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Remplacement efficace des chromates dans la prévention de la corrosion par passivation anodique

30 septembre 1982 Paru dans le N°67 à la page 43 ( mots)
Rédigé par : Alain MARION

Le but d’un conditionnement d’eau de réfrigération est de permettre un fonctionnement des unités de production dans les meilleures conditions de rendement, en maintenant les coefficients de transfert de chaleur à leur valeur initiale, tout en minimisant les détériorations d’équipements, les interventions de maintenance ou les arrêts non planifiés.

Depuis de nombreuses années, les chromates faisaient office de référence vis-à-vis du contrôle optimum des phénomènes de corrosion. Le principe d’inhibition reposait sur le mécanisme de passivation de l’acier par formation superficielle d’un film de γ Fe₂O₃, protégeant les surfaces d’échange. La concentration nécessaire à l’obtention d’une protection efficace s’élevait entre 200 et 500 ppm CrO₄, avec bien sûr un coût de traitement proportionnel.

Vers les années 50, il fut établi que l’addition de 10 à 20 ppm de polyphosphates permettait de réduire la teneur en chromates aux alentours de 50 à 100 ppm CrO₄. Par la suite, l’adjonction de sels de zinc permit à son tour de réduire le taux de polyphosphates puis de chromates (20 ppm).

Bien que constituant une solution économique et fiable, les problèmes de toxicité posés au niveau des rejets des purges de déconcentration ne permettent plus que rarement d’avoir recours aux traitements à base de chromates. De gros efforts de recherche ont été déployés ces dernières années, en vue de la mise au point de produits de substitution des chromates.

De nombreux programmes de conditionnement sans chromate ont été développés et commercialisés sans avoir, jusqu’à présent, pu produire des résultats d’une qualité équivalente à celle des chromates. Les traitements de ce type les plus largement appliqués utilisent notamment comme produits de base des polyphosphates, des organophosphorés, des polymères carboxyliques ou des sels de zinc. Les organophosphorés ou polymères carboxyliques sont d’excellents inhibiteurs d’entartrage qui, en général, permettent d’opérer en milieu entartrant, dans des conditions où l’eau de réfrigération est moins agressive.

BETZ-France

L’inhibition de la corrosion est, par ailleurs, renforcée par l’action des sels de zinc et des ortho et polyphosphates. Dans certains cas, des inhibiteurs de corrosion organiques sont également inclus dans les programmes de conditionnement. Cette approche présente toutefois un inconvénient majeur de par la nature des films protecteurs déposés sur les surfaces métalliques. Ces films, ou le plus souvent, ces couches protectrices, sont le résultat d’une précipitation de sels tels que Ca₃(PO₄)₂ — Zn₃(PO₄)₂ — CaCO₃ — Zn(OH)₂, sous l’effet des conditions alcalines créées au niveau des cathodes d’oxygène des piles de corrosion qui s’établissent sur le métal. Dans les circuits de réfrigération opérant dans des conditions sévères de fonctionnement (par exemple températures très élevées ou très faibles vitesses de passage de l’eau), le contrôle de ces précipitations devient difficile et l’on aboutit assez rapidement à des problèmes d’entartrage ou d’encrassement ainsi qu’à des corrosions rapides et localisées (en cas d’hétérogénéité de la couche protectrice : corrosions sur les sites anodiques non protégés, ou corrosion sous dépôts par aération différentielle).

Un programme tout à fait nouveau : le DIANODIC II, qui contrôle parfaitement ces précipitations, vient d’être développé. Il présente trois caractéristiques remarquables :

  • — par une association de plusieurs dispersants dont un inhibiteur très efficace de la précipitation du phosphate tricalcique, il permet de maintenir propres les surfaces métalliques dans les conditions les plus sévères ;
  • — il autorise le maintien de taux d’orthophosphates susceptibles d’engendrer la formation d’une passivation anodique de même nature qu’avec les chromates, avec pour conséquence une même qualité d’inhibition de la corrosion ;
  • — il ne présente pas les problèmes de rejets inhérents aux chromates.

