Pour réduire la pollution chronique des eaux superficielles par les hydrocarbures, il faut agir à la source. Depuis deux ans, les séparateurs d'hydrocarbures font l'objet d'un suivi plus serré de leurs performances avec la mise en application des normes NF et du marquage CE. Mais leur efficacité dépendra toujours de la bonne installation et de leur maintenance. L?application aux réseaux routiers et autoroutiers est contestée.
Le problème de la pollution de l’environnement par les hydrocarbures est récurrent. La loi sur l'eau de 1992 a conduit de fait à l'installation d’ouvrages destinés à retenir les hydrocarbures pour qu’ils ne se disséminent pas dans l’environnement suite aux ruissellements par temps de pluie. On ne parle pas ici des accidents
De la route, événements ponctuels, finalement rares, accompagnés d'une pollution par les carburants des véhicules concernés, voire d’une citerne. Marc Gigleux, ingénieur d’études au CETE Est, remarque que l’occurrence d’un accident avec déversement de matières dangereuses (pas seulement d’hydrocarbures) est de 1 par kilomètre tous les 100 ans ! Quels moyens économiques mettre en face d’un tel risque ?
Par contre, les eaux superficielles subissent un autre type de pollution, chronique celui-là, du fait de la multiplicité des sources de pollution et du fait du rejet en milieu naturel d’eaux de ruissellement de certaines surfaces exposées, d’eaux de lavages, etc. Ce problème de pollution diffuse concerne deux types de situations : les surfaces liées à des activités commerciales et industrielles exercées sur des surfaces assez limitées (aires de lavages d’automobile, garages, stations-services) et les surfaces libres plus ou moins vastes (chaussées, parkings urbains et de grandes surfaces, couverts ou non). Dans le premier cas, l'utilisation du séparateur est fréquente, quotidienne, avec des eaux plutôt chargées. Dans le second, le fonctionnement est sporadique lors des épisodes pluvieux qui provoquent le ruissellement sur des surfaces plus ou moins vastes. Autres différences : si dans le premier cas la teneur en hydrocarbures peut être relativement élevée (supérieure à 1 g/l) avec des hydrocarbures surnageants, dans le second cas les hydrocarbures sont très majoritairement adsorbés sur des poussières et les teneurs rencontrées plutôt faibles se comptent en milligrammes par litre.
Certains modèles d’appareils sont dotés de by-pass ou déversoirs d’orage. Lorsque le débit nominal est atteint, un dispositif automatique dérive le flux qui ne passe plus dans l'appareil, évitant ainsi la remise en suspension et le relargage.
Partant des exigences législatives et d'une technologie utilisée dans le monde pétrolier pour la séparation entre hydrocarbures et eau par décantation ou coalescence, de nombreux industriels se sont engouffrés sur ce marché émergent et potentiellement très vaste. D’où un fort développement pendant une décennie, certains maîtres d’ouvrage ayant poussé à l’utilisation systématique d’appareils préfabriqués. La note du Setra de février 2008 intitulée « Traitement des eaux de ruissellement routières » relève que les séparateurs d’hydrocarbures (sur réseau routier) sont présents sur environ la moitié des départements et lorsqu’un département est concerné, le nombre d’équipement est élevé ; sans doute une conjonction entre recommandations et efforts de commercialisation de la part des fabricants. Un autre organisme, le Graie, s’est penché sur le problème de l’efficacité des séparateurs d’hydrocarbures pour le traitement des eaux pluviales urbaines (cf. journée décembre 2004). Globalement, la conclusion est que le traitement des hydrocarbures doit être adapté au contexte et s'intégrer dans une démarche élargie de réduction des polluants (pas seulement les hydrocarbures) par temps de pluie. Différentes études montrent en effet que les ouvrages préfabriqués destinés à la rétention des hydrocarbures ont une efficacité limitée et sont même parfois émetteurs lors d’épisodes pluvieux (relargages). Le déploiement de ces appareils s'est aussi trop souvent fait avec une course aux prix bas sans souci réel des performances : « on trouve de la boite
à chaussures, du « n’importe quoi » n’hésite pas à déclarer un industriel du secteur. D'où la création en 2006 de l'IGSH pour mettre un peu d’ordre dans la profession.
Faut-il vraiment polémiquer pour autant ? La vraie question à se poser est : que doit-on séparer et à quel coût.
Que doit-on séparer ?
S'il s'agit de séparer deux phases liquides, l’eau et une autre de moindre densité (hydrocarbure) en quantité relativement importante, les séparateurs d’hydrocarbures sont adaptés. C’est d’ailleurs ce qui figure dans la norme NF-EN 858 en matière d’essais et de rendement : séparation d’eau claire et d’hydrocarbures de densité 0,85 à raison de 4 g/l. Les industriels ont raison. Mais est-ce là le problème pour un exploitant de réseau routier, une collectivité locale, un garagiste ? Pas vraiment.
