La réutilisation des eaux usées est une solution qui pourrait dans l'avenir être de plus en plus utilisée, néanmoins les contraintes aussi bien réglementaires que scientifiques sont peu discutées. Nous nous proposons ici de parcourir les différents décrets ou règlements qui traitent de cette question ainsi que les paramètres chimiques et biologiques qui se rapportent au suivi de ces eaux. Nous proposerons également des indicateurs supplémentaires nécessaires à un suivi plus détaillé de ces eaux en cas d'utilisation contraignantes.
La réutilisation des eaux usées est une solution qui pourrait, dans l’avenir, être de plus en plus utilisée ; néanmoins les contraintes, aussi bien réglementaires que scientifiques, sont peu discutées. Nous nous proposons ici de parcourir les différents décrets ou règlements qui traitent de cette question ainsi que les paramètres chimiques et biologiques qui se rapportent au suivi de ces eaux. Nous proposerons également des indicateurs supplémentaires nécessaires à un suivi plus détaillé de ces eaux en cas d’utilisations contraignantes.
Cet article a pour but de passer en revue les paramètres chimiques et microbiologiques d’intérêt pour la réutilisation des eaux usées épurées. L’analyse de la réglementation actuelle conduit, dans un premier temps, à lister les composés chimiques et les organismes biologiques indicateurs de l’efficacité de l’épuration ainsi que les risques associés pour des applications de réutilisations bien définies par la législation. Dans un second temps sont présentés les indicateurs jugés pertinents pour des applications de réutilisation actuellement non citées par la réglementation.
État de la réglementation
La réutilisation des eaux usées urbaines épurées présente une solution prometteuse à la pression croissante sur les ressources en eau de l’Europe. Pourtant, jusqu’ici aucun règlement européen spécifique n’a été publié sur ce sujet. Dans d’autres États hors Europe, des classifications plus poussées permettent de définir des qualités d’eau en fonction de la réutilisation qui en sera faite (ex. : Title 22, Water Recycling Criteria, 2006, Californie). Les législations européenne et française, quant à elles, restent basées sur les recommandations de l’OMS de 1989 fixant les limites de qualité des eaux réutilisées pour irriguer les cultures uniquement. Dès lors, le développement de ce concept est ralenti par le manque de normes relatives à la qualité de l’eau, aux traitements pré-réutilisation et aux systèmes de distribution. En conséquence, la façon dont chaque pays d’Europe adapte la législation internationale existante est purement spécifique de l’usage qu’il peut en faire et des problèmes qu’il rencontre (économie, sécheresse, industries…). En France, l’abondance des ressources en eau ne favorise pas le développement de telles réutilisations des eaux, l’expérience actuelle se limitant à des projets de faible taille, situés surtout dans les zones côtières de l’Atlantique et de la Méditerranée.
En France, à l’heure actuelle, il n’existe pas de législation concernant la réutilisation des eaux dans un but domestique ou industriel. Comme on l’a vu précédemment, la législa-
Tableau 1 : Exemples de réglementations hors Europe
Organisation/Pays | – Recommandation/Réglementation |
---|---|
Title 22 (Californie, 2000) | – 2,2 ou 23 coliformes totaux/100 ml selon culture + filtre de traitement agréé |
OMS (1989) – niveau A | – 1 000 coliformes thermotolérants/100 ml + 1 œuf d’helminthe/l |
US EPA (1992) | – < 1 ou 200 coliformes thermotolérants/100 ml selon culture |
Afrique du Sud | – 4 ou 1 000 coliformes thermotolérants/100 ml selon culture + filtres imposés |
Arabie Saoudite | – 2,2 coliformes totaux/100 ml (cultures & accès non restreint) |
France (CSHPF, 1991) – niveau A | – 1 000 coliformes thermotolérants/100 ml + 1 œuf d’helminthe/l + contraintes techniques particulières |
Japon | – filtré et désinfecté |
Koweït | – < 1 œuf/10 l + résidu de chlore total ≥ 0,4 mg/l |
Israël | – 100 ou 10 000 coliformes totaux/100 ml selon culture + effluent oxydé, filtré et désinfecté |
Tunisie | – 2,2 ou 250 coliformes thermotolérants/100 ml selon culture < 1 nématode intestinal/l |
Ce chapitre traite uniquement de la valorisation en irrigation agricole ou en irrigation d’espaces verts tels que les golfs (application la plus répandue), les terrains de sport, les parcs publics…
En France, l’article 24 du décret 94-469 du 3 juin 1994 (version consolidée le 9 avril 2000 par le décret 2000-318) fonde le statut réglementaire de la réutilisation des eaux usées urbaines :
« Les eaux usées peuvent, après épuration, être utilisées à des fins agronomiques ou agricoles, par arrosage ou par irrigation, sous réserve que leurs caractéristiques et leurs modalités d’emploi soient compatibles avec les exigences de protection de la santé publique et de l’environnement ».
