Le suivi de l'ATP montre l'efficacité des champignons pour améliorer l'activité d'une biomasse soumise régulièrement à des toxiques. Les analyses de l'Adénosine Tri Phosphate menées depuis plus d'un an par Artémisia Environnement pour diagnostiquer l'état de santé de boues activées industrielles ont montrées leur pertinence. L?ATP-métrie de seconde génération est un outil précieux, tant au niveau du diagnostic que de la caractérisation biologique d'un ouvrage, ou du suivi d'un enrichissement en microorganismes. Elle permet en outre de tester l'impact de toxiques en conditions réelles.
La bio-augmentation par adjonction de micro-organismes sélectionnés en station d’épuration (STEP) est un moyen maintenant bien connu pour (re)démarrer ou améliorer le fonctionnement de leur biomasse et obtenir des eaux de rejet de bonne qualité. Artémisia Environnement est une société spécialisée dans l’optimisation de l’action épuratrice des biomasses industrielles, qui possède une bonne expertise des problèmes rencontrés en station.
Depuis quelques années, l’action de ces micro-organismes s’est vue amplifiée par l’ajout de produits fongiques (champignons). Les ensemencements effectués sur de nombreux sites ont permis d’observer un meilleur fonctionnement de la biomasse, permettant de baisser et stabiliser les teneurs en DCO, MES et Azote au rejet. De plus, les milieux enrichis réagissent mieux face aux variations de charges, de pH, températures ou à la présence de toxiques. Ces améliorations s’accompagnent de réductions de 20 à 30 % des quantités de boues produites et des apports en oxygène dans les bassins aérés. Ces traitements par adjonction de bactéries et mycètes s’inscrivent ainsi dans la politique de performance environnementale des industriels, en obtenant un rejet de meilleure qualité avec une réduction des coûts.
Afin d’effectuer les diagnostics de fonctionnement de la biomasse épuratrice et de mieux suivre l’impact des traitements sur cette biomasse, Artémisia Environnement et son partenaire ADIPAP se sont équipés du système de mesure de l’Adénosine Triphosphate (ATP) développé par la société Aqua-Tools.
Cette étude montre les différentes applications de cet outil dans une station traitant des effluents chimiques qui rendent difficile le développement de la biomasse épuratrice.
L’ATP, c’est quoi ?
En tant que molécule de transport de l’énergie cellulaire, l’ATP est un des marqueurs les plus significatifs de l’activité des microorganismes. Commune à toutes les
Tableau 1 Résultats d’analyse de l’ATP en différents points de la station d’épurationCellules vivantes, elle est impliquée dans la quasi-totalité des réactions biologiques. En conditions normales, le taux d’ATP intracellulaire des organismes est constant, afin de leur permettre de maintenir un état d’homéostasie. Des variations de ce taux peuvent refléter la présence de composés toxiques ou inhibiteurs, de températures défavorables ou encore des périodes d’adaptations des organismes aux variations environnementales (Low, E. W. et Chase, H. A. (1999). Reducing production of excess biomass during wastewater treatment).
Ce biomarqueur a l’avantage de traduire fidèlement les modifications de l’écosystème épurateur, et de rendre compte des effets de possibles synergies ou antagonismes des divers polluants traités.
Le kit Total Control Biologique (TCB™) commercialisé par Aqua-Tools est un nouvel outil spécialement adapté aux eaux usées. Il se base sur une réaction de bioluminescence, permettant grâce à l’enzyme Luciférase de relier directement une quantité de lumière produite à une concentration en ATP.
Mg²⁺ ATP + luciférine + O₂ ⇾ AMP + PPi + oxyluciférine + lumière luciférase
Paramètres étudiés par l’analyse de l’ATP en STEP
Dans une eau de station d’épuration, il faut distinguer l’ATP contenu dans les cellules vivantes (cATP = ATP cellulaire), et l’ATP se trouvant dans le milieu extracellulaire (dATP = ATP dissous), issu de micro-organismes morts ou soumis à un stress.
Ces mesures d’ATP-métrie permettent d’obtenir les trois paramètres suivants :
- L’ATP intracellulaire (cATP). Il caractérise la concentration en biomasse vivante du milieu étudié et est exprimé en nanogrammes par millilitre de boue activée.
