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Réhabilitation des conduites par chemisage thermodurcissable

30 mars 1982 Paru dans le N°63 à la page 57 ( mots)
Rédigé par : C. GUINVARC’H et M. MERY

Des procédés de réhabilitation par chemisage mis en œuvre en France depuis plus de deux ans ont été expérimentés et utilisés dans le monde depuis près de dix ans et sont en service dans de nombreux pays.

Ils permettent de gainer les canalisations de toute nature (grès, ciment, amiante-ciment, acier, fonte) de 100 mm à 2 500 mm ou des ouvrages en maçonnerie, briques, etc., de section ronde, ovoïde, carrée ou rectangulaire, dont l’état de vétusté ou d’étanchéité laisse à désirer.

Ces procédés, grâce à leur souplesse et à leur mode de mise en place, s’adaptent à toutes sortes de canalisations :

  • — réseaux de distribution d’eau potable ;
  • — réseaux d’assainissement urbains et ruraux ;
  • — réseaux de distribution de gaz ;
  • — gaines d’aération ;
  • — gaines de vide-ordures ;
  • — réseaux d’égouts industriels ;
  • — réseaux de distribution d’hydrocarbures et de conduite de déballastage.

Un procédé semble particulièrement intéressant car il permet la réhabilitation des canalisations avec de nombreux avantages :

Rapidité : en moyenne deux jours par tronçon gainé, pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de mètres ;

Sécurité : grâce à la continuité de la gaine, attestée par de nombreuses références (une centaine de tronçons existent déjà en France) ;

Pratique : en évitant les travaux de terrassement, donc les sujétions posées pour le maintien de la circulation automobile (en travaillant même en présence d’eau ou d’arrivées d’eau) ;

Efficacité :

  • — en assurant, par création d’un gainage continu, l’étanchéité de l’ouvrage,
  • — en renforçant la résistance mécanique de la conduite à rénover grâce à l’épaisseur des gainages (allant de 3 à 20 mm),
  • — en assurant la protection des parois contre la corrosion grâce à l’inertie chimique de ses composants choisis en fonction de la nature et de l’agression des effluents à véhiculer,
  • — en améliorant, par son état de surface particulièrement lisse, l’écoulement des fluides,
  • — en permettant un autocurage,
  • — en ne diminuant que très faiblement la section des canalisations.

Pour réaliser ces chemisages on utilise des gaines préfabriquées en usine, en feutres imprégnés de résines, inversées sur chantier sous pression d’air ou d’eau, puis éventuellement polymérisées à chaud.

FABRICATION DES GAINES

Les gaines sont préfabriquées en atelier à partir de feutres polyester épais contre-collés sur une pellicule de polyuréthane ou de PVC.

Ces feutres sont soudés de façon à réaliser un tube plat étanche et souple, dont la longueur correspond à celle de la canalisation à gainer, sans limite théorique.

L’épaisseur du revêtement est calculée en fonction des conditions particulières et de l’état de l’ouvrage à réparer : section, pression de service, dépression, présence d’entrée d’eau extérieure, etc.

Les épaisseurs courantes vont de 3 mm pour les petits diamètres, à 20 mm et plus pour les sections importantes.

La gaine est mise sous vide et imprégnée de résine de façon uniforme sur une machine spéciale puis pliée en laboratoire pour être stockée ensuite dans un camion frigorifique.

À ce stade, la mise en place de la gaine doit s’opérer dans un délai de quelques jours.

[Photo : L’émissaire de Dinard (Côtes-du-Nord) — À l’arrière-plan : la colonne d’inversion.]
[Photo : Schéma de principe de l'opération de gainage.]

MISE EN PLACE DE LA GAINE

Avant la mise en place du cheminage, des opérations préliminaires dans la canalisation ancienne doivent être réalisées en fonction de chaque cas :

  • — inspection télévisée,
  • — nettoyage hydrodynamique soigné,
  • — réalésage des branchements pénétrants à l'aide d'une fraise hydraulique,
  • — découpe des racines pénétrantes ou des chevelus (queues de renard),
  • — suppression d'éventuels obstacles ou remplacement d'éléments effondrés etc.

Une fois ces travaux éventuels exécutés, la gaine est introduite dans la canalisation à partir d'un regard de visite ou d'une ouverture opérée dans la conduite, par la méthode d'inversion (retournement de la gaine sur elle-même) grâce à une cheminée d'inversion dont la hauteur est définie en fonction du diamètre à traiter.

Le retournement de la gaine à l'intérieur du tronçon à réparer est obtenu grâce au poids de l'eau contenu dans la cheminée.

La pression dilate légèrement la gaine et la presse sur la paroi interne de la conduite dont elle épouse toutes les formes et irrégularités.

La gaine peut franchir sans difficultés des coudes allant jusqu'à 45° ou plus si les rayons de courbure sont importants.

Lors de cette opération, la résine en excès imprégnant les feutres est extrudée dans les joints et les fissures, renforçant ainsi la résistance de la conduite d'origine.

L'inversion terminée, la pellicule de polyuréthane ou de P.V.C. se trouve alors tournée vers l'intérieur de la conduite, le feutre imprégné de résine étant en contact avec la paroi de la canalisation ancienne.

[Photo : Extrémité d'une gaine en cours d'inversion.]

