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Surveillance de la qualité de l'eau à l'aide de modèles optimisés, de capteurs en ligne et de stations de rechloration

30 septembre 1999 Paru dans le N°224 à la page 88 ( mots)

Afin de contrôler le risque potentiel de recroissance bactérienne, un résiduel de chlore doit être maintenu en tout point du réseau de distribution d'eau potable. Mais il apparaît aussi important de contrôler la formation de sous produits de désinfection et de maintenir leur niveau au plus bas. Pour atteindre ces deux buts : maintenir une certaine concentration de chlore et limiter la formation des THM, il est important de connaître la couverture exacte en chlore et d'améliorer cette couverture par la mise en place de stations de rechloration. Les objectifs de cette étude ont été de développer un modèle précis de prédiction de la consommation du chlore en réseau et dans un deuxième temps d'utiliser ce modèle pour gérer le résiduel de désinfectant en vraie grandeur par l'implantation de stations de rechloration et par l'optimisation des doses de traitement. Les études des principaux paramètres impliqués dans la consommation du chlore, réalisées aussi bien à l'échelle du laboratoire qu'à l'échelle pilote, ont montré que : (i) les matériaux synthétiques consomment très peu de chlore et peuvent être négligés dans la modélisation ; (ii) dans les canalisations en fonte grise, ou en acier, la disparition du chlore est liée aux phénomènes de corrosion. La disparition du chlore peut être modélisée par une cinétique d'ordre 0. La vitesse de décroissance est alors seulement fonction du diamètre et de la vitesse de corrosion ; (iii) l'influence des biofilms sur la consommation du chlore ne doit être prise en compte que pour les petits diamètres (< 80 mm). Un nouveau modèle a été développé à partir de ces résultats et implanté dans le logiciel PICCOLO. Ce nouveau modèle de qualité de l'eau a été utilisé dans un réseau de distribution de taille moyenne (60 000 habitants). Deux sites de rechloration ont été sélectionnés afin de maximiser la couverture du réseau par le chlore. Les simulations montrent que la rechloration permet une augmentation significative de la couverture du réseau de distribution par le désinfectant. Parallèlement, le nombre de sites, où le résiduel de chlore est trop élevé, et peut ainsi engendrer des problèmes de qualité, comme la formation des THM, des goûts et odeurs, est en forte baisse. De plus, cette nouvelle gestion du réseau permet de diminuer d'un tiers la consommation journalière de réactif. Cette réduction globale des doses de chlore appliquées conduit en parallèle à une diminution de la production de sous produits de désinfection comme l'ont montré les campagnes de prélèvements en réseau.

Les objectifs de cette étude ont été de développer un modèle précis de prédiction de la consommation du chlore en réseau et dans un deuxième temps d’utiliser ce modèle pour gérer le résiduel de désinfectant en vraie grandeur par l’implantation de stations de rechloration et par l’optimisation des doses de traitement. Les études des principaux paramètres impliqués dans la consommation du chlore, réalisées aussi bien à l’échelle du laboratoire qu’à l’échelle pilote, ont montré que : (i) les matériaux synthétiques consomment très peu de chlore et peuvent être négligés dans la modélisation ; (ii) dans les canalisations en fonte grise ou en acier, la disparition du chlore est liée aux phénomènes de corrosion. La disparition du chlore peut être modélisée par une cinétique d’ordre 0. La vitesse de décroissance est alors seulement fonction du diamètre et de la vitesse de corrosion ; (iii) l'influence des biofilms sur la consommation du chlore ne doit être prise en compte que pour les petits diamètres (< 80 mm). Un nouveau modèle a été développé à partir de ces résultats et implanté dans le logiciel PICCOLO. Ce nouveau modèle de qualité de l'eau a été utilisé dans un réseau de distribution de taille moyenne (60 000 habitants). Deux sites de rechloration ont été sélectionnés afin de maximiser la couverture du réseau par le chlore. Les simulations montrent que la rechloration permet une augmentation significative de la couverture du réseau de distribution par le désinfectant. Parallèlement, le nombre de sites où le résiduel de chlore est trop élevé, et peut ainsi engendrer des problèmes de qualité, comme la formation des THM, des goûts et odeurs, est en forte baisse. De plus, cette nouvelle gestion du réseau permet de diminuer d'un tiers la consommation journalière de réactif. Cette réduction globale des doses de chlore appliquées conduit en parallèle à une diminution de la production de sous-produits de désinfection comme l’ont montré les campagnes de prélèvements en réseau.

