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Résines échangeuses d'ions et eau potable

30 septembre 1987 Paru dans le N°112 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : F DE DARDEL

Chacun le sait, la plus grande partie des résines échangeuses d’ions vendues dans le monde est utilisée pour le traitement d’eaux destinées à l’industrie, en particulier pour l’alimentation des chaudières. Néanmoins, un volume croissant d’eau destinée à la consommation humaine est aujourd’hui purifié sur résine. L’exemple le plus familier est évidemment l’adoucissement dit « domestique », où l’eau du réseau est traitée par des adoucisseurs installés dans un immeuble, un hôtel ou une villa, avant d’être distribuée au robinet. Il s’agit ici d’un échange entre le calcium et le magnésium de l’eau, qui sont retenus sur la résine, et du sodium de la résine qui est relargué en quantité équivalente, selon la réaction : 2 R—Na + Ca²? = R?Ca + 2 Na?, R figurant ici le site actif de la résine. Cette résine, une fois saturée, est régénérée avec une solution concentrée de chlorure de sodium.

F. de DARDEL

Duolite International

Chacun le sait, la plus grande partie des résines échangeuses d’ions vendues dans le monde est utilisée pour le traitement d’eaux destinées à l’industrie, en particulier pour l’alimentation des chaudières. Néanmoins, un volume croissant d’eau destinée à la consommation humaine est aujourd’hui purifié sur résine. L’exemple le plus familier est évidemment l’adoucissement dit « domestique », où l’eau du réseau est traitée par des adoucisseurs installés dans un immeuble, un hôtel ou une villa, avant d’être distribuée au robinet. Il s’agit ici d’un échange entre le calcium et le magnésium de l’eau, qui sont retenus sur la résine, et du sodium de la résine qui est relargué en quantité équivalente, selon la réaction :

2 R—Na + Ca²⁺ = R₂Ca + 2 Na⁺, R figurant ici le site actif de la résine.

Cette résine, une fois saturée, est régénérée avec une solution concentrée de chlorure de sodium.

Le problème des nitrates

Ce problème a été évoqué en détail par J.-C. Dernaucourt et al. dans le n° 108 de cette même revue (1).

En raison de la consommation élevée d’engrais azotés dans les régions agricoles, la concentration de nitrates dans les eaux de surface ou du sous-sol dépasse souvent aujourd’hui la limite maximale recommandée par la directive communautaire 80/778/CEE, qui est de 50 mg par litre. Il existe des procédés biologiques pour réduire la teneur en nitrates, mais ils nécessitent des installations complexes et volumineuses.

La dénitratation sur résines a été envisagée il y a longtemps déjà, mais on se heurtait naguère à un problème de sélectivité des résines : utilisées sous forme chlorure, les résines classiques ont une affinité plus grande pour le sulfate que pour le nitrate, ce qui conduit à utiliser une fraction importante de la capacité disponible pour retenir des sulfates qui ne gênent pas, au détriment des nitrates ; par ailleurs, et précisément en raison de cette affinité médiocre pour les nitrates, ceux-ci peuvent être déplacés au cours du cycle d’échange, jusqu’à atteindre un niveau de fuite plus élevé que la teneur dans l’eau à traiter. Enfin, l’échange chlorure-sulfate :

2 R—Cl + SO₄²⁻ = R₂SO₄ + 2 Cl⁻

s’ajoute à l’échange chlorure-nitrate :

R—Cl + NO₃⁻ = RNO₃ + Cl⁻

et augmente d’autant la teneur en chlorures dans l’eau traitée. La régénération classique se fait au chlorure de sodium.

Récemment, un nouveau type de résine fortement basique a été mis au point, dont la sélectivité pour le nitrate est bien supérieure à celle des résines classiques. Cette nouvelle résine, dénommée Imac HP 555, doit son affinité élevée pour les ions nitrate à un nouveau type de groupe fonctionnel, associé à une structure macroporeuse. L’utilisation de cette résine se justifie pour toutes les eaux dont la proportion de sulfate, par rapport au nitrate, est supérieure à environ 1 (en équivalents), comme l’indique la figure 1. La résine prise en comparaison, Imac HP 441, est une polystyrénique de type 1, à structure classique. Pour des eaux comportant très peu de sulfate, cette résine, de composition conventionnelle, présente une capacité d’échange plus élevée mais aussi une fuite plus importante que celle de la résine spécifique. Pour des teneurs en sulfates élevées, en revanche, la résine spécifique offre un avantage décisif en capacité, comme on peut le voir sur les figures 2a et 2b. Les deux résines sont agréées en France par la Direction générale de la Santé.