PROCÉDÉ AVEC DIANODIC II

PHOSPHATES PASSIVANTS

[Photo : Protection anodique par les phosphates ; Types possibles de structure du film passivant ; Effets d'une rupture de la protection]

DESCRIPTION DU PROGRAMME

Il est aujourd'hui établi que la meilleure protection contre la corrosion est obtenue par des mécanismes de passivation anodique. Les principaux composés susceptibles de permettre l'élaboration de ce film de γ Fe₂O₃ sont connus :

Matière activePrésence nécessaire d'oxygèneCaractère oxydant
Chromates CrO₄xX
Nitrites NO₂xX
Phosphates PO₄x

Les phosphates n’étaient pas, jusqu'à présent, employés à cet effet, car le mécanisme très rapide de précipitation cathodique masquait la possibilité d'établissement d'une protection par passivation anodique.

Le principe du programme repose sur la possibilité d'utiliser désormais les phosphates à des dosages suffisants pour bénéficier de leur propriété passivante. Le type d'inhibition de la corrosion est alors identique à celui des chromates à la seule différence près qu'il requiert la présence d’oxygène (figure 1). Il s'agit d'une transformation du fer en γ Fe₂O₃ au niveau de la surface d'échange (figure 2). Cette protection est la seule, de par son principe, à pouvoir résister à des variations brutales des conditions de fonctionnement. Lors de destruction partielle, elle peut se reconstituer sans surdosage temporaire (figure 3).

Exemple :

Comportement après une baisse accidentelle de pH.

Conditions

ProgrammesAvant incident1 h après3 h après24 h après
Chromate/phosphate/zinc25 µ/an25010024
Phosphate conventionnel100 µ/an1000725425
DIANODIC II25 µ/an25012550

« Après » se rapporte aux résultats notés à partir du retour à un pH normal.

Les valeurs ci-dessus sont extraites de tests pilotes effectués en laboratoire pour lesquels les conditions initiales étaient établies 24 heures à l'avance à pH 7. Le pH est abaissé à 4 pendant 4 heures puis réajusté à 7. Les taux de corrosion sont mesurés électriquement.

L'agent qui permet de maîtriser la précipitation du phosphate tricalcique est un dispersant spécialement élaboré (copolymère hydroxylé hautement chargé) dont l'efficacité est visualisée par la figure 4.

Les performances affichées par le DIANODIC II dans cette inhibition du phosphate tricalcique permettent d’envisager l'utilisation de mélanges de polyphosphates et d'orthophosphates dans les circuits sans se soucier du taux d'hydrolyse de polyphosphates. Ceci est un avantage dans la mesure où le taux de réversion des polyphosphates (qui dépend de facteurs tels que la température, le temps de rétention, le pH) est en général difficile à prévoir.

[Photo : Amorce de la corrosion dans un circuit non traité]

PILE DE CORROSION

+2
FE — FE+2 ELECTRONS
ANODE

CATHODE

O2 + H2O + 4 ELECTRONS — 4 OH−

Traitements classiques à base de phosphates

6-8 ppm PO4
7,5-8,5 pH

Ca + CO3 — CaCO3
Ca + o-PO4 — Ca-o-PO4
Ca + p-PO4 — Ca-p-PO4
PRÉCIPITATION

Dans ce traitement, le phosphate agit à la fois en tant qu'inhibiteur anodique et cathodique.

Toutefois, le développement d'un film de passivation (prévention anodique) se trouve considérablement gêné par la précipitation rapide de phosphate tricalcique sur les surfaces métalliques.

Traitement à base de chromates

FE + CrO4 — FE2O3
ANODE (p-PO4)
PASSIVATION

10-25 ppm CrO4
2-5 ppm Zn
6-7 pH

Ca + p-PO4 — Ca-p-PO4
Ca + o-PO4 — Ca-o-PO4
Zn + OH — Zn-OH
Zn + o-PO4 — Zn-o-PO4
CATHODE

PRÉCIPITATION

Les traitements à base de chromates assurent une protection dont le caractère anodique est prépondérant, ce qui se trouve confirmé par la présence d'un film de passivation de Fe2O3.

Traitement DIANODIC II

10-17 ppm o-PO4
20-70 ppm DISPERSANT

FE + o-PO4 — FE2O3
ANODE (p-PO4)
PASSIVATION
6,8-7,2 pH

Ca + p-PO4 — Ca-p-PO4
Ca + o-PO4 — Ca-o-PO4
Ca + CO3 — CaCO3
PRÉCIPITATION

L'inhibition anodique est principalement réalisée par les orthophosphates qui, en l'occurrence, produisent le même effet que les chromates.

