MycET® permet de réduire la production de boues de stations d'épuration à hauteur de 30 % en masse. Le procédé compte huit références industrielles en France dont les trois plus grosses sont celles de Brive (215.000 EH), de La Baule (178.000 EH) et de Nîmes (230.000 EH). Certaines de ces installations sont en fonctionnement depuis plus d'un an et permettent de réduire les coûts en aval de la filière boues : atelier de déshydratation et valorisation des boues. Le retour d'expérience du MycET® de Brive est détaillé.
MycET®, Mycelium Ecological Treatment, est un procédé permettant de réduire la production de boues de stations d’épuration à hauteur de 30 % en masse à l’aide d’une bioamplification de la boue en champignons.
Le procédé s’insère dans la filière boue d’une station d’épuration (cf. figure 1).
L’épaississement des boues en amont du bassin MycET® permet de réduire les volumes de bassin utilisés. L’épaississement peut être réalisé sur tambour égoutteur, sur table d’égouttage ou encore par des membranes immergées. Dans le cas de MycET® PLUS, les membranes se situent dans les bassins et la surface au sol est réduite. Le perméat issu des membranes est de très bonne qualité ; il peut être utilisé comme eau industrielle.
La déshydratation se fait à l’aide d’un filtre à plateaux ou d’une centrifugeuse.
Réacteur de bioaugmentation
[Schéma : Principe du procédé.]Les retours en tête de station sont faiblement chargés (DCO, MES et azote).
Le procédé est simple, n’implique que des équipements éprouvés dans le traitement des eaux (cf. figure 2) et fait l'objet d’un brevet.
L’alimentation et l’extraction des bassins MycET® sont régulières même si le procédé s’adapte parfaitement à des variations modérées de charge. Les boues sont extraites régulièrement en fonction de l’activité de l'atelier de déshydratation.
Une aération des bassins est nécessaire mais un résiduel d’oxygène faible est suffisant. L’énergie consommée pour l’aération est donc faible. L'homogénéité du bassin est assurée par les agitateurs, il n'y a donc pas de zone morte ou non aérée.
Des champignons sont cultivés dans un bioréacteur spécifique. L’injection périodique de ces champignons vers le bassin se fait tous les 20 jours pour maintenir la population fongique dans les bassins MycET®. Le maintien de cette population fongique dans les bassins permet d’atteindre les performances de réduction de boues de 30 %, avec une consommation réduite d’oxygène. La réduction de boues se fait grâce à une solubilisation de la matière organique dans la phase liquide puis à un dégagement gazeux.
Avantages des champignons
Les champignons sont des organismes évolués d’un point de vue biologique. En effet, ces derniers étant eucaryotes, ils produisent une plus grande variété d’enzymes que les bactéries et peuvent s’attaquer de ce fait à une gamme plus large de substrats organiques (cellulose, hémicellulose, paroi membranaire des cellules bactériennes...). Bien que moins nombreux que les bactéries, les champignons sont fortement présents, de par leur taille, dans les boues. Ces champignons sont sélectionnés sous forme d'un cocktail qui est ajouté aux boues épaissies. Les espèces mycéliennes sont présentes dans les boues activées.
BIOVITIS, société spécialisée en biotechnologies partenaire de Saur, garantit l’innocuité des espèces.
Suivi du procédé
L’efficacité du procédé est mesurée grâce à un bilan massique. Pour le calculer, il convient de délimiter un référentiel d’espace (le bassin MycET®) et un référentiel de temps : celui-ci est pris à 40 jours, soit deux fois le temps de séjour nominal du procédé. En effet, un référentiel de temps plus court amène trop de variabilité sur les rendements et un temps plus long lisse les évolutions de l’élimination des boues. Le calcul du rendement est donné par la formule suivante :
Flux entrants − Flux sortants − Flux accumulés R40 (%) = ———————————————————— Flux entrants
Cette formule tient compte de l’éventuelle quantité de boues qui s’est accumulée dans le bassin.
Un flux est défini par :
Flux = [MES] ou Matières en Suspension × Volume
où [MES] en kg/m³ et Volume en m³.
Un premier paramètre fondamental tant pour le dimensionnement que pour l’exploitation est la charge volumique. Elle est définie par :
[MES]entrantes × Volume entrant Cv = ——————————————————————— Volume du bassin
où [MES]entrantes est la moyenne des matières en suspension entrantes dans le bassin MycET® en kg/m³, le volume entrant en m³ et le volume du bassin en m³.
