Par James G. GRANTHAM, Directeur Technique DIA-PROSIM - limited
François de DARDEL, Directeur Technique et Promotion DIA-PROSIM
INTRODUCTION
L'une des critiques dont les adoucisseurs domestiques font fréquemment l’objet concerne la possibilité de développement bactérien au sein du lit de résine si celui-ci se trouve contaminé par accident, et les risques qui en découlent pour la santé du consommateur. Bien que l'eau potable soit presque invariablement distribuée à partir de stations où elle est désinfectée, il est possible, pour une série de raisons que nous n’évoquerons pas dans le présent article, que des bactéries atteignent le lit de l'adoucisseur et qu'elles s'y fixent, s'y propagent ou y prolifèrent.
Nous examinerons ici les conditions de prolifération bactérienne dans un lit de résine adoucissante et les moyens de prévention.
ORIGINE DES BACTÉRIESET CONDITIONS DE PROLIFÉRATION
Les résines échangeuses d’ions ne constituent pas en soi un milieu de culture pour les bactéries. Cependant, dans certains types d’adoucisseurs, la résine se comporte comme un filtre mécanique très efficace et retient de faibles quantités de débris microscopiques présents dans l'eau brute. Ce sont ces souillures, souvent d'origine végétale, qui constituent les éléments nutritifs nécessaires à la prolifération des bactéries. Il a été démontré que le mode de fonctionnement et la fréquence des régénérations avaient une influence déterminante sur cette prolifération :
— en fonctionnement continu, les rares bactéries présentes dans l'eau brute ne se fixent que mal sur un substrat et sont diluées par l'eau elle-même ;
— ce n'est qu'à l'arrêt que l'on observe une réelle prolifération ; malheureusement, et par nature, les adoucisseurs domestiques ont précisément un fonctionnement intermittent et de longues périodes d’arrêt ; il est à noter que la prolifération peut se produire dans les canalisations mêmes et que la durée de l'arrêt a une influence considérable (voir figure 1) ;
— au cours du processus de régénération, la résine est généralement soulevée à contre-courant et les débris ainsi que les bactéries qui y adhèrent sont éliminés en grande partie, mais pas totalement ;
— le régénérant lui-même (NaCl) n'a pas en vérité d'effet bactéricide, mais à forte concentration (10 à 20 %) il ralentit sérieusement la prolifération ; c'est pourquoi on recommande, lors d'arrêts prolongés, de maintenir la saumure concentrée dans l'adoucisseur au lieu de le rincer ;
— lorsqu'aucune autre mesure n'est appliquée, il faut rejeter les premiers volumes d'eau après chaque arrêt de l'appareil ; on considère qu'un seul volume n'est pas suffisant lorsque le lit est fortement contaminé et que 5 à 10 volumes de rinçage à l'eau brute (potable) permettent d'atteindre une réduction satisfaisante du nombre de germes.
Les bactéries que l'on trouve habituellement dans un adoucisseur domestique sont généralement non pathogènes ; néanmoins certaines Autorités d'Hygiène considèrent qu'il y a un risque dès lors que le passage de l'eau dans l'appareil cause un accroissement dans la numération bactérienne. Dans certains pays, la législation sur l'hygiène et la santé exige que l'eau traitée par un adoucisseur ne contienne pas davantage de bactéries que l'eau brute qui l'alimente. Cette disposition a ou pourrait avoir un effet négatif sur les ventes d'adoucisseurs.
PREVENTION
Divers fabricants d'adoucisseurs et producteurs de résines se sont penchés sur ce problème afin de satisfaire à ces exigences légales en modifiant la conception des appareils ou leur mode de fonctionnement. Outre les conditions de régénération dont l'influence vient d’être évoquée, des dispositifs spéciaux ont été mis au point pour limiter ou stopper la prolifération bactérienne. Parmi ceux-ci, on citera les exemples suivants :
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1. Dosage automatique d'une quantité suffisante de bactéricides dans la saumure de régénération.
On utilise le plus souvent des composés chloroaminés tels que la chloromélamine (trichloro 2,4,6-triamino 5 triazine) ou la chloramine T. La figure 2a montre les numérations bactériennes moyennes par semaine (sans la valeur du lundi matin) et la figure 2b la valeur du lundi matin au cours d'une série d'expériences où les adoucisseurs étaient régénérés deux fois par semaine. Ce procédé a pour inconvénient la nécessité d'un système de dosage précis et du maintien du niveau de la réserve de bactéricide dans l'appareil.
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2. Electrolyse partielle de la saumure au cours de la régénération, produisant du chlore naissant en vue de désinfecter le lit de résine et l'adoucisseur.
