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Risque légionelles et eau chaude sanitaire : le rôle de la température

30 janvier 2007 Paru dans le N°298 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Sandrine OBERTI, Jean-philippe PUIBARAUD, Nelsie BERTHELOT et 2 autres personnes

Cet article montre l'impact de la température sur le risque légionelles dans les systèmes de production et de distribution de l'eau chaude sanitaire. Il apparaît que pour les productions semi-instantanées il faut éviter d'introduire le retour de boucle dans le ballon pour limiter les températures à risque (30-45 °C) dans le réservoir. Pour la distribution, une température de 55 °C en tout point du réseau permet d'éviter la prolifération des légionelles. Une bonne gestion de la production et de la distribution est indispensable pour sécuriser l'installation.

La légionellose est une affection pulmonaire grave qui est provoquée par l’inhalation d’aérosols contaminés par une bactérie : Legionella. Cette bactérie vit dans les milieux hydriques et est ubiquitaire, c’est-à-dire qu’elle se retrouve partout dans l’environnement. Certaines installations artificielles peuvent présenter des conditions favorables à leur prolifération et donc devenir des réservoirs pour ces bactéries. Si ces installations produisent des aérosols, elles peuvent alors provoquer un risque de contamination de l’homme par les légionelles.

Les systèmes de production et de distribution d’eau chaude sanitaire peuvent parfois être un lieu privilégié pour leur développement. En effet, les éléments constitutifs de la production (ballons, canalisations, …) sont un milieu potentiellement favorable à la prolifération bactérienne et en particulier au développement de Legionella pneumophila : les dépôts et le tartre sont sources de nutriments et la température est un facteur favorisant le développement de ces bactéries.

La réglementation préconise une température de distribution comprise entre 50 et 60 °C afin de limiter la prolifération bactérienne et d’éviter les risques de brûlure. Par ailleurs, les ballons de stockage doivent être à une température supérieure à 55 °C ou subir une fois par jour une élévation suffisante de la température.

Il existe trois grandes catégories de production d’eau chaude sanitaire collective :

  • la production instantanée, constituée d’un échangeur (à plaques ou tubulaire), alimenté par un primaire ;
  • la production par accumulation, constituée d’un ou plusieurs ballons (en série ou en parallèle) ;
  • la production semi-instantanée, constituée d’un échangeur de chaleur alimenté par un primaire et d’un ballon de stockage (figure 1).

Une étude du Centre de Recherche sur l’Eau de Veolia Environnement a montré que sur un échantillon de 100 sites exploités par Dalkia (hors établissements de soins), 44 sites ont une production d’eau chaude semi-instantanée. L’intérêt majeur de la production semi-instantanée est de pouvoir sous-dimensionner…

[Photo : Production semi-instantanée.]
[Photo : Trois types majeurs de configurations semi-instantanées.]

L'échangeur par rapport à la consommation car une réserve d’eau chaude est toujours disponible dans le ballon pour répondre aux pointes de consommation. Cela permet de réaliser des économies de puissance installée tout en ayant une eau distribuée à la température souhaitée. L’étude de Veolia Environnement a montré qu'il existe de nombreuses configurations de production semi-instantanée. En effet, sur les 44 sites inclus dans l’étude, 12 configurations différentes ont été identifiées. Ces configurations peuvent être regroupées selon 4 types (figure 2) : type 1, type 2, type 3 et autres.

La répartition de ces types de configurations est donnée par la figure 3.

[Photo : Répartition des types de configurations semi-instantanées.]

Pour les systèmes semi-instantanés, le risque légionelles se situe principalement dans le ballon où il y a possibilité de stagnation de l’eau et de diminution de la température.

Évaluation des configurations semi-instantanées sur pilote

Dans le but d’évaluer les configurations semi-instantanées présentes sur le terrain, le Centre de Recherche sur l’Eau a construit une unité pilote (figure 4).

[Photo : Photographie de l’unité pilote de production d’eau chaude sanitaire.]