Au refoulement de l'usine de traitement, l’eau potable est conforme aux normes de qualité concernant les aspects microbiologiques, physico-chimiques, chimiques et organoleptiques. Le chlore résiduel maintenu dans le réseau de distribution a pour principal objet de contrôler les risques de recroissance bactérienne. Cependant, pour être efficace, le chlore doit être présent sur la plus grande partie du réseau et en particulier sur les secteurs les plus éloignés de l'usine de traitement. Mais de nombreuses réactions, se produisant aussi bien dans l’eau qu’à la surface des canalisations, provoquent une consommation du chlore résiduel [1]. En conséquence, pour maintenir une concentration en chlore résiduel suffisante sur l’ensemble du réseau, il serait nécessaire d'in

jecter de très fortes doses à l'usine de traitement, ce qui aurait pour effet, en particulier, de favoriser la formation de sous-produits de désinfection et de faire apparaître dans l'eau des goûts et odeurs désagréables. Pour ces différentes raisons, l'amélioration de la couverture en chlore d'un réseau de distribution passe souvent par la mise en place de stations de rechloration.

Le premier objectif de ce travail a été d'identifier et de classifier les différents facteurs qui gouvernent la consommation du chlore dans les réseaux de distribution, et, à la base de ce premier travail, une modélisation très précise a été développée afin d'être en mesure de prédire finement la disparition graduelle du chlore dans le réseau. Sur la base de ce modèle, une stratégie de rechloration a été élaborée afin d'optimiser la gestion globale des résiduels de chlore en réseau, et cette stratégie a été évaluée en grandeur nature sur le réseau de distribution de la ville de Cholet. Afin de vérifier l'impact de la rechloration sur la qualité de l’eau distribuée, des campagnes de prélèvements et des analyses ont été réalisées avant et après mise en route des installations de rechloration.

Matériel et méthodes

Le réseau de distribution de la ville de Cholet

L'usine de traitement d’eau potable produit environ 30 000 m³/jour pour une population de 60 000 habitants. Le traitement comprend les étapes suivantes : préchloration, coagulation par injection de chlorure ferrique et injection dans le même ouvrage de charbon actif en poudre (CAP), filtration sur sable, ozonation et post-chloration.

Certaines des caractéristiques de l'eau en sortie de l'usine de traitement sont présentées dans le tableau 1.

Le réseau de distribution est constitué d’environ 250 km de canalisations de diamètre variant entre 80 mm et 500 mm, 2 réservoirs de stockage (1 600 et 5 000 m³). La plupart des canalisations sont en fonte (fonte grise non revêtue ou fonte ductile revêtue de ciment), seule une faible proportion est en matériau plastique (polyéthylène ou PVC).

Deux stations de rechloration ont été implantées dans le réseau au cours de cette étude. Ces stations permettent d’ajouter le chlore proportionnellement au débit qui est mesuré par un débitmètre à ultrason. L’ajustement final de la dose injectée est réalisé en fonction de la mesure en ligne du chlore libre à l’aide d’un microcapteur de type Chlorscan [2].

Afin de contrôler l'efficacité de la rechloration, 7 microcapteurs Chlorscan ont également été installés en aval des stations de rechloration. L’emplacement des stations de rechloration et des capteurs en ligne est présenté dans la figure 1.

[Photo : Localisation des stations de rechloration et des micro-capteurs chlore dans le réseau de distribution de Cholet]

Le progiciel Piccolo

Le progiciel Piccolo a été développé par la société Safège et il est utilisé pour modéliser les écoulements dans des réseaux en charge tels que les réseaux de distribution d'eau potable [3]. Ce modèle permet en particulier de simuler les débits, la pression et la direction du flux dans des réseaux maillés, et ceci, aussi bien en condition statique qu’en condition dynamique.

Initialement, ce modèle avait pour objet uniquement la modélisation hydraulique, mais il s'est enrichi au cours des dernières années de modules qualité qui ont été développés par le CIRSEE. Ces modules qualité permettent, en particulier, de simuler les résiduels de chlore ainsi que les dénombrements bactériens en tout point du réseau de distribution, et à tout moment de la journée [4]. Les résultats peuvent être visualisés facilement sous forme de cartes du réseau. Le logiciel permet également, facilement, de simuler l’impact de stations de rechloration sur la qualité de l'eau distribuée : amélioration de la couverture en chlore du réseau, diminution des numérations bactériennes.

En ce qui concerne la modélisation du réseau de Cholet, les éléments du réseau pris en compte sont : 188 km de canalisations, 2 réservoirs et environ 2 000 nœuds.

