Utiliser avec intelligence, mais aussi avec une grande humilité, les ressources naturelles de la planète, et tout particulièrement l'eau. Insérer tous les processus industriels dans les grands équilibres naturels avec toujours une réflexion, sur ce qui pourrait être notre vie dans le futur. Voilà, modestement, l'ambition que nous devrions affirmer dans nos actes industriels et économiques. Aujourd'hui, certainement, la réalité, plus terre à terre, est moins exaltante.
L’industriel coincé entre deux contraintes antagonistes, au premier abord, mais complémentaires au plan global – écologiques, réglementaires, politiques d’une part, techniques et financières d’autre part – se pose deux types de questions simples dans la gestion de ses fluides.
La première est d’ordre quantitatif : comment optimiser et réduire les consommations et les coûts ? La seconde est d’ordre qualitatif : comment diminuer la nature et le niveau de pollution des effluents ?
Sur ces deux questions, génériques de la problématique industrielle, les techniques membranaires, « procédés propres » par excellence, inscrivent aujourd'hui des réponses technico-économiques performantes. Majeures depuis plus de vingt ans dans les procédés de fabrication agro-alimentaires, enrichies au niveau de la gamme de sélectivité, fiabilisées par les performances et les utilisations, orientées dans le sens de la diminution des coûts, les médias filtrants, qu'ils soient de structure céramique, organique ou mixte, tubulaires, plans, en fibres creuses ou spirales, ne suscitent plus les interrogations et les querelles d'école des premières années.
Grâce à cette nouvelle donne, « l’équipementier », partenaire de la réalisation, joue un rôle primordial, d’autant plus professionnel que la culture membranaire, la connaissance des procédés de fabrication, l’expérience acquise au fil des réalisations, la rencontre avec les difficultés et leurs résolutions avant, pendant et après la mise en service, le partenariat avec les clients, font partie intégrante de la prestation apportée.
C’est cette démonstration que nous allons faire en l’illustrant en deux points :
- en terme d’applications et d’exemples intégrant les techniques membranaires, - en terme de démarche industrielle et de méthode de réponse au problème posé.
RAPPEL SUR LES TECHNIQUES MEMBRANAIRES
Définition générale
Les techniques membranaires s’inscrivent dans le cadre des procédés de séparation physique. La membrane constitue une barrière sélective qui, selon sa porosité, permet de séparer les constituants d’un fluide en fonction de leur taille ou de leur poids moléculaire, sous l’effet d'un gradient de pression.
Filtration frontale et filtration tangentielle
La filtration du fluide à travers la membrane fait apparaître deux phases : le perméat ou filtrat (partie du produit qui a traversé les pores du filtre, donc contenant, en principe, des éléments inférieurs au diamètre des pores de la membrane) ; le rétentat ou concentrat (partie contenant les éléments de plus haut poids moléculaire).
Filtration frontale ou circulation perpendiculaire à la membrane
Les inconvénients en sont : - formation d’un gâteau de filtration, - débit de filtration en diminution, - séparation difficile et peu efficace.
Filtration tangentielle ou circulation parallèle à la membrane
Elle est caractérisée par le transfert de matières entre les deux milieux séparés par la membrane induite par une pression et une vitesse de circulation du produit.
Les avantages en sont : - pas d’accumulation de matières, - performance du débit : stable dans le temps.
Ces propriétés induisent : une séparation précise, sélective, une qualité du produit recherchée, de nouveaux procédés...
dés industriels trop onéreux et contraignants avec la filtration classique et un fonctionnement possible en continu, batch ou batch alimenté.
Domaines de filtration
Arbitrairement, on distingue cinq domaines :
- - la filtration classique : retient les particules de 10 µm et plus,
- - la microfiltration : retient les constituants de 0,2 à 10 µm et plus,
- - l’ultrafiltration : retient les constituants de 20 nm à 200 nm et plus,
- - la nanofiltration : retient les constituants de quelques nanomètres,
- - l’osmose inverse : molécules de quelques Å (cf. spectre de répartition – figure 1).
