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Risque légionelles en tours aéroréfrigérantes : la nouvelle réglementation entre en vigueur

30 avril 2005 Paru dans le N°281 à la page 43 ( mots)
Rédigé par : Antoine DERUEL

Ces dernières années, les tours aéroréfrigérantes ont été plusieurs fois mises en cause dans le cadre d'épidémies de légionellose. Ces équipements, présents dans de nombreux process, font donc l'objet d'une nouvelle réglementation qui se caractérise par un objectif et deux moyens : maintenir un niveau de contamination en légionelles toujours inférieur à 1.000 UFC/L en élaborant un plan de nettoyage, d'entretien et de désinfection et un plan de surveillance. Pour élaborer ces plans, une analyse de risques doit être réalisée.

Jusqu’au 1ᵉʳ décembre 2004, seules les tours aéro-réfrigérantes (TAR) situées sur des installations classées étaient recensées et soumises à réglementation. Depuis le décret n° 2004-131 du 1ᵉʳ décembre 2004, tout a changé. C’est désormais l’ensemble des tours aéro-réfrigérantes qui sont soumises à la législation des installations classées sous la rubrique 2921 « Installation de refroidissement par dispersion d’eau dans un flux d’air ». C’est que plusieurs épidémies récentes ont contribué à mettre en cause ces équipements : à Paris en 1998 et 1999 (28 cas, 5 décès), en Ille-et-Vilaine en 2001 (22 cas, 4 décès), à Meaux en juillet 2002 (20 cas, 2 décès), à Sarlat en juillet 2002 (2 décès), à Montpellier

[Encart : Quand la nouvelle réglementation entrera-t-elle en vigueur ? Les dispositions prévues par les arrêtés ministériels du 13 décembre 2004 sont applicables de plein droit à compter du 30 avril 2005, que l’exploitant ait procédé ou non à la déclaration de ses installations. Un délai particulier d’entrée en vigueur est toutefois accordé pour deux dispositions : obligation de recourir à un laboratoire accrédité qui entrera en vigueur, quelle que soit l’installation, à compter du 1ᵉʳ janvier 2006. D’autre part, à compter de 2006, l’exploitant d’une installation de refroidissement soumise à autorisation devra demander qu’elle soit contrôlée par un organisme agréé. Les installations soumises à déclaration devront être contrôlées à partir du 1ᵉʳ janvier 2007.]
[Photo : Désormais, toutes les tours aéroréfrigérantes sont soumises à la législation des installations classées.]

(30 cas, 4 décès), Poitiers (20 cas) et Harnes en 2003 (86 cas dont 17 décès).

Alors qu’en 2003, 2 400 équipements de ce type avaient été recensés sur des installations classées, ce sont aujourd'hui 12 745 installations dans 5 721 établissements qui sont désormais soumises à une réglementation nouvelle. Une réglementation qui se matérialise par un décret et deux arrêtés.

Un décret, deux arrêtés

Le décret du 1er décembre 2004, qui soumet l'ensemble des TAR à la législation des installations classées, distingue deux types d'installations :

  • Les TAR soumises à déclaration sous la rubrique 2921 : il s'agit des installations de refroidissement par dispersion d’eau dans un flux d’air qui ne sont pas du type « circuit primaire fermé » (tout contact direct entre l’eau dispersée dans la tour et l'eau refroidissant le process est impossible) et dont la puissance thermique évacuée maximale est inférieure à 2 000 kW ou lorsque l'installation est du type « circuit primaire fermé ».

  • Les TAR soumises à autorisation au titre de la rubrique 2921 : il s’agit dans ce cas des installations qui ne sont pas de type « circuit primaire fermé » mais dont la puissance thermique évacuée maximale est supérieure ou égale à 2 000 kW.

