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Stérilisation par l'ozone : mythe ou réalité ?

30 octobre 1981 Paru dans le N°58 à la page 61 ( mots)
Rédigé par : J.-p. LEGERON et J.-y. PERROT

J.-P. LEGERON J.-Y. PERROT Service Recherches et Applications Société TRAILIGAZ.

[Photo : Usine de traitement des Eaux d’Helsinki (Pitkakoski) : Vue générale des ozoneurs.]

Depuis les premiers essais de De Méritens en 1886, de nombreuses études qui se sont ensuite concrétisées par des réalisations industrielles, ont démontré l'efficacité de l'ozone vis-à-vis de la destruction des micro-organismes pouvant être présents dans les eaux. Chaque cas étant un cas d’espèce, il importe de définir au préalable le but final, et par là même, la qualité microbiologique à atteindre. Plusieurs termes sont couramment utilisés à cet effet, et leur illustration est donnée par la figure 1 :

— la désinfection partielle : diminution de la quantité totale des micro-organismes. — la limitation des risques sanitaires : abattement important des germes pathogènes pour l'homme. — la désinfection : élimination totale des germes pathogènes pour l'homme (parallèlement à un abattement important du nombre de germes banals). — la stérilisation : destruction complète de tous les micro-organismes présents.

Selon qu’il s'agit d'eaux résiduaires, d’eaux de piscines ou d’eaux potables, on conçoit aisément que le but diffère, et donc que les conditions d’application de l'ozone soient variables.

I. — PROPRIÉTÉS DE L’OZONE

1.1. — Généralités

De par sa définition, l'ozone est un composé odorant que l'homme peut détecter naturellement à des concentrations aussi faibles que 0,01 ppm. Pratiquement incolore, il présente cependant sous une forte épaisseur une légère couleur bleutée qu'il transfère aux eaux de bonne qualité. Son maximum d'absorption est à 254 nm, et cette propriété est mise à profit pour mesurer sa concentration dans le gaz vecteur contenant de l'oxygène, qui lui a donné naissance.

[Photo : Fig. 1 — Représentation schématique des diverses possibilités d’élimination des germes par l’ozone.]

2,07 volts est la valeur de son potentiel d'oxydo-réduction, ce qui témoigne de son caractère d'oxydant puissant. Faiblement soluble, il suit la loi de Henry pour sa dissolution dans l'eau. Composé triatomique de l'oxygène, il est particulièrement instable tant en phase gazeuse que sous forme dissoute dans l'eau : toute augmentation de température, de pH, de quantité de matières oxydables, favorise sa décomposition en oxygène et parfois en radicaux eux-mêmes oxydants. Ainsi, dissous dans l'eau, l’ozone peut persister de quelques secondes à un jour, ce qui démontre la relativité de sa rémanence.

1.2. – L’ozone et les germes microbiens

Deux caractères principaux sont reconnus à l'action de l’ozone sur la destruction des micro-organismes : non sélectivité et rapidité :

— non sélectivité :

selon les conditions d'application de l'ozone, la plupart des germes pathogènes ou non pour l’homme sont détruits ; au sein d'une même espèce, l'ozone se montre efficace pour des doses souvent variables : ainsi, parmi les bactéries, Drapeau cite le cas de Streptococcus faecalis qui est détruit à 100 % en 15 secondes et à 25 °C par 0,01 mgO₃/l alors que 0,12 à 0,19 mgO₃/l sont nécessaires pour Escherichia coli.

De même, l'ozonation permet d’éliminer des germes appartenant à des espèces très variées : virus, champignons et levures, bactéries et protozoaires… Drapeau cite les travaux d’Evison sur le bactériophage de E. coli : en 10 minutes, 99 % d'élimination sont obtenus avec 4 µg O₃/l ; pour Mycobacterium tuberculosis 27 µg O₃/l permettent d’en détruire 99,9 % en 2,5 minutes.

Enfin, pour un même type de germes, l’ozone a une action destructive quel que soit leur état, y compris pour des formes résistantes : ainsi pour l'espèce Bacillus cereus, la destruction totale est obtenue avec un résiduel d’ozone dissous minimum de 0,12 mgO₃/l, tandis que 0,33 mgO₃/l sont nécessaires pendant quatre minutes pour éliminer les spores de cette même espèce.

— rapidité :

la figure 2 rend compte de la rapidité d'action de l'ozone vis-à-vis de plusieurs types de germes. En général, selon la dose d’ozone employée, le temps d'ozonation nécessaire à la destruction des micro-organismes varie de quelques secondes à quelques minutes.

