Optimisation d'une production ou contrôle des rejets, surveillance des rivières, des réseaux d'eau potable? La spectrophotométrie peut être mise en ?uvre dans de très nombreux domaines d'activités. Pour mesurer certains paramètres chimiques, cette technique d'analyse optique, fiable et peu onéreuse, est capable de reproduire en ligne les mêmes résultats que ceux obtenus en laboratoire.
La spectroscopie est une méthode analytique qualitative qui mesure l'absorbance d’un produit en solution. Selon la loi de Beer-Lambert découverte au XVIIIᵉ siècle par Pierre Bouguer et reprise par Lambert puis Beer, il existe une relation entre l'absorption de la lumière et les propriétés du milieu qu'elle traverse. Plus un échantillon est concentré, plus la lumière est absorbée, plus la longueur du trajet parcouru par la lumière dans la solution est réduite.
Le spectre optique est divisé en plusieurs catégories de longueurs d’onde : le visible entre 400 et 800 nm, l’ultraviolet (UV) entre 200 et 380 nm, et l’infrarouge (IR) au-delà de 800 nm. Or, dans la gamme UV/visible/proche IR (200 à 1100 nm), l’eau est transparente, elle n’absorbe pas la lumière, alors que certains éléments chimiques réagissent et absorbent la lumière, comme par exemple les nitrates à 220 nm, les composés organiques dissous à 254 nm ou les ions chlorure à 280 nm. Cette propriété optique permet ainsi de déterminer la teneur d’un élément chimique en se plaçant à une valeur de longueur d’onde donnée correspondant à sa capacité d’absorption, sans ajout de réactif ni préparation d’échantillon. De surcroît, cette méthode est fiable (précision de mesure inférieure à 2 %) et donne des résultats immédiats.
Ainsi, elle permet de satisfaire les préconisations de détection recommandées par la législation dans le domaine des eaux potables et des eaux usées.
Cependant, tous les éléments chimiques dans l’eau ne sont pas détectables selon cette technique. Une technique alternative, la colorimétrie, est utilisée pour la mesure d’autres ions (phosphate, fer, chrome, aluminium…). Selon cette méthode, il est nécessaire d’ajouter un réactif chimique à l’échantillon pour complexer chimiquement la substance à analyser, avant de réaliser la mesure sur une longueur d’onde, ou un spectre plus large (généralement les UV). Cette méthode (précision de mesure de l’ordre de 2 %) permet de suivre des concentrations particulièrement faibles (de quelques µg/L à 1 mg/L). Elle donne des résultats généralement en 5 à 10 minutes.
Autre méthode de mesure optique dérivée de la spectroscopie : la fluorescence.
« Certaines espèces chimiques ont la particularité d’émettre de la lumière (fluorescence) dans un spectre qui leur est caractéristique lorsqu’elles ont été excitées par un faisceau lumineux d’énergie suffisante. L’intensité de la lumière émise dépend de la concentration de l’élément chimique qui “fluoresce”. Certains composants des huiles minérales, en particulier les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), ont cette propriété », rappelle Bruno Vilotitch chez Datalink Instruments, spécialisée dans l’analyse en continu des liquides. « Cette technique, exploitable dans le domaine des faibles concentrations (ppb), permet de détecter des pollutions infimes par les HAP. La mesure de la fluorescence fonctionne aussi très bien pour mesurer le taux de chlorophylle dans les eaux de surface. »
La spectroscopie pour des mesures en ligne
Principe de mesure robuste, la spectrophotométrie est probablement l’une des méthodes les plus simples à mettre en œuvre in situ. La spectroscopie est aussi très largement utilisée pour l’analyse en ligne de l’eau. Ce dispositif permet de suivre un certain nombre de paramètres permettant de surveiller le bon déroulement dans le domaine des eaux potables et des eaux usées.
Elle permet d’assurer aussi l’autosurveillance de la qualité des rejets et de sécuriser les stations de potabilisation et de distribution de l’eau potable. Pour réaliser ces mesures, il existe deux types d’analyseurs optiques : ceux qui réalisent une lecture optique par photométrie ou colorimétrie des résultats d’une réaction chimique et ceux qui mesurent directement sur l’échantillon d’eau les caractéristiques d’absorbance, de diffusion ou encore de fluorescence. Plus fiables, plus résistants et communicants, fonctionnant sans consommable (lorsque cela est possible), leur maintenance s’est également allégée ces dernières années.
