Devant l'évolution des contraintes d'environnement et les difficultés de mise en décharge des déchets, les technologies visant à réduire les volumes à éliminer suscitent un intérêt croissant. Cet article présente deux systèmes de séchage indirect : le sécheur rotatif à film mince GeaCanzler et le sécheur Niro en lit fluidisé à vapeur surchauffée. Leur utilisation permet la stérilisation des résidus, rend le stockage aisé, et facilité la valorisation agricole ou l'incinération. En outre, ces systèmes ne génèrent pas d'odeurs.
Le séchage de résidus est un procédé qui se situe généralement après une déshydratation mécanique (presse, centrifugeuse, filtre à bandes ou à plateaux) et dont le coût énergétique est important. La conception des équipements est guidée par le mode d’élimination, qui conditionne le taux de matières sèches souhaité et définit la capacité évaporatoire de l’appareil, et, d’autre part, par les caractéristiques propres du produit à sécher.
Teneur en matières sèches
La valorisation agricole suppose que les boues présentent un certain nombre de caractéristiques : elles doivent posséder une valeur fertilisante, être exemptes de métaux lourds, être stériles et facilement manipulables. Un produit de ce type, sous la forme de granulés solides ayant une teneur en matières sèches d’environ 90 à 95 %, se prête bien à cette utilisation. On notera que dans le cas d’un compostage ultérieur, une boue préséchée à 60 % suffit, si le séchage est suivi d’une granulation.
Dans le cas d’un incinérateur dédié spécifiquement aux résidus (incinérateur en lit fluidisé pour boues de station d’épuration), un présécheur permet d’éviter l’utilisation d’un combustible d’appoint ; la teneur en matières sèches souhaitable est alors comprise entre 35 et 40 %.
Si l’on veut incinérer les boues avec des ordures ménagères dans un four à grilles, la teneur optimale en matières sèches nécessaire pour obtenir une bonne combustion dépend des possibilités d’injection de boues et du rapport ordure/boues qui est généralement de 20 kg d’ordures par kg de boues.
Les conditions requises pour la destruction complète des ordures ménagères ne sont pas identiques à celles nécessaires pour des boues de station d’épuration : les ordures ménagères sont relativement sèches, hétérogènes et de grandes tailles ; les boues sont très humides, à faible pouvoir calorifique, très homogènes et de petite taille. Les incinérateurs de boues présentent des temps de séjour importants (pour un incinérateur en lit fluidisé, les boues sont retenues dans le lit de sable), pour permettre un séchage avant combustion ; les incinérateurs d’ordures ménagères, quant à eux, bénéficient de temps de séjour plus faibles, les ordures étant plus sèches. Pour obtenir une combustion totale des boues, mélangées à des ordures ménagères, il faut parfois réaliser la phase « séchage » hors du four, et ce pour augmenter le temps
de séjour disponible pour mener à bien le séchage et la combustion.
Lorsque les boues sont séchées sous forme de granulés à des valeurs comprises entre 65 et 90 %, elles sont, de préférence, injectées pneumatiquement au sommet ou sur le côté du four ; elles brûlent alors rapidement en suspension au-dessus de la grille. Si les boues sont préséchées à des valeurs comprises entre 30 et 50 %, elles sont introduites par un distributeur rotatif qui les répartit sur la surface du lit de combustion. Elles brûlent partiellement en suspension et continuent à se consumer jusqu’à destruction sur les déchets.
Selon les spécifications de matières sèches et l'utilisation du produit on choisit des technologies différentes. Dans le cas d’une application nécessitant un produit à 90 % de matières sèches, on utilise un lit fluidisé à vapeur surchauffée ou un sécheur à couche mince, le choix pouvant dépendre de la capacité. Pour le préséchage, on opte pour le sécheur à couche mince.
Nature du produit à traiter
Quelle que soit la technologie retenue, le sécheur doit tenir compte des caractéristiques du produit : viscosité, abrasivité, ainsi que des risques d’inflammation et des émissions d'odeurs. Des boues visqueuses ou très abrasives (cas de boues chaulées ou fortement minérales) sont difficilement véhiculables dans le sécheur. Elles entraînent une augmentation de la consommation électrique et une dégradation des pièces mécaniques en mouvement mises à leur contact. Un sécheur en lit fluidisé n'en comporte pas. Il est donc adapté à ce type de boues.
Les boues contenant 90 % de matières sèches sont auto-inflammables, et il est nécessaire de les refroidir à une température inférieure à 45 °C pour éviter toute inflammation spontanée. Les sécheurs de boues sont donc suivis d'un système de refroidissement, soit par lit fluidisé, soit par un système à double enveloppe ou tout autre procédé.
