L?Inde a initié récemment un nouveau programme pour produire du biogaz en zone rurale, via la valorisation d'une biomasse végétale encore mal exploitée, mais abondante car évaluée à 1,2 milliard de tonnes exprimées en matières sèches. Cet article présente certaines des technologies développées pour parvenir à cet objectif.
L'Inde a lancé un programme biogaz largement basé sur les besoins de la famille en milieu rural. Les capacités de production sont de 2 à 6 m³ de biogaz par jour. Ce sont principalement de petits digesteurs alimentés par de la bouse de vache.
Les besoins quotidiens d'une personne sont estimés à 200 à 300 litres de biogaz à 60 % de méthane. Environ 85 % de cette énergie est utilisée pour la cuisson car c'est une alternative aux cuisinières traditionnelles consommatrices de bois, denrée rare dans le sud de l'Inde notamment.
Il y a environ 4 millions de digesteurs avec une croissance annuelle de 500 000 unités par an environ. Ceci ne représente qu’un tiers d’un potentiel estimé à 12 millions avec ce substrat. Ces unités fonctionnent avec 10 % de Matière Sèche (MS) et un rapport C/N entre 20 et 30. Le lisier de bovin utilisé ayant généralement 20 % de MS il est dilué deux fois.
On estime à 100 millions les besoins de digesteurs en zone rurale. Donc, 90 millions de familles ne peuvent espérer avoir du biogaz à partir des bouses de vaches.
De plus, on observe une stagnation, voire une décroissance de la population de bovins, et donc de cette ressource.
En Inde, la quantité annuelle de biomasse végétale non ligneuse disponible est estimée à environ 1,2 milliard de tonnes (en MS). Environ 600 millions sont consommées directement par les herbivores. Il en reste 600 millions pour produire de l’énergie.
L'Inde, c’est plus d'un milliard d'habitants, sur 3,28 millions de km². On estime que 60 % de la terre est cultivée et que 20 % est considérée comme d'un apport marginal ou inexploitable pour l’agriculture. Un peu plus de 30 % des terres sont irriguées, avec souvent une double récolte annuelle. Ceci conduit à une importante production de biomasse végétale encore mal exploitée.
L'Inde a lancé un nouveau programme pour le biogaz en zone rurale, via la valorisation de cette biomasse.
La biomasse végétale a une fermentation complexe et des propriétés physiques qui rendent inappropriées les technologies traditionnelles sur lisiers de bovin.
Nous présentons ici certaines des technologies et des stratégies qui sont développées à ces fins.
Caractéristiques techniques de la méthanisation de la biomasse végétale
La conception de ces unités doit intégrer un certain nombre de facteurs qui sont liés aux caractéristiques spécifiques de ces substrats, mais aussi aux contraintes de construction et d’exploitation en zones rurales.
Les problèmes liés à la nature des substrats sont principalement :
- La flottation de la biomasse à tous les stades de décomposition due à sa faible densité ;
- La grande variabilité dans ses compositions chimiques et physiques ;
- La grande variabilité dans sa disponibilité tant géographique que dans le temps ;
- Les grosses particules qui diminuent les vitesses de fermentation ;
- La biomasse herbeuse qui conduit à une décomposition rapide avec une forte production d’Acides Gras Volatils (AGV).
D'autres problèmes liés à la réalisation des tâches quotidiennes sont présents comme :
- La difficulté de concevoir des alimentations manuelles ;
- Les opérations d’extraction en continu ;
- Les variations des caractéristiques physiques de la biomasse ;
- La nécessité de concevoir à chaque niveau des étapes manuelles.
Ces digesteurs doivent être fonctionnels et viables à faible capacité, c’est-à-dire avec une production de 1,5 à 30 m³ de biogaz par jour.
Ils fonctionnent, bien sûr, à température ambiante.
Le prix est évidemment un facteur important. De nos jours, l'investissement doit être de 200 à 300 € par famille, ce qui représente 10 000 à 15 000 roupies environ.