Cette unité permet de simuler à l’échelle réduite la production et la consommation d'eau chaude. Elle est dimensionnée pour alimenter en eau chaude l’équivalent de cinq logements-types. L’objectif de cette étude est d’évaluer d’un point de vue thermo-hydraulique le risque légionelles au sein du ballon de stockage, en fonction de la configuration de la production d'eau chaude. Le pilote est évolutif et permet d’évaluer quatre configurations différentes. À ce jour, trois configurations ont été testées : deux configurations du type 1, appelées ici respectivement 1a et 1b, et une configuration du type 2.

Le pilote est composé d'une chaudière électrique pour fournir le fluide primaire, d’un échangeur à plaques et d’un ballon de stockage de 300 l. Un système de puisage automatisé permet de simuler les consommations d'eau des usagers.

Le ballon est équipé de vingt sondes de température sur sa coupe longitudinale, ce qui permet de suivre en continu le profil de température au cœur du ballon (figure 5).

[Photo : Profils de température dans le ballon (type 1a à gauche ; type 1b à droite).]

Une modélisation CFD à l'aide du logiciel Fluent est en cours de réalisation pour représenter en trois dimensions des profils de vitesse et de température dans le ballon. Sur la figure 6 nous distinguons sur un plan vertical les profils de vitesse des flux et sur un plan horizontal les températures. Ce modèle permettra à terme de simuler n'importe quel ballon de production d’eau chaude sanitaire et donc d’évaluer un maximum de configurations et de types de fonctionnement.

[Photo : Exemple de modélisation du ballon.]

L’évaluation du risque légionelles est basée, pour cette étude, uniquement sur la température. En effet, celle-ci est un

Le maintien d’une température adéquate est un facteur de risque bien connu du développement des légionelles dans l’eau chaude. Nous avons donc considéré, en accord avec la bibliographie (CHSPF, 2001), que la plage de température comprise entre 30 et 45 °C favorisait la prolifération des légionelles et constituait donc un risque. Un indicateur de risque a été développé et a permis de comparer les trois configurations testées entre elles. Les configurations sont évaluées selon deux critères : le respect de la température de consigne au cours du puisage et le pourcentage de risque légionelles dans le ballon.

Le respect de la température de puisage est un indicateur très important. En effet, si la température de production d’eau chaude baisse au cours de la journée, cela peut favoriser la prolifération bactérienne dans les éléments constitutifs de la production mais également dans le réseau de distribution. Il est donc essentiel de respecter à tout moment la consigne de température en sortie de production. Le pourcentage de risque permet d’estimer le volume du ballon qui se trouve dans la plage de température à risque (30-45 °C) au cours d’une journée. Le tableau suivant reprend la chute de température ECS au cours du puisage le plus fort et le pourcentage de risque sur le plan longitudinal du ballon pour les trois configurations. Les essais ont été menés pour deux profils de consommation : une consommation dite « classique », avec une pointe le matin et une pointe le soir, qui correspond à une consommation normale de l’eau dans des établissements de type habitat ; et une consommation dite « longue », où le même volume d’eau est consommé mais au cours d’un puisage unique.

Type – Consommation « classique »
1a : T(°C) 10,2 – Risque (%) 12
1b : T(°C) 3,3 – Risque (%) 2
2 : T(°C) 0,6 – Risque (%) 0
Type – Consommation « longue »
1a : T(°C) 7,0 – Risque (%) 8
1b : T(°C) 2,3 – Risque (%) 3
2 : T(°C) 5,3 – Risque (%) 0
[Photo : Impact de la température sur le réseau - Essais réalisés sur pilote]

La configuration la moins « à risque » est du type 2. En effet, le pourcentage de risque est très faible et la température au sein du ballon reste toujours assez élevée. Néanmoins, il s’agit d’une configuration qui se rapproche d’une production instantanée, car toute l’eau distribuée aux usagers passe successivement par l’échangeur à plaques puis par le ballon. L’échangeur à plaques doit donc être dimensionné sur les consommations maximales, ce qui élimine l’un des avantages majeurs de la production d’eau chaude sanitaire semi-instantanée, à savoir une puissance installée plus faible.