Les boues contiennent des composés volatils : mercaptans, formaldéhyde, hydrogène sulfuré ou autres qui, entraînés dans les buées, créent de mauvaises odeurs. Les buées sortant du sécheur sont alors condensées ou réutilisées comme source de chaleur. Selon le taux d'entraînement, la pollution est transférée dans le liquide, qui doit être épuré. S'il y a entrée d'air, les incondensables sont traités par un laveur de gaz (ce qui obère le coût de l’unité), ou brûlés. On choisit donc un sécheur indirect sans entrée d'air (ou très peu).
C'est le cas des procédés décrits ci-après.
Le sécheur rotatif à couche mince
Le principe du sécheur à couche mince consiste à étaler en film le produit à sécher sur une surface solide et à provoquer son déplacement au moyen d'un rotor en mouvement. La surface supportant le film est chauffée et permet le transfert thermique. Le transfert de matière s'effectue par la surface libre. La faible épaisseur de la couche (inférieure à 10 mm) donne lieu à des coefficients de transfert élevés car elle ne présente pas de résistance thermique. Le volume de la couche est peu important et le temps de séjour du produit de courte durée.
Le séchage en couche est un phénomène de transfert à cinétique lente ; ce type de sécheur est particulièrement adapté au préséchage des boues jusqu'à 50 à 65 % de matières sèches et pour des capacités évaporatoires inférieures à 3,5 t/h.
Si l'on souhaite obtenir des boues à 90 % de matières sèches, il est parfois
Il est nécessaire d’adjoindre une deuxième étape de séchage à des temps de séjour plus importants. Il devient alors possible de moduler simplement la répartition de chacune des deux étapes.
On notera que, grâce au cisaillement induit, l'agitation mécanique peut abaisser la viscosité, ce qui permet de traiter des boues de siccité élevée et d’éviter un recyclage des boues sèches.
Description du procédé
Le procédé de séchage Gea-Canzler comporte deux étapes (figure 1).
La première consiste en un préséchage de la boue jusqu'à 50-55 % de matières sèches dans un évaporateur à couches minces. L’appareil est constitué d’un rotor central tournant de 100 à 150 tr/min, sur lequel sont fixées des pales pendulaires qui raclent la boue et la projettent sur l’enveloppe de séchage, dans laquelle circule un fluide chauffant. Les boues préséchées tombent par gravité dans un deuxième sécheur à disques chauffés, fixés sur un rotor qui tourne lentement (10 tr/min). Le produit sec, qui comporte environ 90 % de matières sèches, se présente sous forme de granulés de 5 mm. Les boues sèches sont ensuite refroidies par vis ou lit fluidisé. Les buées sont condensées dans un condenseur à mélange. Les taux d’incondensables mesurés sont inférieurs à 100 kg/h pour un sécheur de 3,5 t/h de capacité évaporatoire. La DCO des condensats est inférieure à 50 ppm, ce qui permet le recyclage en tête d’ouvrage et n’affecte pas le bilan épuratoire.
Dans le premier étage, le taux d'évaporation atteint 40 à 50 kg d'eau par m² de surface de chauffe et par heure ; dans le second étage, il est d'environ 10 à 15 kg par m² de surface de chauffe et par heure.
Les consommations énergétiques correspondent à 800 kcal/kg d'eau évaporée. Les consommations électriques propres au sécheur sont d’environ 30 kWh/t d’eau évaporée. Les surfaces de chauffe atteignent 150 m².
Le sécheur à vapeur surchauffée
Le principe du sécheur Niro consiste à utiliser de la vapeur d’eau surchauffée pour déshydrater un produit humide, dont l'eau est évaporée par un transfert d’énergie provenant de la vapeur surchauffée. La vapeur se sature donc progressivement et perd son pouvoir de séchage. L’eau contenue dans le produit se vaporise et se mélange à la vapeur environnante. La vapeur retrouve son pouvoir de séchage si on la surchauffe de nouveau.
Description du procédé
Les boues issues de la déshydratation sont introduites dans un mélangeur puis reprises par vis et envoyées au sécheur à vapeur (figure 2). Une fraction des boues séchées est remise en circulation, de façon à obtenir à l’entrée une teneur en matières sèches supérieure à 45 %, ce qui rend le produit fluidisable ; cette opération est réalisée dans un mélangeur à couteaux.
