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Retour de terrain d'investigations au c'ur de 500 filtres à sable avec l'outil INVESTIG?+®

30 octobre 2012 Paru dans le N°355 à la page 119 ( mots)
Rédigé par : Christian VIGNOLES, Anne CAUCHI et Laurence ROLLAND

Sans doute plus d'un million de filtres à sable sont présents sur le territoire français. Cette filière est une solution d'assainissement enfouie dans le sol, et savoir comment elle est réellement réalisée et comment elle fonctionne constituent une saine curiosité. INVESTIG?+® nous a permis de pénétrer au coeur des filtres et cet article présente les premiers résultats de ces investigations de 18 mois sur un demi millier de filtres à sable. Mesurer, aller voir exposent à des surprises mais la qualité des petites installations d'assainissement de demain est à ce prix. La dépollution des eaux usées impose d'aller chercher la vérité, Veolia Eau vous propose de la découvrir?

En l’absence d’outil permettant de connaître le fonctionnement et l’évolution dans le temps des filières dites traditionnelles, Veolia Eau a débuté dès 2006 des travaux pour mettre au point un outil d'investigation non destructif pour aller regarder au cœur même des milieux filtrants.

En 2009, le brevet INVESTIG’+® a été déposé en partenariat entre le Cemagref de Lyon, l'Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand et Veolia Eau.

INVESTIG’+® est l’association de cinq appareils de mesure, issus de domaines techniques différents, permettant de répondre aux questions que l’on doit se poser sur l’état et le fonctionnement de milieux filtrants utilisés pour le traitement biologique des eaux usées. Cet outil est décrit en détail dans l’article précédent (1).

Pendant 18 mois, INVESTIG’+® a été utilisé pour investiguer le cœur de 500 massifs filtrants sur toute la France.

INVESTIG’+®, de façon factuelle, permet de savoir comment est fait un filtre (dimensions, matériaux, mise en œuvre) et permet de constater comment le filtre traite les eaux usées. Au-delà des éléments visibles à la surface du sol, des informations tangibles faites de mesures et d’observations concrètes sont obtenues par 5 outils :

  • » Les mesures faites avec le Résistivimètre permettent de connaître la surface du système enterré ;
  • » Les mesures faites avec le Pénétromètre et l’Endoscope permettent de connaître la composition du massif (matériaux présents, hauteur des couches, présence de géotextile, géogrille) et son état (présence de colonisation bactérienne, présence de saturation en eau) ;
  • » Les mesures de teneur en oxygène faites
[Photo : Présentation des sites de massifs filtrants en fonction des dimensionnements (m²/PP et m²/occupant).]

avec l’analyseur de gaz nous informent sur l’activité biologique au sein du massif ;

> Les tests Bandelettes permettent de constater le niveau de la nitrification en sortie de filtre.

En allant voir au cœur du massif filtrant, INVESTIG’+ permet d’obtenir des informations factuelles sur l'état et le fonctionnement du massif investigué tout en conservant l’intégrité du filtre et de ses abords.

Les investigations ont débuté en 2010 avec pour objectifs :

  • » d’acquérir une base de données significative sur les filières traditionnelles (et principalement les « filtres utilisant du sable »), constituée de données factuelles,
  • » de valider la fiabilité d’INVESTIG’+ dans une utilisation opérationnelle de terrain.

Les règles de l’art décrivant la construction de ces filières dites traditionnelles sont décrites dans le document normatif XP DTU 64.1. Ce document, créé en 1992, a été révisé à deux reprises, une première fois en août 1998 et une deuxième fois en mars 2007. Il est de nouveau en cours de révision, la nouvelle version devant être disponible dans le courant du second trimestre 2013.

Ce document, souvent improprement utilisé pour concevoir ou dimensionner une filière traditionnelle, ou même asseoir un avis de conformité ou non à la réglementation, est uniquement à utiliser comme un document décrivant l’état de l'art en termes de mise en œuvre par les constructeurs de ces filières.

Les caractéristiques physiques d’un filtre à sable doivent donc respecter ce document de référence. Les mesures effectuées avec les outils vont nous permettre de vérifier si les recommandations décrites dans la norme XP DTU 64.1 sont bien respectées sur le terrain lors de la construction des filtres.