Les polyphosphates assurent une inhibition anodique secondaire et favorisent l'élimination du pitting.

La clé des programmes de traitement DIANODIC II (breveté depuis 1979) est son très fort pouvoir dispersant qui va supprimer l'interférence du phosphate tricalcique dans l'établissement du film de passivation de Fe2O3.

[Photo : Fig. 4. — Inhibition du phosphate tricalcique.]
[Photo : Structures microscopiques et macroscopiques comparées des surfaces, après traitement.]
[Photo : Figure 5.]

COMPARAISON DES MÉCANISMES D'INHIBITION DE LA CORROSION

La prévention de la corrosion dans un circuit est assurée par l'utilisation d'inhibiteurs anodiques (produits ayant pour effet de bloquer les réactions anodiques) et/ou d'inhibiteurs cathodiques (qui bloquent les cathodes locales).

Les inhibiteurs anodiques passivent la surface métallique en favorisant la formation d'un film d’oxyde de fer très stable (γ Fe₂O₃), très mince et établi à partir du métal lui-même.

Les inhibiteurs cathodiques procèdent par précipitation de sels ou d'hydroxydes sur les zones cathodiques. On dépose ainsi sur les surfaces métalliques une couche protectrice beaucoup plus épaisse, hétérogène et moins stable qu'un film de passivation. (Voir le film à la page précédente.)

PROPRIÉTÉS DISPERSANTES

Outre le maintien sans précipitation de taux élevés d'orthophosphates nécessaires à la formation d’une passivation anodique, les propriétés dispersantes du programme DIANODIC II permettent, dans les conditions les plus sévères, de maintenir propres les surfaces d'échange. L'efficacité comparée vis-à-vis des dépôts les plus communément rencontrés dans les circuits de réfrigération est illustrée dans les diagrammes de la page suivante.

Le maintien des coefficients de transfert thermique est comparable à ce qui est obtenu avec un traitement de base chromates et largement supérieur aux résultats produits dans les programmes traditionnels.

La figure 5 visualise l'évolution de la résistance au transfert thermique.

Il est donc aujourd’hui possible d’obtenir des résultats du même ordre que ceux permis par les traitements chromates, dans des conditions aussi larges que :

% Fe₂O₃          BOUES  
   DISPERSION  
0     100         100  
20    100         100  
40     80          80  
60     60          60  
80     40          40  
100    20          20  
       D2  PCA  PA          D2  PCA  PA  
% CaSO₄          CaCO₃  
0     100         100  
20    100         100  
40     80          80  
60     60          60  
80     40          40  
100    20          20  
       D2  PCA  PA          D2  HEDP PA  
[Photo : Diagrammes de l'efficacité comparée de l'effet du Dinodic II sur les dépôts rencontrés dans les circuits de réfrigération. (PCA : Polycarboxylates ; PA : Polyacrylates ; HEDP : Phosphonates.)]
  • — 1,5 °F < TCa < 120 °F ;
  • — conductivité jusqu'à 6 800 µS ;
  • — température de l'eau jusqu'à 77 °C ;
  • — température de peau des échangeurs jusqu'à 93 °C ;
  • — temps de rétention jusqu'à 12 jours ;
  • — métallurgie en acier, laiton, alliages Cu-Ni, aciers inoxydables ;
  • — vitesse de passage aussi faible que 0,15 m/s ;
  • — variations de pH pouvant atteindre pH = 2 ou pH = 9 lors d’incidents ;
  • — surdosage temporaire jusqu'à 50 ppm en orthophosphates.

Nota. — Dans certains cas particuliers, ces limites peuvent être repoussées (notamment en ce qui concerne les températures de paroi). La fourchette de dosage des orthophosphates est comprise entre 10 et 17 ppm, le pH étant régulé à 7. Ainsi, avec la majorité des eaux d'appoint, le taux de concentration de l'eau recyclée peut être élevé de façon très sensible.

DÉBIT DE PURGE m³/h

[Photo : Variation du débit des purges en fonction du taux de concentration (Figure 6).]

La figure 6 met en évidence l'importance de l'économie d'eau réalisée en augmentant le taux de concentration.