De tels appareils sont-ils capables de reproduire en ligne ce qui est réalisé en laboratoire ? Tout dépend en fait des paramètres à mesurer. Il est des paramètres où les principes optiques sont incontournables pour la mesure en ligne. C’est vrai notamment pour la turbidité, la mesure de cette caractéristique étant aujourd’hui au point sur l’eau.
La mesure d’autres paramètres est plus problématique. Mesurer la DBO ou la MES par corrélation en utilisant la spectroscopie peut entraîner des doutes sur la représentativité de la mesure, notamment dans le temps. De fait, on sait que la mesure optique d’absorbance de la DCO dépend de la composition chimique. D’où l’importance de travailler sur un liquide dont les compositions chimiques sont relativement stables.
Une large gamme d’appareils
Sur le marché, de nombreux spectrophotomètres sont disponibles, commercialisés par des fabricants tels que Hach-Lange, Shimadzu France, Fischer Scientific, PerkinElmer, Endress+Hauser, Anael, Axflow, Datalink Instruments, Hanna Instruments, Izitec, Secomam, Tethys Instruments, Inforlab Chimie, Cifec, VWR, etc.
Ce qui distingue les différents instruments ? Leurs cellules de mesure (in situ ou déportées), leurs matériaux (acier inoxydable, plastique, etc.), leur logiciel de configuration (utilisable via un PC ou Ethernet), leur électronique (enregistreur incorporé ou non, alimentation batterie ou secteur…), leur résistance (ATEX, IP65, température de fonctionnement), leur parcours optique… Autant de caractéristiques à prendre en compte avant de choisir un modèle pour la mesure d’un élément chimique dans une application donnée.
les sulfates de cuivre, le chlore libre, le nitrate, le COT, etc. Sa série de colorimètres Tytronics Sentinel est utilisée pour d'autres applications : ammoniaque (des ppb à 100 ppm en standard), phosphate, nitrite, chlore total, chrome, aluminium, fer, manganèse…, silice, phénol… Ses capteurs Monispec mesurent l’absorption d'un faisceau lumineux (visible/proche IR), ce qui permet de détecter les particules en suspension dans les liquides jusqu’à 6 g/L ou une couleur pour obtenir par corrélation une concentration. Enfin, la surveillance des HAP en ligne est proposée grâce à la série d’analyseurs HydroSense. La plupart des analyseurs de chez Anael sont disponibles en modèle ATEX.
Le nouveau capteur spectrométrique UV Viomax CAS51D d’Endress+Hauser permet de mesurer en ligne les nitrates ou la matière organique (CAS) sans réactif ni préparation d’échantillons. Il utilise pour cela l'auto-absorption de la substance à mesurer dans deux gammes de mesures UV, configurables lors du choix du capteur : une gamme de 190 à 230 nm pour les nitrates ou 254 nm pour la matière organique. L’innovation apportée par ce capteur vient tout d'abord du design compact mais aussi des larges plages de mesure pour chaque paramètre à mesurer. Les applications sont donc variées et permettent de couvrir tous les besoins dans le domaine des ressources en eau, de l'eau potable et des eaux usées urbaines. La communication numérique Memosens du capteur permet de le raccorder au nouveau transmetteur Liquiline CM44x et de bénéficier ainsi des dernières avancées technologiques de cette nouvelle plateforme.
Hach-Lange propose de son côté une large gamme d’appareils optiques (spectrophotomètre, colorimètre) couvrant l’ensemble de paramètres applicables à l’analyse de l’eau : eaux brutes, eau potable, eaux usées et eaux de process. Parmi ceux-ci, le spectrophotomètre DR 3900 doté de la technologie RFID, IBR +, AQA + et LINK2SC permet d’accroître la fiabilité de chaque étape du processus d’analyse de l'eau. Il associe les caractéristiques suivantes :
- - Une identification et une traçabilité fiables des échantillons grâce aux identifiants RFID ;
- - Une identification des échantillons sans équivoque grâce à l'attribution d'un identifiant RFID unique ;
- - Un nouveau code-barres 2D, qui informe du numéro de lot et de la date limite d’utilisation des réactifs ;
- - Des certificats de lots actualisés disponibles sur l’étiquette RFID présente sur l’emballage des tests en cuve ;
- - Une connexion LINK2SC qui permet la comparaison directe entre les résultats des analyses de process et en laboratoire ;
- - L’ajustement automatique d’une sonde, si nécessaire ;
- - Un transfert des données de mesure via une connexion Ethernet ou clé USB.