Suivi analytique de la qualité de l'eau

Des campagnes analytiques ont été réalisées mensuellement sur la base des analyses suivantes : température, pH, oxygène dissous, potentiel redox, turbidité, fer, comptage de particules, COT, CODB, absorbance UV, chlore

Tableau 1 : caractéristiques de la qualité de l'eau refoulée dans le réseau de Cholet

Chlore libre (mg/l) Température (°C) O₂ dissous (mg/l) pH COT (mg/l) CODB (mg/l)
Moyenne 0,61 16,9 9,5 8,4 1,9 0,4
Écart type 0,28 4,7 1,1 0,1 0,4 0,2
max. 0,97 24,1 11,3 8,7 2,6 0,7
min. 0,28 11,6 8,2 8,2 1,5 0,1
[Photo : Figure 2 : évolution de la couverture en chlore du réseau en fonction des doses de traitement aux postes de rechloration #1 et #2 (traitement usine 0,7 mg/l)]
[Photo : Figure 3 : influence de la post-chloration et des rechlorations sur la concentration en THM totaux]

libre, chlore total, Trihalométhanes (THM), dénombrements bactériens à 22 °C sur gélose standard et sur gélose R2A et à 37 °C sur gélose standard, coliformes totaux et fécaux, streptocoques fécaux, Aeromonas hydrophila et Pseudomonas aeruginosa.

Résultats et discussion

Optimisation du modèle de décroissance du chlore

Les études des principaux paramètres impliqués dans la consommation du chlore, réalisées aussi bien à l’échelle du laboratoire qu’à l’échelle pilote, ont montré que

  • • La consommation en chlore par les matériaux plastiques (polyéthylène ou PVC) est très faible et ne sera pas un paramètre important à prendre en compte pour modéliser la disparition du chlore dans le réseau.
  • • Dans les canalisations métalliques non protégées de la corrosion par un revêtement (anciennes canalisations en fonte grise), la consommation du chlore est directement dépendante de la vitesse de corrosion. Dans ces conditions, la vitesse de disparition du chlore peut être donnée par une cinétique d’ordre 0 et, pour une conduite donnée, la vitesse de disparition du chlore ne dépendra que du diamètre de la conduite et de la vitesse de corrosion.
  • • La demande en chlore des biomasses fixées (biofilm) augmente en fonction de la durée de colonisation du support et finit par atteindre un plateau après une période de quelques semaines. Quand cet état stationnaire est atteint, la demande en chlore des biofilms dépend de la qualité de l’eau qui a permis leur formation (COT, CODB). Cependant, quelle que soit la qualité de l’eau, pour les diamètres couramment utilisés dans les réseaux publics (≥ 80 mm), la consommation en chlore due au biofilm est relativement négligeable. L’influence du biofilm devra être prise en compte uniquement pour les diamètres très faibles (< 80 mm).

À partir de ces divers résultats, un nouveau modèle de décroissance du chlore a été développé et intégré au logiciel Piccolo. Ce modèle a été utilisé pour la modélisation du réseau de distribution de la ville de Cholet et, pour ce réseau, les paramètres du modèle sont décrits dans le tableau 2.

Sélection des sites de rechloration

L’utilisation des modèles qualité a permis de sélectionner quatre emplacements pour effectuer des rechlorations en réseau et ainsi optimiser la couverture en chlore du réseau. Le choix des doses de traitement a également été étudié à l’aide de la modélisation qualité. Globalement, l’impact de quatre stations de rechloration augmente d’environ 15 % les secteurs du réseau alimentés avec une eau contenant une concentration en chlore résiduel significative. Ces secteurs habituellement non chlorés étant généralement caractérisés par un risque élevé de recroissance bactérienne. De plus, cette nouvelle configuration permet de réduire les coûts d’exploitation des réactifs, puisque dans le même temps la consommation globale de chlore passe de 12 kg/jour à 8 kg/jour. Cette réduction globale du chlore consommé devrait également être favorable en termes de réduction de la production de sous-produits de chloration. Cependant, l’étude à l’aide du modèle montre que, sur les quatre sites sélectionnés, deux ont réellement un impact significatif en termes de couverture en chlore du réseau et, en définitive, seules ces deux stations de rechloration ont été implantées.

Comme le montre la figure 2, avec ces deux stations en fonctionnement, le taux de couverture moyen du réseau par des résiduels de chlore devrait être de 49 % (post-chloration : 0,7 mg/l ; rechlorations : 0,25 mg/l) au lieu de 35 % dans la situation antérieure. Cette amélioration est principalement le fait de la station n° 1 (10 %), mais il faut cependant noter que la station n° 2 permet de couvrir des secteurs éloignés de l’usine et qui sont caractérisés par des temps de séjour longs.

Impact de la rechloration sur les qualités de l’eau

Les essais en vraie grandeur, basés sur des campagnes d’analyses et des mesures en ligne du chlore résiduel en différents points du réseau, confirment que l’implantation des stations de rechloration permet de réduire significativement les taux de traitement en sortie d’usine sans réduire le taux de couverture en chlore du réseau. Les campagnes d’analyses ont montré une réduction significative des concentrations en sous-produits de la chloration et une amélioration de la stabilité microbiologique de l’eau distribuée.