- L’Indice de Stress de la Biomasse (BSI). Cet indice de stress, qui s’exprime en pourcentage, est obtenu en divisant la quantité d’ATP dissous par la quantité d’ATP intracellulaire (BSI = dATP/cATP).
- Le Rapport de Biomasse Active (ABR). Ce rapport représente le pourcentage de biomasse réellement vivante parmi les MES d’un bassin biologique. Il s’obtient tel que : ABR = (cATP ng/ml × 0,5)/MES mg/l.
Ces éléments peuvent être obtenus :
- Dans l’influent : comme il n’est pas stérile, la mesure du taux d’ATP et de l’indice de stress des micro-organismes présents apportent une indication sur la toxicité de l’influent.
- Dans la biomasse du bassin aéré bien sûr, ainsi qu’en différents points clefs du process.
- Au rejet.
Intérêt de l’ATP dans l’étude d’une station d’épuration industrielle soumise à des toxiques
Une étude a été menée sur la station d’épuration à boue activée d’une industrie chimique du sud de la France. Cette installation se compose d’un bioréacteur à membrane (BRM) équipé d’un système d’ultrafiltration (UF). La charge polluante moyenne en entrée est de 3.700 mg/L de DCO pour un débit d’environ 200 m³/j.
La mise en place de l’UF dans cette station est récente, et a permis d’obtenir une eau dépourvue de MES et d’améliorer la conformité aux normes de la DCO. La DCO du rejet reste cependant fluctuante, et les valeurs sont supérieures à ce qu’attendait l’industriel en investissant dans la technologie membranaire. Il est supposé que la barrière moléculaire de l’UF a engendré une accumulation de composés peu dégradables dans la boue activée. Ces molécules pourraient en outre fragiliser la biomasse et baisser les performances épuratoires de celle-ci.
Artémisia Environnement a voulu vérifier ces hypothèses par une expertise de la biomasse en analysant l’ATP à différentes dates et en différents points de la station. Ensuite, ces valeurs ont été confrontées aux paramètres habituellement suivis sur le terrain pour évaluer l’adéquation de cette nouvelle technique d’ATP-métrie avec les suivis classiques. Puis l’ATP a été suivi après la mise en œuvre d’un ensemencement fongique par Prosia’mycète.
Analyse des résultats bruts
La cartographie de l’ATP en différents points (tableau 1) indique la présence de biomasse dans l’influent, avec une valeur moyenne de 94 ng/ml (relativement importante) liée au retour des eaux de la table d’égouttage. De l’ATP intracellulaire est retrouvé en sortie station, malgré l’ultrafiltration indiquant le développement d’un biofilm dans les canalisations. Enfin, les teneurs en ATP en différents points du bassin biologique restent proches et sont 1,2 à 2 fois plus concentrées au retour de l’UF. Ces variations dans les ouvrages suivent donc essentiellement les variations de concentrations en biomasse vivante : il n’y a pas de point destructeur ou créateur de biomasse. Ceci permet aussi de vérifier la cohérence de l’analyse ATP sur plusieurs échantillons.
Les concentrations en ATP intracellulaire sont très fluctuantes, avec une moyenne de 1.400 ng de cATP/ml. Il s’agit d’une moyenne basse par rapport aux concentrations de STEP urbaines, qui sont de 1.500 à 2.200 ng/ml de boue activée (informations Aqua-Tools), alors que la concentration en biomasse, de 8 g/L en moyenne, est deux à trois fois supérieure à celle d’une boue activée urbaine.
Le taux d’ABR, de 8,6 % en moyenne, alors qu’il est de 30 % pour une biomasse urbaine en bon état (information Aqua-Tools), confirme un faible taux d’activité de ces boues.
Ces taux sont équivalents à ceux qu’Artémisia Environnement a pu mesurer dans d’autres sites d’industries chimiques (tableau 2). Ils montrent que les sites chimiques étudiés présentent en général...
Tableau 2 : Valeurs moyennes d’ATP intracellulaire et du taux d’activité des biomasses
| Activité | cATP ng/ml | ABR % |
|---|---|---|
| Site étudié : industrie chimique à BRM | 1400 | 8,6 |
| Industries chimiques | 980 | 7,5 |
| Industries agroalimentaire | 3160 | 21,1 |
| Industrie papetière (mesures ADIAP) | 1850 | 16,5 |
| Boues activées urbaines | 2000 | 30 |
des valeurs inférieures aux moyennes de STEP urbaines.
