Your browser does not support JavaScript!

Super-Rimiez : la maîtrise d'un réseau d'eau potable en temps réel

30 juillet 1999 Paru dans le N°223 à la page 57 ( mots)
Rédigé par : Frédéric VERRIMST

Dans cette unité de traitement d'eau potable, la solution de télégestion et de supervision développée par Schneider et Arc Informatique pour Générale des Eaux, permet de gérer l'ensemble des processus assurant l'approvisionnement de l'agglomération niçoise.

[Photo : Vue de l'usine de Super-Rimiez]

« C’est par temps d’orage, lorsque des trombes d'eau s’abattent sur les montagnes autour de Nice, qu'on comprend tout l’intérêt de notre système de supervision et de télégestion temps réel », explique Marc Pons, adjoint au responsable de l’usine de Super-Rimiez.

Suivant cet ingénieur de Générale des Eaux, dans de telles circonstances, il faut faire face aux gonflements des débits, à la turbidité accrue, suppléer aux dysfonctionnements qui peuvent se présenter dans le réseau EDF...

Une vue d’ensemble sur l’état du réseau, la gestion centralisée des alarmes et l'accès aux données de détail permet d’anticiper, de prévoir, de réagir... Savoir où diriger en priorité les équipes d'intervention, tirer parti des provisions d’eau potable accumulée dans les réservoirs, choisir par quel chemin alimenter

[Photo : Architecture du système de supervision du centre opérationnel de la ville de Nice]

Les secteurs dont l'approvisionnement est perturbé... La plupart des opérations peuvent être menées à partir de l'application de supervision, sans intervention sur le terrain. « L'autre matin, si on ne disposait pas de ces moyens, il y aurait eu des quartiers sans eau » conclut Marc Pons.

La solution développée à Nice est une illustration de la stratégie de partenariat d'un éditeur, Arc Informatique, ici associé à un grand offreur d’automatismes, Schneider. Ce type d’alliance permet à Arc Informatique de se développer sur le marché difficile de l’informatique industrielle où ses principaux concurrents sont américains. La solution présentée à Nice repose ainsi sur une technologie française, tant sur le plan du software, le logiciel ISIS 3000*, que des réseaux d’automates. La référence est prestigieuse : Super-Rimiez passe pour l'une des usines de traitement d’eau les plus modernes d'Europe. Construite en 1972, elle a fait l'objet d’une extension inaugurée en 1999 après deux ans de travaux, ce qui lui a permis d'accroître de 60 % sa capacité de production, passant de 1000 l/s à 1800 l/s avec un traitement fondé sur l’ozonation (voir encadré).

Dix-sept étages de pression

Occupant un majestueux belvédère, cet établissement constitue aussi la pièce maîtresse d'un grand système technique, dont l'histoire et le contexte géographique sont particuliers. Générale des Eaux est présente ici depuis toujours ou presque, c’est-à-dire depuis le rattachement du Comté de Nice à la France en 1860. « La promesse faite alors, par Napoléon III aux Niçois : leur apporter l'eau et le chemin de fer » raconte François Debelle, directeur adjoint de l'agence de la Générale des Eaux.

Des grands travaux s’en sont suivis à la fin du XIXᵉ, comme le percement du canal de la Vésubie, qui prélève l'eau à Saint-Jean-La-Rivière, 270 m au-dessus de la mer. C'est cette eau de montagne qui est encore aujourd'hui traitée à Super-Rimiez. Une ressource de qualité pratiquement constante, du fait de l'absence de pollution en amont, comportant très peu de matière organique et peu d’oxygène dissous (donc un milieu peu propice aux bactéries). En revanche, surtout en période d’orage, la turbidité est importante (les MES pouvant alors passer de 1 g/l à 13 g/l), mais ces limons géologiques sont bien identifiés : mica, kaolins, etc. Générale des Eaux dispose par ailleurs d'un droit de prélèvement sur la nappe du Var, ressource qui présente davantage de risques en raison du développement d’industries le long du fleuve niçois. Une station d'alerte mesure les paramètres physiques (conductivité, pH, température, etc.) toutes les trois secondes, le COT (carbone organique total), la présence de métaux (cadmium, chrome, zinc, etc.), la toxicité (grâce à des bactéries luminescentes). Si cela ne permet pas toujours d'identifier instantanément la nature d'un polluant, la gamme des grandeurs mesurées suffit à détecter une anomalie et à suspendre immédiatement les prélèvements.

Super-Rimiez assure 70 % de la demande en pointe (225 000 m³) de cette agglomération de 380 000 habitants. Les installations du Var offrent une capacité équivalente. Par ailleurs, la compagnie stocke 110 000 m³ dans 35 réservoirs (une contenance équiva-

(*) Un même logiciel peut recevoir différents noms, et présenter différentes versions suivant le contexte commercial. Celui dont il est question ici est aussi connu sous le nom de « PC VUE 32 », qui est son nom dans la gamme Arc Informatique. Mais, s'inscrivant ici dans une offre Schneider, il a reçu le nom « ISIS 3000 », nom de marque propre au constructeur.