La figure 3 représente une vue en coupe du sécheur montrant ses éléments internes. Toutes les parties constitutives sont fixes, à la seule exception de la turbine (8) qui souffle la vapeur surchauffée vers le haut au travers des cellules placées autour du surchauffeur central (7). Les particules à sécher sont introduites dans la première des 16 cellules par un convoyeur à vis (1). Les particules passent ensuite d'une cellule à la suivante jusqu'à la sortie. La figure 3 représente l’une des cellules. Un corps triangulaire, situé au-dessus de la plaque de fluidisation, réduit la section horizontale et imprime à la vapeur une vitesse élevée qui permet de maintenir en mouvement les grosses particules. Ce corps crée également un mouvement rotatif des particules (comme indiqué par des flèches). Les particules les plus grosses restent dans la partie inférieure des cellules et passent à la cellule suivante par l’ouverture (a). Les particules plus petites sont soufflées vers la partie conique de l’appareil qui est située au sommet des cellules. La vapeur passe entre les plaques inclinées (b), qui la répartissent dans la section transversale. La vitesse de la vapeur est réduite, les particules tombent sur les plaques et glissent vers le bas ; elles sont guidées par les rails (c) vers l’ouverture (d) jusqu’à la cellule suivante. La conception des rails (c) et du fond des cellules permet d’obtenir un temps de rétention prolongé pour les particules les plus grosses. La dernière cellule ne comporte pas de plaque perforée. Toute la matière extraite est évacuée par le convoyeur à vis.
La vapeur passe entre les aubes fixes (2) qui créent un effet de cyclone dans le cylindre (3). La poussière entraînée par la vapeur est collectée sur la paroi du cylindre au travers d'une fente vers le cyclone latéral (4). La vapeur ainsi traitée contient en général moins de 5 ppm de poussières.
La vapeur dépoussiérée passe dans
ensemble d’aubes fixes (6) qui forment des canaux dans lesquels son énergie cinétique est convertie en pression qui la véhicule dans les tubes du surchauffeur. La vapeur de nouveau surchauffée est alors soufflée dans les cellules grâce à une turbine. Les buées provenant du séchage sont mélangées au courant de vapeur en circulation et évacuées après dépoussiérage au sommet de sécheur.
Si l'on augmente la pression de la vapeur vive au niveau du surchauffeur (7), la température de la vapeur en circulation augmente, ce qui accroît la capacité de l'installation (figure 4).
Les boues séchées sortant de l'unité se présentent sous la forme de granulés de 2 à 3 mm, ayant une teneur en matières sèches de 90 %. Le temps de séjour de la boue est de l'ordre de 5 minutes, ce qui permet des démarrages et des arrêts rapides. La boue produite est évidemment stérilisée.
Exempte d’air et de poussières, la vapeur extraite est réutilisable pour le réchauffage de digesteurs, dans un évaporateur, etc. (figure 5, cas du lisier de porc). On peut aussi la recomprimer mécaniquement et l'utiliser comme vapeur vive dans le surchauffeur de l'appareil. Le sécheur fonctionne alors en circuit fermé sans appoint de vapeur.
La consommation énergétique est inférieure à 100 kcal/kg en cas de réutilisation de la vapeur sortante, et de 700 à 900 kcal/kg dans le cas contraire.
La consommation électrique spécifique de l’unité est de 50 kWh/t d’eau évaporée dont 35 kWh/t en ventilation.
Si l’on utilise un compresseur, la consommation spécifique, très réduite, est de l'ordre de 130 kWh par tonne d’eau évaporée, ce qui représente 4 à 5 fois moins d’énergie qu’un sécheur traditionnel dont la consommation a atteint 800 à 1200 kWh par tonne d’eau évaporée.
Conclusion
En conclusion, les intérêts respectifs des procédés exposés peuvent se résumer comme suit :
Le sécheur à film mince est bien adapté à des capacités évaporatoires n’excédant pas 3,5 t/h. Sa souplesse d'utilisation permet d’obtenir, suivant le cas, des boues dont le taux de matières sèches est compris entre 65 % à 90 % ; il s’utilise également en phase de préséchage.
Le sécheur à vapeur surchauffée, quant à lui, présente des capacités évaporatoires comprises entre 1 et 30 t/h ; il est sans nuisances pour l’environnement. Les économies d’énergie réalisables sont considérables, et les opérations de séchage peuvent être réalisées sans affecter le bilan énergétique global d’une unité.
BIBLIOGRAPHIE
Techniques de l’ingénieur : « Techniques industrielles de la couche mince ». Robert Leenaerts.
Actes du colloque international : « La technique du film appliquée aux opérations de génie chimique ». Institut français du pétrole. 578 p, avril 1983, Rueil-Malmaison.
« Séchage de produits végétaux à la vapeur surchauffée ». Revue des industries agro-alimentaires. Octobre 1993. Arne Sloth Jensen (Niro-DDS) ; B. Morin (Sucrerie de Nangis).
« Simultaneous sludge drying and pelletizing ». Water. Eng. Manage., 34, 1990. M. J. Girovich.
« Standards for the disposal of sewage sludge, Proposed rules ». Federal register. U.S.A. Feb. 6, 1991.