Applications et exemples
Agro-alimentaires :
Eaux de pousse et de rinçage en laiteries et fromageries : « eaux blanches » de rinçage des équipements avant les séquences C.I.P. Elles ont comme objectifs de réduire la pollution induite par les effluents et/ou valoriser la phase concentrée, variable selon l’origine des effluents et de la charge bactérienne qui en résulte.
Les technologies pouvant être mises en œuvre avec des FCV (facteur de concentration volumique) importants sont : la concentration sélective des protéines et de la matière grasse (U.F), la concentration protéines, matières grasses et lactose (N.F), la concentration protéines, matières grasses, lactose et sels minéraux (O.I).
Ovoproduits :
eaux de pousse issues du traitement par U.F ou O.I des blancs d’œufs ou d’œufs entiers nature ou salés.
Les objectifs en sont : la réduction de la pollution organique induite par les effluents et/ou la valorisation de la phase concentrée à 22 – 30 % d’E.S.T. (extrait sec total).
Les technologies mises en œuvre : la concentration sélective des protéines (U.F) et la concentration des protéines et des sels minéraux (O.I).
Confiserie :
eaux de rinçage contenant, par exemple, des sulfates et des acides organiques.
Les objectifs en sont : l’abattement de la DCO (demande chimique en oxygène) et le recyclage de l’eau.
La technologie mise en œuvre : O.I., avec une réduction volumique de 3 à 6, selon la charge de l’effluent initial et de la DCO recherchée sur la phase épurée.
Pêcherie :
eaux de rinçage et hydrolysats de protéines avec une DCO initiale de 15 000.
Les objectifs en sont : la dépollution et la valorisation de la phase concentrée.
La technologie mise en œuvre : U.F : abattement DCO à environ 4 000 (constituée par sels minéraux et acides organiques), puis N.F pour réduire la DCO.
Les solutions N.E.P. (nettoyage en place ou C.I.P – cleaning in place) :
Clarification et épuration des solutions de nettoyage basique, acide ou complexés.
Les objectifs en sont : l’augmentation de la durée de vie des bains, soit une réduction des effluents, une économie sur les réactifs et produits de base, une meilleure efficacité et une meilleure qualité de sanitation des séquences N.E.P.
La technologie mise en œuvre : U.F en circuit fermé sur contrôle N.E.P.
Perméats d’ultrafiltration de moûts de fermentation :
DCO initiale des perméats U.F : 5 000 à 50 000.
Les objectifs en sont : l’abattement de la DCO avec rétention des matières
organiques (environ 90 %) et la valorisation de la phase concentrée pour alimentation animale.
La technologie mise en œuvre : N.F. : avec réduction volumique de l’effluent d’environ 10 à 20 fois.
Industries mécaniques, industries textiles, chimiques, papetières, nucléaires, etc. :
Le traitement des fluides de coupe, bains de dégraissage, de teinture, etc. : régénération par microfiltration, épuration sélective, concentration et abattement de DCO par ultrafiltration, nanofiltration ou osmose inverse.
Enfin, il est important de savoir qu'il existe des membranes « hydrophiles » ou « hydrophobes », qui permettent une filtration sélective autorisant le passage de l’eau ou sa rétention.
Nous limiterons la liste des applications présentées, sans oublier bien d'autres domaines comme ceux de la « simple » clarification, débactérisation ou dessalement de l'eau ; le but de cette présentation étant d’éveiller l’intérêt de l'industriel sur l'utilisation des techniques membranaires.
QUELLE DÉMARCHE ET QUELLE MÉTHODE POUR RÉPONDRE AU PROBLÈME POSÉ ?
La réalisation d’une unité industrielle, atteignant le but que le client s’était fixé, ne peut être que le résultat d’un travail étroit, et partenarial, entre le porteur du projet et l’ingénierie qui va construire cet outil et s’engager sur le résultat à atteindre.