[Photo : Synoptique du canal de la Vésubie]
[Publicité : Jean Lamesch]
[Publicité : Cepic]
[Publicité : Arc Informatique]
[Photo : Synoptique du process de traitement de l'eau à l'intérieur de Super-Rimiez. Chaque “bouton” de cette page écran donne accès à des données, ou à des synoptiques plus détaillés.]

lente à celle du Port de Nice), et 55 000 m³ de réserves non traitées. Outre un réseau de distribution d’eau potable de 1 200 km, s’ajoute un réseau d’eau brute (arrosage, incendie) de 250 km. La topologie du réseau est assez compliquée en raison du relief tourmenté de l'agglomération niçoise, avec 17 étages de pression différenciés et communicants.

Le système de supervision assure d'une part localement la conduite centralisée des différents épisodes du process de traitement de l'eau dans l'usine de Super-Rimiez, et d’autre part, la télégestion des réseaux amont et aval, avec tous les ouvrages hydrauliques que cela comporte (stations de pompage, réservoirs, etc.). Ceci concerne en amont, le Canal, les usines de traitement secondaires (usine du Var, usine “Jean Favre”, etc.), les stations d’alerte, etc. En aval, l'ensemble du réseau de distribution de la Ville de Nice dont les prolongements s’étendent jusqu’en Italie (la Compagnie pouvant desservir par exemple, à l'occasion, la Principauté de Monaco).

L’épine dorsale du système est un réseau Ethernet implanté sur le site de Super-Rimiez. D'une capacité de 10 Mbit/s, il assure un traitement des informations en temps réel. Ce réseau est de structure radiale : cinq branches sont réunies par un constituant nommé “étoile de Hirschmann”. Une architecture justifiée par des impératifs de sécurité : une panne sur l'une des branches (ou sous-réseau) n’affectant pas les autres. Sur ce réseau se trouvent directement branchés 9 PC de supervision et 7 automates industriels de la série April 5000.

À partir de ce réseau principal on distingue différents prolongements :

  • - S'agissant de supervision, cinq postes distants sont implantés ailleurs qu’à Super-Rimiez, dans d’autres établissements (l'usine du Var par exemple). Ces PC sont reliés au réseau Ethernet par des liaisons Transfix haut débit. Soit au total 14 postes de supervision (trois sont des “serveurs”, les autres des “clients” de ces serveurs). À partir de l'un de ces postes, l'utilisateur dispose d’une vue générale ou détaillée de l’ensemble du réseau d’eau de la Ville de Nice. L'application ISIS 3000 lui permettant, y compris depuis un poste client (moyennant les autorisations d’accès requises), de commander à distance les installations en temps réel (fermer une vanne, etc.).
  • - Pour ce faire, les sept April 5000 branchés sur le réseau Ethernet communiquent avec les nombreux automates contrôlant les installations tant à l'intérieur qu’à l’extérieur de l’usine. En particulier, l'un de ces April 5000, dit “API Frontal”, est voué à la télégestion en temps réel des sites distants. Il est d’abord raccordé par des lignes spécialisées louées à France Télécom, à quatre “frontaux” extérieurs. Ces frontaux sont des automates programmables PB 400 qui, à leur tour, font office de concentrateurs pour toute une zone où ils communiquent avec les automates de terrain.

Par exemple, dans un réservoir, des capteurs (débitmètres, etc.) et des actionneurs (positionneurs de vannes, etc.) sont gérés par un automate local lequel, via le frontal dont il dépend, informe le système et assure l'exécution des consignes qui lui sont adressées. Il existe ainsi quatre-vingts automates implantés dans divers ouvrages et infrastructures hydrauliques. 11 000 variables sont traitées en temps réel. Outre les pressions, les débits et les niveaux, ces variables concernent les résultats des analyses chimiques des stations d’alerte, les équipe-

