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Sadt et Grafcet, deux outils complémentaires et une même logique : l'analyse descendante appliquée au traitement des eaux

30 avril 1991 Paru dans le N°145 à la page 54 ( mots)
Rédigé par : Jean-bernard DELUCHE

En matière d'automatismes, les professionnels du traitement des eaux hésitent (ou parfois refusent) d'utiliser dans les projets de modernisation de leurs unités deux outils d'analyse et de synthèse relativement nouveaux : le GRAFCET (GRAphe Fonctionnel de Commande Étape-Transition) et l'analyse descendante (SADT).

Les habitudes prises, la crainte de mécomptes et la méconnaissance de ces outils sont certainement à l'origine du retard important que l'on constate dans certaines exploitations par rapport à d'autres branches de l'industrie. Il faut reconnaître que, les procédés de traitement de l'eau n'étant pas séquentiels, la tâche n'est pas évidente ; l'association des deux outils offre pourtant des perspectives qui semblent très intéressantes.

Les lignes qui suivent devraient permettre de démystifier cette matière un peu rébarbative qu'est l'automatisme moderne.

SADT

La SADT (Structured Analysis and Design Technique)* est née aux USA en 1976 des travaux sur le génie logiciel de D.T. Ross. Conçue pour faciliter la relation entre les concepteurs et les réalisateurs, cette méthode est donc avant tout un outil d'analyse et de communication.

La puissance de l'outil SADT (et son adaptabilité), et la complexité toujours croissante des systèmes automatisés invitent à se poser des questions sur son utilisation possible pour la description de tels systèmes complexes ; il faut néanmoins rester prudent et ne pas chercher sur l'utilisation d'un outil qui serait plus compliqué que le système à analyser... La description des systèmes séquentiels est très difficile par SADT et elle apporte moins de renseignements que le GRAFCET. Le principe de SADT, très simple, consiste en une analyse descendante du système :

1° définir la fonction globale du système (potabiliser pour une usine d'eau potable) ;

2° analyser l'organisation des fonctions principales du système, ce qui permet d'établir un Actigramme A0 (graphe montrant les liaisons entre chaque fonction principale et l'évolution de la matière d'œuvre, l'eau dans l'exemple qui nous intéresse) ;

3° analyser l'organisation des fonctions secondaires ou annexes qui réalisent chaque fonction principale. Cela permet de construire autant d'actigrammes qu'il y avait de fonctions dans l'actigramme A0. Chaque nouvel actigramme porte le numéro de la fonction dont il est issu ;

4° analyser l'organisation des fonctions qui réalisent les fonctions secondaires ou annexes jusqu'à l'obtention de

* Marque déposée, IGL Technology France.

[Photo : Figure 1.]

« boîtes » contenant une fonction séquentielle ; le grafcet prend le relais ou une fonction remplie par un composant de base, et l'on peut alors étudier l'influence de ce composant sur le fonctionnement ou sur le coût de l'installation. Chaque nouvel actigramme porte les numéros des « boîtes » dont il est issu.

On voit tout de suite l'intérêt que présente cet outil pour décrire le fonctionnement d'installations de procédés telles que les unités de traitement d'eau, mais aussi ses limites : il n'est pas question de remplacer un synoptique par des actigrammes SADT, car leurs rôles sont radicalement différents, pourtant complémentaires. En revanche, l'outil SADT sera très utile pour l'étude des coûts et de la maintenance des installations : il existe d’ailleurs de nombreux logiciels de M.A.O. (maintenance assistée par ordinateur) utilisant ce concept.

GRAFCET

Enfant des réseaux de Petri (thèse en 1962, USA), le GRAFCET* fait ses premiers pas avec P. Girard, puis en 1975 avec l'AFCET (Association française pour la cybernétique économique et technique), qui aboutit en 1977 à la définition du contenu d'un cahier des charges et d'un outil de représentation : le GRAFCET. Les travaux de l'ADEPA (Agence pour le développement de la productique automatisée) ont permis d’aboutir à une norme française : NF C03190. En 1988, le GRAFCET fait l'objet d’une norme européenne : CEI IEC 848.

Son principe

Le GRAFCET décrit le fonctionnement séquentiel d'un système automatisé ; le graphisme utilise une succession de carrés et de liaisons orientées : les carrés représentent les étapes auxquelles sont associées les actions (sortie de la tige d'un vérin, mise en marche d’un moteur...). Une étape est soit active (les actions associées sont réalisées) soit inactive.

Les liaisons orientées relient les étapes en indiquant les possibilités d'évolution grâce aux transitions auxquelles sont associées les réceptivités sous la forme de combinaisons logiques (a.b + c par exemple). Une transition est validée si l'étape (ou les) précédente est active ; une transition validée est franchie si la réceptivité associée devient vraie (a.b + c = 1).

Le franchissement d’une transition implique la désactivation de toutes les étapes immédiatement précédentes et l'activation de toutes les étapes suivant immédiatement.