Aucun logiciel supplémentaire n’est requis. Les mesures AQA peuvent être définies et documentées par le spectrophotomètre lui-même. Une fonction de rappel configurable pour les mesures AQA à effectuer permet de faciliter les tâches au quotidien.
Les certificats d’analyses actualisés sont disponibles sur l’étiquette RFID présente sur l’emballage du test en cuve.
Le certificat du lot concerné peut être rappelé en plaçant l’emballage et son étiquette RFID devant le capteur du DR 3900 pour une impression instantanée. Les mesures de la qualité sont recensées et consignées à des fins de documentation, telles que le système ADDISTA. Par ailleurs, l'utilisateur peut créer et mettre à jour des cartes de contrôle de la qualité sur le spectrophotomètre DR 3900.
Macherey-Nagel vient de lancer de son côté un spectrophotomètre spécifique, le Nanocolor Vis, destiné au contrôle de la qualité des eaux (eau potable, eaux usées, eaux de process ou eau de rivière). Selon le principe de la colorimétrie, le Nanocolor Vis permet la quantification de différents paramètres physico-chimiques d'une eau (DCO, azote total, phosphore, métaux, …). Il offre la possibilité de contrôler automatiquement la présence de la turbidité (en NTU) et prévient le technicien. Dans ce contexte, aucun résultat n'est affiché sans que la présence du facteur interférent majeur ne soit détectée. L’analyse s’en trouve considérablement fiabilisée.
Le spectrophotomètre Nanocolor Vis intègre également une fonction de Contrôle Qualité Interne (IQC) permettant à l’instrument de rappeler automatiquement au technicien la fréquence de passage des solutions étalons Nanocontrol. L'objectif visé est de vérifier la performance de tout le processus analytique. Le responsable du laboratoire choisit directement cette fréquence de contrôle en la programmant dans la mémoire de l'appareil conformément aux BPL. Son accès est protégé par un code d’accès.
Tethys Instruments s'est spécialisée depuis plusieurs années dans la mesure multiparamètres par spectroscopie UV, aussi bien en stations d'alerte sur rivière qu’en stations d’épuration. Aujourd’hui, les applications nécessitent la mesure simultanée de plusieurs paramètres et la solution la plus adaptée en termes de coûts et de facilité d'utilisation est un appareil multiparamètres. En stations d’épuration ou en stations d’alerte sur rivière, il n'est pas rare d’avoir jusqu'à 12 paramètres simultanés, donc au moins 6 par spectroscopie UV ou visible (NO₃, NH₄, PAH, DCO, PO₄, Couleur).
« Nous avons développé des méthodes et des algorithmes de compensation de la turbidité qui permettent d’utiliser la spectroscopie UV et même la colorimétrie sans problème sur des eaux très chargées ou colorées comme en entrée de station d’épuration, ce qui était impensable auparavant » explique Philippe Minghetti, Tethys Instruments.
Chez Datalink Instruments, la sonde Odysséo immergée mesure en 5 secondes la DCO et les nitrates par spectroscopie UV. Entièrement réalisée en acier inoxydable, Odysséo est bien adaptée aux mesures de DCO (sans filtration, nettoyage automatique) en stations d’épuration. Ses principales applications en nitrates sont la surveillance des rivières, les stations d’épuration et l'eau potable.
Datalink Instruments propose aussi son analyseur d'ions ammonium en continu (AM200) fonctionnant par spectroscopie UV, ainsi qu'un analyseur des sulfures totaux en continu (SU200) pour le traitement des odeurs, les collecteurs, les step et le contrôle des rejets industriels, et un analyseur nitrate et DCO (UV). Autre produit, autres applications, Datalink Instruments dispose d’analyseurs multiparamètres (NO₃⁻, NH₄⁺, S²⁻) en continu, appelé Ammonit 200, utilisés dans la production d’eau potable, les eaux usées urbaines et industrielles, les stations d’alerte sur rivières. Enfin, Datalink Instruments propose pour la mesure en ligne des HAP son FL200-H fonctionnant selon un procédé de fluorimétrie.
De son côté, Secomam dispose de son IXO 510 permettant de suivre plusieurs paramètres (DCO, COT, DBO₅, MES, O₂, DBS) dans l’eau naturelle et les eaux résiduaires urbaines. L’analyseur peut être installé à l’entrée d’une step urbaine après le prétraitement ou sa sortie.