Ainsi, la configuration la plus avantageuse tant en termes de coût qu’en termes de risque légionelles est la configuration du « type 1b ». En effet, au cours du puisage il se forme un front entre l’eau chaude et l’eau froide très étroit. Il y a donc une interface d’eau limitée et mobile au cours du puisage se situant dans la gamme de température à risque. Cette configuration « type 1b » permet à la fois d’assurer une température d’eau chaude constante aux consommateurs et de limiter le risque légionelles dans le ballon de stockage.

De ces essais thermo-hydrauliques réalisés en pilote, il faut notamment retenir que le retour de boucle ne doit en aucun cas être introduit dans le ballon mais en amont de l’échangeur. En effet, la température du retour de boucle est inférieure à celle de départ ECS compte tenu des inévitables pertes thermiques du réseau de distribution. Une injection de cette eau à la température plus faible induit un refroidissement du ballon et donc potentiellement des températures favorables au développement des légionelles. Le retour de boucle doit donc toujours être réchauffé par un passage dans l’échangeur.

Des essais vont être menés prochainement en alimentant le pilote avec une eau froide artificiellement contaminée avec une souche environnementale de Legionella pneumophila. L’objectif est de confirmer par des essais bactériologiques le faible risque de la configuration « type 1b ».

Sécuriser la production ne suffit pas

La sécurisation de la production peut donc être assurée par une bonne gestion de la configuration et des températures. Néanmoins, si la sécurisation de la production d’eau chaude sanitaire est une étape essentielle, elle n’est pas suffisante pour éliminer le risque légionelle de l’eau chaude.

En effet, le réseau de distribution est également un milieu où les bactéries peuvent se développer, et notamment Legionella pneumophila. Des campagnes de mesure réalisées par le Centre de Recherche sur l’Eau de Veolia Environnement sur des sites réels ont montré qu’une sécurisation efficiente de la production d’eau chaude ne permet pas toujours de prévenir la prolifération des légionelles dans la partie distribution.

En effet, comme le montre la figure 7, il est possible d’obtenir des analyses négatives en départ eau chaude (donc en sortie de la production) et des analyses positives en retour.

[Photo : Exemple de contamination d'un retour de boucle sur site réel]
[Encart : Le diagnostic technique des réseaux, pourquoi faire ? Maîtriser un risque, c'est avant tout connaître les facteurs qui contribuent à l'apparition du danger. Voilà le premier objectif d’un diagnostic technique : recenser toutes les anomalies techniques de conception, d'entretien, de maintenance et d’exploitation qui peuvent avoir un impact négatif sur la qualité d'eau distribuée. Le “diagnostic légionelles” se concentrera ainsi sur les éléments critiques vis-à-vis du développement des légionelles. Ce recensement doit permettre de définir les actions préventives et correctives à engager pour minimiser le risque. Mais il ne s'agit pas simplement d’identifier les bras morts ou autres zones de stagnation et de préconiser leur suppression, ou encore de relever quelques températures d'eau chaude sanitaire et de préconiser une augmentation en production. Certes nécessaire, ce type de mesures s’avère souvent largement insuffisant. Un réseau est un système complexe qui doit être analysé dans toutes ses composantes : l'hydraulique, les équipements techniques, les matériaux, la chimie de l'eau, la microbiologie... Bien évidemment, cette analyse exige de multiples compétences approfondies. Des qualifications et certifications existent d’ailleurs sur ce sujet (la plus récente est le certificat “REX” Réseau d’Eau Expert, mis en place par le CSTB). Dès lors, de multiples solutions techniques peuvent être préconisées... au risque de disperser les moyens et d’émousser les volontés. Le diagnostic doit donc être orienté vers l'optimisation des solutions à mettre en œuvre, en fonction des caractéristiques du réseau (fonctionnement, mode d’exploitation…), de la criticité des anomalies techniques et des meilleures pratiques disponibles. Voilà la véritable finalité d'un diagnostic : trouver le “bon” remède, c'est-à-dire la combinaison de solutions qui engendrera le plus grand gain de sécurité en utilisant le moins de ressources. Mais quelle que soit la solution, il faudra toujours s’assurer de sa pérennité et de son efficacité dans le temps. Rien ne sert de mettre en place un traitement d'eau s'il n'est pas rigoureusement entretenu et géré, rien ne sert d'augmenter la température de l'eau chaude en production si le réseau bouclé est mal équilibré. On pourrait multiplier les exemples. Le diagnostic n'est pas une fin en soi ; c'est le point de départ d’une démarche volontaire qui doit s'inscrire dans le temps. Thierry Foucault, OFIS]