L'étude rapportée dans le présent article s'est déroulée sur l'ensemble de la France. Des filtres de 16 départements métropolitains ainsi que de la Martinique ont été investigués avec l’outil. L'âge de ces filtres est réparti entre 1 an et 26 ans mais 98 % ont moins de 15 ans de fonctionnement et 33 % d’entre eux ont été réalisés sous le régime de l’XP DTU 64.1 dans sa version de 2007.

Par ailleurs, des investigations ont été faites sur une vingtaine de filtres collectifs. Notre étude porte sur 473 sites de maisons individuelles avec pour 17 % des filtres à sable à flux vertical non drainés et pour 83 % des filtres à sable à flux vertical drainés.

Dimensionnement des filtres

Le dimensionnement des filtres lors de leur conception doit satisfaire à la réglementation en vigueur (Arrêté « prescriptions techniques » de septembre 2009 révisé en avril 2012). Le dimensionnement du filtre est basé sur le nombre de pièces principales (PP) dans la maison. Pour les filtres à sable, le massif doit être dimensionné à 5 m²/PP avec un minimum de 20 m². Pour les filtres de l'étude, nous connaissons le nombre de pièces principales ainsi que l’occupation réelle des habitations.

La mesure effectuée avec le résistivimètre nous permet de connaître la surface du filtre enterré. À partir de cette donnée factuelle, il est possible de connaître le dimensionnement du massif selon le nombre de pièces principales (m²/PP) mais également selon le nombre d’occupants (m²/occupant). Les résultats obtenus lors de l’étude sont présentés sur la figure 1.

Sur la figure 1, est matérialisée la valeur réglementaire en pointillé rouge. Nous constatons que :

> 75 % des filtres investigués sont surdimensionnés par rapport aux exigences réglementaires d’avril 2012, qui sont de 5 m² par pièce principale de l’habitation.

[Photo : Construire un filtre à sable, une mise en œuvre très délicate…]
[Photo : Figure 2 : Courbe percentile des hauteurs de terre végétale recouvrant les massifs filtrants de sable.]

desservie par ce filtre.

- 16 % des filtres investigués satisfont à la règle des 5 m² par pièce principale.

- 9 % des filtres ont leur surface correspondant entre 3 et 5 m² par pièce principale.

Nous avons souhaité rapprocher les surfaces des massifs filtrants des occupants réels habituels lors de nos investigations. 96 % des filtres investigués sont surdimensionnés par rapport aux exigences réglementaires ramenées aux occupants rencontrés à la place des pièces principales. On notera simplement le recoupement avec les constats de l'INSEE qui montrent que l'occupation moyenne d'une habitation de 5 personnes est de l'ordre de 2,3 personnes lors des derniers recensements INSEE réalisés en 2006 publiés en 2011. Cette occupation des habitations évolue très peu depuis 10 ans.

Est-il bien raisonnable de constater que plus de 36 % des massifs filtrants investigués dans notre étude soient dimensionnés à trois fois les surfaces réglementaires ramenées aux occupants ? Ce point est d'autant plus à souligner que le dimensionnement de tels filtres à sable, au travers des connaissances actuelles, ne devrait pas dépasser 3 m² par pièce principale.

Faut-il rappeler ici que le Cemagref, dans la plage de quelques centaines d'habitants, conseille un dimensionnement aux environs d'1,5 m² par habitant avec alimentation alternée au moins 50 % du temps ?

Constitution des filtres

Grâce aux mesures faites au cœur du système, il est facile de connaître précisément la hauteur des différents éléments qui constituent un filtre à sable. Avec les mesures combinées du pénétromètre et de l'endoscope nous pouvons, sur l'ensemble des filtres de l'étude, examiner les hauteurs de terre végétale recouvrant le massif de sable, la présence de géotextile, la hauteur de la couche de gravier où se situe le système de distribution de l'eau usée à traiter, la hauteur de la couche de sable.

Terre de recouvrement

La première couche rencontrée lors des sondages est la terre de recouvrement. La norme XP DTU 64.1 de 2007 précise que cette couche ne doit pas dépasser 20 cm. Pour les filtres construits après 2007 moins de 10 % respectent cette recommandation. Pour plus de 90 % des filtres investigués, les recommandations de XP DTU 64.1 de 2007 sont restées « lettre morte ».

Les valeurs mesurées d'épaisseur de terre de recouvrement des massifs filtrants sont exprimées ci-dessous en courbe percentile (figure 2).