« Les conditions d’épuration et les modalités d’irrigation ou d’arrosage requises, ainsi que les programmes de surveillance à mettre en œuvre, sont définis, après avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France et de la mission interministérielle de l’eau, par un arrêté du ministre chargé de la santé, du ministre chargé de l’environnement et du ministre chargé de l’agriculture ».
Dans l’attente de cet arrêté, il convient de se référer aux recommandations du CSHPF (Conseil supérieur d’hygiène publique de France) concernant l’utilisation, après épuration, des eaux résiduaires pour l’irrigation des cultures et des espaces verts (circulaire n° 51 du 22 juillet 1991 et du 3 août 1992 du ministère chargé de la Santé) fondées sur les recommandations de l’OMS 1989.
Le classement des eaux selon la législation française dépend donc des critères donnés par l’OMS et le CSHPF. Cette classification est fonction :
• des paramètres microbiologiques et parasitologiques,
• des contraintes de distance,
• des contraintes d’usage,
• des paramètres physico-chimiques,
• du traitement d’épuration subi.
Elle aboutit à trois types d’eau : A, B, C (de la meilleure à la moins bonne qualité). Seules les eaux usées urbaines sont considérées par ces textes, les eaux industrielles présentant des caractéristiques chimiques tout à fait différentes.
Projet d’arrêté de septembre 2000
L’objet de cet arrêté, en cours de rédaction, est de fixer les prescriptions sanitaires et techniques correspondantes applicables aux installations utilisant, après épuration, des eaux usées à des fins d’arrosage et d’irrigation. Des modifications ont été apportées par rapport à la réglementation internationale :
• Les contraintes d’usage ne sont pas modi-
Tableau 2 : Réglementation de l’OMS
Catégories | Conditions de réutilisation | Groupe exposé | Œuf d’helminthe (NPP/ml) | Coliformes thermotolérants (NPP/litre) | Coliformes fécaux (NPP/100 ml) |
---|---|---|---|---|---|
A | Irrigation de cultures pouvant être consommées crues, terrain de sport, parc public | Travailleurs, Consommateurs, Public | ≤ 1 | ≤ 10 000 | ≤ 1 000 |
B | Irrigation de cultures céréalières, industrielles, de fourrages, d’arbres fruitiers et de pâturages | Travailleurs | ≤ 1 | Pas de contrainte | Pas de recommandation standard |
C | Irrigation localisée de la catégorie B, sans exposition possible avec les travailleurs ou le public | Personne | Non applicable | Pas de contrainte | Non applicable |
Tableau 3 : Procédés conventionnels permettant de respecter ces contraintes microbiologiques
Classes d’effluents | Primaire | Secondaire | Tertiaire |
---|---|---|---|
A | Iaire + Biologique | Lagunage, Infiltration, Stockage | Désinfection (UF, Cl, O₃, UV, infiltration, recharge de nappe) |
B | Iaire + Biologique | Lagunage, Infiltration, Stockage | — |
C | Iaire + Biologique | Lagunage, Infiltration, Stockage | — |
Les contraintes de distances sont légèrement modifiées.
Des précisions sont apportées quant aux modes d’irrigation.
Des valeurs seuil sont établies.
Les paramètres normés
Les indicateurs globaux
Les indicateurs globaux sont de bons indicateurs du niveau de pollution des eaux usées, avant et après épuration. Les plus usuels sont les Matières En Suspension et la Demande Chimique en Oxygène ; ce sont d’ailleurs les seuls paramètres chimiques cités dans le projet d’arrêté de septembre 2000.
Les MES regroupent toutes les matières insolubles :
- • Matières minérales : argiles, limons,…
- • Matières organiques issues de la décomposition de matières animales et végétales,
- • Les micro-organismes.
C’est un indicateur important pour déterminer les degrés d’épuration d’un effluent en sortie d’exutoire mais également d’une eau épurée destinée à être réutilisée. En effet, les MES sont un des principaux vecteurs de pollution biologique, organique et inorganique.
La Demande Chimique en Oxygène correspond à la quantité d’oxygène consommée par voie chimique pour oxyder l’ensemble des matières oxydables présentes dans un échantillon. Elle est particulièrement indiquée pour mesurer la pollution d’un effluent industriel et donc pour suivre l’évolution de la qualité de l’eau lors de son épuration. Les eaux dont la DCO est élevée peuvent ne pas convenir à l’irrigation, c’est pourquoi une limite de qualité a été déterminée dans le projet d’arrêté de septembre 2000.
Tableau 4 : Valeurs limites de qualité
Paramètres | Niveau de qualité | ||
---|---|---|---|
A | B | C* | |
MES (mg l⁻¹) | 150* | 150* | 150* |
DCO (mg l⁻¹) | 125 | 125 | 125 |
E. coli (1 / l) | 10 000 | 10 000 | – |
Salmonelles (/ l) | Absence | Absence | – |
Œufs de tænia (/ l) | Absence | Absence | – |
* en l’absence de procédé lagunaire naturel
Le risque bactérien
Toutes les bactéries commensales (qui peuvent vivre dans l’intestin) se retrouvent en forte concentration dans les eaux usées, en entrée de station d’épuration. Parmi ces bactéries certaines sont pathogènes et susceptibles de provoquer des infections. Afin de suivre la contamination fécale, et donc la présence de ces bactéries, les normes proposent souvent un suivi des E. coli. En effet Escherichia coli est une bactérie commensale Gram- présente chez tous les humains et normalement non pathogène. Du fait de sa présence ubiquitaire chez les humains et de sa faible multiplication dans les eaux, cette bactérie est un indicateur très pertinent de la contamination fécale et donc du niveau d’épuration des eaux.
Les Salmonelles font également partie des paramètres à suivre. Il s’agit d’une bactérie pathogène responsable principalement de gastro-entérite et de toxi-infection. L’absence de cette bactérie dans les eaux de rejet garantit l’innocuité de ces eaux vis-à-vis de ce type d’infection.
Pour aller plus loin, la Directive Cadre sur l’Eau
Comme nous l’avons vu, les exigences sur les paramètres prévus dans le projet d’arrêté de septembre 2000 sont uniquement destinées aux eaux réutilisées en irrigation. Pour d’autres usages, elles peuvent être complétées par des paramètres supplémentaires dont la nature et les seuils de qualités associés sont relatifs à :
- - La composition des eaux usées collectées. En effet les types et niveaux de pollutions sont variables et dépendent de l’origine de l’eau collectée par le réseau d’assainissement : eaux de pluies, eaux de rejets domestiques, eaux de lessivage de la chaussée, rejets industriels.
- - Des différents usages prévus pour cette eau épurée. La qualité sanitaire requise sera notamment liée à la probabilité de contact avec l’homme. Cette probabilité sera également un indicateur pour définir la fréquence des contrôles et les points de surveillance.