Le projet industriel
Il est porté par le client et comporte plusieurs aspects : financier, prospectif (Recherche et Développement), qualitatif, environnemental et interne à la société.
La nécessité d’un travail basé sur le partenariat apparaît déjà à ce stade du projet et deviendra de plus en plus justifiée et importante dans l’évolution future de celui-ci.
En ce qui concerne le contexte industriel du projet, généralement trois cas peuvent se présenter : le procédé est parfaitement exploité par la profession, le procédé vise à se substituer à une technique existante dans l’entreprise et/ou le procédé vise à créer un produit nouveau. Dans ces deux derniers cas, la poursuite du projet passera par la phase des études et de la faisabilité technico-économique.
Études et faisabilité technique et économique
À l'exception du premier cas, il faudra généralement passer par les étapes suivantes, plus ou moins développées suivant l’importance du projet ou la taille de l’entreprise : pré-études et essais sommaires (figure 2 : micro-pilote de laboratoire), essais pré-industriels (figure 3 : pilote de 9 m³ pour clarification d’eau).
Ces essais visent deux objectifs : pour le client, voir « naître » et qualifier son produit ; pour l’équipementier, obtenir les paramètres principaux nécessaires au dimensionnement de l’installation et s’engager sur les résultats qu’il proposera.
Les paramètres principaux sont : les flux de perméation, l’évolution de la perméation, la température de fonctionnement, la pression, les conditions de nettoyage, etc.
Bilan technico-économique : l’obtention de ces résultats et leur exploitation permet de valider qualitativement, techniquement et économiquement le projet et de définir les éléments du cahier des charges permettant d’aboutir à une offre technico-économique.
Le cahier des charges
Il s’agit de prendre en compte les contraintes techniques et économiques souhaitées par le client ou issues des essais :
- • contraintes techniques : la quantité à traiter (volume) ; la quantité à produire
(produit final) ; le temps de fonctionnement (1 x 8 – 2 x 8 – 3 x 8) ; le type de conduite (manuelle ou automatique) (figure 4) ; l'infrastructure, l'énergie, les fluides déportés ; la détermination du type de membranes minérales, organiques ; la détermination du seuil de coupures requis pour le process et son optimisation.
• contraintes économiques : le budget prévisionnel ; le début de la production ; les coûts de fonctionnement ; environnement industriel, social, etc.
L'ensemble de ces éléments nous permettent de « faire naître », sur le papier, l'équipement tel qu'il sera configuré et réalisé ; c'est l’offre commerciale.
En ce qui concerne celle-ci, en tout premier lieu vient le rappel du problème posé, ensuite le descriptif général de l’installation (figure 5) : principe et schéma du procédé avec limites de fournitures, conditions de fonctionnement avec un descriptif des procédures (cycle de production, cycle de nettoyage, conditionnement pour arrêt courte et longue durée), descriptif détaillé de la fourniture : liste des ensembles, sous-ensembles et fournitures, schéma des liaisons fonctionnelles, principes d’implantation et circulation nécessaire, liste, marques et spécifications techniques des composants (figure 6) avec présentation des coûts d’exploitation (produits chimiques de nettoyage et conditionnement, énergie et fluide, recharge, maintenance). Enfin, vient le prix de la fourniture, variantes et options éventuelles, délais, avec un descriptif des conditions de réalisation et réception (avancement des travaux : montage et mise en route ; maintenance ; garanties qualitatives, quantitatives ; planning détaillé ; conditions de réception provisoire et définitive) et engagement de résultats.
Conclusion
L’engagement sur le résultat donné par l’équipementier à l’industriel permet de faire le lien précis, concret et contractuel par rapport au problème initial posé : filtrer un effluent pour le purifier, le concentrer grâce à l’élaboration d’un projet précis concrétisé par la fourniture d’un équipement industriel.