Le constat est que 95 % des filtres investigués ne respectent pas la prescription du document de référence l'XP DTU 64.1 sur l'épaisseur de terre de recouvrement à ne pas dépasser.

Dans l'intervalle 10-90 de la courbe percentile, l'épaisseur de terre de recouvrement varie de 23 à 73 cm. La moyenne sur l'ensemble des sites de l'étude est de 45 cm. La terre qui se trouve au-dessus du massif filtrant le sépare de l'air atmosphérique. Sans que cela soit explicitement écrit, la limite fixée à 20 cm dans l'XP DTU 64 a été pour permettre à l'oxygène atmosphérique d'atteindre le sable et ainsi faciliter la circulation de l'air dans le massif. Cette hauteur limite n'est issue d'aucune étude publiée ayant permis d'établir un lien entre la hauteur de terre de recouvrement et l'oxygène présent dans le massif filtrant.

Dans notre étude, nous avons fait des mesures d'oxygène au sein du

[Photo : Sans INVESTIG+ aller voir au cœur du système relève d'une chirurgie très destructrice…]
[Photo : Valeur minimale d’oxygène mesurée par site en fonction de la hauteur de terre de recouvrement du massif.]

Le massif grâce à l’analyseur de gaz inclus dans INVESTIG’4+.

Nous pouvons donc associer la teneur en oxygène dans le massif avec la hauteur de terre végétale recouvrant le système. Les résultats sont présentés dans la figure 3. Nous avons dissocié les filtres à sable verticaux drainés des filtres à sable verticaux non drainés pour voir si la présence de drains en fond de massif pouvait avoir une influence sur la présence constatée d’oxygène. Les valeurs d’oxygène pour chaque filtre correspondent à la teneur minimale mesurée sur l'ensemble des sondages effectués sur un massif.

L'ensemble des points présents sur le graphique de la figure 3 montre l’existence d’aucun lien direct entre ces deux paramètres. En absence d’activité biologique, la teneur en oxygène mesurée est à saturation atmosphérique (20,9 %). Le graphique montre que cette saturation est atteinte, que la hauteur de terre de recouvrement soit forte (plus d'un mètre) ou faible (moins de 20 cm). De même, des filtres présentant une hauteur de terre de recouvrement de 20 cm montrent des valeurs d’oxygène mesuré très basses.

Les points concernant les filtres à sable verticaux drainés (bleus) montrent que les drains situés en fond de filtre n’ont pas d’influence mesurable sur la présence d’oxygène dans le massif puisqu’on ne peut distinguer des différences de comportement entre les filtres drainés et les filtres non drainés.

En conclusion, sur ce point, notre étude met en évidence que la présence d’oxygène, indispensable au bon fonctionnement d'un filtre, n’est pas liée à l’épaisseur de terre de recouvrement en tant que paramètre fondamental pour son fonctionnement.

Geotextile

Après la couche de terre de recouvrement, un géotextile est mis en place. Ce géotextile a été constaté sur la totalité des sites investigués.

Couche de graviers du dessus du filtre

Ensuite se trouve la couche de gravier dans laquelle est disposé le système de distribution des eaux usées à traiter.

Pour ce paramètre, dans la norme XP DTU 64.1 de 2007, il est indiqué que la hauteur de gravier doit être de 20 cm minimum.

La courbe percentile de l'ensemble des valeurs mesurées sur les sites de l'étude constitue la figure 4 :

  • • 38 % des filtres ont moins des 20 cm recommandés pour l’épaisseur de la couche supérieure de graviers dans le document de référence.
  • • 62 % des filtres satisfont sur ce paramètre aux exigences de ce document technique unifié pour la mise en œuvre des filtres à sable.

Dans l'intervalle des bornes percentiles 10:90, les valeurs des hauteurs de graviers varient de 14 à 34 cm.

[Photo : Courbe percentile des hauteurs de gravier où se trouve le réseau de distribution.]

Couche de sable

Sous le gravier enserrant le réseau de distribution trouvé « gravitaire au fil de l'eau » pour 100 % des massifs filtrants investigués, se situe la couche de sable.