- - Et des traitements mis en œuvre dans la filière d’assainissement et d’épuration de l’eau usée. Ces traitements, mentionnés plus haut, sont interdépendants des deux points précédents.
Malgré les possibilités de réutilisations des eaux usées épurées, il n’est pas toujours évident de trouver un usage à ces eaux, en particulier en raison du manque de réseau de distribution spécifique. Dans ce cas, l’eau traitée est rejetée directement au milieu naturel.
L’objectif principal de la nouvelle DCE est d’atteindre un bon état écologique des milieux hydriques d’ici 2015.
Tableau 5 : Toxicité des métaux classés dans les 33 substances prioritaires de la Directive Cadre sur l’Eau
Métal | Description | Toxicité | Exposition aiguë | Exposition chronique |
---|---|---|---|---|
Plomb | Solide blanc-gris, toxine naturelle | Neurotoxique, hépatotoxique | Troubles neuropsychiques, douleurs abdominales | Saturnisme, atteinte du système nerveux central |
Mercure | Liquide argenté, non toxique sous sa forme métallique, toxique sous forme gazeuse et sous forme organique (méthylmercure) | Immunosuppresseur, néphrotoxique, hématotoxique | Tremblements de la tête, des mains et des mâchoires, excitation anormale | Dysfonctionnement du système nerveux, somnolence, troubles moteurs, perte des réflexes |
Cadmium | Solide blanc argenté, toxique sous toutes ses formes | Cancérigène | Douleurs respiratoires, paralysie | Cancers (poumons, reins, probablement prostate) |
Nickel | Solide blanc argenté | Cancérigène | Inflammations des muqueuses et des voies respiratoires | Cancers du nez, des poumons et de l’estomac |
Constamment la qualité du traitement des eaux, que celle-ci soit réutilisée ou rejetée au milieu naturel, il serait donc judicieux de se rapprocher des critères chimiques définis dans la DCE et notamment de se référer, au moins partiellement, aux listes de substances définies comme dangereuses.
Au niveau chimique
Les principaux paramètres chimiques à prendre en compte sont alors, selon les origines des eaux usées collectées, des polluants inorganiques et organiques, principalement les 33 substances prioritaires (décision n° 2455/2001/CE du 20 novembre 2001).
Les métaux lourds
Les métaux lourds présents dans les eaux usées urbaines sont nombreux ; les plus abondants (concentration de l’ordre de quelques µg/l) sont le fer, le zinc, le cuivre et le plomb. Les autres métaux (aluminium, chrome, arsenic, sélénium, mercure, cadmium, molybdène, nickel, etc.) sont présents à l’état de traces.
Leur origine est multiple : ils proviennent essentiellement des eaux de ruissellement des toitures ou des chaussées dans le cas de réseau unitaire, ainsi que de rejets industriels.
Les éléments cités dans la littérature comme étant les plus dangereux sont le plomb (Pb), le mercure (Hg), le cadmium (Cd), le nickel (Ni) et l’arsenic (As) (voir tableau 5). Les quatre premiers faisant partie des 33 substances classées comme dangereuses prioritaires dans l’arrêté de la directive cadre européenne sur l’eau.
Les micro-polluants organiques
Comme les métaux lourds, les micro-polluants organiques sont nombreux et variés, comme le montre la figure suivante. Leur concentration totale moyenne dans les eaux usées est de l’ordre du microgramme par litre.
La nature et le niveau de concentration de ces micro-polluants organiques dans les eaux usées dépendent des types d’effluents collectés. Ils proviennent de l’utilisation domestique de détergents, pesticides, solvants, et également des eaux pluviales : eaux de ruissellement sur les terres agricoles, sur le réseau routier, etc. Ils peuvent aussi provenir de rejets industriels quand ceux-ci sont déversés dans les égouts.
En ce qui concerne les pesticides, la principale inquiétude est relative à leur potentielle dangerosité chronique, même à l’état de trace. Si en général les effets d’une exposition aiguë sont connus, la toxicité à long terme et à faible dose est mal déterminée. De nombreux pesticides sont classés comme cancérigènes ou cancérogènes possibles, d’autres ont une activité perturbatrice du système endocrinien, activité très délicate à appréhender. C’est le cas notamment de l’atrazine, du DEHP et des dérivés phénoliques. En outre, la plupart des pesticides ont une forte capacité de rémanence (20 ans pour certains) et leur dégradation naturelle produit parfois des métabolites dont les effets sanitaires sont inconnus.
Pour aller encore plus loin, dans le cas où la probabilité d’ingestion de cette eau par l’homme serait non négligeable, des paramètres, dits émergents, pourraient être surveillés tels que les résidus médicamenteux. En effet, la faible persistance de ces molécules au regard de celle des pesticides est compensée par leur remplacement continu dans le milieu. Les classes thérapeutiques susceptibles d’être le plus souvent rencontrées sont :
- - les antibiotiques
- - les anti-inflammatoires non stéroïdiens
- - les hypolipémiants
- - les produits de contraste.
Néanmoins, cette surveillance serait limitée à quelques molécules cibles, convenablement sélectionnées afin d’être un indicateur plus général de la présence de ces substances et de l’ordre de grandeur de leur teneur dans les eaux.
D’autres indicateurs, plus globaux, peuvent également donner une information quant au
niveau de pollution des eaux usées et permettre d’appréhender la qualité des eaux épurées. On peut notamment utiliser des tests biologiques globaux qui ciblent non plus la concentration mais les effets des substances, par exemple sur les perturbateurs endocriniens, ou sur la toxicité globale (Daphnie, Microtox...).
Suivant l'utilisation qui sera faite de l'eau épurée, il faudra soit se référer uniquement aux recommandations de l'OMS (irrigations contrôlées), soit pousser plus loin les investigations sur les caractéristiques de l'eau afin de proposer des garanties de qualité aux utilisateurs.
Au niveau biologique
Pour des utilisations de l'eau usée épurée plus valorisantes que celles décrites dans les arrêtés il conviendrait de prendre en compte d'autres indicateurs de contamination, en effet les eaux usées sont fortement concentrées en organismes vivants (en plus de bactéries hydriques et de la biomasse épuratrice, toutes les bactéries d'origine humaines y sont présentes). Les concentrations retrouvées sont donc supérieures à celles des ressources en eaux de l'environnement. Si le risque bactérien est pris en compte par le suivi des paramètres fécaux qui sont un bon indicateur de contamination fécale (E. coli et salmonelles), il a été montré par plusieurs auteurs que la corrélation de certains pathogènes avec les bactéries fécales n’était pas toujours possible (Campylobacter, Virus ou parasites par exemple). De plus, toujours en fonction des usages, il conviendrait sans doute de moduler les niveaux de contamination définis par l'OMS en 1989 qui, pour des usages plus “sensibles” que l'irrigation agricole, paraissent élevés (pour rappel jusqu'à 1 000 E. coli par litre).
Nous allons décrire ici différents pathogènes potentiellement présents. Leur suivi sera plus ou moins pertinent selon la filière de traitement mise en œuvre et surtout l'utilisation de l'eau usée épurée envisagée. Globalement trois groupes de pathogènes sont susceptibles d’être retrouvés dans les eaux usées : les parasites, les bactéries et les virus. Via l’eau, ces trois types de pathogènes sont responsables en 2005 en Europe d’environ 1 700 infections (tableau 6). Épidémies qui sont liées à des défauts dans la filière de traitement et à un manque de contrôle.
Les bactéries
Comme nous l'avons vu, les contaminations d’origine humaine (Salmonelles, Campylobacter, E. coli, Shigella...) sont prises en compte via le suivi de la contamination fécale. Certaines bactéries hydriques (Pseudomonas, Legionelles...) ou pathogènes pour l'homme ne peuvent être estimées par ce paramètre. Nous donnons ici l’exemple des Campylobacters.