[Photo : Fig. 2. — Comparaison des cinétiques de destruction par l'ozone de différents germes présents dans l'eau (d'après Drapeau et al., 1979).]

Ainsi à 12 °C, 48 secondes suffisent pour l'élimination de 99,99 % de bactéries E. coli dans une eau tamponnée avec 12,5 µg O₃/l. À titre de comparaison, des résiduels d'ozone de 0,05 à 0,45 mg/l détruisent des virus de la poliomyélite (souche Le et Mv) en deux minutes, au lieu de 1 h 30 à 3 heures pour des résiduels de chlore de 0,5 à 1 mg/l.

D'une manière générale, des temps relativement courts et des doses d'ozone faibles sont suffisants pour répondre aux meilleurs critères sanitaires.

1.3. – Quantification de l’activité

Avant toute tentative, il est indispensable de mieux comprendre le mode d'action de l’ozone sur les divers germes microbiens. Du fait de son potentiel d'oxydo-réduction très élevé, l’ozone agit essentiellement comme un oxydant ; s'il paraît attaquer préférentiellement les liaisons insaturées lipoprotéiniques de la paroi cellulaire dont il modifie la perméabilité, il n’en est pas moins vrai que l'oxydation des constituants internes de la cellule a été constatée : inhibition irréversible d’enzymes telles que les déshydrogénases, destruction des acides nucléiques. Le degré d'altération des cellules est fonction des conditions d'ozonation : dans le cas des bactéries, l'ozonation peut aboutir à la lyse des cellules, et dans le cas de virus, à leur désagrégation.

De nombreux auteurs ont essayé de quantifier l'action de l’ozone sur les germes. Par analogie avec les halogènes, ils ont fait intervenir deux notions : celle du temps de contact (TC) et celle du résiduel d'ozone dissous dans l'eau (RO₃) :

(RO₃)^x × (TC)^y = K

x et y étant deux paramètres dépendant du type de germes et de la qualité physico-chimique du milieu,

K étant une constante dépendant du degré de destruction des germes considérés.

[Photo : Fig. 3. — Élimination des germes par ozonation dans les eaux résiduaires.]

Néanmoins, comme le montrent les résultats expérimentaux de la figure 3, cette formulation peut être inexacte : pour les coliformes totaux, l'abattement atteint 5 × 10³ germes/100 ml, après cinq minutes d'ozonation sans que l'on puisse mesurer une quantité significative d'ozone dissous. Plusieurs hypothèses peuvent être émises :

— la mesure de l'ozone dissous qui donne une valeur moyenne reflète plus un état physico-chimique de l'eau, comme peut le faire la mesure du potentiel d'oxydo-réduction. Elle ne tient pas compte d'une multitude de gradients de concentration d'ozone situés à l'interface des bulles injectées dans l'eau. On conçoit alors aisément le rôle important de la concentration en ozone de l'air ozoné produit par les générateurs, ainsi que celui de la diffusion.

— le dénombrement des germes ne tient pas compte de leur état d'agrégation. Sous forme dispersée, les micro-organismes sont facilement détruits puisque plus aisément atteints par l'ozone, que lorsqu'ils sont accolés entre eux ou inclus dans des particules en suspension dans l'eau.

Néanmoins, le potentiel de destruction des germes fait appel à la fois aux notions de temps et de quantité d'ozone. C'est pourquoi nous préférons la formulation suivante que nous avons énoncée dans une publication précédente :

Ln (N/N₀) = a ln (TT) + b (RO₂) + c

N₀ étant le nombre initial de germes N étant le nombre de germes après le temps de contact t, a, b et c étant des constantes dépendant du milieu, du type de germes et de leur état général, ainsi que des conditions d'ozonation, TT étant la quantité d'ozone injectée dans l'eau.

Cette formule n’est qu'approchée ; en fait toutes les cinétiques semblent se décomposer en deux parties : la première, rapide, permet de s'affranchir de la majorité des germes ; la seconde, de pente plus faible, entraîne la destruction totale des micro-organismes, en particulier de ceux qui ne sont pas sous forme dispersée dans l'eau.

II. — MISE EN ŒUVRE DE L'OZONATION

Avant de décrire les différentes conditions d'application de l'ozone, il importe d'effectuer un bref rappel sur la synthèse de l'ozone et sur sa mise en contact dans l'eau.