Ce procédé est ingénieux mais nécessite un réglage minutieux pour éviter qu'un excès de chlore ne réagisse avec la résine et finisse par l'oxyder, ce qui se traduirait par un décroissement et donc un dommage irréversible.
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3. Montage en amont ou en aval de l'adoucisseur d'un stérilisateur à ultra-violets ou d'un filtre argenté.
L'inconvénient de l'une ou l'autre de ces solutions réside dans le coût des appareils stérilisants ou de dosage, et dans le fait que des substances pyrogènes peuvent être introduites dans l'eau adoucie.
4. Résine auto-stérilisante.
Pour éviter les divers inconvénients présentés par les solutions précédentes, un procédé plus simple, moins onéreux et plus satisfaisant a été mis au point : il s’agit d'une résine bactériostatique qui, mélangée à raison d'un pour cent environ avec la résine adoucissante ordinaire, évite que les bactéries introduites dans le lit de résine ne se propagent et ne se multiplient de telle sorte que la numération bactérienne à la sortie de l'appareil ne soit en aucun cas supérieure à celle de l'entrée d'eau, même et surtout après un arrêt de l'adoucisseur.
Cette résine, la DUOLITE C 26 AG, doit son activité bactéricide à l’argent métallique précipité à la surface et au sein des billes au cours du processus de fabrication. Un programme d’essais a été confié à un laboratoire de biologie et de biochimie britannique ; les essais ont confirmé que le mélange de 99 % de DUOLITE C 225 (résine classique pour adoucissement) et 1 % de DUOLITE C 26 AG, délibérément contaminé par des bactéries Escherichia Coli, prévenait efficacement la prolifération de ces germes et leur passage dans l’eau adoucie. L'étude a porté sur quatre aspects du problème :
a) Effet bactéricide en fonctionnement normal.
- — Rinçage à l’eau brute (eau du réseau déchlorée), puis contamination de deux colonnes, l'une contenant 250 ml de résine ordinaire (référence) l'autre un mélange de 250 ml à 1 % de DUOLITE C 26 AG et 99 % de résine ordinaire par percolation à 6 volumes par volume et par heure d'une eau contaminée par 36 unités E. Coli aux 100 ml.
- — Drainage des colonnes jusqu’au niveau supérieur de la résine.
- — Stockage à 30 °C pendant 48 heures.
- — Déplacement de l'eau interstitielle et rinçage des colonnes à l'eau stérile.
- — Comptage des bactéries dans l'effluent du rinçage.
Résultats (en unités/100 ml) :
Eau brute (non contaminée) | < 1 u |
Eau contaminée | 36 u |
Effluent au moment de la percolation d'eau contaminée
* Colonne de référence | 34 u |
* Colonne avec C 26 AG | 31 u |
Effluent de rinçage après 48 heures à 30 °C
* Colonne de référence | 4 u |
* Colonne avec C 26 AG | < 1 u |
b) Croissance des bactéries sur la résine.
Après contamination et stockage comme en a), mise en suspension des résines provenant de chacune des colonnes et agitation dans un volume d'eau stérile.
Résultats :
Suspension résine de référence | 63 u |
Suspension résine avec C 26 AG | < 1 u |
c) Tests de culture.
Le mélange à 1 % de C 26 AG a été testé comme milieu de culture pour des bactéries coliformes, des germes proliférant à 22 et 37 °C (Pseudomonas Aeruginosa) et des champignons. Les tests ont été négatifs dans tous les cas (pas de prolifération).
d) Tests de toxicité.
Le mélange à 1 % et la DUOLITE C 26 AG pure ont été examinés sous l'angle de la toxicité, du relargage et de la turbidité. Les résultats furent satisfaisants sous tous aspects.
Au vu des résultats de ces essais, le National Water Council, autorité britannique chargée des questions relatives à l’eau, a approuvé l'utilisation de cette résine argentée pour le traitement des eaux potables.
Bibliographie
R.H.W. SCHUBERT : Zur Frage der Nachverkeimung von Trink- und Brauchwasser, Zbl. Bakt, Hyg., I. Abt. Orig. B 161, 248-265 (1975).
J.M. STAMM et al. : Microbiological Study of Water-Softener Resins, Applied Microbiology, Sept 1969, pp 376-386.
H.K. FLEMMING : Keime im Reinwasser, Untersuchungen zum Bakterienwachstum auf Ionenaustauscher-Harzen (conférence présentée à la Technische Akademie d’Esslingen (Allemagne Fédérale) le 22 juin 1981).
Une étude technique et bibliographique complète est disponible auprès des auteurs.