Tableau 2 : Constante cinétique de disparition du chlore libre : constantes déterminées en fonction du diamètre, pour le réseau de distribution de la ville de Cholet

Figure 4 : influence des stations de rechloration sur les dénombrements sur gélose (milieu R2A) dans le réseau de distribution de Cholet

Les campagnes analytiques confirment également l'influence favorable de la stratégie de rechloration sur la formation des sous-produits de désinfection. Par exemple, quand le taux de couverture en chlore est de l'ordre de 40 % (post-chloration uniquement : 0,6 mg/l ; ou post-chloration 0,4 mg/l et rechloration à 0,25 mg/l), une réduction des THM totaux est constatée (diminution de 80 µg/l à 60 µg/l) lorsque la rechloration est mise en œuvre. De plus, pour le taux de traitement utilisé, il est important de noter qu’aucune augmentation significative de THM totaux n'est constatée dans le réseau y compris en aval des stations de rechloration (figure 3).

Les figures 4 et 5 montrent l'impact des stations de rechloration respectivement sur les germes totaux revivifiables (milieu R2A, incubation 22 °C pendant 7 jours) et sur les Aeromonas hydrophila. Sans rechloration en réseau, les valeurs médianes pour les germes sont de l'ordre de 3,5 Log. Quand les stations de rechloration sont en fonctionnement, les valeurs diminuent et en aval des stations, les valeurs médianes sont de l'ordre de 2,5 Log. Le même type de résultat est obtenu en ce qui concerne les Aeromonas hydrophila : diminution de l’ordre de 1 Log entre l’amont et l’aval des stations de rechloration.

Figure 5 : influence des stations de rechloration sur les Aeromonas hydrophila dans le réseau de distribution de Cholet

Conclusion

L’étude entreprise a permis d’apporter de nouveaux éléments pour développer un modèle prédictif pour la décroissance du chlore en réseau qui soit à la fois plus complet et plus précis. Les améliorations permises par ce modèle ont été évaluées en vraie grandeur sur la ville de Cholet dont le réseau était modélisé avec le logiciel Piccolo. Sur ce réseau, la prédiction des résiduels de chlore devient très précise ce qui autorise une véritable gestion de la qualité de l'eau distribuée. En particulier, sur la base de ce modèle il devient possible d’optimiser la rechloration afin de prévenir les risques de recroissance bactérienne dans l’eau distribuée.

La modélisation qualité s'avère efficace pour choisir les sites d’implantation de stations de rechloration, et également pour déterminer les doses de traitement qu'il serait nécessaire de mettre en œuvre (aussi bien à l'usine qu'au niveau de la rechloration) pour atteindre un objectif donné de couverture du réseau par le chlore. Sur le réseau de Cholet, 2 sites de rechloration ont été sélectionnés. La mise en place de ces stations de rechloration permet d’augmenter de 15 % les secteurs du réseau alimentés par une eau contenant un résiduel de chlore significatif.

Plusieurs campagnes d’analyse ont été réalisées afin d’évaluer l'influence des stations de rechloration sur la qualité de l'eau distribuée. Les résultats analytiques montrent que le fonctionnement des stations de rechloration permet de :

* réduire les doses de chlore à l'usine de traitement et en conséquence de réduire la concentration en THM totaux dans le réseau. La rechloration à un taux de 0,25 mg/l n'induisant pas dans le cas étudié d'augmentation de THM en cours de distribution.

* réduire d’environ 1 Log les numérations bactériennes sur les secteurs du réseau éloignés de l’usine.

Ces résultats obtenus sur le réseau de Cholet démontrent qu’avec un investissement relativement faible, il est possible de réaliser un contrôle optimisé de la rechloration sur des réseaux de distribution complexes.

[Encart : Références bibliographiques [1] Kiene L., Lu W., Levi L., Relative importance of the phenomena responsible for chlorine decay in drinking water distribution systems, Wat. Sci. Tech., Vol. 38, n° 6, pp 219-227, 1998. [2] Van den Berg A., Grisel A., Verney-Nordberg E., van der Schoot B.H., Koudelka-Hep M., de Rooij N.F., On-wafer fabricated free-chlorine sensor with ppb detection limit for drinking water monitoring, Sens. Actuat. B, 1993 ; 13/14, 396-399. [3] Bos M., Jarrige P.A., Modélisation des réseaux de distribution en régime permanent – évolutions récentes et perspectives, 1989 ; Aqua, 38, 352-357. [4] Dukan S., Pirrou P., Levi Y., Jarrige P.A., Modélisation de la croissance bactérienne en réseau de distribution d'eaux potables. Développement d’un outil de diagnostic et de contrôle, C.R. Journées Information Eaux, Poitiers, 1994 ; 9/19/20.]
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