[Encart : Super-Rimiez : un laboratoire d’expérimentations Les responsables de Super-Rimiez rappellent avec fierté ce point d'histoire des techniques : c'est un certain Marius Paul Otto, un Niçois, qui a découvert en 1906 le procédé de l’ozonation, qui fut expérimenté sur le réseau de Nice dès l'année suivante. Nice reste depuis lors une référence pour ce procédé (Rotterdam et Grenoble sont les rares autres villes qui l’utilisent sur une aussi grande échelle). L’ozone (O₃) est produite par des “ozoneurs”, des caissons où l’oxygène de l’air est transformé sous l’effet d’arcs électriques : 7 kg/h sont produites à Super-Rimiez. L'ozone est un puissant bactéricide et virucide. Il neutralise odeur, couleur et goût. La qualité gustative de l'eau ainsi stérilisée est préférée à celle traitée par chloration. Les échangeurs où l'eau est mise en contact avec l’ozone constituent la partie la plus impressionnante de l'usine. Un décor à la Jules Verne : au pied d'un couloir dans les sous-sols, à travers des hublots rivetés, on voit l’eau gazéifiée s'élever dans une colonne de 8 m de eau, pour s’évacuer en cascade vers le haut (la puissance du débit débarrasse alors l’eau de ce gaz avant l’envoi vers le réseau aval). Cette étape est la dernière d'un processus de deux heures au total, qui comporte différents épisodes (tamisage, coagulation, floculation, décantation, filtration). On note en particulier la mise en service en 1999 du procédé de décantation “Actiflo” élaboré par OTV. Ce système “décanteur lamellaire à floc lesté” réduit l'épisode à 20 minutes contre 2 heures. Quant à l’implantation du système de supervision, il remonte à 1994 et faisait suite à de précédents travaux d'automatisation dont les tout débuts remontent à 1974. Parmi les développements les plus récents, on cite la migration du système sous Windows NT et la mise en service de nouveaux automates (pour l'Actiflo notamment) dans le cadre de la nouvelle tranche de l'usine.]
[Photo : Le système de supervision assure également la télégestion des ouvrages en amont et aval : ici, l'usine du Var]

Équipements électriques, le contrôle d'accès, les alarmes, etc. L'importance accordée à la télégestion temps réel est une spécificité de ce site, souligne Marc Pons. “Bon nombre de systèmes de télégestion de réseau d’eau potable ne sont pas encore temps réel”. Dans ce deuxième cas, la remontée des informations s’effectue seulement par réseau RTC (Réseau Téléphonique Commuté). La différence : lorsque l'on veut obtenir une indication sur l'état d’un dispositif ou un résultat de mesure, l’application de télégestion interroge au coup par coup le site distant. Le système n’est pas informé en permanence de la situation actuelle. En fait, cette solution plus traditionnelle est aussi représentée à Super-Rimiez, pour quelque 2 500 variables, pour lesquelles la gestion temps réel ne s'imposait pas. Deux PC de supervision, dont l'un communique au protocole Perax, l'autre au protocole Sofbus (Sofrel) sont raccordés par modem au réseau RTC. Il existe sur les sites 30 postes de télégestion Perax et 42 postes de télégestion Sofrel (Perax et Sofrel sont les deux principaux standards en la matière).

L’approche de l’exploitant

Concernant l'interface de supervision, l’ergonomie avec laquelle on peut naviguer d'un synoptique à l'autre sur les pages écrans, la qualité graphique de ces représentations symboliques, la facilité avec laquelle on peut manœuvrer à distance tel appareil par un clic de souris sur son illustration, est certainement ce qui frappe d’abord. Mais tel n’est sans doute pas le plus important aux yeux de l’exploitant. Si le logiciel ISIS 3000 offre d'importantes fonctionnalités (s’agissant de la gestion des historiques par exemple) : “l’essentiel est de garder le sens de ce qui se passe réellement sur le terrain”. Un point jugé important : lorsqu’on ferme une vanne sur l’écran, la figuration de la vanne fermée que l’on verra peu après résulte d’un compte-rendu émanant de l’automate de terrain, elle n’illustre pas simplement l’intention de l’opérateur de fermer la vanne. Faute de quoi on s’exposerait à des ambiguïtés, qui ont provoqué des accidents par le passé (Three Mile Island). Ici, consignes et comptes-rendus des actions reposent sur des trames de communication différentes. Par ailleurs, et cette doctrine remonte aux premiers jours de l'automatisation des sites en 1974, toutes les installations restent susceptibles d’être manœuvrées localement en manuel.

De façon plus générale, les responsables de la compagnie insistent sur la nécessité d’une appropriation, d'une intégration de ces technologies de pointe dans la culture technique des personnels. Un logiciel comme PCvue 32 (ISIS 3000) se présente d’abord comme un puissant outil de développement, avec des bibliothèques de modules graphiques. Une sorte de jeu de construction fondée sur la programmation orientée objet. Avant de réaliser l’application proprement dite et de modéliser grâce à lui le réseau d’alimentation en eau de Nice plutôt qu'une sucrerie ou un autre établissement, il faut d’importants développements. Plutôt que de confier ceux-ci à une société de service, ils ont été réalisés par Marc Pons et son équipe, ce qui leur permet de connaître leur application dans tous ses aspects.

[Photo : Toutes les installations restent susceptibles d’être manœuvrées manuellement]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements