Face à l’étendue de son réseau d’assainissement (250 km dont 160 km de réseau « eaux usées » et 90 km de réseau « eaux pluviales »), la ville de Lorient a mandaté IRH Ingénieur Conseil pour mettre en place un outil informatique d’aide à la décision pour l’établissement de ses programmes d’inspection caméra des collecteurs et ses programmes de travaux.
La méthodologie RERAU (Réhabilitation des réseaux d’assainissement urbains) [Le Gauffre et al., 2003] a été mise en pratique par la ville de Lorient. Cette méthode, issue d’un projet national lancé en 1998, vise à mettre en place un système d’indicateurs de performance en quatre modalités pour évaluer l’état du réseau (4 étant le niveau de dégradation le plus important, et 1 témoignant d’un collecteur en bon état structurel et fonctionnel). Ces indicateurs de performance croisés avec des facteurs de vulnérabilité liés à la sensibilité du système urbain ou du milieu naturel permettent de calculer des critères de décision et de donner :
- - une note de réhabilitation sur 10 pour la programmation des réhabilitations sur les réseaux ayant fait l’objet d’une inspection caméra (diagnostic) ;
- - une note d’investigation sur 10 pour la programmation des inspections sur les tronçons qui n’ont pas encore fait l’objet d’une inspection.
Comment ça marche ?
Le calcul des indicateurs de performance utilise les informations connues pour
Les défauts observés par ITV
L'inspecteur fait passer une caméra dans le réseau et enregistre chaque défaut et ses caractéristiques. Ensuite, le rapport d'inspection codé dans la norme NF EN 13508-2 ainsi que les photos des observations sont transmis au gestionnaire et viennent alimenter automatiquement la base de données « patrimoine ».
[Photo : Figure 1 – extrait de la base de données patrimoine (détail d’un défaut observé). Ainsi, pour chaque tronçon inspecté, on possède la liste des défauts ainsi que leurs caractéristiques.]
Caractéristiques du défaut pour ITV : Brizeux
∑ Nᵢ × αᵢ × Pᵢ
D_DYSF = —————————
L
- D_DYSF : densité de défaut pour un dysfonctionnement ;
- i : type de défaut (fissure, racine, etc.) ;
- Nᵢ : nombre de défauts concernés ;
- αᵢ : gravité du défaut (fonction des caractéristiques renseignées par le vidéaste : fissure ouverte, fissure fermée, etc.) ;
- Pᵢ : étendue de défaut (étendue forfaitaire si le défaut est ponctuel) ;
- L : longueur du tronçon.
Cette densité est comparée à des seuils calés par avis d'expert qui permettent de donner à chaque tronçon inspecté une note de 1 à 4 vis-à-vis de chacun des dysfonctionnements. Les indicateurs de dysfonctionnements mis en place pour la ville de Lorient concernent les problématiques suivantes (voir tableau 1).
Par ailleurs, d'autres indicateurs relatifs à l'environnement du tronçon et à sa vulnérabilité viennent compléter cette évaluation des dysfonctionnements. On peut ainsi évaluer l'impact de chaque tronçon sur le système et définir des priorités d'intervention.
[Photo : Figure 2 – extrait de la base de données patrimoine (défauts observés par conduite).]
Gestion des défauts par tronçon
Les résultats obtenus
Cet outil est aujourd'hui fonctionnel sur une zone test de la ville (50 ha) et sera étendu dans les prochains mois à l'ensemble de la ville de Lorient. Les résultats de calcul sont consultables sur une carte.
Chaque tronçon* du réseau et son environnement. Une base de données « patrimoine » a donc été mise en place pour la ville de Lorient. Elle contient :
- les données physiques du tronçon (diamètre, matériau, profondeur, date de pose, etc.) ;
- les données relatives à l'environnement proche du tronçon (proximité d'espèces végétales agressives, nature du sol, trafic, etc.) ;
- les défauts observés pour les conduites ayant fait l'objet d'une inspection caméra (ITV) et codés dans la norme NF EN 13508-2.
Si aucune ITV antérieure n'est disponible sur le tronçon, l'état de vétusté du tronçon est évalué à partir d'un modèle de vieillissement tenant compte de l'âge de la conduite et de son matériau. De plus, des facteurs de vulnérabilité viennent enrichir cette estimation (agressivité de l'effluent, observations d'eaux parasites, etc.). Cette estimation permettra de décider s'il est souhaitable ou non d'inspecter le tronçon.
Le calcul des indicateurs de « dysfonctionnement observé » par ITV
À partir des informations contenues dans la base de données, l'outil de gestion patrimoniale calcule des indicateurs concernant les problématiques principales du réseau. Le logiciel calcule, pour chaque indicateur de dysfonctionnement, une densité de défauts selon la formule présentée ci-dessus.
Remarque : ce n'est pas le dysfonctionnement en tant que tel qui rend le tronçon prioritaire vis-à-vis de l'investigation ou de la réhabilitation, mais l'impact provoqué par ses dysfonctionnements. L'impact varie en fonction du contexte dans lequel se situe le tronçon.
Tableau 1 : Indicateurs de dysfonctionnements RERAU
Infiltration | INF |
Enfouissement | EXF |
Diminution de la capacité hydraulique | HYD |
Envasement | ENS |
Bouchage | BOU |
Dégradation du complexe sol/conduite | DSC |
Attaque chimique | ATC |
Intrusion de racines | RAC |
Abrasion | ABR |
Altération de l'intégrité structurale (effondrement) | MBR |
Mauvais branchements | |
* Partie d'une canalisation séparant deux regards successifs [AGHTM, 1999].
… aux détails des problématiques à travers un diagramme récapitulatif des dysfonctionnements observés (si le tronçon a fait l’objet d’une inspection) ou estimés (si le tronçon n’a pas encore subi d’inspection).
Les critères de décision
Pour le calcul des notes finales, l’utilisateur dispose de plusieurs critères de décision correspondant aux critères qui rentrent en compte dans une décision d’inspection ou de réhabilitation. Le gestionnaire définit sa politique de gestion patrimoniale par pondération de ces différents critères ; il détermine ainsi quels sont les impacts qu’il souhaite réduire en priorité (tableau 2). L’application calcule alors des notes sur 10 indiquant les tronçons prioritaires vis-à-vis de la politique de gestion patrimoniale retenue.
Tableau 2 : Critères de décision pour le calcul des notes
Critères |
• Pollution des eaux de surface |
• Pollution du sol et de la nappe |
• Dégradation de fonctionnement de la station |
• Nuisances liées aux débordements |
• Perturbations des activités de surface |
• Surcoût d’exploitation en réseau |
• Surcoût d’exploitation en réseau dû à la réduction de la durée de vie du réseau |
La figure 3 donne, sur l’exemple d’un quartier de la ville de Lorient et pour une politique de gestion patrimoniale définie, les notes de réhabilitation (en trait plein) pour les tronçons ayant fait l’objet d’une inspection et les notes d’investigation (en pointillé) pour les tronçons n’ayant pas encore fait l’objet d’une inspection caméra.
Démarche d’amélioration continue
Cet outil progresse selon une démarche d’amélioration continue répondant aux principes de la norme ISO 14001.
En effet, la qualité de l’évaluation et de la notation des tronçons évolue avec la qualité et la quantité des observations réalisées sur le réseau.
Par l’acquisition de nouvelles données et le calcul des indicateurs, on améliore la performance environnementale du système et la maîtrise des impacts liés aux dysfonctionnements du réseau.
Conclusion
L’OGP permet de calculer des indicateurs rendant compte de la vétusté de chacun des tronçons du réseau d’assainissement à partir des dysfonctionnements observés par ITV ou estimés par modèle de vieillissement.
Les indicateurs calculés et issus de la méthodologie RERAU permettent de :
• quantifier les problématiques liées à la dégradation des collecteurs sur tous types de réseaux d’assainissement (urbains ou industriels) ;
• définir des priorités d’intervention ayant pour objectif de limiter les impacts du système.
De plus, il répond à une volonté grandissante de la part des gestionnaires de s’équiper d’outils d’aide à la décision pour orienter et justifier leurs choix de gestion.
[Photo : Figure 3 – Résultats du calcul des notes sur l’exemple d’un quartier de la ville de Lorient (vue sur plan)]
[Photo : Figure 4 – Résultats des indicateurs principaux de dysfonctionnements sur l’exemple du tronçon EU2647 (détails de calcul OGP)]
[Photo : Figure 5 – Démarche d’amélioration continue (type roue de Deming – ISO 14001)]
[Encart : Références bibliographiques
* AGHTM. Les ouvrages d’assainissement non visitables. Fiches pathognomoniques. Techniques Sciences et méthodes, octobre 1999. p. 23-90.
* Baur R., Herz R. Selective inspection planning with aging forecast for sewer types. Water Science and Technology, 2002, vol. 46, n° 6-7, p. 389-396.
* Bruyelles J.C. L’inspection vidéo et la gestion des réseaux d’assainissement. Techniques Sciences et Méthodes, juin 2004, p. 76-83.
* Le Gauffre P., Joannis C., Breysse D., Desmulliez J.J., Gibello C., et al. Gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement urbains – Guide méthodologique. Édition Tec & Doc – Lavoisier, décembre 2004, 416 p.
* Norme NF EN 13508-2. Conditions des réseaux d’évacuation et d’assainissement à l’extérieur des bâtiments. Partie 2 : Système de codage pour l’inspection visuelle. AFNOR, Paris, septembre 2003.
* Vasconcelos E. Outils d’aide à la gestion du patrimoine réseau d’assainissement non visitables. Doctorat de l’université Bordeaux, 2005, 347 p.]