2.1. — Technologie de l'ozone

Les générateurs d'ozone

La fabrication de l'ozone a été largement décrite dans la littérature. Rappelons simplement que la dissociation des molécules d'oxygène contenues dans un gaz vecteur, et la recombinaison partielle des atomes ainsi libérés en un composé triatomique, l'ozone, s'effectue à l'intérieur d'une zone de décharge électrique ou effluves. La synthèse de l'ozone ne nécessite donc que de l'oxygène de l'air ou de tout autre mélange, de l'eau pour évacuer la chaleur créée par les décharges et de l'énergie fournie par un courant électrique à haut voltage (plusieurs dizaines de kilovolts).

Un élément générateur d'ozone se compose de deux électrodes séparées par un diélectrique solide (généralement du verre borosilicaté) de faible épaisseur et par un mince intervalle gazeux dans lequel circule le gaz à ozoner et dans lequel ont lieu les décharges électriques en faisceaux.

[Photo : Aperçu des diffuseurs tubulaires poreux au fond d'une colonne de contact.]

Que cet élément de base soit de forme tubulaire ou plane, que l'une ou l'autre des électrodes soit refroidie (voire les deux), que l'alimentation électrique ait lieu à une fréquence normale, moyenne ou haute, dans tous les cas, les générateurs industriels d'ozone se composent d'un assemblage d'une multitude de tubes d'ozonation. La capacité unitaire d’un ozoneur dépend de leur nombre qui peut avoisiner mille éléments. Actuellement, les plus gros générateurs d'ozone peuvent fournir 15 kg O₃/h à partir d'air et à la fréquence de 50 Hz. Alimentés en moyenne fréquence (600 Hz), leur capacité est portée à 38 kg O₃/h. Si on remplace alors l'air par un mélange gazeux à forte teneur en oxygène (80 % d’oxygène, 20 % de gaz carbonique et des traces d'azote), la production d’ozone par ozoneur atteint le record mondial de 90 kg O₃/h.

Les systèmes de mise en contact

L'ozone est peu soluble dans l'eau mais cependant bien plus que l'oxygène, tous les paramètres étant gardés constants. Son transfert dans l'eau à traiter s'effectue donc selon la loi de Henry. Ainsi, moins l'eau contient d’éléments oxydables, plus il est nécessaire de se rapprocher des conditions optimales : importante hauteur d’eau (4 m et plus) de façon à augmenter le temps de séjour des bulles de gaz ozoné, diamètre des bulles compris entre 3 et 5 mm afin de renouveler rapidement l'interface gaz-liquide grâce à des mouvements réguliers de convection interne, concentration élevée en ozone du gaz vecteur (15 à 20 g O₃/Nm³ air) de façon à augmenter son transfert.

Pour introduire l’ozone dans l’eau, plusieurs systèmes peuvent être utilisés. Leur choix dépend de la qualité de l'eau, du but de l’ozonation et des conditions particulières inhérentes à l'installation. La diffusion par tubes poreux en céramique, plans ou tubulaires est la plus courante ; l'air ozoné étant généralement délivré sous pression, ce moyen de transfert s'avère très économique, mais inadéquat lorsque l'eau contient des matières en suspension ou sédimentables. Il permet cependant d'étager les injections d'ozone, ce qui est nécessaire dans les cas de mise en conformité sanitaire. Dans les autres cas, ou lorsque l'on veut réutiliser l’ozone des gaz des évents, on peut utiliser les systèmes suivants : émulseurs, injecteurs (à débit partiel ou non), et turbines (auto-aspirante ou non).

[Schéma : Fig. 4 — Le process ozone en traitement des eaux]

La figure 4 résume le cycle de l’ozone dans le traitement des eaux, et en montre les différentes possibilités ; plus particulièrement, on voit qu'une réutilisation de l'oxygène après ozonation est possible lorsque le gaz vecteur est lui-même de l'oxygène. En effet, les pertes dues à la synthèse de l'ozone, à son transfert dans l’eau et aux purges nécessaires, peuvent être estimées à moins de 20 %. Cependant, les économies réalisées par un tel système se trouvent réduites du fait du retraitement complet et nécessaire de ces gaz résiduels.