Les Campylobacters sont des bactéries gram- responsables de diarrhées et, également parfois, de symptômes plus sévères (arthrites, syndrome de Guillain-Barré...). On considère que cette bactérie est le principal agent responsable de gastro-entérite dans le monde. C’est souvent une bactérie qui passe des animaux à l'homme. Néanmoins de nombreuses épidémies hydriques ont été décrites. Certains pays ont lancé des surveillances de ces bactéries dans les eaux, car comme nous l'avons vu, il est difficile de lier leur présence à celle des bactéries fécales (ex : UK).
Néanmoins, afin de ne pas multiplier les contrôles individuels sur tous les types de bactéries pathogènes, des contrôles d’efficacité de désinfection peuvent être réalisés par exemple par un suivi de la flore totale ou par ATP-métrie. Ces informations seraient complémentaires du contrôle de la contamination fécale et assureraient un suivi minutieux de la qualité des procédés de la filière. On peut penser que les nouveaux procédés de traitements membranaires sont les plus à même de s'assurer d'une élimination efficace de ces bactéries.
Risque parasitaire
Les parasites hydriques sont le plus souvent des organismes unicellulaires qui se développent au sein du tube digestif ou à l'intérieur des cellules humaines. De par leur structure, ils sont souvent plus résistants aux traitements de désinfection que d’autres pathogènes. Nous en décrirons ici deux fréquemment recherchés dans les ressources en eau.
Giardia
Giardia est un protozoaire, c’est-à-dire un organisme comportant une cellule unique d'environ 10 à 20 μm pourvue d'un noyau. C’est un parasite du tube digestif qui, en colonisant son hôte, peut provoquer des phénomènes de malabsorption et divers symptômes peu caractéristiques (diarrhées, douleurs abdominales...). La transmission se fait via les selles infectées qui contiennent une forme très résistante du pathogène, les kystes. Des infections par Giardia via l'eau sont décrites dans la littérature, par exemple entre 1965 et 1996, on dénombre plus d’une centaine d’épidémies aux États-Unis, souvent liées à des défauts dans les filières de traitement de l'eau et à des ressources fortement contaminées.
Cryptosporidium
Cryptosporidium est un parasite, également de la classe des protozoaires de taille comprise entre 4 et 6 μm. Les personnes infectées par les Cryptosporidium présentent des symptômes intestinaux classiques : diarrhées, douleurs abdominales, vomissements...
La transmission peut se faire d’homme à homme ou via la consommation d'eau ou d’aliments contaminés. Ce mode de transmission est mis en avant dans certaines épidémies (France en 1998 et 2001 par exemple). C’est souvent, là aussi, le traitement de l'eau qui est en cause et la pollution de la ressource. Il est donc important de suivre ce parasite dans le cas d’une utilisation de cette eau.
La forte probabilité de retrouver ces parasites à des concentrations élevées dans les eaux usées indique qu'il est important de s'assurer que la filière de traitement de l'eau élimine de façon convenable ces parasites. Certains pays, dont la France, ont réglementé leur suivi de la qualité de leurs eaux rejetées en incluant ces parasites. Néanmoins de par leur grande taille, on peut penser que les méthodes de filtration membranaires doivent permettre d’éliminer totalement ces pathogènes, il convient alors de s'assurer de l’efficacité du traitement par une surveillance périodique.