Le stress de la biomasse, mesuré par le BSI [tableau 1], est très variable, avec une moyenne de 35 %. D’après Aqua-Tools, un stress est considéré comme important pour des taux de BSI atteignant 50 % et plus, valeurs qui sont parfois rencontrées sur ce site. Le stress de la biomasse a par ailleurs une incidence directe sur la DCO du rejet, comme le montre le graphique 1 : quel que soit la qualité des ouvrages et les technologies mises en place, il ne faut pas oublier que c’est la biomasse épuratrice qui fait le travail !
Les analyses de terrain effectuées permettent donc de valider l’ATP-métrie comme étant un paramètre pertinent pour le suivi des STEP biologiques.
Artémisia Environnement réalise aussi des suivis de respirométrie du bassin [graphique 2]. Après ré-oxygénation, l’opérateur mesure à l’aide d’une sonde la vitesse de consommation de l’oxygène par la biomasse, et obtient une valeur de consommation d’O₂ dissous, ou DOUR (Dissolved Oxygen Uptake Rate). À nouveau, la corrélation entre les paramètres est importante.
Le stress de la biomasse du retour UF est comparable à celui du bassin aéré. Cela contredit l’hypothèse qui supposait que le gavage de l’UF, la circulation dans les pompes à très fort débit, les cisaillements de l’UF et la montée importante en température qui en résulte pouvaient détruire une partie de la biomasse.
ATP et suivis « classiques » d’une station
Artemisia Environnement a comparé les analyses ATP avec les suivis de DCO, pH, températures, etc. du site. De nombreuses corrélations ont été constatées, dont la plus probante est sans doute celle observée entre le stress du bassin biologique et la DCO de l’effluent sortie station [graphique 3]. Il apparaît qu’une variation du stress de la biomasse du bassin d’épuration se répercute à brève échéance sur la qualité de l’effluent. Ce résultat logique atteste de la valeur de la méthode au niveau du site étudié.
Enfin, l’étude de la température et du pH n’ont fait que confirmer la valeur de cette méthode.
Impact du traitement fongique Prosia’mycète
Après le suivi de l’ATP et la mise en évidence d’un taux d’activité faible, fluctuant et souvent perturbé de la biomasse, il a été décidé de renforcer celle-ci par un ensemencement fongique.
Le traitement a débuté mi-avril 2009. Il a consisté en l’application d’une dose choc, suivie d’un apport hebdomadaire sur une durée d’environ deux mois. Des mesures d’ATP ont été mises en place afin d’évaluer son impact sur la station.
L’analyse des DCO [graphique 3] montre que le traitement a eu un impact positif. En effet, à partir du mois d’avril, la DCO soluble du bassin biologique présente la plus longue phase de stabilité observée sur cette période. Pourtant, les importantes variations de charge en entrée subsistent mais ne se répercutent pas sur l’effluent de sortie de site.
Les analyses d’ATP-métrie [graphique 4 et 5] montrent que l’état de la biomasse se dégradait depuis octobre 2008 et présentait des valeurs inférieures à 1 000 ng/ml depuis…
Décembre 2008. À partir de la mi-avril, date de démarrage du traitement, les concentrations en ATP intracellulaire cATP montent à 1 500 puis à 2 500 ng/ml.
Les répercussions du stress de l'influent sur la biomasse des bassins apparaissent clairement [graphique 4]. Les variations de l'état de la biomasse des bassins biologiques semblent conditionnées par le stress de l'influent, qui connaît de fortes variations.
L'hypothèse de la présence ponctuelle de toxiques dans l'influent semble confirmée. On note deux « pics » de stress de l'influent, l'un en février, l'autre en avril peu de temps après le démarrage de l'ensemencement fongique.
Le pic de stress du 30 avril, bien que plus important que le premier, a peu d'impact sur la biomasse vivante. La biomasse enrichie a mieux réagi face à un choc pourtant plus violent dans son amplitude.
Le pourcentage de solides actifs présente des variations similaires à celles de l'ATP intracellulaire [graphique 5]. Dès le mois d'avril, ce taux présente des valeurs semblables à la fin 2008 et atteint un maximum de 20 % durant le mois de mai, jamais atteint auparavant.