2.2. – Conditions d’application de l'ozone

Eaux potables et eaux de piscines (fig. 5)

C'est à Coin, Gomella, Hannoun et Trimoreau que l'on doit les premiers travaux visant à trouver les meilleures conditions d’application de l’ozone pour désinfecter les eaux potables. Au départ, leur matériel de base a été le virus de la poliomyélite ; par la suite, les résultats issus de leur étude se sont avérés extrapolables à la quasi-totalité des autres germes pathogènes pour l'homme. Leurs conditions étaient basées sur le maintien d'une concentration minimum résiduelle d’ozone dissous dans l'eau (R O₃) pendant un temps de contact minimum (TC), en fait 0,3 mg O₃/l pendant 4 minutes.

Dans la pratique, pour plus de sécurité, 0,4 mg O₃/l sont maintenus pendant quatre minutes : ce sont les conditions de « l’ozonation vraie » qui garantissent la qualité sanitaire d'une eau, à condition que la qualité physico-chimique de celle-ci soit au préalable satisfaisante. Si une stérilisation de l'eau est souhaitée, il est nécessaire d'avoir alors des conditions d'ozonation plus drastiques.

L'ozonation est réalisée dans une colonne de contact divisée en général en deux compartiments ; dans le premier, l'eau circule à contre-courant avec l'air ozoné et séjourne environ deux minutes ; 60 % environ de la totalité de l’ozone sont injectés, ce qui dans la plupart des cas, est suffisant pour satisfaire la demande chimique en ozone à court terme de l’eau et pour obtenir dans ce compartiment une concentration résiduelle d’ozone dissous dans l'eau de 0,4 mg O₃/l. Dans le deuxième compartiment, cette concentration résiduelle en ozone est maintenue pendant quatre minutes minimum par l'injection d'ozone à co-courant avec l'eau. De façon à améliorer le transfert de ce gaz, une hauteur d'eau importante

[Photo : Essais d'ozonation en colonne à recirculation au laboratoire.]

est nécessaire (4 m et plus), et la diffusion par poreux doit être étudiée de façon à obtenir une bonne répartition de bulles de 3 à 5 mm de diamètre.

Enfin, après le deuxième compartiment, l’ozone résiduel est en partie éliminé grâce à un système approprié de dégazage (chute, cascade, …). L’ozone restant se décompose spontanément selon des cinétiques variables, comme l’a montré Gomella :

RO₂ = (RO₂)₀ e⁻ˣᵗ

(RO₂)₀ = résiduel d’ozone dissous au temps initial t₀, RO₂ = résiduel d’ozone dissous au temps t, x = coefficient de destruction dépendant des paramètres physico-chimiques de l’eau (température, pH, matières oxydables, carbonates, …).

Eaux résiduaires

De nombreux travaux tant au laboratoire qu’en stations pilotes ont permis de dégager deux types principaux de conditions d’ozonation afin d’obtenir une eau à risques sanitaires limités. Tous deux font appel à une injection étagée de l’ozone, à contre-courant avec l’eau à traiter et de préférence dans une colonne de contact ayant quatre compartiments.

Le plus ancien est basé sur le choix d’une répartition fixe de l’ozone pour un temps de contact total de 20 mn. Ainsi 40 % sont injectés dans le premier compartiment, 30 % dans le deuxième, et 15 % dans le troisième et le quatrième. Seule, la quantité d’ozone injectée est variable et dépend à la fois du taux d’abattement des germes souhaité et de la qualité de l’eau résiduaire.

En général, pour obtenir moins de 200 coliformes/100 ml, 7 à 13 g O₃/m³ sont nécessaires si une eau décantée après un traitement biologique est utilisée ; si cette même eau est filtrée, le taux de traitement est diminué (5 à 10 g O₃/m³). Dans tous les cas, la détermination de la dose d’ozone à injecter doit être effectuée par des essais préalables.

[Photo : Automatisation de l’ozonation : vue de l’armoire renfermant le matériel électrique.]

Le deuxième type de conditions d’ozonation est plus adapté à une automatisation du procédé ; par analogie avec le traitement des eaux potables, il se base sur le maintien d’une concentration d’ozone dissous de 0,3 mg O₃/l pendant 5 minutes minimum, le temps de contact total étant de 10 minutes (fig. 6) pour obtenir moins de 1 000 coliformes par 100 ml dans l’eau épurée. Les injections d’ozone se font dans une colonne de contact de 4 mètres au moins de profondeur, divisée en 4 compartiments minimum. La majorité de l’ozone est diffusée dans les deux premiers compartiments de façon à obtenir très rapidement un résiduel d’ozone dissous dans l’eau, avec un minimum d’oxydations donc de consommation d’ozone par les matières organiques. Les injections d’ozone s’effectuent grâce à des poreux dans les trois derniers compartiments, et préférentiellement par des injecteurs ou des turbines dans le premier compartiment, ce qui permet de réinjecter l’ozone résiduel des évents : ainsi la quasi-totalité de l’ozone est consommée, et tout phénomène de nuisance évité.