Que faut-il entendre par « installations » ? Pour le savoir, il faut se reporter aux deux arrêtés ministériels datés du 13 décembre 2004, dont l’un concerne les installations soumises à autorisation, et l'autre, les installations soumises à déclaration. Ces arrêtés précisent que font partie de l’installation, non seulement la tour de refroidissement et ses parties internes, mais aussi le ou les échangeurs du circuit, ainsi que l'ensemble des circuits, c’est-à-dire les circuits d’eau en contact avec l'air, mais aussi les circuits d'appoint et de purge. Par définition, sont aussi concernés les refroidisseurs hybrides, tels que les dry coolers arrosés. Cette précision permet de déterminer le régime applicable, sachant que celui-ci s’attache à l'installation et non au site dans sa globalité. C'est dire qu’un site industriel qui compte plusieurs TAR peut relever tout à la fois du régime de la déclaration pour certaines installations et de l’autorisation pour d'autres.

Analyse des risques : quelle méthodologie choisir ?

De l'analyse des risques, requise par la réglementation, découlera le plan d’entretien préventif et le plan de surveillance. Son importance est donc capitale. Quelle méthodologie choisir pour le mener à bien et analyser les risques liés à la prolifération des légionelles dans les TAR ? La solution universelle n’existant pas, il revient à chaque exploitant de choisir la méthodologie la plus appropriée à sa situation. La méthode HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) est fréquemment mise en œuvre dans l'agroalimentaire pour maîtriser la qualité de la production et de la distribution. Adaptée à la gestion des légionelles dans les TAR, elle permet d'effectuer une approche systématique de l’identification, du management et de la maîtrise des incidents par l’analyse de tous les points d’une chaîne de production dans laquelle un accident peut survenir. Autre possibilité, la méthode AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leurs Criticités) se caractérise par une analyse systématique de tous les modes de défaillance, de leurs conséquences et précise leurs effets sur le système global. Quant à la méthode HAZOP (HAZard and OPerability studies), elle explore systématiquement l'aspect fonctionnel d'un système en identifiant à la fois les dangers et les dysfonctionnements d'une installation. Dans tous les cas, le concours d'un prestataire spécialisé, comme Capsis, Aquarism ou SGS Multilab permettra de déterminer la méthode la plus appropriée au cas considéré.

L'objectif de 1 000 UFC/l est défini selon la méthode de référence normalisée NF T90-431, la seule qui soit normalisée à ce jour. Mais comparée à la méthode PCR, elle présente l’inconvénient d’être longue, puisqu’il faut attendre de 8 à 10 jours pour obtenir un résultat.

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Mais attention !

Lorsqu'un site industriel compte plusieurs installations du même type, les puissances de ces installations seront additionnées pour déterminer leur situation vis-à-vis des seuils fixés par la nomenclature.

Indépendamment du fait que les tours aéro-réfrigérantes soient soumises à déclaration ou à autorisation, les arrêtés du 13 décembre 2004 définissent un objectif clair : la concentration en Legionella Specie dans l'eau du circuit doit en permanence être inférieure à 1 000 UFC/L (Unités Formant Colonies) selon la norme NF-T-90-431. Pour respecter cet objectif, deux moyens sont prévus.

Un objectif, deux moyens

L'objectif de 1 000 UFC/L est défini selon la méthode de référence normalisée NF-T-90-431 de novembre 1998, dont la dernière version date du mois de septembre 2003. À ce jour, c'est la seule qui soit normalisée et reconnue par les DRIRE qui réalisent les contrôles. Reste qu'elle présente l'inconvénient d'être longue, puisqu'il faut attendre de 8 à 10 jours pour obtenir un résultat. Un délai difficilement compatible avec un suivi régulier au plus près des installations. Dans ce contexte, la PCR (Polymerase Chain Reaction) temps réel, qui permet d'obtenir un résultat en quelques heures, semble promise à un bel avenir (Voir E.I.N. n° 278).

Plusieurs entreprises, telles Genesystems ou Bio-Rad la proposent. Déjà, certains prestataires* comme Eurofins, LEM Laboratoires, SGS Multilab et Hygidiag proposent des doubles analyses tendant à prévenir tout arrêt de production en livrant les premiers résultats PCR du prélèvement de contrôle en 48 h, permettant ainsi à l'exploitant, si le seuil légal de contamination est dépassé, de réagir avant que ne tombe la confirmation de l'analyse bactériologique (NF T 90-431) huit jours plus tard. Un délai qui peut être mis à profit pour lancer une procédure de désinfection qui évitera l'arrêt des systèmes par décision des pouvoirs publics.