Risque viral
Tableau 7 : Paramètres d’intérêts et leur suivi par les indicateurs de l’arrêté
Paramètres | Risque | Mesure | Indicateur |
---|---|---|---|
Campylobacter | Gastroentérite, paralysie temporaire | Culture ISO 17 995 | E.coli ? |
E.coli pathogène | Gastroentérite hémorragique, diarrhée | Culture NF EN ISO 9308-1 | E.coli ? |
Autres bactéries pathogènes | Variés | — | Flore totale ? E.coli ? |
Virus entériques | Atteinte neurologique, gastroentérite | Plaque de lyse NF T90-0451 | E.coli ? |
Norovirus | Gastroentérite | Aucun | E.coli ? |
Cryptosporidium | Gastroentérite | Immunofluorescence NF T90-455 | Aucun Tenia ? |
Giardia | Gastroentérite | Immunofluorescence NF T90-455 | Aucun Tenia ? |
On peut noter que le risque viral n’est pas pris en compte dans les paramètres définis par les normes, probablement en raison de la difficulté des mesures. Pourtant les virus présentent un risque important pour la santé humaine. Ce sont des pathogènes de petite taille (environ 10⁻⁹ m), mille fois plus petits qu’une bactérie (environ 10⁻⁶ m). Il existe un grand nombre de types de virus dans les selles. Il a été démontré que de l’eau contaminée a été à l’origine d’épidémies de gastro-entérites et d’hépatites aiguës A ou E. Parmi ces virus, on peut citer en exemple :
- Les Entérovirus, composés de plus de 150 espèces virales pathogènes (les entérovirus proprement dits mais également les poliovirus, les coxsackie, les echovirus…), transmis par voie féco-orale et hydrique. Ils sont responsables de maladies, principalement par diarrhées mais ils provoquent également des atteintes neurologiques, des fièvres aphteuses, des méningites bénignes ou des pathologies nerveuses…, principalement dans les pays en voie de développement. La forte charge virale des eaux usées nous amène à penser que ce risque ne peut être négligé.
- Les Norovirus, qui sont l’une des principales causes de gastro-entérite en France. Ils provoquent nausées, vomissements, crampes abdominales et diarrhées. Pour les personnes à risque, la déshydratation peut être sévère et 4 % des personnes touchées sont hospitalisées. Dans 1/3 des cas identifiés, la contamination est d’origine hydrique et la dose infectieuse semble très faible (< 100 virus).
- D’autres virus à transmission hydrique sont également responsables d’infections humaines comme les virus de l’hépatite A et E. Les virus sont éliminés dans les excréments à des concentrations pouvant atteindre 10 milliards de particules virales dans 1 gramme de selles, ils sont présents dans les eaux usées, mais ne peuvent s’y multiplier. Ils ne sont que partiellement éliminés dans les boues des stations d’épuration. De plus, de par leur petite taille et leur résistance à certains traitements de désinfection, les virus sont les plus à même de passer à travers les filières de traitement, même membranaires. La présence de virus ne peut pas toujours être corrélée à la présence de bactéries fécales. Il convient donc de bien appréhender ce risque dans la définition des paramètres à suivre sur les eaux. Il nous semble que leur persistance dans le milieu doit être prise en compte en cas d’utilisation de ces eaux à des fins récréatives ou alimentaires.
La recherche de virus dans les eaux usées épurées paraît donc un indicateur pertinent pour le suivi de la qualité du traitement (voir figure 2). Le suivi des phages (virus des bactéries) dont les caractéristiques physiques sont proches de celles des virus, pourrait permettre de suivre la qualité de filtration d’une filière sur des particules biologiques de petite taille. Mais le débat reste ouvert quant à la pertinence de ce paramètre dans la détection des contaminations virales. L’ensemble des paramètres est résumé dans le tableau 7.
Perspectives
Les paramètres chimiques et biologiques à suivre sont donc nombreux. Certains indicateurs, déjà définis dans les normes, permettent d’appréhender ces risques pour des utilisations bien précisées.
Cependant le contrôle de la qualité des eaux destinées à la réutilisation, prescrit dans les décrets actuels, n’autorise pas toutes les utilisations. C’est pourquoi il conviendrait de déterminer, en fonction de leur utilisation, des paramètres supplémentaires, plus spécifiques, pour le suivi chimique et microbiologique des eaux épurées. Ces critères devraient être différents pour chaque application envisagée (irrigation, recharge de nappe, usage industriel…).