* Et non GRAPHCET !

[Photo : Figure 2. Schéma de principe de l'installation.]
[Photo : Figure 3. Actigramme A0.]
[Photo : Figure 4. Actigramme A4.]

Représentation détaillée IEC848

Selon la norme NF C03190, il est possible de définir des GRAFCET de macro-représentation, utilisant la notion de macro-étape ou de macro-tâche ; la norme IEC848 ne reprend pas cette notion et la remplace par la représentation détaillée. Une étape peut représenter une suite d’actions qui n’est pas détaillée pour faciliter la lecture ; cette suite d’actions est représentée par un graphe « annexe ». On voit ainsi apparaître des sous-programmes (bien connus des informaticiens) ou, d'un point de vue automaticien, une hiérarchisation des GRAFCET. Cette hiérarchie permet de conduire une analyse descendante des systèmes, en établissant des GRAFCET de coordination des tâches qui organisent les fonctions principales : analyse d'un point de vue système ; puis des GRAFCET de tâches, qui décrivent l’organisation de chaque fonction du système selon des points de vue « partie commande » si l'on représente le fonctionnement de celle-ci ou « partie opérative », si l'on représente le fonctionnement de celle-ci.

Les GRAFCET de conduite et de surveillance sont déduits de l’étude des modes de marche et d’arrêt de l'installation.

Le GEMMA

Le GEMMA (Guide d’Étude des Modes de Marches et d’Arrêts) a été conçu et mis au point par un groupe de spécialistes de l’ADEPA. Il permet de faire l’analyse des fonctionnements et des défaillances d'un système à partir d’un graphe contenant toutes les situations possibles. Le passage d'une situation à une autre respecte les mêmes règles que celles du GRAFCET (transitions et réceptivités associées).

L’étude du graphe GEMMA permet de construire :

— un (ou des) GRAFCET de conduite, qui organise les relations entre les différents modes de marche ou d’arrêt et permet de sélectionner le GRAFCET de coordination des tâches correspondant ;

— un GRAFCET de surveillance qui permet de gérer la sécurité de l'installation et du personnel.

[Photo : Figure 5. Grafcet des tâches TAI, TA2, TA11, selon un point de vue Partie commande.]
[Photo : Figure 6. Grafcet de la tâche TA22 selon un point de vue Partie commande.]

Là encore apparaît une hiérarchie : le GRAFCET de surveillance doit être le maître de l'installation, il « commande » tous les autres GRAFCET par des ordres de forçage dans des situations bien déterminées ; de même le GRAFCET de conduite sélectionne le mode de marche (ou d’arrêt) en forçant les GRAFCET de coordination dans des situations actives ou des situations de repli (figure 1).

Dans l’industrie de procédés, le GRAFCET est assez peu utilisé car le fonctionnement non séquentiel des installations le rend difficile à mettre en œuvre et peu efficace, voire source de complications. Pourtant, l’association SADT-GRAFCET offre des perspectives très intéressantes ; elle a pour avantages (entre autres) :

  • — de poser tout de suite les questions délicates,
  • — de diviser le problème en sous-problèmes, ce qui facilite le travail d’équipe,
  • — de faciliter la mise au point et la maintenance.

L’exemple choisi est une station d’épuration d’eau ; la complexité et le volume du système ont amené à isoler une fonction et à étudier seulement celle-là : la déshydratation des boues.

Le schéma de la figure 1 représente l’installation de déshydratation de boues. L’étude se limite à la préparation et à l’injection du polymère (FO4650SH, polymère cationique dosé à 4 g/t de MS).

L’alimentation en boues est commandée par une horloge, qui fonctionne une semaine sur deux, 8 h par jour. Un débitmètre, placé à l’entrée de l’exopresse permet de contrôler le débit de boues et délivre un signal « D » qui lance l’injection de polymère.

Le système comprend quatre tâches :

  • — TA1 : injection à partir de R1,
  • — TA2 : injection à partir de R2,
  • — TA11 : remplissage de R1,
  • — TA22 : remplissage de R2.

Les figures 3 et 4 donnent l’analyse SADT de la station et les figures 5, 6 et 7 donnent les GRAFCET de l’installation de préparation et d’injection de polymère.

Il faut observer que si le choix des vérins A, B et C est critiquable d’un point de vue industriel, car moins flexible et moins fiable qu’un distributeur à vis, il a été fait uniquement pour des raisons pédagogiques (tester les connaissances des étudiants sur les vérins) et il ne remet pas en cause le fonctionnement global de l’installation.

[Figure : Figure 7. Grafcet de surveillance.]

Bibliographie

Patrick JAULENT (IGL TECHNOLOGY) « SADT un langage pour communiquer », 1989, Eyrolles.

GREPA « Le GRAFCET de nouveaux concepts », 1985, Cepadues-édition.

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