La comparaison des mois de mai 2009 et d'octobre 2008 [graphique 8] permet de constater qu'avant le traitement, la concentration en biomasse vivante du bioréacteur était légèrement plus importante, mais pour un pourcentage de solides actifs plus faible qu'au mois de mai. Il est alors possible d'émettre deux hypothèses : la biomasse en place au mois de mai est en meilleure santé et occupe une part plus importante des MES, et/ou les mycètes ont entraîné une réduction du volume de boue, ce qui augmente l'ABR.
Dans tous les cas, le rapport de biomasse active et l'ATP intracellulaires semblent de bons indicateurs du développement des mycètes et de leur impact sur les performances épuratoires de la STEP. Ces résultats vont dans le sens d'une redynamisation de la biomasse permise par l'enrichissement fongique.
Utilisation de l'ATP-métrie pour des tests d'impacts spécifiques
L'usine est en arrêt de production depuis fin juin, ce qui a interrompu le traitement et les observations.
Il y a eu cependant des apports en quantité importante de dioxane et de diméthylsulfoxyde (DMSO) dans la station cet été, qui ont eu pour conséquence une augmentation de la DCO soluble dans le bassin, sans altération de la DCO du rejet.
Le dioxane, de formule chimique C₄H₈O₂ (composé cyclique) et le DMSO, C₂H₆SO, sont des solvants très polaires, très utilisés en industrie, pour lesquels il existe peu de données sur la biodégradabilité.
Un test a été mené en laboratoire afin de déterminer l'impact de ces composés chimiques sur la biomasse du site étudié. Le suivi a porté sur l'évolution dans le temps de la teneur en ATP intracellulaire des boues activées (BA) en contact avec ces molécules.
La boue activée de la station est mise en contact avec son influent, dans le respect des proportions du site. Sur les quatre échantillons analysés, l'un est enrichi en DMSO, l'autre en dioxane, et le troisième combine les deux composés. Le dernier représente le témoin. Les quantités sont calculées afin d'obtenir une concentration globale d'environ 1 000 mg/l de DCO dans chaque essai. L'ensemble des essais (300 ml chacun) est aéré par agitation.
Le graphique 6 montre l'évolution des concentrations en ATP intracellulaire durant 96 heures pour la série de tests avec influent.
Le développement de la biomasse dans l'échantillon 1, enrichi en dioxane, est supérieur à celui du témoin. Le dioxane n'apparaît pas comme un inhibiteur de croissance de la biomasse. Au contraire, ce composé semble la favoriser.
L’échantillon 2, contenant du DMSO, a une cinétique plus faible que le témoin. Cette substance semble défavorable à la croissance de la biomasse.
Pour l’échantillon 3, les effets combinés du DMSO et du Dioxane paraissent s’annuler, et provoquer une cinétique semblable à celle du témoin. Il ne semble pas y avoir d’effet aggravant lors du mélange de ces molécules. Cependant, le DMSO paraît avoir une rémanence plus importante que le Dioxane, car cet échantillon présente la concentration finale la plus faible.
La biomasse semble donc pouvoir dégrader le Dioxane, mais pas le DMSO qui paraît avoir un effet toxique sur la biomasse.
Ce test est à approfondir, notamment en faisant varier les concentrations, mais il montre que l’ATP-métrie représente un outil intéressant pour l’analyse de l’impact d’un composé sur une biomasse spécifique.
Conclusion
Artemisia Environnement utilise depuis plus d’un an les analyses de l’Adénosine Tri Phosphate pour diagnostiquer l’état de santé des boues activées industrielles. Ce test a montré sa pertinence et son utilité dans de nombreux domaines. Ainsi, au niveau d’un diagnostic il permet de comparer rapidement et facilement les biomasses de différents sites. La « cartographie ATP » d’une installation apporte une foule d’informations utiles au suivi biologique des ouvrages, et permet de localiser les zones et les causes de « stress » de la biomasse. De plus, l’ATP-métrie peut être utilisée pour évaluer l’impact de substances sur la biomasse d’un site spécifique, dans des conditions très proches de la réalité.
Les bio-augmentations fongiques déjà mises en place en industrie se sont avérées efficaces pour la diminution de la production de boue, les économies d’énergie pour l’aération, et l’amélioration de la qualité du rejet.
Le suivi de l’ATP montre l’efficacité des champignons pour améliorer l’activité d’une biomasse soumise régulièrement à des toxiques.