de boucle. Cela signifie bien que le réseau est contaminé.

Cette contamination du réseau peut être la conséquence d'une mauvaise circulation de l'eau dans tout ou partie du réseau de distribution, ce qui peut induire des faibles vitesses et des chutes de température. Dans ce cas, les bactéries trouvent des conditions favorables à leur développement (température, présence de dépôts, de tartre, …) et contaminent le biofilm et l'eau au niveau des canalisations. Il peut également y avoir un bouclage partiel du réseau et la présence de bras morts qui vont là aussi être des terrains favorables à la prolifération des légionelles. Enfin, des points d’usage inutilisés ou mal entretenus peuvent également être source de contamination.

Sécurisation du réseau de distribution

Pour sécuriser le réseau de distribution, le maintien d’une température supérieure à 50 °C, préconisé par la réglementation, est un moyen qui a été évalué sur pilote au Centre de Recherche sur l'Eau de Veolia Environnement (circulaire 2005/493). Ce pilote simule un réseau de distribution. Il est alimenté par une eau froide contaminée artificiellement par une souche environnementale de Legionella pneumophila. Des analyses d'eau et de biofilm sont réalisées régulièrement.

Ces essais ont montré que le maintien d'une température à 55 °C permet d’éviter la prolifération des légionelles dans la phase eau et dans la phase biofilm. Par contre une température de 50 °C peut s’avérer insuffisante pour contenir la colonisation dans la phase biofilm (voir figure 8). Cela montre bien l'importance d'un bon équilibrage du réseau de distribution en tout point pour limiter le risque légionelles.

Un réseau correctement équilibré est un réseau dans lequel l'eau circule en permanence et de manière homogène sur l’ensemble du réseau de distribution. La température doit être la plus homogène possible et les pertes thermiques réduites au minimum.

Ainsi, l'ensemble de ces études a permis de montrer l'importance capitale d'une bonne gestion des installations de production et de distribution d'eau chaude sanitaire pour lutter contre le risque légionelles. En ce qui concerne la production, la présence d’un ballon n’implique pas nécessairement un risque de prolifération des légionelles, mais une configuration adéquate est nécessaire. Aujourd’hui, Dalkia met en œuvre sur le terrain ces bonnes pratiques identifiées par la recherche et préconise des réhabilitations de productions d’eau chaude avec des configurations rationnelles.

Pour la distribution, le respect d'une température de 55 °C en tout point du réseau est efficace. Pour cela, Dalkia délivre en sortie de production une eau à une température parfaitement maîtrisée et s'attache à optimiser la circulation de l’eau dans le réseau de distribution. Mais la mise en œuvre sur le terrain est parfois difficile. En effet, maîtriser l’équilibrage peut s’avérer délicat si le réseau n’a pas été conçu à l’origine dans cette optique.

Des difficultés d’accès, une taille de réseau trop importante ou des défauts majeurs de conception peuvent rendre impossible l’équilibrage d’un réseau. Dans ce cas, des solutions de traitement alternatives telles que la chloration continue devront être mises en œuvre pour assurer une bonne sécurisation de l'installation.

Références bibliographiques

  • CSHPF, novembre 2001 : Gestion du risque lié aux légionelles
  • Circulaire DGS 2002/243 du 22 avril 2002
  • Circulaire DGS 2005/286 du 20 juin 2005
  • Circulaire DGS 2005/493 du 28 octobre 2005
  • Arrêté du 30 novembre 2005
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