Il faut donc analyser le problème posé dans toutes ses dimensions : efficacité de dépollution, investissement, coûts d’entretien, pérennité de l'efficacité et de l'appareil. On tombe alors sur la question quels appareils pour quelles utilisations, débattue lors du salon Pollutec 2008 début décembre. Autrement dit : il n'y a pas d’appareils universels de séparation. Pour un guide de choix, le site internet de Gedo est assez clair.
L’offre commerciale s'est clarifiée et surtout bonifiée avec l'arrivée du marquage CE (septembre 2007) et de la marque NF avec une préférence pour cette dernière. « Le marquage CE est auto-déclaratif alors que la marque NF va plus loin avec un audit de fabrication des appareils (traçabilité, qualité de production, formation des personnels...) par des organismes certifiés (CSTB, Cerib) ainsi qu'un essai sur banc d’essai de la performance et de l’efficacité hydraulique, c’est-à-dire la capacité à recevoir le débit pour lequel il est prévu avec la performance de séparation annoncée. »
Des stations de traitement pour les eaux de carénages, pluviales et hydrocarbures
Les stations de traitement ESF Filtration permettent de traiter les eaux pluviales et les eaux de carénages. Autonomes et totalement automatisées, elles garantissent des résultats conformes aux réglementations en vigueur.
ESF Filtration propose deux gammes de stations de traitement : l’une rejetant les effluents dépollués au milieu naturel, l’autre traitant en circuit fermé avec pour avantage « zéro rejet », offrant à l’exploitant une économie substantielle à court ou moyen terme.
Ces stations, modulaires, s’intègrent bien dans le paysage portuaire et peuvent absorber des augmentations de débit d’environ 50 % sans modifications majeures. Leur capacité de traitement va de 1 m³/h à 40 m³/h. Elles assurent un traitement en trois phases :
- Rétention des matières solides en suspension (MES) : écailles de peinture, sables, etc., par filtres à barrière mécanique.
- Séparation et rétention des hydrocarbures de type essence, fuel, huile, etc., par filtre séparateur garantissant une teneur résiduelle < 5 ppm (5 mg l⁻¹).
- Absorption des métaux lourds (plomb, cuivre, chrome, etc.) ainsi que des solvants volatils – polluants hautement toxiques pour le milieu naturel – par filtre à charbon actif.
Le filtre séparateur de conception ESF Filtration est équipé de cartouches de séparation qui accélèrent la décantation naturelle des deux liquides non miscibles, réduisant ainsi le temps de séparation. Les tests ont montré leur efficacité : valeur avant traitement : 1 500 mg l⁻¹ d’hydrocarbures ; valeur en sortie : < 1 mg l⁻¹ d’hydrocarbures.
« Ce type de station a pour avantage, à la différence des stations de traitement enterrées, de permettre un contrôle visuel et continu du fonctionnement. Les matières polluantes sont retenues dans les filtres, évitant tout risque de relargage et donc de pollution.
« Les appareils doivent être testés, mais les essais ne sont pas réalisés sur les tailles supérieures à 50 l/s. »
Les séparateurs d’hydrocarbures actuels reposent sur la décantation et la coalescence. Il s’agit de calmer le flux d’eau polluée pour que l’effet gravitaire se produise : les produits légers remontent, les plus lourds décantent. Lorsque la phase organique est dispersée en gouttelettes, on accélère le processus en provoquant leur coalescence, favorisée par différents dispositifs : mousse polyuréthane (mousse bleue), cellules coalescentes en vrac, blocs coalesceurs (nida, lamelles) utilisés aussi pour la décantation des particules solides.
Les eaux de ruissellement étant également chargées, on aboutit à une architecture générale de décanteurs-deshuileurs : premier sas de décantation (débourbeur), partie coalescence, puis compartiment d’évacuation équipé d’un obturateur automatique. L’eau (phase lourde) circule en partie inférieure, laissant surnager calmement la phase légère. Pour une séparation correcte, il faut respecter des vitesses de passage adaptées aux débits : d’où la notion de taille.
Taille et matériaux : des paramètres clés
La taille nominale (TN) d’un appareil est un nombre sans unité correspondant au débit, en litres par seconde, qu’il peut traiter ; elle s’échelonne de 1 à 500. Le volume du débourbeur doit être au moins égal à 100 TN (en litres) mesuré au niveau de la sortie du débourbeur. La capacité de stockage de liquides légers doit être au minimum de dix fois la TN pour les appareils à obturateur automatique et de quinze fois sans obturateur (densité 0,85). Les obturateurs sont mus par des flotteurs.
L’ISGH nous préconisons pour les appareils une valeur de temps de passage de 190 s, ce qui correspond à un volume global de l’appareil de 190 l pour un débit de 1 l/s réparti en 100 l par l/s au débourbeur et 90 l par l/s au séparateur, précise François Le Lan. Un appareil de 10 l/s aura donc un volume de 19 m³.
Lorsqu’on parle d'eau pluviale, il faut considérer les épisodes aigus.
Certains modèles d’appareils sont dotés de by-pass ou déversoirs d’orage.