L'un des buts des programmes de traitement est d'atteindre un taux de concentration optimum de 4 à 5, taux à partir duquel les économies d'eau sont très sensibles (exemple : en passant de C = 1,5 à C = 5, le gain en purges est de 35 m³/h) et au-delà duquel cet avantage s'atténue (exemple : en passant de 5 à 7 : 1,7 m³/h).

[Photo : Encrassement par entartrage des surfaces métalliques aboutissant à une dégradation de la qualité de l'échange thermique.]

INFLUENCE SUR LES DÉVELOPPEMENTS MICROBIOLOGIQUES

Les éléments minéraux indispensables à la vie bactérienne sont le carbone, l’azote et le phosphore. Les développements microbiologiques seront limités par l’élément en plus faible concentration.

Un surdosage des autres éléments n’apportera, a priori, aucun accroissement de la pollution.

Nombre relatif d’atomes nécessaires

Carbone Azote Phosphore
Algues 106 16 1
Bactéries 40 10 1

Dans les conditions normales d’utilisation des eaux de réfrigération, le carbone, et dans une moindre mesure, l’azote, seront les facteurs limitant la croissance des micro-organismes.

Il faut cependant noter que tous les micro-organismes n’utilisent pas les mêmes sources de carbone et d’azote.

Par exemple, les algues utilisent préférentiellement le carbone minéral, alors que les bactéries utilisent le carbone organique.

En ce qui concerne l’azote, toutes les formes (NH₃, NO₃ et parfois N₂) sont utilisées.

En résumé, une forte concentration en phosphates n’engendre pas un accroissement des problèmes microbiologiques. En outre, le pH régulé à 7 favorise l’efficacité de l’eau de Javel, agent biocide souvent indispensable (notamment en pétrochimie).

TOXICITÉ

Toxicité en milieu aquatique (à 48 heures)

  • Truite arc-en-ciel : 0 % de mortalité à 1 000 mg/l
  • Daphnies : 0 % de mortalité à 1 000 mg/l

Toxicité envers les animaux

  • Ingestion (test sur le rat) : DL₅₀ > 16 g/kg
  • Contact avec la peau (test sur le lapin) : DL₅₀ > 2 g/kg
  • Irritation des yeux : Non significative

Notre programme ne présente donc pas de problème de toxicité de rejet (absence totale de métaux lourds).

UTILISATIONS INDUSTRIELLES

Ce programme a très rapidement confirmé son efficacité sur un très grand nombre d’installations (20 circuits traités fin 1979, 200 fin 1980, actuellement plus de 500). Ainsi aujourd’hui, son comportement est connu dans une très large gamme d’applications différentes (technologie, caractéristiques des eaux). La plus grande utilisation possible des moyens de contrôle (coupons de corrosion, sondes électriques de corrosion, échangeur test, contrôleur automatique d’encrassement, ouvertures systématiques des équipements, etc.) a permis de recueillir un maximum d’expériences utiles dans la conduite de ce programme.

Ses avantages peuvent se résumer comme suit :

  • — excellente inhibition de la corrosion et maintien de la propreté des surfaces tout en présentant une plus grande tolérance vis-à-vis de la qualité des eaux utilisables ;
  • — aucune nécessité d’investissement pour le traitement des rejets des purges de concentration, le programme étant exempt de métaux lourds ;
  • — accroissement de la durée de vie des installations et réduction des arrêts de maintenance, d’où une meilleure efficacité des installations ;
  • — amélioration de la capacité d’échange et de la productivité par la réduction des opérations d’entretien ;
  • — contrôle simple et facile des paramètres de fonctionnement ;
  • — excellente tolérance des incidents de marche sans altération des résultats obtenus contre la corrosion et l’encrassement ;
  • — possibilité d’augmenter de façon importante le taux de concentration malgré des facteurs défavorables (dureté, matières en suspension, fuites de procédé).

CONCLUSION

Ce nouveau programme de traitement constitue une véritable nouveauté dans le domaine du conditionnement des circuits de refroidissement à recirculation. Il est conçu pour répondre à la demande croissante de solutions compatibles avec les normes de rejets, sans sacrifier la qualité des résultats. Il établit une protection de la métallurgie identique à celle obtenue avec des traitements classiques à base de chromates. De plus, celle-ci n’entraîne pas l’apparition des problèmes d’encrassement généralement inhérents à l’utilisation des formulations exemptes de chromates.

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