Le sable est le cœur du dispositif pour réaliser le traitement biologique des eaux usées sorties de la fosse septique. La norme XP DTU 64.1 demande une épaisseur de 70 cm de sable siliceux lavé d'origine alluvionnaire, c’est-à-dire roulé, avec une granulométrie de sable devant s'inscrire dans un fuseau granulométrique qui figure dans la norme.

La courbe percentile de l'ensemble des mesures sur l’épaisseur de sable dans les filtres investigués est présentée en figure 5. Seulement 7 % des filtres étudiés possèdent une couche de sable au moins égale à 70 cm. 93 % des filtres à sable investi-

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[Photo : Figure 5 - Courbe percentile des hauteurs de sable.]

investigués ne respectent pas l’exigence de 70 cm d’épaisseur de sable.

Dans les bornes percentiles 10:90, les valeurs d’épaisseur de la couche de sable varient de 40 à 67 cm. Et certains filtres présentent une couche de sable de 20 cm d’épaisseur.

L’une des étapes clés de la construction de ces massifs filtrants est la réalisation des fouilles pour construire le système de traitement secondaire biologique. Nous avons vu que la hauteur de sable n’était pas respectée dans 93 % des cas.

Ce constat peut s’expliquer par des réalisations de terrassements trop larges par rapport au dimensionnement prévu du filtre à sable fini. En effet, lors de la construction d’un filtre à sable, la méthodologie courante de construction constatée est qu’un volume de sable, correspondant au volume nécessaire théorique obtenu par multiplication de la surface théorique par la hauteur théorique, est livré sur site. Si l’exécution du terrassement a conduit à une fouille plus importante que prévu, alors le sable étalé sur une surface plus grande que la surface théorique nécessaire est en quantité insuffisante pour atteindre la hauteur de 70 cm, exigence de l’XP DTU 64.1.

Pour vérifier l’hypothèse de terrassement trop grand, nous comparons le volume de sable présent dans les systèmes investigués avec le volume théorique de sable à mettre en place pour respecter le dimensionnement exigé. Sur la base de cette comparaison, 60 % des filtres contiennent le bon volume de sable mais sur des surfaces supérieures au dimensionnement nécessaire.

Ce constat pointe une forme généralisée de négligences des professionnels chargés de la mise en œuvre de ces filtres à sable qui, de façon courante, s’avèrent peu attentifs au respect scrupuleux des exigences du Document Technique Unifié qui régit leur champ professionnel.

Granulométrie du sable

Après avoir examiné la quantité de sable présent, nous nous sommes intéressés à sa qualité granulométrique définie par un fuseau granulométrique précis, exigence de l’XP DTU 64.1.

La qualité du sable liée à la granulométrie des grains qui le composent est essentielle pour assurer une bonne épuration des eaux usées. Le massif filtrant de sable doit permettre tout à la fois la circulation de l’eau et de l’air pour que les bactéries puissent remplir leur mission de dépollution. Un fuseau granulométrique est présent en annexe de la XP DTU 64.1. Il définit la surface dans laquelle doit se situer la courbe du sable mis en place dans le massif. Toute courbe de sable hors de ce fuseau indique un sable de qualité inacceptable pour traiter des eaux usées.

À ce sujet, on notera que le fuseau granulométrique de l’XP DTU 64.1 est moins contraignant que celui défini par le Cemagref pour des filtres à sable pour quelques centaines d’habitants. Il est sans doute intéressant de s’interroger sur l’écart important entre ces deux fuseaux, comme le montre la figure ci-dessous alors qu’il s’agit de traiter la même pollution organique avec le même process.

Grâce aux images acquises par l’endoscope une courbe granulométrique peut être reconstituée pour chaque filtre à sable investigué.

Afin d’essayer d’approcher l’ampleur de variation des qualités des sables utilisés et censés respecter les mêmes règles concernant leur granulométrie, nous nous sommes intéressés aux courbes extrêmes rencontrées sur la totalité des filtres étudiés. Ces deux courbes forment un fuseau granulométrique « théorique » qui constitue la pire situation rencontrée pour les sables utilisés dans le cadre de la filtration des eaux usées issues d’une fosse septique. La courbe granulométrique maximale (en rouge) et la courbe granulométrique minimale (en vert) de l’ensemble des sites sont comparées au fuseau de la norme XP DTU 64.1 (figure 7).

Sur l’ensemble de l’étude, 31 % des sites ont une courbe granulométrique du sable en place se positionnant au moins en partie hors du fuseau de la norme XP DTU 64.1.

