à touches fonctionnelles avec un bandeau alphanumérique de 16 caractères. Il pourra ainsi maîtriser les aspects locaux de conduite, être renseigné sur les ordres et consignes donnés par le poste de commande et également introduire les diagrammes journaliers de production dans le fonctionnement de l'automatisme en mode local. Pour la maintenance et le dépannage, une machine à écrire avec lecteur de rubans pourra être connectée.
1.3 - Informations échangées avec le processus.
Pour l’ensemble des PA, le nombre des entrées-sorties, tout ou rien, est de 5 300 environ (4 000 entrées, 1 300 sorties) auxquelles il faut ajouter 170 entrées analogiques environ.
2. - Poste de commandes.
2.1 - Calculateurs.
Le poste de commandes sera équipé de deux calculateurs comportant chacun 64 Kmots de mémoire et un disque de deux fois cinq Moctets. Les deux calculateurs se secourant mutuellement géreront, grâce à un système de racks reconfigurables, deux postes opérateurs, une imprimante rapide ainsi qu'une machine à dessiner et un lecteur de cartes.
2.2 - Organes de dialogue.
Chacun des deux postes opérateurs comprend :
- — deux écrans polychromes :
- * l’un est affecté en temps normal à la restitution des alarmes et des changements d'état (mode alphanumérique),
- * l'autre est affecté à la restitution des schémas usine ou poste ainsi qu'à la restitution des courbes de niveau (mode graphique),
- * pour certaines manœuvres le Chef de quart pourra faire fonctionner les deux écrans en mode graphique (schéma d’une usine sur l’un et courbes de niveau du bief correspondant sur l'autre) ;
- — un organe de désignation (boule roulante) utilisé pour passer les ordres ;
- — une platine à touches fonctionnelles qui permet d'exploiter les écrans : choix de l'usine, de l'image appelée (usine, bief, postes) et également entrée des diagrammes journaliers de production,
Deux machines à écrire sont en commun aux deux postes opérateurs : l'une est affectée à la consignation d'état pour les postes de transport, l'autre à l'édition des alarmes hydrauliques et surtout à l'aide à la conduite (rattrapage de cote de retenue, puissance maximale pendant une heure, temps maximal à une puissance donnée, etc.).
En période d'exploitation normale, seul un des postes opérateurs est utilisé, l'autre étant en secours ou servant à des mises au point diverses.
En période fortement perturbée (crues…), les deux postes opérateurs peuvent être utilisés ; le partage des fonctions est alors choisi à la machine à écrire.
L'imprimante rapide sert à consigner les bilans journaliers et la machine à dessiner à l'enregistrement des niveaux.
2.3 - Informations échangées avec les usines et postes.
Le dialogue avec les usines se fera à travers 38 modems (deux par PA) ; pour les postes isolés, les liaisons seront faites par des équipements de téléconduite classiques.
ECHEANCIER
Les études ont débuté en septembre 1975.
Le premier PA a été mis en service en janvier 1979 et a servi de prototype (fonctionnement autonome pendant dix mois). Les mises en service suivantes
s'échelonnent à la cadence de une par mois depuis la fin 1979 jusqu’au second semestre 1981.
La mise en service du P.C.C. a été prévue pour le mois de novembre 1980.
Ce planning a été établi de manière à disposer de l'ensemble Moyenne Durance et Basse Durance pour l'hiver 1980.
ETUDES EN SIMULATION
La détermination des algorithmes de conduite locale et centralisée, réalisée en simulation sur calculateur numérique, comprend les phases suivantes :
- modélisation des aménagements avec calage d'après des essais réels,
- identification des modèles élaborés,
- synthèse de la commande :
- pour chacun des biefs séparément en un premier temps,
- globalement pour le fonctionnement en cascade ensuite (1).
1. Modélisation.
Pour mener à bien les études de régulation d'ouvrages hydrauliques entreprises, divers types de modèles ont été élaborés, utilisant, selon la nature géométrique du bief, soit la méthode des caractéristiques pour les profils simples, soit une méthode implicite de résolution des équations aux différences finies déduites des équations de BARRE DE SAINT-VENANT. De plus, ces modèles, non linéaires, sont valables pour une large gamme de régimes de charge. Le but de ces modèles étant de représenter au mieux les propagations d'ondes et les variations de volume essentielles pour les études de régulation, ils ont été validés et, si besoin est, recalés, chaque fois que cela a été possible, d'après des essais réels effectués sur le site.
Par exemple, pour le bief de MANOSQUE, la figure 5 montre les réponses indicielles observées sur le niveau à la chambre d'eau suite à un échelon sur le débit turbiné, à la fois sur le site et sur le modèle. L'accord est satisfaisant.
