Pour cela nous avons développé au laboratoire un système d’infiltration percolation en utilisant des colonnes de sable du littoral de taille granulométrique 160 µm, et des cendres volantes. La première étude réalisée est la caractérisation physico-chimique, les paramètres analysés sont le pH, la conductivité, les matières en suspension (MES), la matière organique (DCO), les chlorures (Cl⁻), les orthophosphates (PO₄³⁻) et l’ammonium (NH₄⁺). Les résultats obtenus par ce traitement sont évalués à une réduction de 57 % pour la DCO, 98 % pour la MES, 67 % pour les chlorures (Cl⁻), 23 % pour PO₄³⁻ et 82 % pour NH₄⁺. La seconde étude est la détection par ICP des métaux lourds dans les eaux usées industrielles, dans leurs états bruts et après leur purification. Les résultats observés lors des analyses par ICP des filtrats sont très positifs car ils présentent une réduction très importante de ces métaux. Finalement, le lit filtrant que nous avons utilisé a été réutilisé, en le mélangeant avec du ciment et du gravier pour fabriquer des lingots de béton qui seront de multiples usages.
Le sable que nous avons utilisé dans nos expériences a été prélevé le long du littoral de la ville d’El Jadida.
Matériels et méthodes
Le sable a été nettoyé, tamisé afin de déterminer ses différentes tailles granulométriques, ensuite analysé par diffraction X pour avoir une idée très précise sur le taux de présence de calcite et de silice, et finalement par la spectroscopie ICP (Inductance couplage plasma) pour s'assurer de l’absence de traces de métaux lourds. Les cendres volantes, par contre, proviennent d'une centrale thermique. Le montage expérimental réalisé dans notre laboratoire est constitué d’une colonne de longueur L et de section S (figure 1). Nous avons utilisé, pour confronter nos résultats obtenus, deux lits filtrants – soit deux colonnes (voir figure 1) – formés par deux et trois étages comme indiqué sur la figure 1. Il est à noter que notre choix a été focalisé sur du sable marin de 160 µm, contenant 61,14 % de silice et 19,27 % de calcite.
[Photo : Montage expérimental utilisé pour le traitement des eaux usées industrielles.]
Tableau 1 : Les paramètres physico-chimiques des eaux usées industrielles étudiées avant et après traitement
pH |
5,56 |
7,19 |
7,51 |
Conductivité (mS) |
10,6 |
7,73 |
6,44 |
MES (mg/l) |
5 539 |
40 |
20 |
DCO (mg/l) |
52 000 |
32 000 |
26 000 |
Chlorures (mg/l) |
5 260,1 |
3 000 |
2 800 |
Phosphore (mg/l) |
1,456 |
0,02556 |
0 |
Ammonium (mg/l) |
149,4 |
7,2 |
5,4 |
Résultats et discussion
Les paramètres physico-chimiques des eaux usées industrielles étudiées, avant et après traitement par les deux lits filtrants, sont rassemblés dans le tableau 1. D’après les résultats de ce tableau, nous constatons que les eaux industrielles étudiées ont un pH acide ; cette acidité est due aux divers rejets des différentes activités industrielles situées au niveau de la zone étudiée. On note également une forte conductivité dépassant les 10 mS, qui s’explique par une forte concentration de divers sels (chlorures, sodium, calcium, sulfates…).
Les eaux usées sont chargées aussi de matières solubles dont les valeurs dépassent les 5 500 mg/l ; ces matières en suspension sont dues au rejet des résidus de transformation de la matière première, de liquides de nettoyage et de lavage des planchers. Elles sont également chargées en matières organiques, dépassant les 50 000 mg/l, qui sont assez complexes et difficilement biodégradables par des souches bactériennes [2, 3]. On note également une forte concentration en ions chlorures dépassant les 5 000 mg/l, ce qui explique la forte conductivité observée.
[Figure : Figure 2 – Évolution du pH des eaux usées industrielles avant et après traitement.]
[Figure : Figure 3 – Évolution de la conductivité des eaux usées industrielles avant et après traitement.]
Les eaux usées industrielles étudiées ont un pH acide allant de 5 à 6. De telles valeurs auraient sûrement un impact sur le milieu récepteur, affectant ainsi la croissance et la survie de la faune et de la flore. Cette acidité pourrait être due au rejet des produits à caractère acide, issus de différentes industries situées sur la zone industrielle. On constate que la filtration des eaux industrielles à travers les deux colonnes a permis leur neutralisation.