Coefficient d’uniformité du sable (C.U.)

Quand le sable mis en place est composé de grains plus petits que ceux recommandés par le fuseau (courbe à gauche du fuseau),

[Photo : Figure 6 - Comparaison des fuseaux granulométriques du sable à utiliser pour des massifs filtrants issus du Cemagref et de l’XP DTU 64.1.]
[Photo : Courbe granulométrique minimale et maximale des sites diagnostiqués pendant l'étude.]

Cela a des conséquences sur la porosité du massif qui est en lien direct avec la capacité d'infiltration du massif pour l'eau et pour l'air. La biomasse se développe en périphérie des grains réduisant encore la porosité initiale. Ces phénomènes pourraient être, entre autres, à l’origine de colmatage précoce des filtres.

Quand le sable mis en place est composé de grains plus gros que ceux recommandés par le fuseau (courbe à droite du fuseau), la porosité est très importante. La vitesse d'infiltration est trop grande pour permettre un temps de contact suffisant entre l'eau usée à traiter et la biomasse épuratrice.

Dans l'XPDTU 64.1, en plus de l’exigence du fuseau granulométrique, il existe une note sur la valeur du coefficient d'uniformité (C.U.) qui est une valeur issue du rapport d60/d10. Ce C.U. représente l'homogénéité des grains de sable qui composent le massif filtrant. Plus le C.U. est grand, plus la taille des particules est variée. À l'inverse, plus il est faible, plus la taille des grains est proche sur l’ensemble du massif. La note dans la norme précise que le C.U. doit être compris entre 3 et 6.

Cette note est contradictoire avec le fuseau granulométrique présenté comme une exigence, ce fuseau permettant à un « bon sable » d’avoir un C.U. qui varie de 1 à 18,5. La norme sur ce point manque de cohérence et reprend de fait le C.U. issu du fuseau granulométrique du Cemagref qui est compris entre 3 et 6.

La courbe percentile des variations du C.U. sur l'ensemble des massifs filtrants étudiés est présentée dans la figure 7 : 37 % des courbes granulométriques des sables mis en place ont un C.U. compris entre 3 et 6. Ils sont par contre tous compris dans l'intervalle de variation du C.U. issu du fuseau granulométrique de la norme XPDTU 64.1.

Si l'on considère la pertinence des travaux du Cemagref sur la qualité des sables pour le traitement des eaux usées issues des fosses septiques, plus de 60 % des filtres étudiés montrent des sables de qualité insuffisante pour la fonction de traitement biologique des eaux usées que l'on attend d'eux.

La qualité de la nitrification est en lien avec l'évolution d'autres formes de pollution lors d'un traitement secondaire biologique (notamment la dégradation de la pollution carbone).

Une bonne qualité de nitrification induit obligatoirement une bonne qualité de la dépollution carbonée.

Une qualité de nitrification médiocre signifie que l'oxygène est en quantité insuffisante pour assurer la transformation de l'azote sous forme ammoniacale en azote sous forme nitrate. En première approche, la quantité d’oxygène dans le filtre est potentiellement insuffisante pour garantir un traitement correct de la pollution carbonée.

Les tests de bandelettes se réalisent sur les eaux de sortie des massifs filtrants, uniquement accessibles sur les filtres drainés. Lors de la construction de ces filtres, une géomembrane étanche est disposée dans le fond de fouille de ce massif filtrant et vient également étancher les parois latérales des filtres. Elle doit isoler entièrement le massif du sol encaissant.

Nous avons observé pendant l'étude que pour seulement 36 % des FASVD de l’eau de sortie a pu être prélevée.

Dans notre étude, 64 % des filtres étudiés ne respectent pas l’étanchéité exigée par l'XPDTU 64.1.

Pour 2/3 des filtres où les prélèvements ont pu être effectués, la qualité de la nitrification est satisfaisante.

Nous avons recherché un lien entre la hauteur de sable recommandée par l'XPDTU 64.1 et la qualité de la nitrification. La figure 9 met en relation la hauteur de la couche de sable et la qualité de la nitrification.

La hauteur de sable n’a pas d’influence prioritaire et déterminante sur la qualité de la nitrification. Après avoir vérifié que la hauteur de sable n’avait pas d’influence directe, nous avons regardé l'influence du C.U. Pour cela, nous avons donc comparé la qualité de la nitrification pour les sites ayant un C.U. compris dans l'intervalle 3 et 6 et les autres (tableau 1).