Car parallèlement, pour respecter l'objectif de 1 000 UFC/L de façon continue, les mesures de surveillance et de prévention du risque légionelles sont renforcées. Elles reposent sur un plan d'entretien préventif, de nettoyage et désinfection de l'installation, mis en œuvre sous la responsabilité de l'exploitant ainsi que sur un plan de surveillance de l'installation défini à partir d'une analyse méthodique des risques de prolifération des légionelles. La mise en œuvre de cette analyse doit permettre d'identifier tous les facteurs de risques de prolifération des légionelles et de définir les mesures préventives nécessaires : des mesures d'entretien, de nettoyage ou de désinfection, mais aussi des mesures de surveillance. Elles correspon­dent aux plans d’entretien et plan de sur-

*La liste des laboratoires accrédités “légionellose” est disponible à l'adresse : www.enfae.fr

[Encart : Analyse et gestion des risques légionelles : deux nouveaux guides destinés aux exploitants Réalisé par Climespace pour le compte du MEDD, le « Guide de formation à la gestion du risque de prolifération des légionelles dans les installations de refroidissement par dispersion d'eau dans un flux d'air » a été spécialement conçu pour les exploitants de tours aéroréfrigérantes. Il se compose de trois parties : la première est un rappel des notions de base concernant les légionelles et les tours aéroréfrigérantes. La seconde présente les différents moyens de lutte, les conditions de mise en œuvre qui garantissent leur efficacité et les stratégies préventives à appliquer. La troisième partie décrit une approche méthodique pour évaluer les risques et identifier les points critiques d’une installation. Cette troisième partie s'appuie sur la méthodologie présentée dans le « Guide méthodologique pour la réalisation d’une analyse de risque de prolifération de légionelles dans les installations de refroidissement par dispersion d’eau dans un flux d’air » réalisé par ICS'Eau et LHE pour le MEDD. Ce deuxième document rappelle les contextes et enjeux de la gestion du risque de prolifération des légionelles dans les tours aéroréfrigérantes. Puis, à partir d'un exemple d’application de cette méthodologie à un cas concret, il propose la démarche d'une analyse de risques sur ce type d'installation. Ces deux documents sont téléchargeables gratuitement sur le site du ministère à l'adresse : www.environnement.gouv.fr]
[Photo : De l'analyse des risques, requise par la réglementation, découlera le plan d’entretien préventif et le plan de surveillance. Son importance est donc capitale.]
[Encart : Bouisson Bertrand Laboratoires s’implique dans la gestion du risque Legionella dans les TAR Fortement impliqué dans la gestion du risque Légionella, Bouisson Bertrand Laboratoires a créé en 2004 un service entièrement spécialisé dans la problématique Legionella. La Division Legionella propose à la fois une analyse des risques au travers d’un diagnostic microbiologique du réseau ainsi que deux méthodes d’analyses, la méthode réglementaire NF T 90 431 et la PCR temps réel. Premier laboratoire français à avoir été accrédité Cofrac en juin 2004 sur la PCR, BBL utilise cette méthode non seulement pour sa reproductibilité mais également pour accéder à la fraction Legionella non cultivable. En effet, pour l'équipe de la Division Legionella, le challenge réside dans la compréhension du passage de non cultivable à cultivable. De ce fait, l'analyse des risques doit également permettre de maîtriser la flore aussi bien cultivable que non cultivable. Les analyses de risques réalisées par l'équipe de BBL ont conduit à mettre en évidence la présence de Legionella dans les amibes et le biofilm. Des méthodes développées au sein du laboratoire permettent maintenant de détecter ces bactéries “cachées”. Aujourd’hui, BBL poursuit sa démarche de compréhension des phénomènes de prolifération par le biais d'études chez ses clients et affine en permanence sa méthodologie de surveillance des écosystèmes microbiens des TAR.]
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Nettoyage et désinfection des TAR : ne pas négliger la prévention

Les légionelles sont reconnues par la législation du travail comme agents pathogènes pouvant causer des maladies professionnelles. La sensibilisation à ce type de risque ainsi que la formation aux méthodes de prévention à mettre en œuvre, notamment lors de l'entretien et du suivi des TAR dans le cadre du nouveau plan de surveillance, constitue donc une obligation pour l'employeur qui ne doit pas être négligée.