III. — PARAMÈTRES INFLUANT SUR L’EFFICACITÉ

Malgré la connaissance fondamentale et appliquée des conditions optima d'ozonation afin d'éliminer des germes microbiens dans une eau, il arrive — très rarement certes — que les résultats attendus ne soient pas conformes à ceux que l'on attendait.

Ces anomalies, à première vue surprenantes, ont toujours une cause dans la mauvaise application ou le non-respect des conditions d'ozonation.

3.1. - Qualité de l'eau

De même qu'une chloration à des fins de désinfection n'est jamais effectuée directement sur une eau brute de mauvaise qualité, mais sur l'eau préalablement épurée, de même l'ozonation utilisée pour l'élimination des micro-organismes doit être appliquée à la fin d'une chaîne de traitement. Ainsi, l'eau étant débarrassée au maximum de ses impuretés, la demande en ozone est diminuée. Pour un même degré d'inactivation des germes, des économies appréciables sont ainsi réalisées puisque le taux de traitement par l'ozone peut être diminué de moitié.

D'autre part, le nombre et la taille des particules en suspension jouent un rôle important, surtout dans les cas de désinfection et de stérilisation. Nous avons vu que beaucoup de micro-organismes avaient tendance à s'agglomérer entre eux ; ils se retrouvent aussi très souvent liés à des matières solides dont la taille peut avoisiner plusieurs microns. Ces constatations mettent en évidence le rôle important du prétraitement de l'eau ; si aucune défection dans la désinfection n'est observée dans le cas d'utilisation préalable de filtres lents, il n'en est pas toujours de même lors de l'utilisation de traitements accélérés de l'eau ; une attention toute particulière doit donc être apportée à la qualité des traitements comme la floculation et la filtration rapide, si l'on veut garantir une bonne qualité bactériologique de l'eau après ozonation, sans que les conditions d'ozonation soient augmentées.

3.2. - Transfert de l'ozone

Un mauvais transfert de l'ozone se solde par une insuffisance du traitement ou par une quantité excessive de ce gaz, injectée dans l'eau de façon à obtenir un résiduel d'ozone dissous donné.

Dans tous les cas, la concentration résiduelle en ozone dans le gaz des évents est élevée, ce qui peut être source de nuisances localement.

Plusieurs causes peuvent être à l'origine d'un tel mauvais fonctionnement. Ainsi, dans le cas d'eaux peu chargées en matières oxydables, une hauteur d'eau insuffisante ne permet pas d'épuiser la plus grande partie de l'ozone contenu dans les bulles ; on estime en général qu'une profondeur supérieure ou égale à 4 mètres est satisfaisante.

Une autre cause au mauvais transfert de l'ozone peut provenir de la diffusion elle-même : les bulles d'air ozoné peuvent avoir un diamètre trop faible ou trop important (optimum : 3 à 5 mm), ceci est le cas lorsque le nombre et la porosité des diffuseurs en céramique par exemple ne sont pas adaptés au débit et à la pression du gaz ozoné ainsi qu'à la contre-pression due à la hauteur d'eau dans les colonnes de contact. Enfin, ces mêmes diffuseurs peuvent être partiellement colmatés par des dépôts divers (matières en suspension, fer ou manganèse oxydé, agents de floculation, chaux, ...). Il peut aussi y avoir corrosion des éléments métalliques (conduites d'air ozoné, joints, ...) et donc passage préférentiel de l'ozone sous forme de bulles de fort diamètre.

On conçoit aisément l'importance de l'étude du système de transfert de l'ozone avant toute réalisation, mais aussi de son suivi lors de son fonctionnement.

3.3. - Hydraulique des colonnes de contact

Toute condition d'ozonation renferme à la fois une notion de quantité d'ozone injectée mais aussi de temps de contact.

En pratique, ce temps de contact n'est que moyen : en effet, tout compartiment d'ozonation ne peut être comparé à un réacteur du type piston ; il existe toujours des passages préférentiels de l'eau, en particulier si la chambre d'injection de l'ozone n'est pas suffisamment cloisonnée ; ainsi, un temps de séjour moyen de 4 minutes peut très bien être synonyme de 3 minutes pour une partie de l'eau, ce qui est insuffisant dans le cas de désinfection d'une eau potable.

