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Stations d'alerte : conception et cohérence avant tout

28 février 2013 Paru dans le N°359 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : Christian GUYARD

Les grosses usines de potabilisation doivent être protégées de l'arrivée de polluants accidentels. Particulièrement celles qui exploitent les eaux de surface. Plus que les appareils analytiques, l'important réside dans la conception, l'implantation et la maintenance de la station pour donner l'alerte de manière fiable.

Les eaux potabilisables sont soumises à des valeurs seuils réglementaires au-delà desquelles elles ne sont plus utilisables pour la production d’eau potable. Au-delà de l’aspect réglementaire, l’exploitant d’une usine de potabilisation est soucieux de ne pas grever ses coûts d’exploitation par une surconsommation de réactifs, la saturation prématurée des charbons actifs sans parler d’un arrêt pour nettoyer des installations contaminées par des polluants, solution extrême difficilement supportable dans nos sociétés. Pour une fois, les exigences en matière de santé et les préoccupations économiques convergent.

« L’installation de telles stations est faite soit en raison de la mise en place de périmètre de pro-

[Encart : Projeter l’implantation d’une station d’alerte ne se limite pas au choix d’un analyseur, de quelques sondes et d’un moyen de communication. Il faut mener une bonne évaluation des risques, choisir les paramètres à suivre et réfléchir sur le meilleur lieu d’implantation pour que le prélèvement soit représentatif de la masse d’eau et laisse un temps suffisant pour réagir.]

Protection de captage sur la recommandation de l’hydrogéologue compétent, soit à l’initiative directe d’une collectivité qui souhaite s’équiper », explique Christelle Pagotto de la direction technique de Véolia Eau qui exploite une petite trentaine de stations d’alerte.

[Encart : Des bouées instrumentées Une variété particulière de station d’alerte est la bouée instrumentée qui doit être autonome sur plusieurs semaines voire mois (produits de Néréides avec liaison radio). Elles sont dotées de mesures physiques, de panneaux solaires pour l’énergie. Elles comportent souvent des sondes multiparamètres, lesquelles sont utilisables aussi sur les rivières, souvent de manière temporaire, avec l’avantage d’être rapidement opérationnelles vu qu’il suffit de les immerger à la profondeur voulue (parfois quelques dizaines de mètres). Exemple, la SMATCH de NKE Instrumentation (conductivité, température, pression, fluorescence, turbidité, oxygène dissous, pH) utilisable aussi en milieu côtier. C’est une retombée du programme Prolyphic qui a conduit au développement d’une bouée d’observation des proliférations algales dont trois ont été mises en œuvre sur différents lacs, un succès technologique pour NKE Instrumentation.]
[Photo : Sonde SMATCH jusque 7 paramètres physico-chimiques suivis avec transmission de donnée intégrée. Produit en France par NKE Instrumentation.]

Le sujet est particulièrement sensible pour les prises d'eau de surface (cours d'eau, lacs naturels et artificiels) exposées à des déversements accidentels, à des dysfonctionnements de station d’épuration à l’amont d’une prise d’eau. Le dispositif d’alerte donnera à l’exploitant d’une usine de potabilisation le délai dont il a besoin pour réagir : suspendre le pompage, fermer un canal d’alimentation, envoyer des équipes sur le terrain pour mieux évaluer la situation, réaliser des prélèvements supplémentaires pour des analyses plus complètes, mettre en place des solutions de remplacement.

Évaluer les risques et choisir les paramètres à suivre

Projeter l’implantation d’une station d’alerte ne se limite pas au choix de quelques analyseurs, de sondes et d’un moyen de télécommunication. « Il faut réaliser une bonne évaluation des risques, choisir les paramètres à suivre selon les dangers, accompagner la réflexion de la collectivité sur le meilleur lieu d’implantation pour que le prélèvement soit représentatif de la masse d’eau et que son éloignement de la prise d'eau laisse un temps suffisant pour réagir », insiste Christelle Pagotto.

La station d’alerte évalue en continu la qualité de l’eau grâce à des sondes et des analyseurs, compare les données acquises à des valeurs seuils de qualité et d’alerte, et transmet cette alerte au système d’information de l’exploitant.

Le terme « station » recouvre des réalités assez diverses : de la simple sonde monoparamètre à une association de capteurs, de sondes, d’analyseurs jusqu’à la station multiparamètres prête à l'emploi installée en bord de cours d’eau ou de lac.

Les constructeurs ont conçu des stations prémontées en usine (et testées) qu’il « suffit » de brancher (énergie, ligne de prélèvement, télécommunication), les travaux de génie civil étant réalisés en temps masqué.