La surveillance requise par la réglementation.

L'entretien préventif doit permettre de maintenir la concentration des légionelles présentes dans l'eau en contact avec l'air en dessous de 1 000 UFC/L. Pour cela, l'exploitant devra mettre en œuvre le traitement de son choix qui pourra être continu ou discontinu. À la différence des réseaux d'ECS, la réglementation n’impose pas de prescriptions particulières concernant les traitements appliqués aux TAR.

Seule contrainte, s'il ne s'agit pas d'un traitement chimique, l'exploitant devra démontrer que le type de traitement appliqué est efficace sur son installation. Le procédé retenu sera donc bien souvent celui pour lequel on aura déterminé le rapport optimal entre le coût et les contraintes techniques et d'exploitation.

Quant au plan de surveillance prévu par la nouvelle réglementation, il doit permettre de s'assurer de l'efficacité du nettoyage et de la désinfection de l'installation. Il doit être défini à partir des conclusions de l'analyse méthodique des risques. Pour cela, l'exploitant doit identifier les indicateurs physico-chimiques et microbiologiques qui permettent de prévenir les dépassements de seuils de son installation.

Les arrêtés du 13 décembre 2004 définissent également la fréquence des contrôles à effectuer en Legionella specie.

Analyses : deux fréquences selon le type d’installation concernée

La fréquence des contrôles effectués devra être mensuelle pour les installations soumises à autorisation et bimestrielle pour les installations soumises à déclaration. Dans les deux cas, pour les installations dont le résultat de l’analyse est inférieur à 1 000 UFC/L pendant 12 mois continus, elle devient trimestrielle.

Si les résultats d'analyses réalisées mettent en évidence une concentration en Legionella specie selon la norme NF T 90-431 supérieure ou égale à 1 000 UFC/L et inférieure à 100 000 UFC/L, l'exploitant doit prendre des dispositions pour nettoyer et désinfecter l'installation de façon à s’assurer que la concentration en Legionella specie redevienne inférieure à 1 000 UFC/L. Le traitement et la vérification de son efficacité devront être renouvelés tant que la concentration mesurée est supérieure ou égale à 1 000 UFC/L et inférieure à 100 000 UFC/L, par une analyse à réaliser dans les semaines suivant l'action corrective. Dans le cas où trois analyses successives montrent des résultats supérieurs à 1 000 UFC/L, l'analyse de risques sera réactualisée.

Si les résultats des analyses mettent en évidence une concentration en Legionella specie supérieure ou égale à 100 000 UFC/L, l'exploitant doit arrêter immédiatement son installation selon une procédure qu'il aura préalablement définie. Après avoir réalisé la vidange, le nettoyage et la désinfection de l'ouvrage, il pourra le remettre en service à condition de vérifier immédiatement l'efficacité des mesures prises. Les prélèvements et les analyses en Legionella specie, selon la norme NF T 90-431, devront ensuite être effectués tous les 15 jours pendant trois mois.

Dans tous les cas, l'exploitant devra reporter l'ensemble des interventions réalisées sur ses installations dans un carnet de suivi qui devra mentionner, entre autres, les périodes de fonctionnement et d'arrêt, les opérations de vidange, nettoyage et désinfection (dates, nature des opérations, identification des intervenants, nature et concentration des produits de traitement, conditions de mise en œuvre) ainsi que les prélèvements et analyses effectués : concentration en légionelles, température, conductivité.

Pour s'assurer de la mise en œuvre de l’ensemble de ces dispositions la réglementation prévoit l’obligation pour l'exploitant, à compter de 2006, de demander que son installation de refroidissement soit contrôlée par un organisme agréé. Ce contrôle consistera notamment en une visite de l'installation et une vérification de l'ensemble des procédures qui y sont associées. Il est prévu que les premiers organismes soient agréés à l'automne 2005.

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