Compte tenu du circuit de l'eau, il est important de disposer les systèmes de diffusion de façon à ce que la répartition de l'ozone soit homogène et intéresse toute l'eau à traiter pendant un temps minimum requis.

En pratique, étant donné la difficulté d'avoir un réacteur parfait, le temps moyen de séjour de l'eau est augmenté, ce qui permet d'assurer un temps d'ozonation minimum garant de l'efficacité du traitement sanitaire.

3.4. - Réglage des conditions d'application

Les figures 5 et 6 montrent les diverses possibilités d'anomalies en cas de mauvais réglage des conditions d'ozonation.

Deux cas se rencontrent le plus fréquemment : absence de maintien d'une concentration d'ozone dissous lorsque cela est nécessaire, et mesures inexactes du résiduel d'ozone dans l'eau.

— Défaut de maintien de RO ;

La mesure du résiduel d'ozone dissous dans l'eau n'est effectuée parfois qu'en un seul point du compartiment d'ozonation, ce qui ne permet nullement de

[Photo : Fig. 5 : Conditions de désinfection par l’ozone des eaux destinées à la consommation publique.]

s’assurer du maintien d’une telle concentration d’ozone pendant le temps minimum parfois exigé pour un traitement sanitaire satisfaisant (cas de désinfection des eaux potables où le maintien de 0,4 mg O₃/l est nécessaire pendant quatre minutes minimum).

— Valeur inexacte de RO₃.

Deux cas sont à distinguer selon que la mesure est effectuée manuellement ou automatiquement.

Dans le premier cas, il importe de vérifier fréquemment la valeur de l’ozone dissous afin de pallier tout changement de qualité de l’eau ou de fonctionnement de la station. Il est nécessaire alors de s’assurer de la validité de la mesure en la répétant plusieurs fois, tout en tenant compte des possibles interférences dues à la présence éventuelle d’autres oxydants dans l’eau.

Lorsque la mesure est automatique, la plupart des valeurs inexactes proviennent d’un mauvais étalonnage de l’appareil ou d’une fréquence insuffisante de contrôle.

Deux erreurs principales peuvent être commises lors de l’étalonnage : d’une part, ajustement à la valeur exacte du résiduel d’ozone compromis du fait de la présence d’autres oxydants ou d’une mesure chimique erronée, et d’autre part, étalonnage sans attendre la stabilisation de la valeur indiquée par l’appareil.

Enfin, tout appareil ayant une dérive dans le temps quelle que soit sa conception, il est indispensable de le réajuster au moins une fois par semaine, à la vraie valeur du résiduel d’ozone dissous dans l’eau.

CONCLUSIONS

Ce dernier chapitre a eu pour but de donner quelques explications au mauvais fonctionnement rencontré dans de très rares cas. Comme l’expérience l’a prouvé, l’ozone est un agent désinfectant puissant, utilisé depuis de nombreuses années dans des occasions très diverses. Aussi, il n’est point besoin de rappeler ses avantages. Chaque jour, des millions de m³ d’eau sont ozonés dans le monde, à la plus grande satisfaction des utilisateurs. Une telle réussite repose sur des fondements précis : fiabilité et performances des ozoneurs, soin apporté au dimensionnement des installations, suivi du fonctionnement.

Pour chaque projet, il est nécessaire d’adapter le traitement à l’ozone, de façon à en assurer l’efficacité et à en diminuer son prix de revient. Ainsi, il est procédé le plus souvent possible à des tests au

[Photo : Appareil de mesure en continu de l’ozone dans l’eau des colonnes de contact.]

laboratoire de façon à déterminer les doses optimales d'ozone à employer ; mieux encore, des expérimentations en continu permettent de définir in situ les meilleures conditions d’ozonation en fonction des variations de qualité de l'eau.

De récents progrès ont été faits dans le domaine de l'exploitation des stations ; l'introduction de systèmes électroniques faisant appel à des microprocesseurs a permis d'automatiser l'ozonation en asservissant à chaque instant la production d'ozone à la demande en ozone de l'eau. Ainsi est-il possible de garantir la qualité bactériologique d’une eau, tout en alliant économie et sécurité et tout en évitant des effets secondaires indésirables comme cela est parfois le cas avec les halogènes.

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