2. Détermination de la référence équivolume.
Il s'agit de représenter le volume d'eau contenu dans le bief, volume qui doit être maintenu aussi constant que possible, à partir de la mesure de trois niveaux au maximum : le premier situé à la partie supérieure du bief, le second à la partie intermédiaire (si possible au point de basculement de la ligne d'eau du bief) et le troisième dans la chambre d'eau de l'usine.
On adopte une forme linéaire pour la combinaison de ces niveaux, l'équivolume étant représenté par un niveau équivalent :
Ne = (Ki Ni + Ke Ne + Ks Ns) / (Ki + Ke + Ks) = Ki Ni + Ke Ne + Ks Ns
où Ki, Ke et Ks sont déterminés à partir de différentes lignes d'eau statiques et dynamiques à volume constant et de telle manière que la relation ci-dessus demeure aussi constante que possible. Cette phase de calcul nécessite l'emploi de techniques d'optimisation.
Par exemple, pour le bief de MANOSQUE, on a obtenu les coefficients suivants :
Ki = 0,29 Ke = 0,48 Ks = 0,23
3. Identification.
Deux types de fonctionnement sont envisagés :
- régulation équivolume,
- régulation du niveau dans la chambre d'eau.
Pour le fonctionnement en équivolume, quatre types de régulation ont été définis et classés selon la disponibilité des mesures de niveau (décroissante du premier au quatrième) :
- régulation équivolume trois points,
- régulation équivolume deux points (niveaux extrêmes).
— régulation équivolume point « milieu »,
— régulation équivolume chambre d'eau.
Le premier type de fonctionnement correspond au fonctionnement normal, les trois autres étant qualifiés de fonctionnement « dégradé ».
Pour chacun de ceux-ci, il faudra donc procéder à l'identification de la fonction de transfert correspondante.
La plupart des méthodes de synthèse de la commande utilisent un modèle linéarisé de représentation simple autour d'un point de fonctionnement donné, les réponses de niveaux utilisées provenant du modèle ajusté.
La représentation adoptée ici fait appel à deux fonctions de transfert relatives aux débits turbiné et entrant :
\(\frac{\Delta y}{\Delta Q_t}\) et : \(\frac{\Delta y}{\Delta Q_e}\)
Les fonctions \(F_t(p)\) et \(F_e(p)\) ont la même structure : \[F(p)=\frac{1+cp+dp^{2}}{sp+\frac{2}{3}p^{2}}\,e^{-tp},\quad c=-1\ \text{pour}\ F_t(p)\] \[c=+1\ \text{pour}\ F_e(p)\]
qui peut également se mettre sous la forme parallèle suivante : \[F(p)=c\left(\frac{1+\alpha p}{sp+\frac{2}{3}p^{2}}\right)e^{-tp}\]
Les valeurs des coefficients sont déterminées par un programme d'optimisation numérique qui minimise l'intégrale :
\[ CR=\int_{0}^{T} e(t)\,|y_m(t)-y_s(t)|\,dt \]
avec \(T\) : durée de l'enregistrement, \(y_m(t)\) : courbe à identifier, \(y_s(t)\) : sortie de \(F(p)\),
\(e(t)\) : coefficient de pondération \(e(t)=\left(\frac{T-t}{T}\right)^{2}\)
Les divers coefficients de ces transmittances variant avec la charge, une adaptation paramétrique a été effectuée en fonction du débit moyen, les lois de variation adoptées étant généralement de type linéaire ou parabolique.
La figure 6 montre les réponses indicielles du modèle et des fonctions de transfert identifiées pour les trois niveaux du bief de Manosque.
4. - Synthèse de la commande.
À partir des résultats de l'identification, la synthèse de la commande est effectuée en tenant compte des contraintes soit sur le niveau, soit sur le débit turbiné qui est l'action de réglage.
4.1 - Réglage d'un bief.
La structure générale d'une chaîne de réglage est donnée à la figure 7. Le régulateur, qui reçoit l'écart entre la consigne et la mesure de niveau, élabore un signal de débit turbiné envoyé sur le répartiteur de débit de l'usine.
On notera, en outre, la présence d'un filtre sur la mesure de niveau permettant d'éviter les variations intempestives de la commande qu’entraîneraient les oscillations de niveau dans le canal, oscillations dont la période propre est voisine du demi-temps de parcours du bief, ainsi que celle d'une action d'anticipation par le débit entrant qui améliore considérablement la qualité du réglage.
Les différents paramètres de réglage sont déterminés pour les divers types de fonctionnement et pour les trois débits suivants : 240, 160 et 80 m³/s.
— Calcul du régulateur P.I.
La méthode utilisée est une méthode perfectionnée à EDF pour le réglage des asservissements de niveau. Elle consiste à assimiler le processus à un intégrateur (de pente 1/S) et à rechercher un réglage en boucle fermée plus lent que les dynamiques négligées représentées par une constante de temps globale incluant les différentes constantes de temps et retards du processus.
— Calcul de l'action d’anticipation.