C’est le cas de l’Ecowatch de Mesureo ou de l’IAS 18 de Hocer. Selon l’importance du captage, il peut être judicieux de placer en différents endroits des stations de mesure différentes et réaliser un réseau de mesures en temps réel (voir article sur le projet CarboSeine dans EIN n° 355 qui illustre la question).

Le choix des paramètres se porte logiquement sur ceux qui reflètent le mieux la qualité de l’eau au point choisi. « Les para-

[Photo : Le flotteur instrumenté Eco EMIS 400 a été développé par les ingénieurs de Ponsel Mesure pour répondre aux besoins de mesures de monitoring in situ de la qualité des eaux pour des durées de quelques jours à quelques mois. Facile à transporter, robuste et submersible, l’Eco EMIS 400 accepte une large variété de sites d’implantation.]
[Publicité : ANAEL]
[Photo: Endress+Hauser est en mesure d’apporter de nombreuses solutions compactes et modulaires pour la mesure en ligne de la qualité de l'eau. Ces solutions intègrent le prélèvement d’échantillons, les capteurs, l’acquisition et le traitement de données.]

Les paramètres de base à suivre sont le pH, la température, la conductivité, l’oxygène dissous et la turbidité dont la variation brutale signalera un problème. Ensuite, on peut suivre la matière organique (COT) et d’autres plus spécifiques comme les hydrocarbures, l’ammonium, explique Olivier Giboire de la direction technique chez Veolia Eau. Les algues (eutrophisation de la ressource) sont également mesurables vu les risques de bouchage de prise d’eau et de toxines.

Bionef propose une gamme de spectrofluorimètres in situ ou en ligne dédiés aux différents types de phytoplanctons. « Nous surveillons ainsi en temps réel l’échappée de grandes et moyennes stations de production », indique Yves Primault chez Bionef. Dans la mesure où l’on recherche une alerte et moins tel ou tel polluant, la toxicité générale d’une eau est détectable par des capteurs biologiques de types divers : poissons ou microorganismes dont on surveille l’activité.

« L’intérêt du détecteur de pollution biologique est d’avoir un spectre de détection très large permettant de déclencher l’alerte », explique Luc Derreumaux chez Cifec. Alors que les méthodes physico-chimiques traditionnelles, de par leur spécificité, ne permettent de trouver que ce que l’on cherche.

Une pollution accidentelle n’est pas prévisible. Il existe des milliers de molécules toxiques différentes qui peuvent potentiellement se retrouver accidentellement dans l’eau en amont d’une station de traitement d’eau potable. Or il est matériellement impossible de les mesurer toutes en continu. Le risque est donc grand de passer à côté d’une pollution pourtant dangereuse pour la santé publique et cela malgré la présence d’une station d’alerte de mesures physico-chimiques. Historiquement, le détecteur biologique est la version aquatique des oies sacrées du Capitole qui sauvèrent les Romains assiégés, en donnant l’alerte en l’an -390.

Le groupe des Eaux de Marseille et Cifec ont associé leurs expériences respectives dans le domaine des détecteurs biologiques. Dans la gamme Truitosem, Cifec propose le détecteur Truitel particulièrement adapté pour la surveillance des eaux de surface et des eaux de nappes destinées à la potabilisation. Une autre série d’appareils permet le contrôle des effluents de station de traitement d’eaux résiduaires. C’est le cas de l’Aptenorotus Albifrons.

[Publicité: Editions Johanet]
[Photo: Le détecteur d’hydrocarbures ODL-1600 commercialisé par Isma assure une surveillance fiable en continu de la qualité de l'eau en détectant immédiatement une pollution d’hydrocarbures à la surface de l'eau, sans prise d’échantillon, par la mesure du rayon laser réfléchi. Il n'y a aucun contact avec le milieu à surveiller, donc pas d’entretien.]
[Publicité : AMS Systea]
[Photo : Sans réactif ni préparation d’échantillons, l’AquaPod Light UV + Fluo de Hocer est adapté aussi bien aux eaux traitées que chargées : eau potable, rivières, eaux pluviales, stations d’épuration, etc.]

Une recherche universitaire de plusieurs années a permis de révéler et de vérifier la réaction organique de ce poisson face aux changements physico-chimiques de l’eau. Le détecteur biologique de pollution Gymnotox d’AquaMS analyse et exploite cette réaction afin de prévenir l’exploitant de l’arrivée d’une pollution. Ces organismes intègrent tous types de polluants ; reste à caractériser la ou les substances en cause pour résoudre le problème.