D'importants efforts de recherche et de développement pour l'application de la méthanisation de la biomasse en Inde ont été réalisés pour concevoir des unités « simples à construire et à faire fonctionner », mais aussi capables de fonctionner en zone rurale sans énergie de broyage, sans contrôle du procédé et pour des exploitants sans hauts degrés d'expérience.
L'Inde, avec la Chine, ont été les pays qui ont le plus travaillé sur ce type de digesteurs. Ici,
aucun doute fort intéressante et mérite d’être notée. Une couverture du haut du digesteur améliorerait certainement ses performances.
Pilote de l’Indian Institut of Science à Bangalore
Le troisième exemple est un réacteur qui réalise un lit de biomasse vertical (figure 4). Ce digesteur est composé d’une entrée (une cloche qui se soulève) et d’un corps cylindrique qui débouche en bas dans un bac où la matière digérée est récupérée. Le niveau de liquide est bas, ce qui implique une recirculation par des entonnoirs assurant une répartition du liquide sur la section (un à deux pour cent de la totalité du liquide sont recirculés quotidiennement). La sortie de biogaz se situe au milieu du digesteur. C’est donc une mise en œuvre dans un milieu principalement gazeux et le biofilm se développe sur le substrat.
Cette configuration de type piston permet une acidogenèse dans la partie haute et la méthanogenèse dans la partie basse et dans le liquide. Les AGV formés sont donc ensuite méthanisés dans la phase liquide. Le substrat est de la matière fraîche ou préalablement séchée issue de déchets municipaux triés et de résidus agricoles.
C’est un pilote composé de six réacteurs d’acidification en discontinu connectés à un UASB de 30 litres (figure 1). Il est alimenté quotidiennement par 12 kg de MF/m³ de dig./j. et sa production en biogaz est de 0,4 à 0,6 m³/m³ de dig./j. L’investissement est de l’ordre de 150 à 200 € pour un digesteur produisant quotidiennement 1 m³ de biogaz. La biomasse digérée peut être transformée en compost ou vermi-compost, mais aussi être utilisée comme substrat de base pour produire des champignons de bouche.
Le pilote de 3,2 m³ de volume de l’I.I.S. à Bangalore est représenté sur la figure 5. La production de biogaz se situe entre 0,05 et 0,1 m³/m³ de réacteur (acidogenèse + méthanogenèse).
Digesteurs à deux étapes
La figure 2 représente une vue du pilote. Ce digesteur est en acier mais sa construction opérationnelle se fera en béton. Cette technologie est prête à être diffusée.
Pilote de Kottayam
Une approche intéressante a été menée par Kottayam dans une ferme du Kerala (figure 3).
Il s’agit de deux cylindres concentriques. Celui qui est placé à l’intérieur est un tamis qui laisse passer les liquides et qui retient les solides qui sont placés sur la colonne externe. Le centre reçoit les lixiviats (qui sont recirculés) et contient une grande partie de l’écosystème méthanigène. Il est surmonté par une cloche qui sert de stockage du biogaz. C’est donc un système qui fonctionnerait en discontinu (voire en « fed batch » si on l’alimente avec le temps).
Peu d’informations existe sur cette technologie. Le fait que ce digesteur ait une partie de l’acidogenèse à l’air empêcherait des performances très élevées. Mais l’idée de base est sans aucun doute fort intéressante et mérite d’être notée.
Cinq digesteurs sont actuellement en fonctionnement.
Digesteur de type piston
Mélange lisier de bovin et biomasse végétale (Himachal Pradesh Agriculture University)
Le mélange des lisiers de bovins avec la biomasse végétale (30 %-70 %) permet d’améliorer le fonctionnement dû aux problèmes de débits, de la stratification des substrats, et de la séparation des phases physico-chimiques et micro-biologiques. Un schéma de l'installation est représenté sur la figure 6.
C’est une conception plus classique mais qui évite les angles en les remplaçant par des arrondis, pour améliorer l’écoulement. (Vue de dessus non représentée ici).