Le pourcentage de sites possédant une

[Photo : Courbe percentile des valeurs de C.U.]

Tableau 1 : Répartition des sites en fonction de la qualité de la nitrification pour un CU compris entre 3 et 6 et pour les autres.

Valeurs du CU Répartition des sites de l’étude Mauvaise nitrification Bonne nitrification
Entre 3 et 6 37 % 22 % 78 %
<3 et >6 63 % 45 % 55 %

La bonne nitrification est supérieure pour les filtres où le C.U. est compris dans l’intervalle de la note de XP DTU 64.1. Cependant, le respect de ce paramètre ne garantit pas dans 100 % des cas une bonne nitrification du massif. Le C.U. est donc identifié comme étant l’un des paramètres ayant une influence sur la qualité de la nitrification.

Répartition de l’alimentation

L’une des mesures effectuées avec l’endoscope concerne le niveau de colonisation du sable dans le filtre. Cette mesure nous permet de visualiser, en plusieurs sondages sur le massif, le niveau de colonisation. En fonction de la localisation des points de mesure et de leur niveau de colonisation, nous pouvons évaluer la qualité de la répartition de l’alimentation du filtre. La différence de niveau de colonisation est présentée sur la figure 10.

[Photo : Figure 9 : relation entre la hauteur de sable et la qualité de la nitrification.]
[Photo : Figure 10 : Niveau de colonisation (à gauche sable sans colonisation visible, au milieu colonisation partielle, à droite colonisation totale).]
  • • Sur 64 % des filtres étudiés, nous ne pouvons pas nous prononcer faute d’absence de colonisation visible sur la répartition de l’alimentation. L’absence de colonisation visible signifie soit que la biomasse épuratrice est présente mais pas encore visible à l’œil nu, soit que le matériau support est vierge de tout contact avec les eaux usées à traiter.
  • • Le mode d’alimentation de 100 % des filtres étudiés est du type « gravitaire au fil de l’eau ».
  • • Pour 100 % des filtres étudiés pour lesquels une colonisation est visible, la répartition hydraulique ne se fait pas sur la totalité de la surface du filtre et est non homogène sur les parties « alimentées ». Ce mode d’alimentation gravitaire au fil de l’eau ne permet donc pas une répartition homogène des eaux usées sur l’ensemble du massif filtrant.

Notre constat est que 30 % des massifs filtrants où la colonisation est visible ne sont alimentés que sur la partie amont. Ce constat est visualisé sur la figure 11.

L’eau usée à traiter s’infiltre en début de filtre. L’alimentation issue d’une fosse septique, avec une distribution homogène sur la totalité de sa surface, est censée lui apporter un fonctionnement équilibré et une longévité maximale.

Nous avons constaté que 70 % des filtres où la colonisation est visible présentent un déséquilibre latéral de l’alimentation. Ce constat est visualisé sur la figure 12.

Ce déséquilibre d’alimentation est lié au déséquilibre du réseau de distribution. Lors de la construction du filtre, le réseau de distribution est posé sur la couche de gravier. Ce réseau n’est pas installé sur une partie consolidée du filtre ; il est donc impacté par un mouvement de terrain, même très faible. La surface utilisable pour le traitement des eaux usées est fortement réduite dès lors que le réseau d’alimentation est, par construction, instable.

Le mode d’alimentation gravitaire ne permet pas d’alimenter l’ensemble de la surface du massif, mais seulement le premier mètre du filtre. La surface de sable disponible pour l’épuration des eaux est donc fortement réduite, ce qui entraîne une suralimentation des zones en tête de massif et une réduction de la durée de vie de l’ensemble du filtre.

[Photo : Figure 11 : Alimentation dans la zone amont du filtre.]
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[Photo : Alimentation sur un seul côté du filtre]

Les résultats que nous venons d’exposer seront complétés par de prochaines publications présentant l'analyse plus approfondie de la base de données sur les filtres à sable constituée lors de notre étude des 500 filtres à sable.

Les résultats obtenus sur d’autres filières (tranchée d’épandage, filtre à zéolite, filtre à coco) investiguées par l’outil INVESTIG’+® feront également l’objet de prochains articles.