Concernant les mesures physico-chimiques, Cédric Fagot, chef de marché Eau et Environnement chez Endress+Hauser remarque : « Il n’existe pas de règle générale ; la définition de ces paramètres est fonction de l’hydrogéologie, des types de pollution, des études de risques sur la prise d'eau ». Les métaux lourds sont rarement recherchés au niveau de station d’alerte. « On peut équiper des points avec un capteur monoparamètre, mais les exploitants préfèrent suivre plusieurs paramètres pour disposer d’un faisceau de mesures et conclure d’une situation en fonction des corrélations qu’ils ont pu établir entre les différentes grandeurs », explique Bertrand Vergne de Hocer ; c’est le savoir-faire des exploitants. Un dépassement de seuil pourra déclencher plusieurs actions : activer un préleveur d’échantillons, accroître la fréquence de prélèvements, alerter du personnel en astreinte, etc. Hocer a équipé la vigie du réseau Loire Alerte (Saur) en aval de la centrale nucléaire de Chinon d’un Aquapod Light (DCO, MES, hydrocarbures).

Les fournisseurs sont nombreux : Endress+Hauser, Hach-Lange, Anael, Bionef, Datalink Instruments, Secomam, Seres, Hocer, Cifec ; les grandes agglomérations utilisant des eaux de surface sont équipées et renouvellent périodiquement leurs équipements. Pour réduire les coûts de ces stations, on note une tendance à recourir aux mesures physiques, notamment aux UV utilisés pour la détection d’hydrocarbures, de biomasse, des nitrates… selon les longueurs d’onde utilisées. L’avantage est qu’il n’y a pas de réactifs consommables (et de rejets). Olivier Giboire note qu’une mesure de COT par UV est moins contraignante qu’avec un COT-mètre.

Datalink Instruments propose l’Ammonit200 qui permet le suivi simultané par mesure UV du COT, des nitrates et des ions ammonium. Le FL200 du même fabricant permet le suivi simultané des hydrocarbures par fluorescence UV et du COT par absorbance UV.

Hocer propose différents appareils dans la gamme Aquapod dont une nouvelle

[Photo : Secomam (Groupe Xylem) et l’École des Mines d’Alès ont mis au point un système d’alerte multiparamétrique baptisé Station d’Alerte Compacte destiné à la surveillance de la ressource. Grâce à une technologie innovante et brevetée, la Station d’Alerte Compacte estime automatiquement la teneur en matières organiques (DCO, DBO, COT), en matières en suspension et mesure les nitrates. Elle surveille et détecte également l’apparition de substances indésirables : pesticides, hydrocarbures aromatiques.]
[Photo : WatchFrog commercialise une nouvelle génération de tests qui met en œuvre des modèles dérivés de larves d’amphibiens ou de poissons translucides qui, grâce à des bio-marqueurs spécifiques, émettent de la fluorescence en présence de polluants ou de molécules toxiques.]
[Publicité : Éditions Johanet]
[Publicité : Metrohm France SAS]
[Photo : Sur la Moskova, 300 analyseurs automatiques Seres environnement surveillent en continu la qualité des eaux pour la régie des eaux de Moscou : phosphates, chlorures, ammonium, fer, pH, température, turbidité.]

Version du SPE sortie fin 2012 (trois modèles 50/250/500). Elle permet notamment de détecter l’atrazine et le diuron grâce au spectrophotomètre intégré à l'appareil et aux nombreux composés mis en mémoire dans l'appareil (pesticides, nombreux produits industriels, hydrocarbures et HAP) et au traitement des spectres obtenus. Thétys Instruments s'est aussi spécialisée dans la mesure par UV avec ses analyseurs spectroscopiques, notamment l'UV500. Un type d’appareil qui se démarque des capteurs mono ou bi longueurs d’onde qui visent plus précisément un composé ou un paramètre, par exemple le Viomax CAS51D d’Endress+Hauser pour les nitrates et la charge organique (DCO, COT).

Autre méthode physique utilisée, la mesure de fluorescence émise par certains composés ou organismes lorsqu’ils sont éclairés : la gamme de spectrofluorimètres Bionef dont la sonde Fluoroprobe ou l’analyseur en ligne AlgaeGuard par exemple qui permettent de détecter et discriminer différentes classes d’algues par leur spectre d’émission et leur réponse à telle ou telle longueur d’onde. Ou encore la sonde MicroFlu Blue d’AquaMS et Bionef ainsi que la sonde AlgaeTorch de Bionef spécifique des cyanobactéries et du phytoplancton total qui mesurent de façon sélective la fluorescence émise par la phycocyanine pour la mesure des cyanobactéries. WatchFrog, qui développe des solutions biotechnologiques, commercialise de son...