L'effet d’anticipation est caractérisé par la valeur du gain Kₐ et celle du décalage Tₐ appliqués à partir de l'information de débit entrant. Les temps de propagation d'une perturbation du débit entrant et d'une action de réglage du débit turbiné vers le point de réglage permettent de déterminer le temps de décalage Tₐ. L'étude du surdébit permet de fixer la valeur du gain d'anticipation.
Dans le cas du fonctionnement équivolume, le signal d’anticipation est appliqué directement, tandis que dans le cas de la régulation du niveau dans la chambre d'eau, un retard correspondant au temps de propagation de l'onde induite par le débit entrant doit être introduit.
— Adaptation des coefficients de réglage.
Par suite de la variation des paramètres des fonctions de transfert avec la charge, une adaptation des coefficients de réglage et de la constante de temps de filtrage du « niveau » a été réalisée.
— Résultats.
Divers essais ont été entrepris pour tester les performances de la régulation ; notamment les échelons de 20 m³/s ont été appliqués sur le débit entrant. La figure 8 montre les résultats obtenus pour le bief de Manosque avec une telle structure de régulation.
4.2 – Fonctionnement des usines en cascade.
— Schéma de simulation en cascade.
Les résultats d’identification, obtenus sous forme de fonctions de transfert à coefficients variables en fonction du débit moyen, sont utilisés pour élaborer le modèle en cascade d'une file d’usines.
L'action d'anticipation peut être introduite soit en mode série (d'une usine vers la suivante), soit en mode parallèle (de la première usine de la file vers les autres usines de cette même file), soit enfin selon un mode mixte.
Les différents essais menés en simulation ont montré que le mode série devait être préféré dans la plupart des cas de fonctionnement.
— Étude du fonctionnement en cascade.
L’étude de chaque bief a permis de déterminer les coefficients de réglage P₁ et de l'action d’anticipation Kₐ et τₐ relative au débit entrant. Pour le fonctionnement en cascade, il est nécessaire de rajuster les coefficients afin d'obtenir des performances globales n’entraînant pas d’amplification de l'action de commande de l’amont vers l'aval de la file.
La figure 9 présente le fonctionnement en cascade des trois usines de MANOSQUE, SAINTE-TULLE et BEAUMONT sur la Moyenne Durance suite à un échelon de 120 m³/s de débit turbiné par l'usine d'ORAISON située à l'amont de la file. On peut remarquer la constance du signal représentant l'équivolume.
Bien entendu, tous les cas de fonctionnement dégradé ont été examinés de même que les incidents typiques tels que des signaux d’anticipation erronés... Des conclusions intéressantes ont pu être ainsi tirées sur la conduite à tenir en pareil cas.
CONCLUSION
Cette étude, qui fait suite à celle entreprise sur les dix usines du Rhin (2 et 3), confirme la validité de la méthode adoptée pour déterminer les algorithmes de conduite locale ou centralisée ; trois étapes sont nécessaires :
- — modélisation des aménagements à partir des équations de l'hydraulique avec calage sur des essais réels,
- — identification du modèle au moyen d’essais indiciels autour d'un point de fonctionnement,
- — synthèse de la commande selon les méthodes classiques de l'automatique.
Comme nous l’avons constaté sur le Rhin, une telle étude fournit une bonne prédétermination, avant l'arrivée sur le site, de tous les coefficients et procédures à retenir pour la conduite automatique du procédé, évitant ainsi à l'exploitant une série de tâtonnements : d'où un gain appréciable de temps. En plus des fonctionnements normaux d’exploitation qui sont testés systématiquement, il est également possible d'examiner, en simulation, des cas exceptionnels (montées de crues à gradient maximum, déclenchements de groupes, conséquences d'une panne de télétransmission) qui sont délicats à essayer sur le site.
Des études semblables sont en cours sur d'autres complexes hydro-électriques tels que le Rhône ou la Basse Isère (12 usines et 5 usines respectivement) avec des problèmes à résoudre identiques à ceux rencontrés par ailleurs.
La création de Postes de Commandes Centralisées permet non seulement de rationaliser et d'optimiser la gestion de l'eau au niveau d'une chaîne d'usines situées sur une même rivière mais également d’alléger, tout en les améliorant, les conditions d'exploitation.
Bibliographie
1. DANG VAN BIEN H. et LECOUTURIER J. Méthodes d’étude et d'optimisation utilisées pour la régulation automatique des aménagements hydro-électriques. 17° Congrès AIRH, août 1977, Baden-Baden.
2. DANG VAN MIEN H. et LECOUTURIER J. Étude des biefs du Rhin sur modèle mathématique. Rapport interne. Direction des Études et Recherches.
3. DANG VAN MIEN H., DAVOUST G., THEMENBERT A. Centralized control and regulation of an hydro-electric power plant series : application to the Rhine river. Actes du 7° Congrès Mondial de l'IFAC, Helsinki, 1978.