La charge volumique nominale est de 1,4 kg de MES/j/m³ de bassin. Cette charge volumique est directement corrélée à l’âge de boues dans le bassin MycET® ; l’âge de boues nominal dans le bassin est de 20 jours.
Le procédé MycET® est susceptible de supporter des variations de charge importantes mais il convient de ne pas dépasser durablement la charge nominale sous peine de voir les rendements diminuer. La charge volumique est essentiellement subie par l’exploitant en fonction de la charge entrante sur la station mais on peut utiliser la capacité tampon des bassins d’aération pour lisser les pointes de charge.
Un autre paramètre important à suivre est la quantité d’oxygène transférée à la boue par quantité de matière organique présente dans le bassin :
Nₐ × Qₐ × 0,299 × CTG Boues QO₂ = ——————————————————————————— [MVS] × Vₓ
Avec Nₐ le nombre d’heures d’aération par jour, Qₐ le débit d’air en Nm³/h, 0,299 la quantité d’O₂ (en kg) présente dans un Nm³ d’air (assimilé à un gaz parfait), CTG Boues le coefficient de transfert global en boues (sans unité), [MVS] les Matières Volatiles en Suspension en kg/m³ et Vₓ le volume du bassin MycET® en m³. QO₂ est exprimé en kg d’O₂ transféré à la boue par jour et par kg de MVS.
La valeur du QO₂ doit être finement régulée. En effet, une sous-oxygénation entraînera une perte de rendement et une sur-aération augmente inutilement les coûts de fonctionnement et peut, à l’extrême, s’avérer néfaste pour les champignons. Le QO₂ est donc le paramètre fondamental d’optimisation économique. Pour optimiser l’exploitation, il s’agit donc soit de réguler les quantités d’air, soit d’ajuster la concentration des bassins MycET®.
En plus de ces deux ratios, certains paramètres physico-chimiques (azote, [O₂], pH, T°C, pourcentage de MVS du bassin...) permettent de suivre le bon fonctionnement du procédé.
Retour d’expérience de Brive
La Communauté d'Agglomération de Brive (19) a investi dans un nouvel outil épuratoire venant se substituer à une station d’épuration construite en 1974. Elle est dimensionnée pour accueillir en charge nominale la pollution d'origine domestique et industrielle de 215.000 équivalents habitants, sans forte variation saisonnière.
Le groupement de constructeurs* titulaire du marché de conception-réalisation de la nouvelle station d’épuration de la CAB avait intégré dans son offre une variante autour du procédé MycET®, système de réduction des boues novateur dont l’objectif est l'obtention d'un rendement de 30 % de réduction de la matière sèche².
Ce procédé a retenu toute l'attention de la collectivité dans un contexte local de gestion et de traitement de ses boues, ayant atteint ses limites réglementaires. En effet, avant la création de la nouvelle station d’épuration, environ 40 % des tonnages de boues étaient enfouis après chaulage en Centre de stockage de déchets ultimes et 60 % étaient épandus. Le mode de valorisation pour lequel la collectivité a opté depuis la mise en service du nouveau pôle de traitement des eaux usées en juillet 2007 est la valorisation agricole sous forme de compost normé après déshydratation par filtres-presses, voire séchage thermique à 60 % de siccité.
L’un des enjeux relevé par le constructeur dans ce contexte est de limiter les tonnages de boues à évacuer tout en permettant de valoriser la matière en épandage agricole. Après plus d'une année d'exploitation, que peut-on conclure sur l'efficacité du procédé MycET® ? Les 30 % de réduction de boues ont-ils été atteints ?
* Groupement Stereau, Sagea Construction, Croizat Pourty, Entreprise Vigier SAS, Atelier Combe Joel Nissou-Jean Parquet, Stereau Mandataire. ² Corrigé par la charge massique entrante sur la station.
Concernant les équipements du procédé MycET®, celui-ci est indépendant de la filière eau et n'impacte pas son fonctionnement. De plus, le procédé a été adapté au cas particulier de la collectivité en cours d’études :
- Initialement, le projet proposait un épaississement sur membranes plaques avec insufflation d'air de balayage pour éviter le colmatage, injection d’air pour l’aération par surpresseurs et diffuseurs membranaires, brassage assuré par des agitateurs.