[Photo : L’AlgaeGuard de Bionef est conçu comme un instrument « plug and play » : les mesures sont effectuées automatiquement, immédiatement après l'initialisation du système, à l'aide des réglages prédéfinis des paramètres, en appuyant sur le bouton start sur l’écran tactile. L'intervention continue d’un opérateur n'est pas nécessaire : l’entretien est de moins d'une heure par mois.]
[Encart : La dégradation régulière de la qualité de la ressource, la nécessaire conformité aux normes nationales ou internationales, conjugués aux aléas des risques de pollution inopinée quelle qu'en soit la raison, nécessitent de connaître aussi rapidement que possible la qualité d'une ressource en eau destinée à la potabilisation. L’un des facteurs particulièrement critique est la capacité à utiliser une technique ou un équipement analytique mesurant en ligne un élément chimique donné, avec une fiabilité permanente, quels que soient les éléments interférents aléatoirement présents. La fiabilité de la mesure est d’autant plus importante que les conséquences sont à la fois d'ordre sanitaire mais aussi financières selon que la ressource en eau aura été utilisée malgré une pollution détectée trop tard, ou au contraire délaissée par mesure de sécurité, lorsqu’une alerte est générée à mauvais escient.]

Ces contraintes ont été identifiées par Metrohm Applikon qui équipe depuis plus d'une décennie les usines de production d'eau de la région parisienne, notamment celles alimentées par la Seine et la Marne. La surveillance efficace et continue de paramètres tels que l’ammoniaque, l'aluminium, les phosphates, le COT, la présence d'hydrocarbures, etc., constitue la meilleure garantie pour le consommateur d'une production d'eau sans risques. Depuis 2008, le contrôle de l'absence de métaux lourds dans les ressources en eau issues notamment de la Loire et du Rhône ont fait partie des dernières installations en ligne mises en place par Metrohm Applikon. Il s'agit de mesurer par voltammétrie en ligne des niveaux de ppb, ou dizaines de ppb, de métaux tels que le zinc, cuivre, plomb, cadmium, nickel, chrome, etc.

La voltammétrie déjà bien maîtrisée au laboratoire par Metrohm est mise en ligne avec succès dans l'analyseur ADI2045VA révélant ainsi en toute fiabilité les épisodes anormaux potentiels qui peuvent survenir selon les incidents ou l’activité industrielle régionale.

[Photo : La sonde CTD75 commercialisée par AquaMS permet de mesurer directement dans le milieu naturel plusieurs paramètres. Cette sonde configurable de haute précision permet de réduire les frais de structure liés au pompage et intègre les capteurs de conductivité, T°, pression ainsi que de turbidité, pH, Redox, Oxygène dissous, chlorophylle a, HAP cyanobactéries et H2S dissous.]

côté des tests permettant d’évaluer l’impact d’échantillons environnementaux (eaux usées, eau potable, eau souterraine, eau de mer, sédiment, boues).

Cette nouvelle génération de tests met en œuvre des modèles dérivés de larves d’amphibiens ou de poissons translucides qui, grâce à des bio-marqueurs spécifiques, émettent de la fluorescence en présence de polluants ou de molécules toxiques ayant un impact sur l'environnement ou la santé. Les méthodes chimiques sont complémentaires et sont présentes dans les stations de mesures sous la forme d’analyseurs en ligne lorsque l’on souhaite connaître précisément une concentration en un composé chimique : c’est typiquement le cas des phosphates, de l’ammonium. L’évolution sur ces appareils porte sur la réduction des consommations de réactifs, point limitant de l’autonomie.

Ne pas sous-estimer la maintenance

L’autre facette des stations d’alerte est leur caractère opérationnel, qui suppose d’avoir l’énergie disponible pour faire fonctionner les appareils et la partie télécommunication ainsi que la ligne de prélèvement d’eau. L’arrivée du numérique a permis de réduire les consommations d’énergie et de fiabiliser les données.

Pour l’alimentation en énergie, Bertrand Vergne souligne que le mieux est encore d’avoir accès au réseau électrique, ce qui est en général le cas en Europe. Les télécommunications sont le plus souvent réalisées par GPRS vu la couverture généralisée du territoire.

L’autre point essentiel est la maintenance de la station pour les analyseurs et le système de prélèvement d'eau. « C’est d'ailleurs un point délicat pour assurer la qualité des mesures. Selon le type d’eau et l’analyse réalisée il faut adapter le pompage, la filtration, et prendre en compte les risques de colonisation par des organismes, le gel » explique Clément Schambel de Mesureo. « Pour des stations importantes, la maintenance peut nécessiter plusieurs jours d’intervention par semaine, c’est une charge importante » confirme Olivier Giboire. Mais la fiabilité d'une alerte est à ce prix.

À signaler enfin de nouvelles solutions, en cours de développement.

Un système d’analyse spectrofluorimétrie en ligne pour séparer les fractions humiques et diverses autres fractions organiques est annoncé chez Bionef : le système Status permettra à la fois de surveiller le captage et de juger de l’efficacité du traitement dans la filière grâce à un système de multiplexage.

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