Lorsque le débit nominal est atteint, un dispositif automatique dérive le flux qui ne passe plus dans l’appareil, évitant ainsi la remise en suspension et le relargage.
L’argument avancé est que le premier flux, potentiellement le plus chargé en pollution, est effectivement traité, la suite étant de l'eau de ruissellement claire.
Vision théorique des choses, d’après Marc Gigleux pour qui, « certes le premier flux est concentré, mais il ne représente qu’environ la moitié de la pollution déplacée par une pluie ».
L’environnement ne s’y retrouve pas !
Les matériaux utilisés sont le béton (Dunex), l’acier (Aco, Coc Environnement, Dunex, Franceaux, Saint Dizier, Salher, Simop, Techneau) et les matières plastiques renforcées ou non (Aco, Coc Environnement, Salher, Saint Dizier, Sebico, Simop, Techneau), éventuellement revêtus (cf. les normes). En matière de qualité des matériaux, lorsqu’il s’agit d’acier, la tôle doit être grenaillée (Sa 2,5) avec une rugosité (Ra) entre 10 et 20 µm et revêtue d’époxy pour
Les installations de séparation doivent être équipées de dispositifs d’alarme automatique du remplissage en hydrocarbures. C’est une question en devenir. François Le Lan note que « ça n'est pas encore entré dans les mœurs, même si cela devient une tendance lourde et il semble que plus d’un tiers des séparateurs d’hydrocarbures écoulés aujourd’hui sur le marché sont équipés d’alarmes ». La société Bamo propose de telles alarmes automatiques (signal sonore, téléalarme, message téléphonique) pour les niveaux d’hydrocarbures et de boues. Stoc Environnement propose le Nivo, un appareil manuel simple pour connaître la répartition d'une colonne de liquides sédimentés. L'installation d'un séparateur d’hydrocarbures efficace doit également répondre à des règles précises d’installations.
Des règles précises d’installation
Les séparateurs sont répartis en trois catégories définies en fonction de la hauteur de remblai et des conditions d'utilisation. L'installation est réalisée en élévation ou plus souvent enterrée, avec ou sans passage de véhicules. Selon le lieu d’implantation (sous trottoir, parking, chaussée), il existe des sous-catégories nécessitant des rehausses. La présence ou non de nappe phréatique doit également être prise en compte.
Bien qu’essentielle, une bonne installation ne suffit pas. L'exploitation est décisive pour remplir l’objectif : réduire la pollution. Les dispositifs d’alarmes doivent être vérifiés régulièrement, une à deux fois par mois. La vidange est obligatoire une fois par an. S’agissant d'eau polluée par des matières dangereuses, le coût d’élimination est élevé (300 €/m³). On arrive vite à un coût de 7 000 €/an pour un appareil. Ces caractéristiques sont proprement incompatibles en règle générale pour les milieux routiers et urbains, sauf en milieu très dense où la place est comptée et le personnel suffisant. Combien de séparateurs ont disparu en rase campagne, restés des années sans intervention ? On comprend mieux la préférence des exploitants de réseaux routiers et autoroutiers, des communautés urbaines pour les solutions alternatives et les bassins ouverts : on sait où ils sont et on constate leur fonctionnement de visu. Dans ces bassins, qu'il faut curer une fois tous les dix ans environ, on ne traite que des matières solides et pas un volume d’eau mort qu’il faut payer au prix fort. Des essais sont en cours sur le traitement et la réutilisation des sédiments issus de l’assainissement pluvial avec le pilote Attrised par le LCPC, Saint Dizier Environnement et le BRGM. Une solution intelligente de dépollution et valorisation, qui ne se réduit pas en un simple enfouissement. On peut imaginer une unité mobile traitant successivement les séparateurs.
Les techniques de séparation ont-elles évolué ces dernières années ? Pour Gilles Thiriez de Gedo, agent d’usine pour plusieurs fabricants : « Pas vraiment, les principes utilisés sont connus. L'arrivée du marquage CE et de NF a assaini le marché. Avant, on ne parlait que de tailles de bacs maintenant on parle d’efficacité et de son contrôle. Chaque bureau d’études a ses règles de dimensionnement mais les normes sont là et les cahiers des charges se précisent, par exemple sur le risque de quantité de boues susceptible d’arriver à l’ouvrage. La construction acier souffre du renchérissement de cette matière et l’on voit se développer les fabrications en polyéthylène surtout en taille inférieure à 20 ℓ/s. Ce matériau est léger (facilité de manutention) et très résistant à la corrosion ».
Un problème pointe : avec l’épuration et le stockage, l’idée de réutilisation d’eau arrive, notamment pour des aires de lavage. Sur ce point, Gilles Thiriez attire l’attention : « C’est un peu un piège : les nettoyeurs haute pression ne supportent pas les particules, il faut filtrer à 40 voire 20 µm. L'eau n’est pas propre pour autant, les produits de lavage ont solubilisé en partie les hydrocarbures et graisses et il faut considérer le risque pathogène donc mettre en place des dispositifs, ultraviolet, ozone ou charbon actif. Cela devient vite une petite station d’épuration ».