La filtration à travers les deux colonnes a diminué la valeur de la conductivité des eaux usées étudiées (figure 3) en parti-
[Photo : Figure 4 : Évolution des MES des eaux usées industrielles avant et après traitement.]
L’analyse de la matière en suspension nous permet de connaître la quantité de matières non dissoutes (colloïdes), qu’elles soient organiques ou minérales, présentes dans l’échantillon. Les eaux usées brutes étudiées sont très chargées en matière en suspension dépassant les 5000 mg/L. Nous constatons que ces matières en suspension sont efficacement piégées par les deux colonnes.
[Photo : Figure 6 : Évolution des chlorures des eaux usées industrielles avant et après traitement.]
Les eaux étudiées présentent une forte charge en ions chlorures dépassant les 5200 mg/L. La filtration à travers les deux colonnes a réduit considérablement cette charge polluante.
[Photo : Figure 5 : Évolution de la DCO des eaux usées industrielles avant et après traitement.]
est de 52 % pour la colonne 2.
La demande chimique en oxygène (DCO) est la quantité d’oxygène nécessaire pour oxyder la matière organique et inorganique oxydable contenue dans l’eau à l’aide d’un oxydant fort, le bichromate de potassium. Les eaux industrielles étudiées sont très chargées en matières organiques ; une grande partie de ces matières solubles et/ou particulaires a été retenue par les deux lits filtrants. L’abattement de la DCO est de 52 % pour la colonne 1 après filtration.
Le phosphore est l’un des composants essentiels de la matière vivante. Les composés phosphorés ont deux origines : le métabolisme humain et les détergents. Dans les eaux usées, le phosphore se trouve soit sous forme d’ions orthophosphates isolés, soit sous forme d’ions phosphates condensés, ou sous forme d’ions phosphates condensés avec des molécules organiques présentant des concentrations faibles ; cependant, en trop grandes quantités, ils favorisent l’eutrophisation. L’élimination des ions orthophosphates par les deux colonnes dépasse les 98 %.
[Photo : Figure 7 : Évolution des orthophosphates des eaux usées industrielles avant et après traitement.]
Finalement, nous pouvons affirmer que les sables et les cendres volantes, dont sont constituées nos deux colonnes, ont permis de bien purifier les eaux usées industrielles.
[Photo : Comparaison entre les eaux usées industrielles brutes avant et après filtration.]
La photo 1 nous permet de faire une comparaison claire et significative entre les eaux usées brutes, avant et après infiltration à travers les deux lits filtrants. Les cendres volantes et les sables que nous avons utilisés ont été revalorisés en les mélangeant avec du gravier et du ciment pour fabriquer des lingots de béton pour de multiples usages, comme indiqué sur la photo 2.
[Photo : Revalorisation des lits filtrants utilisés dans nos expériences pour fabriquer des lingots.]
Conclusion
Les résultats obtenus dans cette étude de filtration-percolation, très positifs, montrent clairement et efficacement que les cendres volantes, en tant que déchets solides, peuvent être revalorisées en les utilisant comme filtres dans la purification des rejets liquides qu'il s'agisse d'eaux industrielles, de lixiviats ou d'eaux usées urbaines. Les analyses par ICP, ainsi que la caractérisation physico-chimique du filtrat obtenu à travers les deux colonnes, montrent bien que les eaux épurées peuvent être réutilisées dans l'irrigation ou en industries comme liquides de refroidissement par exemple.
Références bibliographiques
[1] Kelli A., D. Bensafia (2003). Élimination des phosphates par filtration directe sur lit de sable. Rev. Sci. Eau 16(3) : 317-332.
[2] MAES, 1977 et 1978 (a). La station d’épuration des eaux usées, performances et défaillances. L’Industrie Française/achats et entretien, n° 299, pp. 7-8.
[3] MAES, 1977 et 1978 (b). La station d’épuration des eaux usées, performances et défaillances. L’Industrie Française/achats et entretien, n° 301, pp. 10-15.
[4] El Krati M. Étude des rejets et épuration des eaux boueuses des sucreries des Doukkala et de Tadla. Thèse de l'université Chouaib Doukkali, Maroc, p. 206.
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