- Au cours des études, ces équipements ont été substitués par un conditionnement organique et un épaississement sur deux tambours, une aération et agitation par turbine, avec injection d'air par deux surpresseurs débit d’air 2.200 Nm³/h chacun.
En matière d’exploitation, les indicateurs mis en place permettent de suivre essentiellement :
- les consommations de réactif (polymères) : le ratio garanti par le constructeur était une consommation de 7 kg de polymère en produit actif par TMS, l'expérience démontre une consommation à hauteur de 4 kg/TMS.
- les besoins énergétiques (électricité) : l'ensemble des équipements liés au procédé MycET® ont consommé en moyenne 695 kWh/TMS sortie contre une estimation constructeur à 810 kWh/TMS.
Pour ce qui est du rendement du système, la mise en place des indicateurs de suivi a permis d’établir que la production de boues sortie MycET® à l’issue des 16 premiers mois de fonctionnement de la station était de 1.830 TMS pour une production réelle totale avant MycET® de 2.504 TMS. Ce qui correspond à un rendement cumulé moyen de 27 %. Ce résultat est à la hauteur des garanties du constructeur en rapport avec la charge massique des effluents et de la nature minérale des boues (55 % en moyenne).
En conclusion, les garanties MycET® sont respectées sur la station, le non-respect des engagements du constructeur aurait eu un impact en matière de surcoût lié à la valorisation des boues de l'ordre de 142.600 € HT pour la valorisation du surplus des 674 TMS soit un surcoût de l'ordre de 35 %.
Pour le cas de la station de Brive, le bilan massique permet d’établir l’évolution du R40 dans le temps, celui-ci est en partie corrélé à la charge volumique :
[Graphique : Corrélation entre élimination de boues et charge volumique.]Sur le graphique ci-dessus, on observe une certaine corrélation entre la charge volumique arrivant sur le bassin MycET® et l'évolution du rendement. Quand la charge volumique augmente, le rendement a tendance à augmenter jusqu’à une certaine limite. Le procédé accepte bien les variations de charge sur une certaine gamme.
Par ailleurs, les boues de la station de Brive sont assez minérales entre 45 et 55 % de MVS, ce qui ne semble pas présenter de conséquence significative en termes de rendement par rapport aux autres références.
Les références industrielles
Il existe huit références industrielles en France installées par Stereau sur les sites de La Baule (dimensionnée pour 178.000 EH), Brive (215.000 EH), Nîmes (230.000 EH), Coutances (10.000 EH) et Bannalec (5.000 EH) pour MycET® ; Ouistreham (15.000 EH), Luxeuil (20.000 EH) et Genlis (15.000 EH) pour MycET® PLUS. Ces huit références sont actuellement en service : les premiers sites (Brive et La Baule) ont été mis en service en 2007.
Le procédé MycET® élimine 30 % (+/- 3 %) de la masse de boues sur ces différentes stations d’épuration, ce qui permet de réduire les coûts d’évacuation des boues. Le rendement des installations est fonction de la nature de la boue à traiter.
Le suivi précis du fonctionnement du procédé de La Baule a permis de proposer un plan d’optimisation des quantités éliminées de boues.
Le procédé MycET® de Nîmes, mis en route durant l’été 2008, accepte des effluents provenant de diverses origines : biologiques, de digestion anaérobie, et de boues tertiaires.
Les exploitants des différentes stations effectuent un suivi du procédé permettant d'effectuer un bilan massique et de connaître l’évolution des paramètres physico-chimiques importants pour son bon fonctionnement (azote, oxygène dissous, T°C, [MES], [MVS] du bassin).
Conclusions
Le procédé MycET® s’applique sur les stations de capacité supérieure à 5.000 Équivalents Habitants.
Il offre ainsi un mode de réduction de boues efficace pour les petites collectivités, où il n’est pas rentable d’installer une digestion anaérobie. De plus, beaucoup de stations possèdent des silos ou des bassins de stockage de boues existants où ce procédé peut être facilement mis en place à moindre coût.
Des essais pilotes R&D sont en cours sur les sites de Ouistreham (14) et d’Orgerus (78) pour augmenter les performances de MycET®. Ces résultats donnent satisfaction pour le moment et devraient permettre de rendre le procédé encore plus attractif.
Au regard des divers retours d’expérience, dès lors que l’évacuation des boues est difficile et coûteuse pour la collectivité, ce procédé s’affirme comme une solution tant sur le plan économique que pour l'environnement.