La teneur résiduelle en nitrates de l’eau traitée, ou « fuite en nitrate », est fonction du système de régénération et de la quantité de régénérant. En régénération à contre-courant, avec 125 g de NaCl par litre de résine, on parvient, pour différentes compositions d’eau, aux valeurs suivantes, obtenues pour un arrêt de cycle à 50 mg/l de fuite en nitrate :

Eau (meq/l) Résine Fuite moyenne (mg/l NO₃)
NO₃ SO₄ Cl
3 1 2 Imac HP 555 4
3 1 2 Imac HP 441 10
3 3 2 Imac HP 555 10
1,5 4 3 Imac HP 555 15

Pour cette dernière eau, la plus difficile à traiter, une régénération de l’Imac HP 555 à co-courant donne une fuite moyenne en nitrate de l’ordre de 20 mg/l pour 250 g de régénérant par litre de résine, et une fuite de 30 mg/l pour 125 g NaCl par litre.

[Photo : Capacités utiles des résines Imac HP 441 et HP 555 en fonction du rapport SO4/NO3, et de la quantité de régénérant.]

Le choix du régénérant et le problème des rejets

Pour diminuer la quantité de chlorures rejetée, une régénération à contre-courant s’impose : on obtient en effet une fuite de nitrate faible et un rendement de régénération acceptable. On peut aller plus loin, en remplaçant une partie du chlorure de sodium par du bicarbonate ; une étude dans ce sens vient d’être terminée, qui prouve que l’on obtient alors les avantages suivants :

  • — diminution importante de la quantité de chlorure dans l'eau traitée,
  • — diminution des fluctuations de qualité,
  • — réduction du rejet de chlorures dans l'environnement.

Reste le problème de la charge en nitrate du régénérant usé : le procédé ne serait évidemment pas globalement écologique si l’on rejetait simplement ce régénérant à l'égout. Pour des installations en bord de mer, comme c’est souvent le cas au Royaume-Uni, le plus simple est de « noyer le poisson ». C’est d’ailleurs la solution qui a été envisagée le plus généralement outre-Manche : si la mer n’est pas trop loin, on y transporte le régénérant usé par camion-citerne. Le faible apport relatif en nitrate ne risque pas d’y déplacer l'équilibre biologique.

En revanche, il faut trouver d’autres solutions pour les installations continentales. J. P. van der Hoek et A. Klapwijk, de l'Institut Agricole de Wageningen (Pays-Bas), ont proposé une combinaison de régénération au bicarbonate de la résine, avec un traitement biologique des effluents.

Décarbonatation

Les résines faiblement acides (carboxyliques) ne sont pas encore autorisées en France pour le traitement des eaux potables. Il est intéressant de noter, toutefois, que des installations de grande taille existent en Belgique, en Allemagne fédérale et au Danemark, notamment, pour décarbonater l’eau destinée à la production de bière. En raison du renforcement de la législation allemande en la matière, de nouvelles résines carboxyliques ont dû être mises au point : tel est le cas, par exemple, de l’Imac HP 333 ; cette résine est aussi utilisée, en combinaison avec du charbon actif, dans des cartouches destinées à l’élimination de la dureté temporaire, pour améliorer le goût du café, du thé, ou pour toute autre application domestique.

Le procédé Carix

Toujours en Allemagne, un nouveau procédé de déminéralisation partielle a été breveté par le Centre de recherches nucléaires de Karlsruhe. L’originalité de ce procédé réside dans son caractère totalement écologique : les résines utilisées, une carboxylique spéciale de pK relativement élevé, l’Imac HP 334, et une résine acrylique fortement basique, l'Imac HP 494, sont régénérées à l'aide de gaz carbonique sous pression. Il n'y a donc pas d’accroissement de la salinité de l’environnement, comme lorsque l’on régénère avec un acide et de la soude. Utilisées en mélange, ces résines n’ont pas besoin d’être séparées pour la régénération.

[Photo : Profils de fuite comparés pour un rapport SO4/NO3 élevé. Régénération : 125 g NaCl/l, contre-courant. Concentrations (mg/l) dans l'eau à traiter : NO3 95 ; SO4 190.]
[Photo : Profils de fuite comparés pour un rapport SO4/NO3 bas. Régénération : 125 g NaCl/l, contre-courant. Concentrations (mg/l) dans l'eau à traiter : NO3 185 ; SO4 45.]
[Photo : Schéma simplifié de la première installation industrielle de type Carix. 1. filtres échangeurs d'ions ; 2. réservoir de CO2 dissous ; 3. dégazeur ; 4. dosage de CaCO3 ; 5. eau à traiter ; 6. eau purifiée ; 7. rejets ; 8. stock de CO2 ; 9. récupération de CO2 ; 10. dégazeur.]