DURCISSEMENT DE LA GAINE

L'eau froide qui a servi à l'inversion est alors recyclée et chauffée afin de déclencher la polymérisation de la résine imprégnant les feutres, en fonction de sa nature.

Après polymérisation et durcissement de la gaine, l'eau est évacuée, les extrémités et les regards intermédiaires sont découpés et raccordés aux parois à l'aide de résines à prise rapide, injectées éventuellement en cas de présence d'eau provenant de la nappe phréatique.

Dans le cas de conduites sous pression, les tronçons sont raccordés entre eux à l'aide des techniques traditionnelles (joints, manchons, brides, etc.).

REOUVERTURE DE BRANCHEMENTS

La réouverture des branchements sur conduites non visitables est réalisée après polymérisation de la gaine grâce à un équipement spécial de fraisage télécommandé sous contrôle vidéo.

[Photo : Equipement de fraisage.]

PROPRIÉTÉS TECHNIQUES

Plusieurs séries d’essais ont permis de constater que la résistance mécanique des polyesters était supérieure à celle des matériaux traditionnels tels que ciment ou amiante-ciment et que leur résistance à l'abrasion est au minimum équivalente à celle du béton ; ils présentent de plus une bonne inertie aux variations de température.

Les tests réalisés selon les normes britanniques sur la résistance à la fatigue des gaines après polymérisation, à partir de vibrations (trafic urbain), de variations de pression (exploitation), de vitesses des effluents ont donné d'excellents résultats.

Après polymérisation, la gaine peut supporter notamment au droit des joints, des déviations angulaires de 5° sans fissuration, grâce à la bonne résistance à la flexion du matériau.

Les résines utilisées présentent une excellente résistance aux agents chimiques : acides, bases, hydrocarbures, solvants courants et eau de mer.

Des études particulières et des essais sont nécessaires dans des cas exceptionnels, par exemple :

  • — produits très corrosifs,
  • — température très élevée,
  • — pressions très importantes.

COÛT DES CHEMISAGES

Compte tenu de la technique utilisée, les surcoûts tels que surprofondeurs de terrassement, encombrements de surface (dépôts de matériel, matériaux, circulation automobile, ferroviaire, etc.), gêne par arrêt de production dans les usines, présence de nappe phréatique ou d'arrivées d'eau extérieures, présence de canalisation sous bâtiments ou ouvrages d'art ou à leur proximité rendant difficiles ou dangereux les travaux de terrassement, réfections de chaussées, etc., sont pratiquement éliminés.

Le coût du gainage est donc essentiellement fonction :

  • — du diamètre de la conduite,
  • — de l'épaisseur exigée,
  • — de la nature de la résine utilisée,
  • — du coût de la mise en œuvre qui nécessite des équipements spéciaux et une main-d'œuvre expérimentée.

Dans de nombreux cas, le bilan économique d'un chemisage est plus favorable que celui d'un remplacement. Les éléments inchiffrables des inconvénients causés aux usagers ou aux industriels par les techniques traditionnelles ne sont pas pris en compte dans ce bilan économique ; ces nuisances peuvent représenter, au plus, une part importante de coût à ajouter au coût des autres méthodes de réhabilitation par dépose des conduites et remplacement.

Le chemisage consiste donc non seulement à remettre rapidement en état une canalisation avec le minimum de désagréments pour les usagers, et un bilan financier souvent très favorable, mais aussi il lui confère de nouvelles caractéristiques :

  • — résistance mécanique accrue,
  • — bonne flexibilité,
  • — excellente tenue aux agents agressifs, fluides ou gaz,
  • — suppression des problèmes dus aux joints (infiltrations, exfiltrations, pénétration de racines), aux fissures longitudinales ou aux casses circulaires,
  • — amélioration de l'état de surface.

Ainsi, sous réserve d'une analyse préalable et d'un diagnostic soigné et sérieux, les réseaux de canalisations même très anciens ne sont pratiquement jamais hors d'usage.

Il est donc aujourd'hui possible avec un minimum de perturbation de l'exploitation et de l'environnement de rénover des conduites présentant des défauts d'étanchéité, d'état de surface ou de dégradations par corrosion.

Un exemple caractéristique de ce type de réalisation est celui d'un chantier de chemisage d'un émissaire en béton, fissuré et très dégradé, situé sur une des plages de la ville de Dinard (Côtes-du-Nord), recouvert par la mer à chaque marée.

Les travaux de réparation par les méthodes classiques étaient rendus difficiles, le temps d'intervention étant très limité en raison de l'amplitude des marées.

Plusieurs sections de l'égout ont été gainées en place au printemps 1981, chacune ayant une longueur unitaire d'environ 30 mètres, comportant des diamètres de 500 à 600 mm suivant le cas, avec un chemisage en polyester de 9 mm d'épaisseur.

Les gaines ont pu être inversées au cours des grandes marées d'équinoxe, pendant les trois heures qu'autorisait la basse mer, puis maintenues en pression, le chauffage permettant la polymérisation étant effectué pendant la même durée le lendemain.

La pression d'eau était obtenue à l'aide d'une colonne d'inversion en acier de 4 mètres de hauteur, immergée en totalité à marée haute, sous 12 mètres d'eau.

Grâce à ce travail, la pollution des sables de la plage due aux fuites de l'ancien égout a été complètement supprimée.

Il est prévu de réaliser en 1982 la suite de ces travaux sur d'autres tronçons.

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