Le principe des opérations est reporté sur la figure 7. Le prétraitement anaérobie permet de limiter l'acidification dans le digesteur en transformant les matières très facilement fermentescibles. Un bassin de séchage naturel permet de déshydrater partiellement le digestat avant compostage. Cette technologie a été appliquée aussi pour traiter un mélange de déchets végétaux et d'effluents.
Elle consiste à introduire des végétaux et faire passer à travers, l'effluent à traiter.
Les végétaux sont partiellement décomposés et servent de supports au biofilm. Ils sont donc apportés souvent et l’effluent l’est, en continu ou en semi-continu.
Elle a été appliquée au stade industriel pour traiter des effluents de production de café notamment. La figure 8 représente le digesteur installé sur la plantation de “Ginimo Estate” dans le Tamil Nadu. En hiver, il y fait 7 °C minimum et 35 °C en été.
Un pilote de 3 m³ a été réalisé. Il est enterré pour diminuer les pertes thermiques.
L’alimentation est de 30 kg de matière fraîche/m³ de dig./j et la production quotidienne en biogaz est de 0,4 - 0,5 m³/m³ de dig. L’investissement est d’environ 100 €/m³ de biogaz et par jour.
Le démarrage de l'installation a été réalisé en 30 jours et le temps de séjour est de 50 jours.
Plug flow de l'I.I.S. à Bangalore
C’est un digesteur qui permet un faible temps de décomposition, une production continue de biogaz et la méthanisation même quand la biomasse flotte.
Les substrats sont un mélange de biomasse fraîche (ou séchée), des déchets municipaux triés avec des déchets agricoles. La technologie est semblable à celle représentée sur la figure 6.
L’alimentation sur ces substrats est de 12 kg de matière fraîche par m³ de digesteur et par jour.
Le temps de rétention est de 35 jours et il produit 0,4 à 0,6 m³ de biogaz/m³ de dig./j.
Le coût de construction a été de 6.000 €.
Conclusion
La dégradation de la matière végétale présente des caractéristiques intéressantes pour une dégradation anaérobie et donc une production de méthane.
Les déchets de cuisine, les déchets ménagers triés, les déchets agricoles et, en général, la matière végétale non exploitée sont une réserve importante pour la production d’énergie par méthanisation.
Les performances obtenues avec ces réacteurs rustiques sont intéressantes. Les temps de solides sont en général de 35 à 50 jours, voire plus si l’on réalise des fermentations discontinues.
Ce sont 4 unités de méthanisation de 58 m³ qui ont été installées. Elles fonctionnent en parallèle. C’est donc un digesteur de 232 m³. À une température moyenne de 14 °C, la charge apportée est de 3 kg de DCO/m³·j.
Ces effluents sont à environ 12 à 20 g/l de DCO à l’entrée et ils sortent entre 0,8 et 1,8 g/l de DCO. Le taux d’épuration est supérieur à 90 %.
Le seul contrôle est le pH. Ils ont en moyenne une production de biogaz de 80 m³ par jour. Le biogaz produit est utilisé pour faire fonctionner le pulpeur.
L’alimentation dure de 4 à 6 heures par jour et cette unité de traitement ne nécessite que 20 minutes par jour pour la maintenance.
Les charges organiques vont de 10 à 20 kg de matières fraîches par m³ de digesteur et par jour, ce qui conduit à des productivités en méthane de l’ordre de 0,2 à 0,6 m³/m³ de digesteur et par jour, avec une composition en méthane de 60 à 70 %.
Le rendement de production de biogaz est d’environ 0,4 à 0,6 m³/kg de solides volatils (SV) introduits, soit 0,6 à 0,9 m³/kg de SV éliminés.
Le taux d’élimination de la matière est de 65 à 80 %, en fonction des substrats utilisés.
Ces types de digesteurs peuvent être adaptés pour répondre à des problématiques d’élimination de résidus végétaux, tout en produisant de l’énergie dans nos pays développés.