Chimiquement, le procédé se décrit par les équations suivantes :

2 R2HCO3 + CaSO4 → (R2)2SO4 + Ca(HCO3)2
2 R2COOH + Ca(HCO3)2 → (R2COO)2Ca + 2 CO2 + 2 H2O

En clair, l’échangeur d’anions, sous forme bicarbonate, échange les sulfates et les nitrates de l’eau, pour lesquels il a une bonne affinité. Ensuite, l’échangeur carboxylique échange les ions calcium et magnésium, pour lesquels il a une bonne affinité. Les réactions sont réversibles ; l’échange n’est donc pas complet, mais permet une réduction importante de la salinité de l’eau brute, de 40 à 50 %. La figure 4 montre le profil de concentration d’une eau au cours de son traitement sur Carix et la figure 5 un exemple de fuite en nitrate.

[Photo : Fig. 4 : Courbes de percement au cours d’essais de réduction de la dureté (procédé Carix).]
[Photo : Fig. 5 : Courbes de fuite au cours d’essais d’élimination de nitrates (procédé Carix).]

Il faut rappeler ici que les résines utilisées sont conformes à la législation allemande (Bundesgesundheitsamt recommandation XXIV), mais ne sont pas encore autorisées en France.

À titre anecdotique, on raconte qu’au lendemain de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la ville de Bad Rappenau était la seule d’Europe à boire de l’eau décontaminée…

Qualité des résines

Les résines échangeuses d’ions sont, par définition, des polymères insolubles ; cependant, la plupart d’entre elles contiennent des résidus de fabrication susceptibles de migrer dans le liquide traité. Même au prix d’un traitement de nettoyage avant utilisation, il est possible que des résidus solubles continuent à migrer du cœur de la bille de résine vers l’extérieur.

La législation française, promulguée par la Direction générale de la Santé, ainsi que les législations allemande (Bundesgesundheitsamt) et américaine (Food and Drug Administration), ne reconnaissent comme utilisables pour le traitement de l’eau potable ou de produits alimentaires, que des résines dont la composition est conforme à une liste de substances agréées et dont la quantité de matières organiques est inférieure à une limite fixée dans des conditions précises.

Le terme « résine de qualité alimentaire », à plusieurs titres, n’a pas de sens : tout d’abord, la résine elle-même est rarement destinée à être consommée par voie orale ; ensuite, une résine traitée à un moment donné peut fort bien ne plus être conforme après quelque temps de stockage ; enfin, on vient de le voir, il y a autant de normes que de législations ; il n’existe donc pas de norme universelle.

Les tests normalisés français, allemands ou américains peuvent être appliqués à toute résine ; ils consistent tous à mesurer la quantité de matière soluble relarguée par la résine après un temps de contact déterminé avec de l’eau ou un solvant. À titre d’exemple, la législation allemande ordonne le rinçage en recyclage de l’échantillon de résine pendant 168 heures (7 jours). À la fin de ce recyclage, l’eau ne doit pas contenir plus de 3 mg/l de carbone organique total. La figure 6 montre le résultat d’un tel test, selon la méthode française Afnor T 90-601, pour deux résines fortement basiques de type 1. La courbe inférieure a été obtenue avec une résine fabriquée selon un procédé permettant d’obtenir des produits de haute pureté. C’est d’ailleurs le sens de l’abréviation HP dans les résines mentionnées ci-dessus.

[Photo : Fig. 6 : Comparaison entre les courbes de relargage de carbone organique total d’une résine Imac HP et d’une résine courante de structure chimique identique (mesures pour la méthode Afnor T90-601).]

Conclusion

À l’avenir, les fabricants de résines vont devoir être à la fois plus précis et plus vigilants en mettant sur le marché des produits destinés au traitement de l’eau potable. Il leur faudra, en effet, s’assurer de la conformité de leurs résines aux diverses législations en vigueur, et l’indiquer clairement. C’est ce que vient de faire le groupe Rohm and Haas, en mettant au point la gamme des résines Imac HP. Il est évident, aujourd’hui, que les produits de qualité « technique » ne conviennent pas. Au prix de ces efforts, l’utilisateur aura la garantie, non seulement d’être parfaitement en règle, mais d’utiliser les meilleurs produits, sans avoir à effectuer de prétraitements compliqués au moment de la mise en route. Et les applications des résines dans ce domaine, grâce aux perfectionnements de procédés de dénitratation et à l’essor du Carix par exemple, ont de beaux jours devant elles…

BIBLIOGRAPHIE

  • (1) J.-C. Dernaucourt, G. de Larminat et J.-L. Rondepierre, « Une alternative économique pour l’élimination des nitrates dans l’eau potable », L’eau, l’industrie et les nuisances, n° 108, mars 1987.
  • (2) J.P. van der Hoek et A. Klapwijk, « Nitraatverwijdering grondwater », Procestechniek 40 (1985) Nr. 5.
  • (3) W.H. Hoell, « Partial Demineralization of groundwater by the Carix ion exchange process », Proceedings, 46th International Water Conference (Pittsburgh), 1985.
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