Premières conclusions et perspectives

Dix-huit mois de travaux pour visiter un demi-millier de filtres à sable nous permettent de valider de manière certaine la robustesse et la fiabilité de l'outil INVESTIG’+® pour des investigations factuelles au cœur de ces dispositifs de traitement des eaux usées issues de fosses septiques.

Les informations recueillies nous renseignent sur la constitution physique de ces massifs filtrants mais aussi sur leur état de fonctionnement en nous montrant comment ils se comportent tant par des mesures que par des enregistrements visuels.

Aujourd’hui INVESTIG’+® est un outil unique pour apporter avec certitude un diagnostic d’état et de fonctionnement sur des filtres à sable :

• afin de satisfaire à des diagnostics immobiliers,

• afin de répondre à des réceptions de travaux pour confirmer la bonne réalisation d'un ouvrage,

• afin d’effectuer des contrôles de l’existant,

• afin d’assister des expertises juridiques.

INVESTIG’+® est un outil utilisé par un seul technicien formé en quelques jours et deux à trois diagnostics sont réalisables sur une journée selon le degré de précision souhaité pour l’investigation.

INVESTIG’+® est opérationnel sur tout massif de sable quelle que soit son importance, et son adaptation à tout matériau filtrant est en cours de mise au point.

Cette industrialisation d'INVESTIG’+® a été l'occasion d’acquérir des données sur les 500 filtres à sable visités et les mesures réalisées portent à réflexion sur la pertinence d’exigences contenues dans la norme de mise en œuvre des filières ANC traditionnelles dénommée XP DTU 64.1.

Parmi les points mis en évidence par nos travaux, les plus importants peuvent être synthétisés comme suit :

• Les filtres sont surdimensionnés non seulement par rapport aux occupants réels de l'habitation (coefficient 2 au moins), mais aussi pour près de 85 % par rapport aux exigences réglementaires sur les pièces principales. Ce surdimensionnement n’apporte aucune sécurité de fonctionnement supplémentaire pour les filtres.

• La distribution des eaux usées issues des fosses septiques sur ces filtres est à 100 % de type « gravitaire au fil de l'eau ». Ce mode de distribution est inadapté à la satisfaction d'un objectif de répartition homogène des eaux usées sur la totalité d’un filtre.

• Un filtre sur trois n’a pas un fonctionnement satisfaisant mesuré sur la qualité des eaux usées traitées en sortie de cet ouvrage.

• Le sable utilisé pour le massif filtrant ne répond pas, dans plus d’un cas sur trois, aux exigences granulométriques de la norme chargée de le définir.

• De nombreuses exigences de l'XP DTU 64.1 (épaisseur de terre de recouvrement, épaisseur de sable, coefficient d'uniformité, étanchéité du massif...) ne sont pas respectées sans qu’il soit par ailleurs possible de relier ces « erreurs » de mise en place à un bon ou un mauvais fonctionnement.

Considérée comme la filière traditionnelle la plus sécurisée, la filière « massif filtrant de sable » s’avère un bien passable outil de traitement pour lequel, entre les difficultés de mise en œuvre, de distribution et de fonctionnement, on ne peut garantir de le voir traiter des eaux usées de façon satisfaisante comme on serait en droit de l’attendre.

Tous ensemble, professionnels de ces petites installations d’assainissement, ceci doit nous inciter à une démarche responsable commune pour :

• Regarder en face toutes les technologies de traitement des eaux usées dans le domaine du petit assainissement et cesser tous avis passionnels sans les informations indispensables à ce jugement. Ce n’est pas parce qu’on ne constate pas de nuisances qu’un dispositif fonctionne ; l’épuration s’appuie sur de la science fort bien connue, ce n’est pas sur des certitudes non vérifiées ni des a priori que l’on juge d’un nouveau dispositif.

• Rédiger des documents relatifs à ces filières s’appuyant sur un savoir partagé issu de mesures incontestables faute de quoi, comme pour l'XP DTU 64.1, le massif filtrant de sable se trouve « fondé sur du sable » sans donner vraiment les chances au sable qui doit constituer le massif filtrant de remplir sa mission de traitement biologique de la pollution organique issue de maisons individuelles.

Évitons qu’à défaut de sable roulé, ce soit le consommateur qui se fasse rouler par un équipement qui ne répondra pas à sa légitime attente.

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